
Internet et inégalités 2
Présentation
L’expression « fracture numérique » vient immédiatement à l’esprit dès que l’on aborde les
rapports entre le développement d’Internet, les inégalités sociales et les processus d’exclusion
ou d’inclusion dans la société. Comme le note « Le Monde Initiatives » d’octobre 2001,
l’appellation fracture numérique est le résultat d’un télescopage linguistique entre le terme
anglais digital divide, utilisé pour décrire les décalages socio-économiques et géopolitiques
dans la diffusion et l’usage des technologies numériques, et la fameuse « fracture sociale » qui
traverse le débat politique français depuis sept ans.
A la demande de Res-e-Net, réseau pour la promotion de l’usage des technologies de
l’information au service de l’économie sociale et solidaire, nous proposons un aperçu de l’état
des recherches et des débats relatifs aux inégalités face à Internet.
Dans la première partie de ce document de synthèse, nous montrerons que les écarts dans la
diffusion et les usages d’Internet ne correspondent pas à une fracture bien nette, mais plutôt à
une série de clivages qui se superposent. Certains sont de nature plus superficielle, ils peuvent
se lisser progressivement dans une société toujours en mouvement et sous l’érosion des
turbulences technologiques. D’autres sont plus profonds, ils creusent des fossés qui seront
difficiles à combler et sur lesquels il faudra jeter des ponts. L’enjeu de cette analyse des zones
de clivage est de comprendre comment certains écarts dans les usages d’Internet génèrent des
inégalités, tandis que d’autres ne font que refléter la diversité.
Les clivages apparents sont la manifestation d’une dynamique complexe de diffusion d’une
innovation et de ses usages. Dans la deuxième partie du document, nous proposons des clés
d’analyse pour comprendre les caractéristiques spécifiques de la diffusion d’Internet et de son
adoption progressive par ses utilisateurs professionnels et domestiques. Accès et usages
doivent être distingués. Alors que certaines inégalités d’accès à Internet peuvent présenter un
caractère transitoire, les inégalités dans les usages renvoient à des questions plus
fondamentales : le contenu de l’information et des services en ligne, les compétences requises
pour les maîtriser.
La troisième partie est consacrée à une présentation de trois interprétations différentes des
inégalités relatives à Internet. La première interprétation est celles des organisations
internationales garantes de l’ordre économique mondial : les inégalités sont dues au
fonctionnement imparfait des marchés, davantage de libéralisme économique conduira à une
meilleure diffusion d’Internet. La deuxième interprétation considère que la généralisation de
l’accès à Internet pour tous est indispensable, car il s’agit d’une question de démocratie
technologique, et qu’il existe un potentiel inexploité des TIC pour améliorer la cohésion et
l’inclusion sociales. Une troisième interprétation considère la fracture numérique comme le
miroir des inégalités sociales préexistantes, qui se transforment avec l’expansion des TIC et la
transition vers la société de l’information. Les deux dernières approches partagent un même
objectif de progrès social, mais elles diffèrent quant à l’appréciation des priorités politiques à
mettre en œuvre.
C’est précisément sur cette question des moyens de combattre les inégalités face à Internet
que se conclut notre étude exploratoire. Elle identifie trois défis majeurs : la liberté,
l’exclusion et l’éducation.