Gérard Genette figures de style

Telechargé par Isabelle Amaya
Gérard Genette
Figures III Discours du récit, essai de méthode.
Gérard Genette commence son traité de narratologie appliquée à l'œuvre de Marcel Proust par
quelques définitions. « Récit », tout d'abord, est considéré comme un mot ambigu. Il peut désigner (1)
une succession d’événements, réels ou fictifs, c'est l'histoire ou la diégèse; (2) l’énoncé de des
événements, c'est le récit; (3) l’acte de narrer, c'est la voix. L’objet de notre étude, la narratologie, sera
le texte narratif, le récit au sens (2) ou (3).
Le récit peut être (1) l’histoire, le signifié, le contenu narratif, (2) le signifiant, l’énoncé, le discours, le
texte narratif, (3) la narration, l’acte narratif avec la situation dans laquelle il prend place. Il existe une
interdépendance entre le récit, l’histoire et la voix.
Le récit présente les problèmes suivants :
Temps : le rapport entre temps de l’histoire et temps du discours : déformations temporelles, infidélités
chronologiques.
Aspect : manière dont l’histoire est perçue par le narrateur.
Mode : type de discours utilisé par le narrateur ; distance, showing/telling, représentation/narration,
mimésis/diégésis.
ORDRE
Temps du récit?
Une des fonctions du récit est de monnayer un temps dans un autre temps, de trouver la relation entre
le temps de l’histoire et le pseudo-temps du récit.
Ordre : correspondance entre l’ordre des événements de la diégèse et ceux du récit.
Durée: des événements par rapport à la durée de leur relation dans le récit (vitesse).
Fréquence: répétitions dans l'histoire et le récit.
Anachronies.
L'ordre temporel du récit confronte l'ordre des événements dans le discours narratif et l'ordre
des événements dans l'histoire (explicite ou à inférer). Si on décèle des différences, on parle
d'anachronie narrative. La question du degré zéro de l'anachronie, d'une parfaite coïncidence
temporelle entre récit et histoire, se pose. Ce degré zéro semble difficile à atteindre,
l'anachronie étant une des ressources traditionnelles de la narration littéraire. (ex: avenir
devenu présent et qui ne ressemble pas à l'idée qu'on s'en était fait dans le passé) Toute
anachronie constitue un récit temporellement second dans le récit premier.
L'anachronie peut être une prolepse: raconter ou évoquer d'avance un événement ultérieur, ou
une analepse: évocation après-coup d'un événement antérieur au point de l'histoire on se
trouve. Ces deux figures donnent la possibilité au récit de former des emboîtements narratifs
qui donnent l'illusion d'une ubiquité temporelle.
Portée, amplitude.
Portée: l'anachronie se porte plus ou moins loin du moment présent (c'est-à-dire le moment
l'histoire s'est interrompue pour faire place à l'anachronie) Si la portée dépasse le point de
départ le la narration, elle est externe, sinon elle est interne et peut donner lieu à des
interférences ou des problèmes de transition avec le récit premier.
Amplitude: durée de l'histoire plus ou moins longue que couvre l'anachronie.
Types d'analepses.
Analepse mixte: le point de portée est antérieur et le point d'amplitude postérieur au début du
récit premier.
Analepse interne ou externe: le champ temporel est compris (risque d'interférence) ou pas
dans le récit premier.
Analepse interne hétérodiégétique ou homodiégétique: analepse portant sur une histoire
différente du récit premier (ex: antécédents d'un nouveau personnage) ou sur le récit premier
Analepse complétive: qui vient combler après-coup une lacune antérieure au récit.
Paralipse: ellipse latérale. Le récit ne saute pas, comme dans l'ellipse, par-dessus un moment,
il passe à côté d'une donnée. La paralipse se prête au comblement rétrospectif.
Ellipse itérative: portant sur plusieurs fractions du temps semblables et répétitives.
Analepse répétitive: rappels, le récit revient explicitement sur ses traces. Ces analepses
peuvent modifier après-coup la signification des événements passés, signification différée ou
suspendue, c'est la mécanique de l'énigme. Ex. chez Proust: la dialectique subtile entre le récit
innocent et sa vérification rétrospective fait l'importance des analepses.
Analepse partielle: rétrospection qui s'achève en ellipse, sans rejoindre le récit premier, qui
donne une information isolée nécessaire à la compréhension du récit.
Analepse complète: rétrospection qui vient se raccorder au récit premier, qui récupère la
totalité de l'antécédent narratif. L'analepse complète pose la difficulté de jonction entre le récit
analeptique et le récit premier.
Prolepses.
Le début in medias res (ou même in ultimas res) donne une illusion de prolepse. Le récit à la
première personne et ses faits de voix se prête bien à la prolepse.
Prolepse interne: comme pour l'analepse interne, il y a un problème de possible interférence
avec le récit premier.
Prolepses complétives: elles viennent combler par avance une lacune ultérieure, compensent
par avance de futures ellipses ou paralipses.
Prolepses répétitives: elles doublent un segment narratif à venir, constituent un effet
d'annonce important dans le tressage du récit car elles créent une attente dans l'esprit du
lecteur, une amorce qui peut être un germe insignifiant et imperceptible, dont la valeur est
reconnue plus tard selon la compétence du lecteur.
Les prolepses itératives nous renvoient à la question de la fréquence narrative, ex. raconter
une première fois pour aider à envisager toute la série d'occurrences qu'elle inaugure.
Prolepse généralisante: concept de primultimité (chaque première fois est aussi une dernière)
Vers l'achronie.
Achronie: structure ambigüe, événement sans date et sans âge montrant la capacité
d'autonomie temporelle du récit;
Syllepse temporelle: groupements anachroniques commandés par une parenté autre que
temporelle, spatiale ou thématique par exemple.
DUREE
Anisochronies.
Le degré zéro de la durée serait la scène de dialogue, qui donnerait une espèce (espèce, car
pas d'égalité rigoureuse) d'égalité temporelle entre le segment narratif et le segment fictif. Si
un récit peut se passer d'anachronies, il ne peut se passer d'anisochronies, d'effets de rythme.
On peut établir une gradation dans les vitesses narratives de la vitesse infinie de l'ellipse à la
pause descriptive. Si TH: temps d'histoire et TR: temps du récit, la gradation est la suivante:
Pause: TR=n, TH=0. Donc TR infiniment >TH
Scène: TR=TH
Sommaire: TR<TH
Ellipse: TR=0, TH=n. Donc TR infiniment <TH
Sommaire.
C'est la narration, en quelques pages ou paragraphes, de plusieurs journées, mois ou années,
sans détail d'action ou de paroles. Le sommaire a une relation fonctionnelle avec l'analepse,
par exemple quand on présence un nouveau personnage par un sommaire de ses antécédents.
C'est aussi la transition ordinaire, dans le roman classique, entre deux scènes.
Pause.
C'est une description, un arrêt contemplatif ou une ekphrasis extra-temporelle. Chez Proust,
ce n'est pas un arrêt de l'action, mais plutôt le récit et l'analyse de l'activité de perception du
personnage contemplant, et à ce titre n'est pas une pause mais un récit comme un autre, alors
que chez Balzac, le narrateur abandonne le cours de l'histoire et se charge de décrire un
spectacle que personne ne regarde.
Ellipse.
Une ellipse peut être déterminée, quand on en connait la longueur, ou indéterminée, dans le
cas contraire.
Ellipse explicite: indication, déterminée ou non, du laps de temps qu'elle élide (type: "Deux
ans, quelque temps plus tard")
Ellipse qualifiée: type "Après quelques années de bonheur."
Ellipse implicite: dont la présence n'est pas signalée dans le texte.
Ellipse hypothétique: impossible à localiser, et même parfois à placer avec certitude, elle peut
être révélée après-coup par une analepse.
Scène.
L'alternance de sommaires non dramatiques à fonction d'attente et de liaison, et de scènes
dramatiques dont le rôle dans l'action est décisif, constitue le canon romanesque par
excellence.
FREQUENCE
Singulatif/Itératif.
La fréquence narrative est la relation de fréquence, de répétitions, entre récit et diégèse, ce
que les grammairiens nomment l'aspect. La répétition est une construction de l'esprit, qui
élimine de chaque occurrence tout ce qui lui appartient en propre pour n'en conserver que ce
qu'elle partage avec toutes les autres de la même classe. Les événements similaires ne sont
considérés que dans leur seule ressemblance.
Récit singulatif ou singulier, scène singulative ou singulière: raconter une fois ce qui s'est
passé une fois (1R/1H) ou raconter n fois ce qui s'est passé n fois (nR/nH) car les répétitions
du récit répondent aux répétitions de l'histoire.
Récit répétitif: raconter n fois ce qui s'est passé une fois (nR/1H) Il peut y avoir des variantes
stylistiques ou des variations de point de vue, comme dans un roman épistolaire par exemple.
C'est aussi le récit rituel de l'enfance (et au-delà).
Récit itératif (ou fréquentatif pour les grammairiens) : raconter (en) une seule fois ce qui s'est
passé n fois (1R/nH) Une seule émission narrative assume ensemble plusieurs occurrences du
même événement.
Il peut y avoir des passages itératifs dans des scènes singulières. L'itération est une ouverture
sur une durée extérieure à la scène (itération généralisante ou itération externe)
Si l'itération s'exerce sur la durée de la scène elle-même, on parle d'itération interne ou
synthétisante.
Pseudo-itératif: c'est une caractéristique de Proust, qui représente une scène comme itérative,
notamment par l'usage de l'imparfait, alors que la richesse et la précision des détails font
qu'aucun lecteur ne peut croire sérieusement qu'elles se sont produites ainsi plusieurs fois sans
variation. Cela fait partie de la licence narrative.
Détermination, spécification, extension.
Le récit itératif est la narration synthétique des événements d'une série itérative composée d'un
certain nombre d'unités singulières. Une série a (1) des limites diachroniques, c'est la
détermination, (2) un rythme, c'est la spécification, (3) une amplitude diachronique
(=longueur) des unités constitutives, c'est l'extension.
termination: l'indication des limites diachroniques d'une série peut rester implicite,
indéfinie, ou définie par date ou référence à un événement singulier. Une détermination
interne indique des phases, des modulations, une évolution, à l'intérieur d'une série.
Spécification: elle peut être indéfinie (adverbes de fréquence, parfois, souvent…), définie de
manière absolue (tous les jours, tous les dimanches), définie de manière relative et irrégulière
(quand il fait beau), définie de manière complexe (plusieurs lois de récurrence se superposent)
Une spécification interne indique une récurrence subdivisée: on obtient deux variantes en
relation d'alternance.
Extension: l'extension peut être ponctuelle quand la durée est trop faible pour un
développement narratif, ou assez longue pour faire l'objet d'un récit développé.
Le singulatif peut être au service de l'itératif, dans la forme pseudo-itérative, quand
l'événement singulier est une illustration et une confirmation d'une série itérative, quand
l'événement singulier est une exception à la règle que l'on vient d'établir.
Diachronie interne et diachronie externe.
Il peut y avoir une progression temporelle dans le récit itératif, quand des modifications sont
apportées au déroulement du récit par le temps écoulé. C'est la loi même de l'itératif que de
penser deux (ou plusieurs) moments à la fois, les identifier et les confondre.
Alternance, transitions.
Certains points sont tangents, sans relation temporelle assignable entre itératif et singulier,
neutres, aspectuellement indéterminés pour que le lecteur ne s'aperçoive pas du changement
d'aspect.
Excursus discursif au présent (statut extra-narratif)
Dialogue abruptif: sans verbe déclaratif, donc sans aspect. Abruption: figure par laquelle on
ôte les transitions d'usage dans un dialogue afin d'en rendre l'exposition plus animée et
intéressante.
Imparfaits à la valeur aspectuelle indéterminée.
1 / 12 100%

Gérard Genette figures de style

Telechargé par Isabelle Amaya
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !