L'essentiel de l'essor urbain est toutefois dû aux artisans. La construction de grandes églises et cathédrales
attire ainsi de nombreux bâtisseurs dans les villes. Les nouveaux métiers à tisser qui se répandent à partir du
XIe siècle entraînent une concentration de cette activité qui ne peut plus être pratiquée dans le cadre
domestique, comme avant. On trouve aussi des bouchers, des boulangers, des cordonniers ou des orfèvres.
II/Cultures et sociétés urbaines :
Des groupes sociaux très différents :
Au Moyen Âge, le groupe est une notion extrêmement importante car il peut protéger l'individu. Il est donc
important de s'organiser, en particulier par métiers, pour faire respecter ses droits et imposer des règles afin de
limiter la concurrence : ainsi naissent les guildes et les corporations, associations professionnelles par type de
métier. Les membres prêtent un serment, s'engagent à respecter certains tarifs et à prêter assistance aux autres
membres. Des banquets viennent renforcer cette solidarité. Elles font aussi pression pour obtenir des avantages.
Les guildes et corporations les plus importantes font construire des bâtiments qui leur servent de quartier
général. Les premiers noms de rue sont d'ailleurs souvent des noms de métier (rue des Tanneurs, rue de la
Boucherie,...). Grâce à ces associations, les marchands et artisans peuvent affirmer leurs droits face aux
hommes d'Église et face aux seigneurs et surtout chevaliers, qui habitent plus souvent en ville qu'on ne le croit
souvent.
Enfin, s'ils ne forment pas une catégorie professionnelle, les Juifs représentent un groupe spécifique dans les
villes du Moyen Âge. Ils sont surtout présents dans les villes du Sud, mais on en trouve aussi plus au Nord,
dans des quartiers (« juiveries ») .
La ville, lieu de la mobilité sociale :
Se côtoient donc en ville des hommes d'horizons très divers et de statuts sociaux très divers, mais,
contrairement à la campagne, où le paysan n'a a priori pas de chance de progresser socialement, les hiérarchies
sont moins fermées en ville. Cette situation est d'autant plus marquée que, lorsqu'ils fondent des bourgs ou
villes, les seigneurs accordent des conditions intéressantes à ceux qui viennent s'y installer. « L'air de la ville
rend libre », dit un proverbe du temps. La ville est considérée comme un lieu d'espoir, mais aussi un lieu de
perdition, en particulier par l'Église : à partir du XIIIe siècle, des nouveaux ordres religieux, les ordres
mendiants (« franciscains » ou « dominicains ») se spécialisent dans la prédication urbaine. Ils s'adressent aux
différentes catégories de métiers, signe que l'Église apprivoise progressivement cette réalité nouvelle.
L'affirmation d'une identité urbaine :
Ces développements donnent naissance à une réelle identité urbaine. Chaque ville a son histoire, ses fêtes, ses
traditions : l'identité urbaine est profondément religieuse. Ce sentiment d'appartenance à une même
communauté conduit les habitants des villes, surtout les bourgeois, à demander plus de pouvoir et une plus
grande autonomie pour cette ville, des privilèges qui sont inscrits dans une « franchise », document émis par le
seigneur. Cela apparait en premier en Italie, où la tradition urbaine est bien plus forte qu'ailleurs, et en Flandres,
où le comte crée des villes et les dote d'institutions civiques car il en tire des revenus importants. La forme la
plus aboutie de cette évolution est l'apparition d'une « commune » dans la ville. La commune a le droit d'élire
ses magistrats, de faire respecter son propre droit et d'avoir les attributs d'une institution autonome : des
armoiries, un sceau. Elle construit également des bâtiments qui symbolise sa puissance, comme un beffroi,
mais aussi des institutions de charité ou encore des ponts. Si certains acceptent sans trop de difficulté de
transformer des villes en communes, dans d'autres cas le rapport de force va jusqu'à l'affrontement.
II/ mise au point scientifique :
« Dans l’histoire longue des villes, ces siècles sont aussi importants que ceux de la révolution industrielle
des 19e et 20e siècle et son explosion urbaine. » (Simone Roux.)
Spécificité de la période : le temps du renouveau urbain en Occident. Il intervient après une phase de repli au
Haut Moyen Age (qui fait suite elle-même à un « âge d’or antique », lié à la romanisation, dont l’urbanisation
était le corollaire). Ce repli est manifeste, même s’il doit être nuancé : il a été plus faible dans les espaces
fortement romanisés (sud de la France, Italie) et la présence de l’évêque a permis une permanence du fait urbain
dans toute l’Europe christianisée. Ce repli a coïncidé avec la mise en place de la société féodo-seigneuriale.