Épanchement péricardique
Dans les hypothyroïdies profondes, une échographie cardia-
que est nécessaire pour confirmer l’épanchement péricardique.
Celui-ci, considéré comme très fréquent dans les publications
anciennes (plus d’un tiers des cas), n’a pas été confirmé dans
des rapports plus récents puisqu’il n’est retrouvé que dans 3
à 6 % des cas.
[23]
Il est habituellement bien toléré (la tam-
ponnade est exceptionnelle) en raison de sa constitution
progressive. Son importance est corrélée avec la sévérité de
l’hypothyroïdie. Sous opothérapie substitutive, il régresse
habituellement sans séquelle en2à15mois. Sa pathogénie,
multifactorielle, résulte à la fois d’une rétention hydrosodée,
d’une extravasation de l’albumine par augmentation de la
perméabilité capillaire et d’un ralentissement du drainage
lymphatique.
Hypertension artérielle
Contestée par certains auteurs, une prévalence accrue de
l’HTA, entre 15 et 28 %, est retrouvée dans la majorité des
études.
[24]
L’HTA, à prédominance diastolique, est plus fré-
quente chez les femmes de plus de 50 ans. Sous opothérapie
substitutive, elle régresse dans 30 % des cas. Dans la constitu-
tion de cette HTA, la diminution de l’activité rénine-
angiotensine, retrouvée de façon inconstante, semble jouer un
rôle mineur. Il en est de même du facteur atrial natriurétique
dont la synthèse est altérée dans l’hypothyroïdie. En revanche,
l’augmentation des résistances vasculaires périphériques joue un
rôle essentiel.
Myocardiopathie et insuffisance cardiaque
L’hypothyroïdie est rarement responsable, en tant que cause
unique de myocardiopathie. Aucun critère ne la distingue des
autres causes de myocardiopathie en dehors de sa réversibilité
sous traitement substitutif. Exceptionnellement, elle peut se
compliquer d’une insuffisance cardiaque qui résulte d’une
augmentation des besoins périphériques non compensés par
une adaptation du débit cardiaque altéré par différents méca-
nismes, bradycardie, diminution de la contractilité myocardique
notamment. Reconnaître l’origine thyroïdienne de cette insuf-
fisance cardiaque est essentiel car le traitement substitutif est
capable d’améliorer, dans un délai souvent très court, les
performances myocardiques.
Troubles du rythme et de la conduction
À l’inverse de l’hyperthyroïdie, les troubles de la conduction
sont plus fréquents dans l’hypothyroïdie que les troubles du
rythme. Il a été observé un allongement de l’espace PR et un
bloc de branche droit, mais exceptionnellement un bloc
sinoauriculaire, des torsades de pointe, une tachycardie ou
fibrillation auriculaire.
Insuffisance coronarienne
Les études cliniques et autopsiques ont montré la plus grande
fréquence de l’athérome coronarien par rapport à une popula-
tion d’âge comparable et qui contraste avec la rareté de l’angine
de poitrine et de l’infarctus du myocarde au cours de l’hypo-
thyroïdie non compensée. Lorsqu’il survient, l’infarctus est plus
sévère. Deux facteurs de risque majeurs contribuent au dévelop-
pement de l’athérosclérose : l’HTA et l’hypercholestérolémie, en
particulier sa fraction LDL. Les difficultés de la mise en œuvre
du traitement substitutif sont connues de longue date. Les effets
chronotropes et inotropes des hormones thyroïdiennes, en
augmentant la consommation en oxygène du myocarde, peu-
vent accélérer l’ischémie chez des patients avec obstruction
vasculaire. Sous réserve de précautions élémentaires, devenues
bien classiques (doses initiales faibles, 25 µg/j de L-thyroxine,
augmentation posologique de 12,5 à 25 µg toutes les 4 à
6 semaines), le traitement hormonal est plus souvent favorable
que nocif sur la coronaropathie. Dans plus de 80 % des cas
d’hypothyroïdie compliquée d’angor, il en résulte une amélio-
ration. En cas d’aggravation de l’ischémie myocardique, les
doses de L-thyroxine doivent être réduites, en association avec
l’administration de bêtabloquants.
Conséquences cardiaques de l’hypothyroïdie
infraclinique
[21]
Une meilleure sensibilité du dosage de la TSH a permis de
définir l’hypothyroïdie infraclinique, entité caractérisée par une
augmentation isolée de la TSH au-dessus de la zone de norma-
lité (4,5 ou 5 mUI/l selon les laboratoires). Cette situation,
devenue très fréquente en raison de la banalisation du dosage
de la TSH, n’est pas anodine sur le plan cardiovasculaire.
Des études récentes ont confirmé que le développement de
l’athérosclérose peut être accéléré par l’hypothyroïdie. Une large
étude épidémiologique, la Rotterdam Study, a montré qu’il
existait une corrélation entre les taux de TSH, les signes ECG
évoquant un infarctus du myocarde et des stigmates radiologi-
ques d’athérosclérose aortique.
[25]
Cette étude retrouve un
risque d’infarctus du myocarde similaire à celui observé au cours
du diabète, de l’HTA, de l’hypercholestérolémie ou du taba-
gisme. De plus, une étude angiographique canadienne a
démontré que les sténoses coronariennes progressaient plus
rapidement chez les patients hypothyroïdiens insuffisamment
traités que chez ceux bénéficiant d’un traitement adapté.
[26]
La
conclusion de méta-analyses récentes est que l’hypercholestéro-
lémie est présente en cas d’hypothyroïdie infraclinique. Une
association entre hypothyroïdie infraclinique et hyperhomocys-
téinémie, facteur de risque cardiovasculaire, a également été
établie. Récemment, il a été montré qu’au cours de l’hypothy-
roïdie infraclinique il existait un dysfonctionnement ventricu-
laire gauche de repos secondaire à une augmentation du temps
de relaxation isovolumétrique et un dysfonctionnement systo-
lique à l’effort responsable d’une adaptation inadéquate à
l’effort physique.
[27]
En revanche, l’atteinte de la fonction
systolique ventriculaire gauche reste sujette à controverse. En
conclusion, il semble que l’hypothyroïdie infraclinique doit être
considérée comme une forme d’hypothyroïdie débutante
associée à des signes de dysfonctionnement cardiaque.
■Références
[1] Dillmann WH. Biochemical basis of thyroid hormone action in the
heart. Am J Med 1990;88:626-30.
[2] Gloss B, Trost S, Bluhm W, Swanson E, Clark R, Winkfein R, et al.
Cardiac ion channel expression and contractile function in mice with
deletion of thyroid hormone receptor aor b.Endocrinology 2001;142:
544-50.
[3] Wikstrom L, Johansson C, Salto C, Barlow C, Campos Barros A,
Baas F, et al. Abnormal heart rate and body temperature in mice lacking
thyroid hormone receptor alpha 1. EMBO J 1998;17:455-61.
[4] Brent GA. The molecular basis of thyroid hormone action. N Engl
J Med 1994;331:847-53.
[5] Dillmann WH. Cellular action of thyroid hormone on the heart. Thyroid
2002;12:447-52.
[6] Segal J. Acute effect of thyroid hormone on the heart: an extranuclear
increase in sugar uptake. J Mol Cell Cardiol 1989;21:323-34.
[7] Klein I, Ojamaa K. Thyroid hormones and the cardiovascular system. N
Engl J Med 2001;344:501-9.
[8] Bilezikian JP, Loeb JN. The influence of hyperthyroidism and
hypothyroidism on aand ß-adrenergic receptor systems and adrenergic
responsiveness. Endocr Rev 1983;414:378-87.
[9] Hammond HK, White FC, Buxton IL, Saltzstein P, Brunton LL,
Longhurst JC. Increased myocardial ß- receptors and adrenergic
responses in hyperthyroid pigs. Am J Physiol 1987;252:H283-H290.
[10] Klein M, Weryha G, Kaminsky P, Duc M, Leclere J. Anomalies
hématologiques des hyperthyroïdies. Ann Med Interne (Paris) 1993;
144:127-35.
[11] Ojamaa K, Balkman C, Klein IL. Acute effect of triiodothyronine on
arterial smooth muscle cells. Ann Thorac Surg 1993;56(suppl1):
S61-S67.
Troubles cardiovasculaires d’origine thyroïdienne
¶
11-048-A-10
5Cardiologie
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 05/11/2019 par SCD LILLE 2 (13266). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.