Revue d'histoire des sciences A propos de l'archéologie industrielle M Jacques Payen Citer ce document / Cite this document : Payen Jacques. A propos de l'archéologie industrielle. In: Revue d'histoire des sciences, tome 35, n°2, 1982. pp. 158-162; doi : https://doi.org/10.3406/rhs.1982.1822 https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1982_num_35_2_1822 Fichier pdf généré le 08/04/2018 A propos de l'archéologie industrielle* L'archéologie industrielle est née en Angleterre il y a une vingtaine d'années ; elle a pris dans ce pays l'ampleur d'un véritable mouvement populaire. Son objectif est avant tout le recensement des témoignages matériels (présents ou connus par des documents) des deux ou trois derniers siècles d'activité productrice : sites de hauts fourneaux, forges, manufactures, usines, chevalement de mines, ponts, équipements de canaux sont autant de monuments dotés souvent d'un puissant pouvoir évocateur et représentatifs d'une part trop mal connue de l'histoire nationale. L'archéologie industrielle élargit la notion de patrimoine culturel, elle y introduit de nouveaux objets de curiosité et de contemplation non moins du reste que de recherche. Ces objets nouveaux commencent à s'insérer dans la trame des monuments historiques traditionnels et l'archéologie industrielle cherche également, si c'est encore possible, à en assurer la sauvegarde et la réhabilitation. Cette nouvelle discipline historique a pris maintenant un bon départ en France, le fait est avéré. Peut-être certaines personnes s'attardent-elles encore à chercher des définitions ou à édifier des théories. Mais fort heureusement le nombre de plus en plus élevé de gens qui pratiquent l'archéologie industrielle n'ont jamais eu à se poser d'aussi délicates questions. Le mouvement n'a démarré dans notre pays qu'avec une certaine lenteur. La belle exposition organisée par Vincent Grenier au Pavillon de Marsan dans le cadre du cci « Usine, travail et architecture » remonte * Les bâtiments à usage industriel aux XVIIIe et XIXe siècles en France (par Claudine Fontanon, Gérard Jigaudon, Dominique Larroque, Madeleine Maillebouis, sous la direction de Maurice Daumas), Paris, cdht, 1978, 24 x 15 cm, 436 p. 188 phot, 48 pi. — L'archéologie industrielle en France (Bulletin de liaison de la section d'archéologie industrielle du cdht). Publication sans périodicité régulière ; diffusion non commerciale. 7 numéros publiés de mars 1976 à décembre 1980. — Colloque d'archéologie industrielle, in Comptes rendus du CFVe Congrès national des Sociétés savantes, Bordeaux, 1919. Section des Sciences, fasc. V, Paris, 1979, 15,5 x 24 cm, 216 p. — Histoire des sciences et des techniques. Colloque d'archéologie industrielle, in Comptes rendus du CVe Congrès national des Sociétés savantes, Caen, 1980, Section des Sciences, fasc V, Paris, 1980, 15,5 x 24 cm, 328 p. — Maurice Daumas, L'archéologie industrielle en France, Paris, Robert Laffont, 1980, 16 x 25 cm, 464 p., nombr. phot. (Coll. « Les hommes et l'histoire »). — « L'archéologie industrielle ». Dossier établi par Jacques Payen. Textes et Documents pour la classe, n° 263, 28 mai 1981, p. 3-8 et 25-32, phot, couleurs (Centre national de Documentation pédagogique, Promotion et Diffusion, 29, rue d'Ulm, 75320 Paris Cedex 05). Rev. Hist. Set., 1982, xxxv/2 A propos de V archéologie industrielle 159 déjà à 1973. Malheureusement le cci n'a pas cru devoir profiter de l'occasion pour mettre en place un organisme stable consacré à l'archéologie industrielle, chose qui aurait pu se concevoir. Un peu plus tard, en janvier 1975, le Centre de Documentation d'Histoire des Techniques obtenait une aide financière du Comité de la Recherche et du Développement en Architecture (corda), dépendant de la Direction de l'architecture (Secrétariat d'Etat à la Culture), pour une recherche dirigée par Maurice Damnas sur « l'évolution de l'architecture en France depuis les manufactures royales à l'époque de Colbert jusqu'aux usines du début de la seconde révolution industrielle ». L'aboutissement en fut la publication du rapport de 1978. Mais aucune enquête systématique n'ayant alors été effectuée en France dans ce domaine, sa phase essentielle consista dans la réunion d'informations sur les bâtiments industriels pendant la période définie et dans la constitution d'un fichier de documents descriptifs. De là le déclenchement d'une sorte de réaction en chaîne : l'enquête fut lancée sous forme d'une diffusion de formules imprimées ; ses résultats ayant été très positifs, un réseau de correspondants se trouva ipso facto constitué. Dès le début de 1976, l'idée d'un bulletin de liaison avait pris corps et en mars de cette année le premier numéro de L'archéologie industrielle en France fut diffusé. Simple fascicule réalisé « avec les moyens du bord », ce bulletin est aujourd'hui à son numéro 7. Nous espérons que la publication pourra continuer sous une forme si possible élargie et régularisée. Le rapport de 1978, pour en revenir à lui, est donc une publication de fin de recherche, basée sur l'essentiel de la documentation recueillie au cours de l'enquête. Une demi-douzaine d'aspects caractéristiques du sujet y sont dégagés : I : La pérennité des structures fonctionnelles (les forges, les autres établissements traditionnels, les logements ouvriers aux hautes époques, les grands établissements industriels du xcc siècle, architecture de transition dans la métallurgie, bâtiments des autres types d'activité). — II : L'influence régionale. — III : L'emploi du métal dans les bâtiments à usage industriels. — - IV : L'autonomie d'architecture d'éléments d'ensembles industriels (fours à chaux et haut fourneaux, cheminées d'usine). — V : Typologie d'ensembles particuliers (chevalements et équipements au jour des houillères, manufactures de soie, des moulins de marée aux moulins industriels). — IV : Le monumental et l'ornemental dans l'architecture industrielle. Il est évident qu'un semblable rapport ne pouvait faire un usage exhaustif des dossiers documentaires constitués lors de l'enquête. On a seulement fait état des cas les plus typiques pour étayer d'exemples la structure provisoire ainsi dégagée. Mais, et c'est cela le fait important, le cadre de classement mis en place à cette occasion est conservé de façon définitive par le cdht et ce cadre est ouvert : c'est-à-dire qu'il ne 160 Jacques Pay en cesse de s'enrichir de nouveaux renseignements. Il ne s'agit pas de chercher à constituer un fichier exhaustif, ce qui est probablement impossible à l'échelon national. Mais le fonds documentaire du cdht constitue un canevas de départ pour les spécialistes menant une enquête régionale de caractère approfondi et c'est en ce sens qu'il est le plus fréquemment consulté. Au moment même où paraissait le rapport de 1978, plusieurs groupes et collectivités qui avaient été amenés par des voies différentes à l'archéologie industrielle se rapprochèrent et prirent une décision expresse de collaboration. Ainsi se constitua un groupe initial comprenant le Centre de Recherches historiques de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (ehess), le Centre de Documentation d'Histoire des Techniques (cnam-ehss), l'Association pour l'Histoire matérielle de la Civilisation industrielle, l'Ecomusée de la communauté urbaine Le Creusot-Montceau-lesMines et l'Institut de l'entreprise. Le groupe prit pour dénomination le sigle силе, contraction de : Comité d'information et de liaison pour l'étude du patrimoine et de l'archéologie industrielle. Un peu plus tard le спас s'est constitué en une association déclarée dont le président actuel est M. Yves Malecot, ancien directeur de la Caisse nationale des Monuments historiques. Son siège social est 48, rue Saint-Lambert, 75015 Paris (tél. : 532-24-94 ; 533-72-60). C'est au ciLAC qu'a été confiée au niveau national l'organisation de icciH 81, quatrième conférence internationale pour l'étude et la mise en valeur du patrimoine industriel qui a eu lieu dans notre pays du 14 au 20 septembre 1981. L'intérêt pour l'archéologie industrielle s'est également manifesté au sein de la Commission d'histoire des sciences et des techniques du Comité des Travaux historiques et scientifiques (eras). En ce sens trois colloques d'archéologie industrielle ont eu lieu dans le cadre des ciV, cv" et evr Congrès nationaux des Sociétés savantes, à Bordeaux en 1979, à Caen en 1980 et à Perpignan en 1981. Les actes des deux premiers de ces colloques ont déjà été publiés et renferment les communications suivantes : COLLOQUE DE BORDEAUX (1979). Ph. Bruneau et P.-Y. Balut, La place de l'archéologie industrielle dans l'archéologie du monde moderne. La recherche en archéologie industrielle : P.-C. Guiollard, Les sièges d'extraction des mines de Carmaux (Tarn). — P. Daniou, Quelques aspects de l'ancien artisanat de la céramique dans les Landes du sud de la Charente. — A. Joubert, Fours à chaux et tuileries en Anjou. — J. Cubelier de Beynac, Installations industrielles métallurgiques des vallées du A propos de V archéologie industrielle 161 Vimont, du Manaurie, de la Beune et du ruisseau du Bugue. — J. Pinard, Les bâtiments industriels de l'ancien Arsenal de Rochefort. La sauvegarde, la rénovation et la réutilisation des sites anciens : R. Colas, Les forges royales de La Chaussade à Guérigny (Nièvre). — G. Beigbeder, Le bilan d'une décennie de préservation de chemins de fer secondaires. — Ph. Damay, Sur la réutilisation des forges et fourneaux du Châtillonnais et leur sauvegarde. — D. Hays, L'atelier de produits résineux Jacques et Louis Vidal à Luxey (Landes). — J.-P. Beney, Les forges de Savignac-Lédrier (Dordogne). — A. Joubert, Le patrimoine industriel dans le parc naturel régional de Brotonne. — H. Masurel et P. Bourty, L'écluse à ascenseur des Fontinettes (Arques, Pas-de-Calais). Le contenu scientifique de l'archéologie industrielle et ses liens avec l'histoire économique et sociale : J.-F. Belhoste et J.-M. Chaplain, Les manufactures textiles à Louviers de 1680 à 1830 : architectures traditionnelles et Révolution industrielle. — S. Chassagne, La création du grand bâtiment de la manufacture d'Oberkampf à Jouy en 1792. — J.-P. Poisson, Archéologie industrielle et actes notariés. — M. Steiner, Découverte d'une industrie sidérurgique de type archaïque à Lajoux (Suisse, canton du Jura). — Ph. Duboy, La création d'un paysage productif en Bretagne au xix" siècle. — J.-C. Garcias et J.-J. Treuttel, Elargissement du patrimoine industriel. Evolution du concept de monument historique. — J.-C. Garcias et J.-J. Treuttel, Quelle conservation pour les édifices ferroviaires de la fin du xix* siècle? COLLOQUE DE CAEN (1980). Histoire des techniques : L.-C. Courtois, Etude des techniques anciennes et recherches sur l'altération des céramiques. — M. Marchai-Jacob et P. Priest, Contribution à l'étude de la composition des mortiers du Moyen Age par activation neutronique. — P. Gourdin, Un précurseur oublié de la chimie des ciments, Denis Bernard Quatremère d'Isjonval (1754-1830). — J. Michel et A. Samba, Archives et fonds ancien de l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées. Une source documentaire à découvrir. — A. Fage, Histoire et évolution de la photographie. — A. Poupée, Moulins à blé à roue horizontale. Localisation en France en 1809. — J. Payen, Aspects de la mécanisation de l'industrie en France au milieu du xix" siècle. La recherche en archéologie industrielle : M. Damnas, L'archéologie industrielle dans le courant de recherches sur le patrimoine industriel. — M. Aubrun, Présentation d'une exposition sur les industries disparues du pays chauvinois. — H. Letouzey et B. Edeine, L'ancienne filature de laine de Tinchebray (Orne). — J. Pinard, L'ancienne fonderie royale de Ruelle (Charente) et ses transformations. Des projets aux réalisations des xviir et xix* siècles. BHS 6 162 Jacques Pay en Sauvegarde et rénovation : L. Bergeron, Propositions d'entente et d'action. — Mme M.-T. Bonnenfant, Les forges à roue hydraulique et à martinet de Montgaillard (Ariège) et la fabrication d'outillage pour, la viticulture en Roussillon. — D. Woronoff, Archéologie industrielle et histoire industrielle. — G. Chouquer, La photographie aérienne, auxiliaire de l'archéologie industrielle. — J. Levivier, Les fours à chaux du SudCoutançais. Contribution à un inventaire d'archéologie industrielle. Il semble actuellement toutefois plus que douteux que les colloques nationaux d'archéologie industrielle puissent se poursuivre sous cette forme, et cela en raison même du succès qu'ils ont jusqu'à présent rencontré. Les diverses publications énumérées ci-dessus n'ont pu en raison même de leur forme ou de leur caractère connaître qu'une diffusion relativement confidentielle. En Angleterre, au contraire, on peut voir sur les rayons de toute librairie plusieurs ouvrages communément répandus sur l'archéologie industrielle, tant au niveau national qu'au niveau régional. En France, ce sont les Editions Robert Laffont qui ont pris le risque de sauter le pas en consacrant au sujet un volume de leur collection « L'homme et l'histoire ». C'est ainsi que le premier véritable livre français sur l'archéologie industrielle a pu être publié par Maurice Daumas en 1980. Il est presque superflu d'indiquer qu'on y trouvera dans une présentation à la fois plus synthétique et plus étendue les résultats des expériences menées depuis 1975. Il ne nous semble pas utile d'insister davantage sur le contenu de ce grand travail, dans la mesure même où la volonté de son auteur a été celle de créer enfin dans notre pays un instrument d'approche accessible à tous. On serait tenté de dire, si ce n'était trop de familiarité sans doute : « En vente dans toutes les bonnes librairies », et de conseiller à chacun de ceux qui sentiraient s'éveiller en eux un intérêt pour la question d'aller tout simplement y regarder de plus près. Le modeste fascicule que nous avons nous-même donné au cndp pour le n° 263 de sa revue Textes et Documents pour la classe aura quant à lui l'avantage d'introduire le sujet en quelques « flashes » significatifs et — nous en remercions ici l'éditeur — agréablement présentés, mais avec cet agrément en quelque sorte intelligent qui est au fond un aspect pédagogique réussi. Nous en parlons, du reste, d'autant plus librement que notre contribution s'est bornée à la simple rédaction du texte. Faut-il le dire, cette petite pierre apportée à l'édifice qui est, espérons-le, en train de se construire en France doit beaucoup, sinon tout, aux recherches menées si longtemps sous la direction de Maurice Daumas. Jacques Payen.