
LE PARISIEN
MARDI 20 NOVEMBRE 2018
04
POLITIQUE @le_Parisien
Lesraisons
de la crise
des vocations
(selon les élus municipaux
interrogés par la délégation aux
collectivités territoriales du Sénat)
LP/INFOGRAPHIE, C. TÊCHE.
SOURCE : ENQUÊTE DU SÉNAT.
Conciliation
dicile avec la vie
professionnelle
Degré d’exigence
des citoyens
Risque juridique
et pénal trop fort
Lourdeur des
responsabilités
Conciliation dicile
avec la vie personnelle
Diculté de formation
et de reconversion
Manque de
reconnaissance
Indemnités trop faibles
Difficultés financières,
manque de considération…
Quelle que soit leur couleur
politique, les maires
de France, dont le congrès
s’ouvre aujourd’hui à Paris,
clament leur désarroi.
Dans la formation, la protection socia-
le ou juridique… La question de l’in-
demnisation des maires est aussi un
vrai sujet. Il faut trouver une manière
de reconnaître leur engagement.
Dans les petites communes, où leur
mission est proche du bénévolat,
n’ayons pas de tabou : trouvons le
moyen de réévaluer leurs indemnités
sans que cela ne ponctionne trop le
budget des communes.
Entendez-vous, dans ce que disent
les maires, un peu de ce que disent
les Gilets jaunes ?
Oui, et c’est naturel. Les Gilets jaunes
sont l’expression dans les territoires
d’une sédimentation de défis qui
se sont accumulés : la présence médi-
cale, la transformation des services
publics, les transitions écologiques
et agricoles… Et les maires, « fantas-
sins de la République » au quotidien,
se retrouvent parfois à portée « d’en-
gueulade ». Gouvernement et collec-
tivités ne peuvent qu’avancer main
dans la main. Il n’est de réussite
que collective.
PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER BEAUMONT
riches et communes pauvres. Résul-
tat : avant, la dotation diminuait aveu-
glément pour toutes les communes
de France, cette année, elle a augmen-
té pour 53 % des communes et baissé
pour 47 % ; mais le plus souvent, ce
sont des baisses assez limitées.
Comment comptez-vous garantir
la compensation liée à suppression
progressive de la taxe d’habitation ?
Durant les trois premières années,
l’Etat prend la place du contribuable.
Ensuite, avec la réforme de la fiscalité
locale, qui va s’ouvrir au printemps,
nous allons réfléchir à des pistes pour
compenser cette suppression. Et en
discuter avec les associations de col-
lectivités concernées. Une possibilité
pour les communes pourrait consis-
ter à leur donner la totalité des recettes
liées à la collecte de l’impôt sur le fon-
cier bâti partagée aujourd’hui avec les
départements.
Plusieurs études montrent
que la moitié des maires ne veulent
pas se représenter en 2020. Comment
répondre à cette crise des vocations ?
Nous allons mieux les accompagner.
qui exprime moins d’envie de dialo-
guer avec le gouvernement et semble
dans une posture plus politique.
Accusez-vous François Baroin, son
président, de ne pas jouer le jeu ?
Je constate que certains dirigeants de
cette association refusent la main que
nous leur tendons pour avancer sur
les sujets que nous avons en partage.
Je n’ai cessé d’avoir des réunions de
travail avec toutes les autres associa-
tions d’élus locaux. Et je suis à la dis-
position de l’AMF pour travailler ainsi.
Les maires se plaignent de voir
leurs dotations baisser. Qu’en est-il ?
La réalité, c’est que l’enveloppe natio-
nale est stable. Après, elle est répartie
chaque année sur les communes
avec des critères bien établis : l’évolu-
tion de la population, le nombre d’en-
fants dans les écoles… Il faut y ajouter
l’effet de la solidarité entre communes
ALORS QUE
les relations entre exécu-
tif et élus locaux sont plus que ten-
dues, la ministre de la Cohésion des
territoires reproche à l’Association
des maires de France (AMF) d’être
dans « une posture politique ».
Contrairement à l’engagement pris
l’an passé, Emmanuel Macron ne
se rendra pas au congrès des maires
de France. Pour éviter une bronca ?
JACQUELINE GOURAULT.
Non. Le prési-
dent de la République n’est pas du
genre à se défausser. Il s’était engagé à
rendre compte de ses engagements
chaque année devant les maires, il ho-
nore sa parole en leur ayant adressé
une lettre personnelle et en les rece-
vant à l’Elysée mercredi soir. Emma-
nuel Macron les rencontre par ailleurs
en permanence sur le terrain.
Les maires se sentent malgré tout
maltraités par le pouvoir…
Il y a peut-être eu des maladresses
liées à un manque de pédagogie de
notre part. Mais je distingue la relation
avec les maires que je vois sur le ter-
rain et avec qui les rapports sont bons
et très constructifs, et celle avec l’AMF,
« Avançons main dans la main ! »
LP/DELPHINE GOLDSZTEJN
Jacqueline Gourault
MINISTRE DE LA COHÉSION
DES TERRITOIRES ET DES
RELATIONS AVEC LES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ILS EN ONT
RAS L’ÉCHARPE
PAR
JANNICK ALIMI ET NICOLAS BERROD
DÉSILLUSIONS,
découragement,
démissions… Le malaise des
maires va croissant. Et leur con-
grès, qui s’ouvre aujourd’hui à
Paris, devrait servir de caisse de
résonance à cette colère. Sifflé
l’an passé par le même cénacle,
déjà présidé par François Ba-
roin, maire les Républicains de
Troyes (Aube) et à la tête de l’As-
sociation des maires de France
(AMF), le chef de l’Etat a décidé
ne pas s’y rendre cette année. Il a
envoyé aux 36 000 premiers
édiles de France une lettre et re-
cevra une délégation de maires
demain à l’Elysée. Charge à
Edouard Philippe, présent jeudi,
de renouer le dialogue avec les
élus des territoires, irrités par
des années de baisse continue
de concours de l’Etat.
Depuis un an et demi, la ten-
sion entre les maires et l’exécutif
est à son comble. Diminution
des emplois aidés, baisse des
dotations pour les communes
qui ne s’engagent pas dans une
politique de ralentissement des
dépenses… La défiance a tourné
au bras de fer le mois dernier,
lorsque quelque 6 000 maires
ont décidé de relever leur taxe
d’habitation alors que sa sup-
pression progressive avait été
décidée par le gouvernement.
« On n’a plus aucun moyen de
travailler et l’Etat, qui devrait
nous aider, joue dans le camp
adverse et nous met des bâtons
dans les roues », peste Philippe
Rion. L’ancien maire — divers
droite — de Castillon, un village
de 400 habitants des Alpes-
Maritimes, a démissionné en fé-
vrier. Car c’est dans les petites
communes que le désarroi est le
plus fort, comme le montrent
plusieurs récentes études.
UNE FONCTION DÉVALORISÉE
Les témoignages sont conver-
gents et alarmants : un maire sur
deux ne compte pas se repré-
senter en 2020. Et la proportion
monte à 55 ou à 60 % pour les
co m mu n es d e m o i n s d e
1 000 habitants. « C’est inquié-
tant car cela traduit une vraie
désillusion, une vraie fatigue et
un sentiment que la fonction
d’élu est dévalorisée », s’alarme
le sénateur socialiste des Lan-
des Eric Kerrouche, auteur d’un
essai publié aujourd’hui par la
Fondation Jean Jaurès. Pour
aboutir à ce constat, il s’est ap-
puyé sur un questionnaire mis
en ligne par le Sénat, auquel
17 500 maires ont répondu.
Manque de considération,
difficulté de concilier mandat de
maire et vie personnelle ou pro-
fessionnelle… « Aujourd’hui, les
seuls qui peuvent vraiment être
maires sont les retraités. Les ac-
tifs ne sont pas en situation
d’être élus, il faut que ce mandat
devienne un véritable morceau
du parcours professionnel », es-
time Kerrouche. Lui plaide, no-
tamment, pour une augmenta-
tion de la rémunération des
maires, laquelle reste inférieure
à 1 350 € dans les villes de
moins de 1 000 habitants.
A un an et demi des élections
municipales et en plein mouve-
ment des Gilets jaunes, la césure
est plus que jamais sensible en-
tre le monde politique et les ci-
toyens. « Le président de la Ré-
publique avouait n’avoir pas
réussi à réconcilier le peuple
français avec ses dirigeants,
souligne Jean-François Vigier,
maire UDI de Bures-sur-Yvette
(Essonne). Il a raison, mais le
malaise est beaucoup plus an-
cien et il touche désormais l’un
des piliers de la démocratie
française : les maires. » A bon
entendeur…
@JannickAlimi1
@nicolasberrod
« DANS LES PETITES
COMMUNES, […] TROUVONS
LE MOYEN DE RÉÉVALUER
LES INDEMNITÉS
DES MAIRES »
“AUJOURD’HUI,
LES SEULS QUI PEUVENT
VRAIMENT ÊTRE MAIRES
SONT LES RETRAITÉS ”
ÉRIC KERROUCHE,
SÉNATEUR PS DES LANDES
milibris_before_rename