Introduction : Depuis la nuit des temps, ou disant mieux, depuis la descente d’Adam et Ève du paradis. L’Homme a toujours cherché à protéger son corps par des habits, d’abord à cause du caractère obscène de sa nudité qui blesse la décence et choque la pudeur ; chose qui était bien précisée dans notre texte sacré, puisque dans la sourate Al Araf au vingt-deuxième verset Dieu dit : « Alors il les fit tomber par tromperie. Puis, lorsqu'ils eurent goûté de l'arbre, leurs nudités leur devinrent visibles; et ils commencèrent tous deux à y attacher des feuilles du Paradis. Et leur Seigneur les appela : “Ne vous avais-Je pas interdit cet arbre ? Et ne vous avais-Je pas dit que le Diable était pour vous un ennemi déclaré ? ” » F.T.C Mais il y a aussi le côté qui concernés l’usage et l’utilité des habits pour tout être humain, toujours dans la même sourate d’Al Araf, verset 26 Dieu poursuit : « Ô enfants d'Adam ! Nous avons fait descendre sur vous un vêtement pour cacher vos nudités, ainsi que des parures. - Mais le vêtement de la piété voilà qui est meilleur. - C'est un des signes (de la puissance) d'Allah. Afin qu'ils se rappellent. » F.T.C Alors cela est devenu une nécessité au sein de toutes les sociétés, un symbole de civilisation et une contrainte pour tous les peuples de la terre. Et parce que ces derniers sont à l’origine de leurs civilisations et que chacun d’entre eux vivaient et continuent de vivre dans des conditions différentes, avec des climats qui varient entre l’extrême froid et la fournaise brûlante. La confection des habits et des vêtements différait d’une région à autre, d’un peuple à l’autre et d’une civilisation à autre et par conséquence d’une culture à l’autre. Tout cela mène à conclure que les habits, ou l’aspect vestimentaire en général était et sera toujours en relation étroite avec le vécu et la culture accumulée par des individus et des groupes, durant leurs expériences de vie et par la pratique de leurs coutumes de chaque jour. « L’habit fait-il le moine ? » Il ne le fait peut-être pas, mais le fait reconnaître. Chez Le Clézio les vêtements ne sont pas un détail insignifiant, au contraire ils sont un signe distinctif puisqu’on peut les assimiler à celui qui les porte. Ils sont donc porteurs de sens, selon les cultures et les périodes de l'histoire, ils peuvent être considérés comme marqueur social, signe de reconnaissance ou d’exclusion. Ils peuvent en dire long sur une personnalité individuelle, sur un groupe ou une société mais ils sont aussi capables de dissimuler une identité, et la faire passer inaperçue. Quelles sont donc les fonctions du vêtement dans le roman étudié ? Nous étudierons ici la symbolique du vêtement dans « désert », mais aussi l’aspect temporel de ce dernier. L’habit signe d’appartenance à une culture Au début de l’histoire de Nour, l’auteur se précipite de nous introduire des personnages seulement à travers leur aspect vestimentaire : « En tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par le voile bleu. » Ça ne laisse aucun doute nous sommes en présence des Touaregs un peuple du Sahara dont l’habit bleu indigo traduit un marqueur d’affiliation ; un signe d’unité ou d’égalité dont l’uniformité suggère l’abolition des différences sociales La tradition de ce peuple nomade veut que ce bleu se convertisse en blanc pour ponctuer une marque de respect et d’estime, et c’est ainsi que nous réalisons que Cheikh Ma El Aïnine jouit d’un rang élevé au sein de sa tribu. « Après un long moment, il osa relever le visage, et il vit le manteau blanc du cheikh. » Ainsi Le langage vestimentaire devient une manifestation visible d’une certaine organisation sociale. L’habit signe d’appartenance sociale Le vêtement étant porteur d’une valeur symbolique particulièrement forte, Le Clèzio en usera pour nous rapprocher d’une façon très imagée de la situation de précarité dans ses deux récits. De ce fait, la robe de Lalla récupéré de la garde-robe de son cousin, prouve la misère ou vit sa famille. « Lalla est penchée en avant contre le vent. Sa robe (en fait, c’est une chemise de garçon en calicot dont sa tante a coupé les manches) colle à son ventre et à ses cuisses comme si elle sortait de l’eau ». La description des voyageurs du bateau qui a conduit Lalla à Marseille, matérialise leur besoin de fuir la misère. « L'eau froide ruisselle sur les cheveux frisés des enfants, fait des gouttes au bout de leur nez. Ils sont habillés comme des pauvres, avec des chemisettes légères, des pantalons de toile bleue, ou des jupes grises, quelquefois avec une grande robe traditionnelle en bure. Ils sont pieds nus dans des chaussures de cuir noir trop grandes. Les hommes adultes ont de vieilles vestes fatiguées, des pantalons trop courts, et des bonnets de ski en laine. » Signe de statut social, le vêtement évolue avec ce statut, lorsque l’organisation sociale est bouleversée, le vêtement en devient l’expression la plus visible. Cela se fait remarquer surtout dans l’histoire de Nour où les hommes bleus vont voir leur vêtement se détériorer parallèlement à leur statut, d’homme libre du désert ils deviendront fugitifs. « Arrivait un groupe d'hommes du désert, des guerriers de Chinguetti. Leurs grands manteaux bleus ciel étaient en lambeaux. » L’habit signe d’appartenance à un âge C’est le changement d’habit qui signera le passage de Radiez à l’âge adulte : « A l'angle d'une rue, près de l'escalier qui conduit à la gare. Radiez le mendiant est debout devant elle. Son visage est fatigué et anxieux, et Lalla a du mal à le reconnaître, parce que le jeune garçon est devenu semblable à un homme. Il porte des habits que Lalla ne connaît pas, un complet veston marron qui flotte sur son corps osseux, et de grandes chaussures de cuir noir qui doivent blesser ses pieds nus. » L’habit reflet d’un état psychologique le port d’une tenue particulière peut signifier le refus de s’assimiler, la volonté de se distinguer, ainsi quand Lalla a voulu changer son aspect il n’ a pas choisi une tenue usuel pour une jeune femme, ce qui peut être considéré comme une manifestation du refus d’assimilation, par contre elle n’a pas pu se séparer du manteau marron offert par Aamma ce qui atteste d’un attachement psychologique à sa terre natale, de part la couleur marron de la terre et la provenance du manteau qui est la tante qui l’a accueilli étant jeune. « Elle choisit un tee-shirt, une salopette de travail en denim bleu, puis des sandales de tennis et des chaussettes rouges. Elle laisse derrière, dans le salon d'essayage, sa vieille robe-tablier grise et ses sandales de caoutchouc, mais elle garde le manteau marron parce qu’elle l'aime bien. Maintenant, elle marche plus légèrement, en rebondissant sur ses semelles élastiques, une main dans la poche de sa salopette. » Ce même attachement, on le sentira chez Cheikh ma el ainine qui ne quittera pas son manteau jusqu’à ce qu’il décède. « Alors Nour, debout près de la porte, regarde une dernière fois la silhouette fragile du grand cheikh, couché dans son manteau blanc, si léger qu'il semble flotter au-dessus de la terre. »