4 IGAS, RAPPORT N°RM2011-061P
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En France, les inégalités sociales de santé ne constituent pas un objet de politique publique à
part entière. Pour reprendre l’analyse de M. Elbaum4, l’état de la question se situe entre le stade de
la prise de conscience (étape 1) et celui de la perception comme enjeu de politique publique (étape
2), en-deçà de la construction d’une politique globale et coordonnée (étape 3). Cet état de fait se
traduit de plusieurs façons :
- les inégalités de santé ne sont que partiellement prises en compte comme un objectif
de santé publique. Lorsque c’est le cas (la loi de santé publique du 9 août 2004 fait des
inégalités de santé un de ses principes transversaux et y consacre deux objectifs), les
inégalités de santé restent le plus souvent abordées sous l’angle de l’accès aux soins ou de
la prise en charge des personnes vulnérables. Par ailleurs, la mise en œuvre des objectifs de
réduction des inégalités de santé, lorsqu’ils existent, se heurte aux difficultés d’élaboration
des politiques interministérielles ;
- au sein même des politiques de santé, des dispositifs, comme certaines campagnes
nationales de prévention, peuvent avoir pour effet d’accroître le gradient social, du
fait de leur meilleure appropriation par les populations les plus favorisées ;
- des outils comme les évaluations d’impact sur la santé se développent, mais leur bilan
est mitigé : les évaluations d’impact institutionnelles semblent n’avoir qu’un effet limité
sur la prise en compte des inégalités de santé dans les politiques publiques5.
Les évaluations d’impact locales, dont les effets sont mis en avant par la littérature
internationale, demeurent peu développées ;
- des initiatives locales d’action sur les déterminants sociaux de la santé existent, mais
elles sont insuffisamment connues. En outre, elles se concentrent souvent sur la prise en
compte de la santé dans d’autres politiques publiques, sans attention spécifique portée aux
inégalités sociales de santé.
Pour préparer une stratégie de réduction des inégalités sociales de santé, plusieurs actions
préalables doivent être conduites :
- mener un travail d’argumentaire, de conviction et de formation qui permette à chaque
acteur de mesurer comment les enjeux de santé viennent s’intégrer dans ses compétences et
son champ d’action, et comment une réduction des inégalités sociales de santé permettrait
de rendre plus efficace sa propre intervention ;
- se doter d’un petit nombre d’objectifs chiffrés qui permettent de suivre l’action engagée
et de faire porter l’effort à la fois sur le moyen et le long terme ;
- poser des principes d’action qui s’inspirent des expériences mises en œuvre à
l’étranger : la fourniture de « services en cascade », sur le modèle de l’universalisme
proportionné, l’intervention précoce ou encore la participation des bénéficiaires à la
construction et à l’évaluation des actions en font partie ;
- mieux connaître les inégalités sociales de santé et les mécanismes qui les
« produisent ». Le développement de la recherche sur les déterminants sociaux de la santé,
et une meilleure articulation entre la recherche et l’action publique, doivent y contribuer ;
- disposer de modalités d’évaluation qui permettent de mesurer si les actions mises en
œuvre ont effectivement un impact sur les inégalités sociales de santé. Or l’évaluation
de ces dispositifs (qu’il s’agisse des stratégies générales, des programmes spécifiques ou
des actions concrètes) demeure faible, y compris dans les pays les plus avancés en la
matière, et rend d’autant plus complexe le plaidoyer en faveur de ces interventions ;
- disposer d’un ou plusieurs centres de ressources qui permettent aux acteurs de disposer
d’outils, de méthodes et d’un langage commun sur ce sujet.
4 M. Elbaum, Inégalités sociales de santé et santé publique : des recherches aux politiques, Revue d’épidémiologie et de
santé publique, 2007.
5 Cette question renvoie notamment au fait qu’il est possible d’avoir un objectif de prise en compte de la santé dans toutes
les politiques publiques sans pour autant le relier à la réduction des inégalités sociales de santé.