nécessité d’une punition pour satisfaire à la justice et faire en sorte que la situation
redevienne équitable.
– Le personnage semble toutefois s’enferrer dans une argumentation sans queue ni tête :
la répétition des « mais », souligne la juxtaposition sans
lien d’arguments opposés qui ne sont pas réconciliables / l’exclamation « Mais
quoi ! » insiste sur la situation délicate et sans issue dans laquelle se trouve l’héroïne.
– Les termes repris par la Médée « avocate de la défense » soulignent l’absurdité du projet
de s’en prendre à ses enfants, avec le lexique de l’innocence : « ils sont innocents ». On
peut toutefois remarquer que la proportion des passages où Médée prend la défense de ses
enfants, par rapport à ceux où elle projette leur mort, est moindre, et sont toujours
entourés et contrebalancés par des arguments contraires. Ce rôle, qui a dès le début une
moindre, semble ainsi annoncer la fin.
– L’héroïne, qui est à la fois victime et avocate de sa propre cause, assure également le rôle
de juge, qui est contradictoire avec ses deux rôles précédents : termes à la première
personne fréquemment associés à l’idée de décision finale et de châtiment, « immolons »,
« suppléons », « n’en délibérons plus », « allons à son trépas… » → les impératifs à la 1ère
personne montrent que la décision induite par les impératifs est entièrement le fait de
Médée ; la métonymie « mon bras en résoudra » associe aussi la personne de Médée avec
« mon bras » et l’idée de sentence définitive avec « résoudra ».
3) … entièrement soumise à la vengeance et non à la justice :
– Enfin, Médée revêt également l’habit du bourreau, de celui qui inflige la sentence :
lexique des actes violents associés à Médée (donc à la première personne dans le texte)
« arracher », « immolons », « je vais l’en priver », « ce triste ouvrage » → tous ces termes,
malgré la diversité des catégories grammaticales auxquelles ils appartiennent, insistent sur
l’idée d’un acte violent et sanguinaire. La proposition « mon bras en résoudra » connote
aussi une certaine violence → le bras, par métonymie, sert de symbole pour le meurtre, le
moment de l’infanticide.
– En raison de ces différents rôles tenus par une Médée qui endosse différents habits, il
ne s’agit donc pas ici de justice, mais de vengeance, raison fondamentale pour
laquelle l’argumentation n’a plus lieu d’être, et apparaît au contraire contradictoire. On
retrouve d’ailleurs le champ lexical de la vengeance, qui vient compléter et en même
temps s’opposer à celui de la justice : « vengeance », « venger » (v.1332), « qu’il souffre »,
« redouble son tourment », « projets » (euphémisme), « l’en vais priver » → termes qui
dénotent ou connotent (pour « projets ») la volonté de Médée de s’en prendre à Jason de la
même façon qu’il l’a fait souffrir. La souffrance apparaît comme un besoin, une nécessité,
et pas seulement la justice.
– L’idée de réciprocité (« œil pour œil, dent pour dent ») est donc importante dans ce
passage. Médée cherche une symétrie parfaite entre ses actes et ceux que Jason a commis
contre elle : « il me prive de vous, et je vais l’en priver » → le chiasme et le jeu sur
la répétition du verbe insistent sur la réciprocité parfaite des actions que Médée projette
afin d’obtenir une vengeance qu’elle estime satisfaisante.