Sécheresse des muqueuses et maladie de Gougerot-Sjögren en médecine interne au Maroc

cheresse des muqueuses et
maladie de Gougerot-Sjögren en
decine interne au Maroc
Entre une atteinte fréquente et une maladie à multiples facettes au
carrefour de l’auto-immunité
Dr Khadija Moussayer Spécialiste en médecine interne et en gériatrie 30/01/2019
Cahier de l’auto-immunité de l’association marocaine des maladies auto-immunes
et systémiques (AMMAIS)
La sécheresse des muqueuses, principalement buccales et oculaires, appelée syndrome sec,
est un motif très fréquent de plaintes. Parmi les causes multiples du syndrome sec figurent
l’atrophie des glandes exocrines liée à l’âge, certaines conditions de travail et l’utilisation de
certains médicaments. Le Gougerot-Sjögren, une pathologie auto-immune est une de ses
causes les plus emblématiques. Toutes les maladies auto-immunes peuvent d’ailleurs
s’accompagner d’un syndrome de Gougerot-Sjögren faisant de ce dernier un véritable
carrefour au sein de l’auto-immunité. Ainsi, il est présent dans 30% des cas de polyarthrite
rhumatoïde et peut s’associer classiquement au lupus systémique, à la polymyosite ou à la
sclérodermie. Ailleurs, il est susceptible accompagner d’autres maladies auto-immunes
spécifiques d’organes comme les thyroïdites.Des solutions efficaces existent pour supprimer,
réduire ou rendre supportable selon les cas le syndrome sec. Le Gougerot-Sjögren, lui, n’est
pas curable actuellement mais on peut le maîtriser.
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cheresse des
muqueuses et
maladie de
Gougerot-
Sjögren en
decine
interne au
Maroc
Entre une atteinte fréquente et une
maladie à multiples facettes au
carrefour de l’auto-immunité
SOMMAIRE
LE SYNDROME SEC : DES MANIFESTATIONS DIVERSES
ET DES CAUSES VARIEES
LE SYNDROME DE GOUGEROT - SJÖGREN (SGS): UNE
PATHOLOGIE PRIMAIRE OU SECONDAIRE
LE DIAGNOSTIC DELICAT DU SGS
LES RISQUES POTENTIELLEMENT GRAVES DU SGS
LES SOLUTIONS THERAPEUTIQUES DU SYNDROME SEC
ET DU SGS : DES ACQUIS MAIS ENCORE BEAUCOUP A
ESPERER
ANNEXES
LES GLANDES SALIVAIRES
LES GLANDES LACRYMALES
PRUDENCE DEVANT LES ECRANS
LA CYTOKINE BAFF UN ACTEUR CLE DU SGS
L’EPIGENETIQUE : UNE NOUVELLE APPROCHE POUR
CERNER LA PATHOGENIE AUTO-IMMUNE
HISTORIQUE DU GOUGEROT- SJÖGREN
LES MALADIES AUTO-IMMUNES : UNE AUTO-
DESTRUCTION DE LORGANISME
ABSTRACT
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ARTICLES MEDICAUX DE L’AUTEUR SUR LES MALADIES
AUTO-IMMUNES
NB : Cette étude se veut, pour tous les
problèmes de cheresse, une revue de
synthèse assez complète des causes, du
diagnostic, de la prise en charge médicale ainsi
que des conseils qu’on peut donner aux
malades. Les termes médicaux sont souvent
explicités pour être compris de tous, au-delà
des professionnels de santé, et on peut aussi
« passer par-dessus » les éléments les plus
compliqués pour aller à l’essentiel.
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La sécheresse des muqueuses est un mal trop
souvent négligé alors que ses conséquences peuvent
être graves : la sècheresse oculaire a des effets
dévastateurs au niveau des yeux, tandis que la
sècheresse salivaire a des répercussions
catastrophiques au niveau buccal,
provoquant rapidement une détérioration des
dents, des lésions douloureuses, des troubles de
l'élocution, de la déglutition ...
Cette sécheresse dénommée
médicalement « syndrome sec » (SS),
principalement buccale et oculaire mais pas
seulement, est pourtant un motif de plaintes
fréquent qui concerne notamment un quart des
personnes de plus de 60 ans en France comme au
Maroc.
Elle a de très nombreuses causes. Notre
environnement y joue un rôle important du fait que
nous sommes souvent confrontés à un air ambiant
trop sec, notamment dans les espaces climatisés ou
surchauffés. Le travail prolongé devant un écran
d’ordinateur, les vents forts, les courants d’air, le
port de lentilles de contact… donnent des
sécheresses oculaires. Une sécheresse buccale peut
être déclenchée par une respiration par la bouche,
la consommation d’alcool, la fumée de cigarette…
Ce trouble peut également survenir lors de
changements hormonaux pendant la ménopause ou
la grossesse chez la femme. Par ailleurs, certains
médicaments provoquent ce phénomène.
De même, certaines pathologies en sont
responsables. Parmi ses origines, figure une de ses
maladies les plus emblématiques, le Gougerot
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Sjögren (SGS), véritable "syndrome carrefour" au
sein des maladies auto-immunes.
Celui-ci touche entre 0,1 et 0,3 % de la population,
principalement des femmes et autour de la
cinquantaine (soit entre trente à cinquante mille
femmes au Maroc). Son diagnostic est parfois délicat
alors même que les tests utilisés pour la
confirmation d’abord du SS et ensuite du SGS
souffrent encore parfois d’un manque de
standardisation.
1/ Le syndrome sec : des
manifestations diverses et des causes
variées
Au-delà de ses signes les plus habituels, la
sécheresse oculo-salivaire, les autres manifestations
fonctionnelles du SS, très diverses, dépendent des
muqueuses atteintes : toux sèche persistante avec
hyperactivité bronchique (1), irritation nasale et
rhinite crouteuse, prurit vulvo-vaginal et
dyspareunie, érythème et prurit avec une peau
sèche (2).
1.1/ La sécheresse buccale ou xérostomie
Elle se traduit par une sensation de bouche sèche,
une soif accrue avec polyurie, des difficultés à la
mastication, une ingestion répétée de liquides lors
des repas, des problèmes dentaires ou des douleurs
de la bouche, ainsi qu’une fissuration de la bouche
ou des lèvres, avec un aspect dépapillé de la langue
et vernissé de la bouche (3,4). Dans les cas
extrêmes, les aliments adhèrent à la langue,
nécessitant la prise d’eau pour les décoller, ou la
langue en se collant au palais entrave l’élocution (5).
L’approche quantitative et qualitative de la
composante salivaire du SS est parfois
problématique : ainsi, dans les stades précoces du
syndrome de GougerotSjögren (SGS), la quantité
de salive est conservée mais sa qualité modifiée, ce
qui donne toutefois une sensation de sécheresse
difficile à objectiver. Les moyens utilisés à cet effet
ont leurs limites : l’interprétation de la scintigraphie
salivaire, d’utilisation non courante, est sujette à
certaines incertitudes (6) ; la sialographie
parotidienne (7) n’est contributive que dans les
formes très évoluées ; la mesure du débit salivaire
est difficile et n’est usitée que dans quelques centres
en Europe ; l’échographie et l’IRM salivaires
démontrent maintenant leurs performances en
comparaison avec les autres procédés. Leur
caractère non invasif et indolore est de plus
séduisant, de même que leur pouvoir d’évaluer la
fonction glandulaire (8).
1.2/ La sécheresse oculaire ou xérophtalmie
On peut mesurer son ampleur (9), quand on sait
qu’elle concerne 15 à 20 % des plus de 70 ans et
représente jusqu’à 30 % de motifs de consultation
en ophtalmologie.
Ses manifestations (10), liées à une altération
quantitative ou qualitative des larmes, sont très
variables (11) : sensation de corps étranger, de
brûlures, rougeur oculaire, sensibilité à la lumière
vive, trouble visuel intermittent ou même
larmoiement excessif paradoxal. Outre une
influence nuisible de l'air climatisé, du vent ou d’une
atmosphère sèche, ces signes vont s’accentuer au
cours de la journée et durant la lecture : ainsi, dans
le travail prolongé devant un écran
d'ordinateur, la cadence du clignement tombe à 3
à 4 fois par minute contre 15 en moyenne
normalement, ce qui fragilise davantage la qualité du
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film lacrymal de la personne atteinte. Dans certains
cas, on constate une difficulté à mouvoir les
paupières ou à ouvrir spontanément les yeux le
matin au réveil. Ce déficit en larmes expose même
à la survenue d’une kérato- conjonctivite lésant
la cornée ou pire de la complication cornéenne la
plus sévère, des ulcères cornéens susceptibles de se
perforer (12).
L’exploration repose essentiellement sur le test de
Schirmer, la référence jusqu’à présent (10). Une
bandelette de papier de 5 mm de large et 35 mm de
long, millimétrée, est placée dans le cul-de sac
conjonctival inférieur de chaque œil près de l’angle
externe . La longueur du papier humidifié par les
larmes est relevée après cinq minutes. En cas de
sécheresse oculaire importante, le patient ressent
une sensation de brûlure pendant l’examen. Le test
est dit positif si les larmes imbibent moins de 5
mm/5minutes de la bandelette, la sensibilité et la
spécifici variant entre 76-82 % et 68-90 %
respectivement selon la méthode utilisée.
L’instillation de colorants (fluorescéine et Vert de
Lissamine) est utile pour apprécier le
retentissement cornéen du syndrome sec et la
stabilité du film lacrymal (par la méthode du Break-
up time BUT).
1.3/ Les causes multiples du Syndrome Sec
On citera d’abord par ordre d’importance
l’atrophie des glandes du fait de l’âge puis les
médicaments : plus de 400 spécialités
pharmaceutiques sont concernées dont l’atropine,
la morphine, les antihistaminiques, certains
antidépresseurs et neuroleptiques, les
antiparkinsoniens, les diurétiques, les alpha et
bétabloquants, les inhibiteurs calciques, la toxine
botulinique de type A... Une modification ou un
rééquilibrage du traitement du traitement suffit
souvent pour réduire de façon supportable ou
résoudre cette gêne. Le SS trouve ensuite son
origine dans le tabac, la carence oestrogénique post
ménopausique, un diabète décompensé, les états de
stress ou de dépression ou encore dans des
situations attendues telles la radiothérapie cervico-
faciale et la réaction du greffon contre l’hôte.
Ailleurs, il sera témoin de la sarcoïdose (13), de
l’amylose, de l’infection par les virus de l’hépatite C
ou du SIDA… ou il révélera encore
l’hémochromatose et le scorbut.
Enfin, le SS se situera au ur du Syndrome de
GougerotSjögren SGS, de façon tellement
emblématique d’ailleurs qu’on fait souvent
improprement l’amalgame entre les deux.
2/ Les manifestations du syndrome
de Gougerot - Sjögren (SGS): une
pathologie primaire ou secondaire
Le SGS est une maladie auto-immune, individualisée
(14) il y a une soixantaine d’années, définie d’abord
comme une exocrinopathie (15) et actuellement
comme une épithélite (16), les cellules épithéliales
salivaires jouant probablement un rôle prééminent.
Il est considéré comme une des principales maladies
systémiques auto-immunes après notamment la
polyarthrite rhumatoïde en fréquence, La
prévalence du SGS varie considérablement, de 0,1 à
1 % selon la population examinée, les méthodes
diagnostiques et les critères de classification utilisés.
Il concerne neuf fois sur dix le sexe féminin,
soit vraisemblablement au moins entre
trente et cinquante mille femmes au Maroc
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par exemple. Il est néanmoins peu connu du
grand public et même parfois des professionnels de
santé, d’où un retard de diagnostic estimée à au
moins 8 années (17).
Le SS en constitue la principale spécificité,
notamment à l’infiltration des glandes lacrymales et
salivaires par des cellules inflammatoires.
L’hypertrophie récidivante très fréquente des
glandes parotidiennes (observée dans 50% des cas),
et dans une moindre mesure des glandes sous
maxillaires et lacrymales, est le repère direct du
processus. La maladie se manifestera également
par :
- une asthénie,
- des douleurs articulaires ou musculaires,
voire :
- une polyarthrite,
un phénomène de Raynaud dans 20% des cas (18),
ce qui correspond à un trouble de la
microcirculation des extrémités, notamment des
mains,
- et des manifestations pulmonaires sous la forme
couramment d’une trachéo-bronchite sèche (19, 20,
21).
Son mode de révélation est variable d’une
personne à l’autre, et parfois ce sont les
manifestations extra-glandulaires qui amènent au
diagnostic : il sera ainsi posé devant
- un purpura vasculaire (10 à 30% des cas),
- une neuropathie périphérique (8 à 30% des cas) de
présentation très protéiforme (22, 23) avec
notamment des atteintes du nerf trijumeau) ou
centrale (˂5% des cas)
- et, de façon plus controversée, des
polyadénopathies (24, 25) de petite taille,
- une splénomégalie (19% des cas),
- ou encore des signes respiratoires attachés à une
pneumopathie interstitielle ou une fibrose
pulmonaire.
Le SGS a cette particularité unique dans les
maladies auto-immunes d’être soit isolé, primaire,
soit associé à une autre maladie auto-immune
spécifique d’organe ou systémique et donc
secondaire à des pathologies (26) tels que
polyarthrite rhumatoïde dans 30 % des cas, lupus
érythémateux disséminé, connectivite mixte,
dermatomyosite, cirrhose biliaire primitive,
hépatite chronique active, thyropathies auto-
immunes, anémie de Biermer, anémie hémolytique
auto-immune, purpura thrombopénique auto-
immun… Le syndrome sec observé au cours de la
sclérodermie peut ne pas être au SGS mais à la
fibrose généralisée de la maladie. À souligner que
les SS associés au SGS primitif sont plus sévères que
les formes liées au SGS secondaire.
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