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Du béton écolo fabriqué sans ciment

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Du béton écolo fabriqué sans ciment
par Céline Deluzarche
FUTURA
Publié le 11/11/2018
La fabrication de ciment est extrêmement polluante. Il
serait pourtant possible de s'en passer totalement, en
recyclant des résidus issus de centrales à charbon ou
d'usines d'aluminium. Au final : ce serait un béton plus
écolo, plus durable et plus solide.
Le ciment Portland, le liant utilisé pour la fabrication du béton, est
le matériau de construction le plus utilisé au monde, avec plus de 4
milliards de tonnes produites chaque année. Issu généralement
d'un mélange de calcaire et d'argile cuit à très haute température
(clinker), sa fabrication est très polluante : pour chaque mètre cube
de ciment produit, une tonne d'équivalents carbone est relâchée
dans l'atmosphère. On estime ainsi que 7 %
des émissions mondiales de CO2sont dues à la fabrication de
ciment.
Une recette sans chauffage, prête à l’emploi
Des chercheurs de l'université de technologie de Kaunas, la KTU,
en Lituanie, assurent avoir mis au point un nouveau béton sans
ciment, fabriqué à partir de résidus industriels : cendres volantes
issues de la combustion des centrales à charbon, cendres
de biocarburant, laitier de haut fourneau ou métakaolin
(un silicate d'aluminium généré lors de la production de
kaolinite, notamment utilisé pour la fabrication de porcelaines).
Selon Vytautas Bocullo, chercheur en ingénierie civile et en
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architecture à la KTU, il est ainsi possible d'utiliser n'importe quel
matériau contenant une forme active de silice et d'alumine. Il suffit
ensuite d'ajouter de l'eau et le ciment durcit à température ambiante
(20 °C). Contrairement au ciment Portland, ce liant géopolymère «
prêt l'emploi » ne nécessite pas un chauffage à haute température,
ce qui économise autant de CO2.
Le béton à base de silico-aluminates présente une résistance aussi élevée que le
béton à base de ciment Portland. © KTU
Plus résistant, plus durable et adapté au réchauffement
climatique
En plus de ses bénéfices environnementaux, le béton fabriqué avec
ce substitut est plus résistant au feu et à l'attaque par
des ions chlorures, par exemple dans les endroits exposés aux
embruns marins. Grâce à son pH plus élevé, il protège mieux
les armatures en métal contre la corrosion. Il n'est pas non plus
sensible aux réactions alcali-granulat (un phénomène
qui entraîne la formation de gels silico-calco-alcalins qui gonflent et
fissurent le béton), car les hydrosilicates de calciumformés lors de
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l'hydratation du ciment « piègent » les alcalins, les rendant
indisponibles pour activer une réaction. Enfin, contrairement à l'idée
que l'on pourrait avoir, le laitier est une poudre blanche donnant au
béton un aspect plus clair, offrant donc un meilleur albédo. Une
propriété utile alors que les épisodes de canicule vont être appelés
à se multiplier dans les villes !
Le ciment à base de laitier donne un aspect plus clair au béton, ce qui limite
l’accumulation de chaleur dans les villes. © Nate Watson, Unsplash
Le lobby du ciment à l'œuvre
Le laitier de hauts fourneaux et les cendres volantes sont déjà
utilisés aujourd'hui comme adjuvants dans la fabrication de béton.
Le groupe franco-irlandais Ecocem produit ainsi des liants
hydrauliques à partir des laitiers granulés des hauts-fourneaux
d'aciéries. Selon l'entreprise, la fabrication d'une tonne de laitier
moulu émet 20 kg de CO2, soit 38 fois moins que celle du ciment
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Portland ; elle évite l'extraction de 1,3 tonne de matières premières.
« Malheureusement, il y a en France au puissant lobby cimentier qui
a imposé des normes limitant la part de laitier dans le béton pour la
construction », soupire Katia Nataf, la porte-parole d'Ecocem. Ce
substitut était pourtant largement utilisé avant la première guerre
mondiale : « La ligne 1 du métro ou le palais du Trocadéro à Paris
ont été fabriqués avec du béton contenant au moins 70 % de
laitier », rapporte Katia Nataf.
Pour que ce béton soit encore plus rentable et économique, il est
préférable de s'approvisionner auprès d'usines locales, conseille
Vytautas Bocullo. Certaines cendres nécessiteront toutefois un
traitement additionnel, comme celles issues des biocarburants qui
doivent être broyées plus finement avant d'être incorporées au
béton. L'université lituanienne n'en est pas à son premier coup
d'essai concernant les matériaux écologiques. En février, ses
chercheurs avaient déjà mis au point un béton à ultra haute
performance fabriqué à partir de verre moulu recyclé.
CE QU'IL FAUT RETENIR
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Des cendres d’usines ou de centrales à charbon
peuvent remplacer le ciment Portland dans la
fabrication de béton.
Le procédé ne nécessite pas de chauffage et génère
donc beaucoup moins de CO2.
En France, l’adoption de ces alternatives
écologiques est encore freinée par les normes.
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