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Comment les choses, les idées deviennent-elles des mots ? Simple traduction
du réel, les mots renvoient-ils à des données objectives qu’ils se contentent de
désigner ? Tels sont les mots de la physique. Pourtant eux aussi contiennent une
large part d’histoire et de mythe.
Ainsi le mot magnétisme
reste chargé de mystères.
Sessynonymessontnombreux:
aimantation
autorité, envoûtement, fascination
uide, hypnotisme, inuence
somnambulisme, suggestion
déviation
mesmérisme
Il faut dire que les phénomènes
magnétiques sont connus depuis trois
mille ans et les matériaux magnétiques omniprésents dans notre environnement.
Un grand nombre de légendes relatent la découverte de l’aimant, qui date
certainement de l’âge du fer.
1. PETITE HISTOIRE DU MAGNÉTISME
1.1 Comment cela a-t-il commencé ?
Les premiers objets magnétiques recensés sont des
perles de fer d’origine météoritique, datant du
quatrième millénaire avant JC, trouvées dans des
tombes sumériennes et égyptiennes.
Il y a plus de 2500 ans, alès de Millet savait déjà
que la magnétite, ou pierre d’aimant, attire le fer.
L’une des légendes les plus communes est rapportée par Pline l’Ancien1 : un vieux
berger nommé Magnès faisait paître ses moutons dans
une région au nord de la Grèce, et on dit que les clous
de ses souliers et la pointe en métal de sa houlette se
collèrent à un gros rocher noir sur lequel il se tenait
debout. C’était la pierre d’aimant, la magnétite, un
oxyde de fer, de formule chimique Fe3O4, que nous
utilisons toujours, et il lui aurait donné son nom…
Pendant longtemps, on a pensé que la magnétite
possédait des pouvoirs magiques, comme la capacité
de guérir les malades ou de chasser les mauvais esprits.
Une pierre encore plus puissante que l’ambre, car elle
agit à distance…
Contenu
Introduction . . . . . . . . 1
1. Petite histoire du ma-
gnétisme
. . . . . . . . . 1
2. Le magnétisme de la
Terre
. . . . . . . . . . . . 5
3. La physique du magné-
tisme
. . . . . . . . . . . 8
4. Une multitude d’appli-
cations
. . . . . . . . . .17
5. L’utilisation du rayonne-
ment synchrotron
. . . .19
Réponses de la fiche élève,
Références
. . . . . . . .24
Figuration du champ lexical du magnétisme
(http://dico.isc.cnrs.fr/fr/index.html)
(1) Pline l’ancien naquit en 23
après JC dans le Nord de l’Italie et
décéda en 79 près de Pompéi, lors
de l’éruption du Vésuve. Son Histoire
naturelle (Naturalis historia), qui
compte trente-sept volumes, est son
seul ouvrage qui soit parvenu jusqu’à
nous. Pline a compilé le savoir de
son époque sur des sujets aussi
variés que les sciences naturelles,
l’astronomie, l’anthropologie, la
psychologie ou la métallurgie. Cette
œuvre a longtemps été la référence
en matière de connaissances
scientifiques et techniques.
1
'2&80(17(16(,*1$17
La mallette pédagogique de SOLEIL
ème : Le Magnétisme
2
Les Chinois se sont tout de suite rendu compte que la magnétite attirait les objets de fer, et que, présentée sous la
forme d’une aiguille, elle pointait toujours dans une direction xe. La première boussole chinoise connue, décrite
dans un livre de 1044, est constituée d’une feuille de fer aimantée en forme de poisson : « On découpe une pièce
de fer très ne en forme de poisson... On la porte au rouge dans un feu de charbon et on la retire avec une pince.
La queue restant orientée vers le nord, on la trempe dans l’eau pendant quelques minutes. »
Et voici comment, dans un traité militaire (Wou King Tsong Yao), Tseng Kong-Liang - cité dans Tsing Hua, Journal
of Chinese Studies, juin 1956, p. 89 - décrit l’utilisation du poisson-montre-sud : « Au moment de s’en servir,
on place une tasse d’eau dans un endroit sans vent et, à l’équilibre, on lâche le poisson à la surface de l’eau en sorte
qu’il otte : sa tête indique constamment le sud ».
Les Arabes apprirent des Chinois à se servir de la boussole, et la révélèrent aux Européens au XIIe siècle.
En Europe, le premier livre sérieux sur le magnétisme « De Magnete » est publié par Pierre Pèlerin de Maricourt
en 1269. Il est suivi en 1600 d’un second livre, du même nom, écrit par William Gilbert, le médecin de la
reine Elisabeth 1ère, dans lequel il parle des pôles magnétiques terrestres. William Gilbert y décrit nombre de ses
expériences avec un modèle de Terre appelé Terrella. De ces expériences, il conclut que la Terre est magnétique, et
que c’est pour cette raison que la boussole indique le nord. Entre les deux ouvrages, il y a eu la généralisation de
l’utilisation des boussoles sur les bateaux, le développement du commerce et l’accumulation des découvertes.
1.2 La période moderne
Concernant le magnétisme, la période scientique commence à partir du XVIIIe avec
Charles-Augustin Coulomb. En utilisant une balance de torsion, il établit la loi de variation
de la force magnétique en fonction de la distance (1785).
Mais la première expérience décisive est faite en avril 1820
par le physicien danois Hans Christian Oersted. Il montre
qu’un l parcouru par un courant électrique produit un champ
magnétique : « Une boussole placée à proximité de ce l est
déviée quand le l est parcouru par un courant électrique ».
L’interaction d’un matériau magnétique avec un courant électrique
produit du mouvement : cette découverte est à l’origine de tous
les moteurs électriques.
Photo Michel Houdart : Boussole chinoise du
IIe siècle av. JC (époque Han). Ces premières
boussoles étaient appelées Si Nan (le gouverneur du Sud), car la cuillère pointe vers le sud.
Elle sera remplacée plus tard par une aiguille pivotant sur son axe : le Shen Kuo, compas
marin, ottant dans un récipient d’eau pour atténuer les mouvements du navire, a été
mis au point pendant la dynastie des Song. Les 24 graduations du Si Nan ou du Shen Kuo
sont toujours utilisées de nos jours sur les compas des navires de pêche chinois. Elles sont
composées des huit trigrammes (combinaisons de trois lignes soit discontinues, les lignes Yin, soit continues, les lignes Yang), de signes
astronomiques et des caractères des 12 directions géographiques. La boussole sera introduite en Europe, via le monde arabe, vers le
XIIesiècle. Source : http://www.ifremer.fr.
Comment cela a-t-il commencé ?
N
S
I
3
Le champ magnétique est donc produit aussi bien par un aimant que par un
circuit parcouru par un courant électrique. Cette relation entre magnétisme
et électricité est directement exprimée dans la dénition de l’Ampère, l’unité
d’intensité du courant électrique : un ampère (symbole A) est l’intensité
d’un courant électrique qui, passant dans deux ls conducteurs, de longueur
innie, parallèles et distants d’un mètre, produit entre ces deux ls une force
égale à 2×10-7 N.m-1.
Dès les années qui suivent l’expérience d’Oersted, André Marie Ampère
interprète cette similitude par la théorie du « courant moléculaire » : la matière
contient d’innombrables particules, très petites, chargées électriquement, en
mouvement permanent (voir l’encart de la page 8).
Une autre découverte décisive est celle du « l magnétique ». Michael Faraday
découvrit, l’année suivante (1821), le phénomène d’induction : un champ
magnétique variable placé à proximité d’une spire crée un courant électrique dans
cette spire. C’est la découverte du processus qui produit de l’électricité dans les
dynamos et les alternateurs à partir d’un mouvement mécanique.
On doit également à Faraday un
phénomène qui porte son nom,
l’eet Faraday, découvert en 1845 :
si un faisceau de lumière polarisée
rectilignement se propage dans
un matériau soumis à un champ
magnétique H parallèle à la direction de
propagation, la polarisation du faisceau
va tourner d’un angle , proportionnel
à l’intensité du champ et à la distance
parcourue dans le matériau (voir la mallette
pédagogique « Sciences de l’Univers »).
C’est la première mise en évidence du lien entre magnétisme et lumière.
Le fait que la lumière contienne un champ magnétique fait maintenant
partie de la théorie du rayonnement électromagnétique, développée par
James Clerk Maxwell dans les années 1860 et 1870.
En quatre équations, Maxwell décrit un champ électromagnétique : elles
permettront à Hertz de démontrer en 1887 que la lumière est une onde
électromagnétique (avant les travaux de Maxwell, ces équations étaient
exprimées en coordonnées cartésiennes, très diciles à lire. Personne ne
s’était avisé de leur cohérence).
Chacune de ses équations prise séparément décrit un eet physique :
Les charges électriques sont à l’origine du champ électrique.
Il n’existe pas de charge magnétique ponctuelle (ou de monopôle
magnétique).
Un champ magnétique variable crée un champ électrique (phénomène
d’induction).
Un courant électrique crée un champ magnétique.
Les équations de champ de Maxwell s’appliquent à l’électro-magnétisme et aux
phénomènes optiques, un premier pas vers l’unication des lois de la physique.
Mais Maxwell ne connaîtra pas la profondeur de ce changement. Il meurt en
1879, avant qu’il ait eu le temps de détecter expérimentalement les premières
ondes électromagnétiques.
La période moderne
z
d
E
H
θ
Le bonhomme d’Ampère
D’après un dessin d’Ampère - Réf. 6
Ampère imagine l’intérieur du
globe terrestre parcouru par des
courants électriques. L’un d’eux
traverse son « bonhomme » (des
pieds vers la tête). Couché sur le
sol, celui-ci regarde une boussole
située au-dessus de lui. Son
bras gauche indique la direction
du pôle nord de la boussole
sous l’action du courant. On a
longtemps utilisé la règle du
bonhomme d’Ampère pour
déterminer le sens du courant
dans une spire. Aujourd’hui on
emploie plutôt la règle des trois
doigts de la main droite.
Avec les découvertes d’Oersted
et de Faraday on avait les moyens
de produire de l’électricité et on
savait l’utiliser pour faire des
moteurs.
Équations de Maxwell dans le vide
4
1.3 Le modèle théorique
Il faudra attendre la n du XIXe siècle et le début du XXe pour que soit abordée avec succès l’étude théorique des matériaux
magnétiques. Pierre Curie (1859-1906) introduit ou précise les notions de diamagnétisme, de paramagnétisme et de
ferromagnétisme et Paul Langevin (1872-1946) celles de magnétisme induit et permanent; ce dernier établit aussi la
théorie statistique classique du paramagnétisme.
Dans sa thèse soutenue en 1895 sur les propriétés
magnétiques des corps à diverses températures,
Pierre Curie énonce la loi de Curie (pour un
matériau paramagnétique, la magnétisation
dépend du champ magnétique appliqué et
de la température) et il dénit le point de
Curie, température au-delà de laquelle certains
matériaux perdent leurs propriétés magnétiques
(voir pages 14 à 16).
Le début du XX
e
siècle voit la conrmation de la
théorie atomique de la matière. En 1905, soit 8 ans
après la découverte de l’électron par Joseph omson, Paul Langevin, qui
fut l’élève de Pierre Curie, fait l’hypothèse que les matériaux magnétiques
sont formés d’une multitude de petits aimants créés par les électrons en
mouvement. Il propose sa théorie du paramagnétisme : les moments
magnétiques permanents des atomes paramagnétiques s’orientent dans la
direction du champ, mais sont contrariés par l’agitation thermique. De plus,
pour interpréter le ferromagnétisme, il montre qu’il faut prendre en compte
l’interaction entre molécules ; cette suggestion conduit Pierre Weiss (1865-
1940) à l’hypothèse du « champ moléculaire » en 1907.
Fait remarquable, toutes ces théories, élaborées dans un cadre classique (c’est-à-dire pré-quantique) restent valables
dans le cadre de la théorie quantique qui voit le jour dans les années 1920 : en 1922, les physiciens allemands
Otto Stern et Walther Gerlach mettent en évidence une propriété cachée de l’électron, son « moment cinétique
intrinsèque » que les physiciens hollandais George Uhlenbeck et Samuel Goudsmit interprètent, en 1925, comme
une rotation de l’électron sur lui-même. «Tourner sur soi-même » se dit « to spin » en anglais. L’idée d’une rotation
propre de l’électron s’avérera erronée par la suite, mais le spin existe bel et bien et apporte une contribution
fondamentale à la compréhension du magnétisme.
De nouvelles avancées sont réalisées dans la description du magnétisme des solides par Louis Néel, qui reçoit le
prix Nobel de physique en 1970 pour ses théories de l’antiferromagnétisme (1936) et du ferrimagnétisme (1948).
Plusieurs des thèmes que Néel a initiés et ensuite développés avec ses collaborateurs sont d’actualité : le magnétisme
des couches minces et des grains ns s’appelle maintenant nanomagnétisme. Les aspects aléatoires de l’hystérésis
ont donné la physique des systèmes désordonnés. Ses travaux trouvent également une application dès 1939 dans
le domaine militaire pour la désaimantation des navires, qui permet de les protéger contre les mines magnétiques.
Dès lors des bases solides existent pour que l’étude des propriétés magnétiques de la matière puisse se développer.
Après la guerre 1939-1945, on assiste à une véritable explosion de la littérature scientique dans ce domaine,
appuyée par les progrès spectaculaires des moyens expérimentaux.
Ajoutons à ce mini historique Albert Fert. Professeur à l’Université Paris-Sud 11, directeur
scientique au sein de l’Unité mixte de physique CNRS/ales, associée à l’Université Paris-
Sud, Albert Fert reçoit le prix Nobel de physique 2007 avec Peter Grünberg. Cette
distinction récompense sa découverte de la magnétorésistance géante (Giant Magneto-
Resistance, GMR) et sa contribution au développement de la spintronique. La
GMR est notamment à l’origine de l’élaboration de têtes de lecture magnétique
extrêmement performantes, qui sont utilisées aujourd’hui dans tous les disques
durs.
L’histoire continue….
Le modèle théorique
Aj
outons à ce
scienti
qu
e
S
ud, A
l
dist
R
d
L’hist
Einstein, Ehrenfest, Langevin, Kamerlingh
Onnes et Weiss à Leyde au Pays-Bas
Source : Wikipedia
5
2. LE MAGNÉTISME DE LA TERRE
2.1 Magnétisme terrestre et orientation – boussole – déclinaison
magnétique
A l’image d’un barreau aimanté,
la Terre présente deux pôles
magnétiques de polarité opposée.
C’est cette propriété qui fait
que, depuis que les Chinois l’ont
inventée, la boussole s’avère très
utile pour les marins... et tous les
voyageurs qui s’écartent des sentiers
balisés et doivent calculer leur cap.
En prenant une boussole en main, chacun a déjà remarqué que l’aiguille
aimantée s’oriente dans une direction bien précise. Cette direction est celle
du pôle nord magnétique.
En 1700, Edmond Halley (celui qui a découvert
la périodicité de la fameuse comète qui porte
son nom) a conçu l’idée nouvelle de montrer la
déclinaison magnétique sous la forme de cartes
de contour et a publié la première carte des
lignes isogones de l’océan Atlantique. Depuis,
on met à jour régulièrement de telles cartes.
Le champ magnétique terrestre évolue dans
le temps. Depuis 400 ans, la valeur de la
déclinaison a diminué ; les pôles magnétique et
géographique se rapprochent.
Aujourd’hui l’usage de la boussole est dépassé par celui du GPS (Global
Positioning System), système de positionnement par satellite.
2.2 L’évolution du champ magnétique sur les temps géologiques
Selon les études de John Tarduno de l’Université de Rochester (États-Unis),
la Terre possédait déjà un champ magnétique il y a 3,45 milliards d’années.
Cependant il n’est pas constant : des inversions de pôles se produisent
régulièrement.
La théorie actuellement retenue attribue ce champ à des courants de
convection dans le noyau de fer liquide.
SIMULER NUMÉRIQUEMENT LA DYNAMO TERRESTRE : le métal liquide conducteur en
mouvement est situé entre la graine (au centre en vert, résultat de la cristallisation du
noyau, qui a aujourd’hui un rayon de 1220 kilomètres) et le manteau (sphère externe
transparente). Les lignes blanches représentent les lignes de champ magnétique à
l’intérieur du noyau terrestre. Elles sont tordues et étirées par l’écoulement du métal
liquide. A gauche, vue du pôle Nord, et à droite, vue à partir du plan équatorial. Les
petites sphères représentent le champ magnétique à la surface de la terre. (UMR7154
- Institut de physique du globe de Paris (IPGP) -
Photothèque CNRS / Aubert Hulien)
ENREGISTRER LE CHAMP MAGNÉTIQUE : au moment de la solidication d’une roche, les petits grains
ferromagnétiques présents dans la roche s’orientent en fonction du champ magnétique terrestre et
conservent cette orientation une fois refroidis (rémanence thermomagnétique). Cela est dû au fait
que les minéraux, en se refroidissant, passent à une température inférieure à leur point de Curie,
température à laquelle un corps ferromagnétique peut enregistrer un champ magnétique.
Magnétisme terrestre et orientation – boussole
Déclinaison magnétique
Laxe magnétique de la Terre fait
actuellement un angle de 11,5°
avec l’axe de rotation de la Terre
(du pôle Nord au pôle Sud géo-
graphique). On appelle déclinai-
son magnétique l’angle entre le
nord magnétique et le nord vrai.
Une personne qui suivrait sans
correction l’aiguille de la bous-
sole aboutirait nalement au
pôle nord magnétique, mais pas
en empruntant le chemin le plus
court !
La première évaluation connue
de la déclinaison magnétique a
été réalisée par les Chinois vers
l’année 720 de notre ère. En Eu-
rope, le concept de déclinaison
était connu au début du XVe
siècle, mais sa première mesure
remonte à 1510. Limportance de
la déclinaison pour la navigation
est évidente. Les marins ont in-
venté très tôt des méthodes pour
la mesurer et ont commencé à
compiler des valeurs de déclinai-
son pour des points dispersés un
peu partout sur la planète.
Pôle nord Pôle Nord
magnétique géographique
NM NG
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