Chapitre 2 Eléments de base pour la physique du transport dans les composants semiconducteurs 2.1. Effet des perturbations : transport et génération-recombinaison 2.1.1. Phénomènes de transport Dans le chapitre précédent, nous avons étudié comment, à l’équilibre thermique, les électrons se répartissent sur les niveaux d’énergie d’un semiconducteur. En fait, les électrons effectuent constamment des transitions entre niveaux d’énergie, et la répartition que l’on a déterminée résulte d’un équilibre statistique entre ces transitions. Dans les paragraphes qui suivent nous allons discuter des différents phénomènes de transport à partir du formalisme fondamental de Boltzmann. Le lecteur qui ne souhaite pas approfondir le détail de ce formalisme pourra directement passer au paragraphe 2.1.1.5 où sont établies les fameuses équations simplifiées de "dérive-diffusion" qui permettent de traiter un grand nombre de problèmes de transport. Si l’on perturbe l’équilibre thermique (par application d’un champ électrique, par création d’un gradient de concentration, d’un gradient de température, …), on favorise certaines transitions par rapport à d’autres et on modifie la répartition des porteurs sur les niveaux d’énergie. Des mécanismes de retour à l’équilibre, c’est-à-dire de relaxation, s’opposent à cette perturbation. Nous aborderons essentiellement dans cette partie les perturbations peu intenses, c’est-à-dire qui modifient la répartition fn(ε) ou fp(ε) des porteurs sur les niveaux sans changer le nombre de porteurs n ou p. Le cas des perturbations intenses, c’est-à-dire susceptibles de créer des porteurs libres en excès par des transitions entre bandes ou entre niveaux extrinsèques et bandes permises, sera traité dans le paragraphe 2.1.2 suivant. L’analyse de la compétition entre perturbation et mécanismes de relaxation conduit à deux situations typiques : – régime transitoire : à partir d’un état de déséquilibre on supprime la perturbation qui l’a créé ; on observe le retour à l’équilibre caractérisé par un temps de relaxation ; – régime permanent : la perturbation est maintenue constante ; il y a création d’un état permanent de déséquilibre r r caractérisé par un flux (de porteurs ou de chaleur) Φ . Soient vi la vitesse du porteur i et Qi la quantité qu’il transporte. le flux résultant s’écrit : r Φ= r ∑ Qi v i [2.1] i Le tableau 2.1 dresse pour les trois principaux types de perturbation, les noms du phénomène auquel elle donne lieu, de la quantité transportée, et du flux résultant. Etudier les phénomènes de transport, c’est faire le lien quantitatif entre le flux et la perturbation. Perturbation r E r r ∇n , ∇ p r ∇T Phénomène Qi Flux Conduction électrique Charges électriques Densité de courant Diffusion de porteurs Particules Flux de particules Conduction thermique Chaleur Flux de chaleur Tableau 2.1. Description des principales perturbations et phénomènes liés. Chapitre rédigé par Arnaud BOURNEL, Philippe DOLLFUS, Sylvie GALDIN-RETAILLEAU. 2 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium 2.1.1.1. Les mécanismes de relaxation des porteurs : les interactions Nous avons vu au chapitre 1 précédent que la structure de bande d'un cristal s'établit en résolvant l'équation de Schrödinger pour un électron dans un cristal parfait (Eq. 1.12) décrit par le potentiel cristallin périodique. Cette équation « simple » est en fait une approximation de l'équation globale pour le système d'atomes et d'électrons constituant le cristal. Cette approximation consiste notamment à négliger dans l'hamiltonien principal les couplages entre électrons, entre électrons et vibrations du réseau (phonons) ou entre électrons et impuretés. Ces couplages jouent cependant un rôle très important car ils constituent les mécanismes de relaxation qui tendent à replacer un système hors d'équilibre dans son état d'équilibre. Ils sont traités comme de faibles perturbations (au sens de la mécanique quantique) par rapport au potentiel cristallin. Autrement dit, ils ne modifient pas la structure de bandes du matériau, c'est-à-dire les états d'énergie permis, mais induisent des transitions entre ces états. Chaque processus est décrit comme une interaction (ou collision) instantanée caractérisée par une densité de probabilité par unité de temps pour que l'électron passe d'un r r r r état initial k à un état final k ′ . Cette densité de probabilité s i k , k ′ , où i repère le processus considéré, est donnée par la règle d'or de Fermi (voir par exemple [COH 73]) : ( ) ( ) r r 2π 2 si k , k ′ = M i ρ k ′ δ (ε − ε ′) h [2.2] r r où M i = k ′ Vi k est l'élément de matrice de transition, Vi est le potentiel de couplage, ρ k′ est la densité d'états finals, ε et ε ′ sont les énergies initiale et finale. En sommant sur tous les états finals possibles on peut déduire de [2.2] r r pour chaque processus i et pour chaque électron dans un état k une fréquence d'interaction λ i k et un temps de r relaxation de la vitesse τ i k définis respectivement par (pour un matériau non dégénéré dans lequel les états sont faiblement occupés) : () () (r ) (r r ) λi k = ∫ si k , k ′ d 3 k ′ et ( ) r r ⎛ k′ ⎞ r = ∫ s i k , k ′ ⎜1 − cos θ ⎟ d 3 k ′ k ⎝ ⎠ τi k 1 () [2.3] r r où θ est l'angle entre k et k ′ . Pour aller plus loin dans la description de ces processus il faut expliciter pour chacun d'eux le potentiel de perturbation Vi, ce qui sort du cadre de ce chapitre. Nous nous contenterons d'une brève description des interactions prépondérantes pour les électrons dans le silicium. On peut en trouver un développement complet dans de nombreux ouvrages tels que [LUN 00]. D'une manière générale, l'effet d'une interaction subie par un porteur est de modifier la direction de son vecteur d'onde et éventuellement, dans le cas d'une interaction inélastique, son énergie. Les principales interactions subies par les électrons dans Si sont les suivantes : – interaction porteurs – impuretés ionisées : la fréquence (ou l'inverse du temps de relaxation) de ce processus élastique (sans échange d'énergie) varie en 1/ε3/2 et en NI, où NI est la concentration d'impuretés. Cette interaction a un effet important sur la relaxation de la vitesse, notamment dans les zones dopées ainsi qu'à faible température où elle est prédominante ; – interactions porteurs – phonons : dans le silicium on distingue essentiellement deux mécanismes suivant la nature du phonon échangé : - phonon acoustique intravallée : cette interaction met en jeu des phonons acoustiques de faible vecteur d'onde et donc de faible énergie. La fréquence de ce mécanisme est proportionnelle à ε1/2. Le processus est quasi-élastique avec une déviation isotrope du vecteur d'onde. Il joue un rôle important dans la relaxation des porteurs de faible énergie, - phonon intervallée : cette interaction met en jeu un phonon acoustique ou optique de grand vecteur d'onde et d'énergie constante qui fait passer les électrons d'une vallée X à une autre vallée X. La fréquence de ce mécanisme inélastique est proportionnelle à ε1/2. L'émission de phonons intervallée est le processus de relaxation dominant pour les électrons de forte énergie. 2.1.1.2. Fonction de distribution – Equation de Boltzmann L'état du système que forme la population d'électrons d'un semiconducteur est entièrement décrit par la fonction de r r r distribution f k , r , t qui représente à l'instant t la probabilité de présence d'un électron aux points k de l'espace r réciproque et r de l'espace réel. La connaissance de cette fonction permet de déterminer toutes les grandeurs locales r r liées aux porteurs telles que la concentration n (r , t ) ou la valeur totale A (r , t ) de toute grandeur transportée (vitesse, énergie,…) via les expressions suivantes : ( ) Eléments de base de la physique du transport ∫ () ( ) ∫ () () ( ) r r r r r r r r r r r n (r , t ) = n k f r , k , t dk et A (r , t ) = A k n k f r , k , t dk 3 [2.4] et l'expression générale [2.1] du flux transporté devient : (r ) (r ) (r ) (r r ) r r Φ = ∫ Q k v k n k f r , k , t dk [2.5] En présence d’une perturbation, f s’écarte de la fonction à l'équilibre thermique f0 d’une quantité f1 : ( ) ( ) ( r r r r r r f r , k , t = f 0 r , k , t + f1 r , k , t ( ) [2.6] ) r r La fonction f 0 k , r , t correspond à la statistique de Fermi-Dirac : () r −1 r r ⎛ EC (rr ) + ε k − E F ⎞⎤ r r ⎡ ⎟ ⎜ f 0 k , r , t = f 0 r , k = ⎢1 + exp ⎟⎥⎥ ⎜ k BT ⎢⎣ ⎠⎦ ⎝ ( ) ( ) [2.7] () r r où EC (r ) est l'énergie potentielle (bas de bande de conduction) et ε k l'énergie cinétique des électrons. Le but est donc de déterminer l’évolution dans le temps de f dans un espace à 6 dimensions (l’espace des phases). Cette évolution est décrite par l'équation de Boltzmann qui s'établit par exemple (pour un système unidimensionnel) en écrivant la conservation durant l'intervalle de temps δt du nombre de porteurs initialement contenu dans l'élément de volume dx dkx. Durant δt, la fonction f s'accroît de δf. On a donc : dx δt dk x dt dk ∂f ⎞ + [ f (x, k x , t ) − f (x, k x + dk x , t )] x δt dx + ⎟ dx dk x δt ∂t ⎠ c dt δf dx dk x = [ f (x, k x , t ) − f (x + dx, k x , t )] où ∂f ∂t ⎞ ⎟⎟ représente la contribution des collisions. Ainsi, compte tenu de la relation [1.23] du chapitre 1 : ⎠c f (x, k x , t ) − f (x + dx, k x , t ) δf vx = dx δt + f (x, k x , t ) − f (x, k x + dk x , t ) Fx ∂f ⎞ + ⎟ dk x ∂t ⎠ c h En faisant tendre les éléments δt, dx, et dkx vers 0 et en généralisant à un cristal 3D, nous obtenons l'équation de Boltzmann : r r df ∂f 1 r r = −v ⋅ ∇ rr f − F ⋅ ∇ kr f + dt ∂t h ⎞ ⎟ ⎠c [2.8] La quantité df/dt se décompose donc en une somme de trois termes, qui correspondent respectivement à la r contribution des gradients de la fonction de distribution, celle des forces appliquées F , et celle des interactions (ou collisions). Compte tenu de [2.2], le terme de collision peut être explicité ainsi : ( ( ) ( (rr, kr, t )) s(kr ′, kr ) dkr ′ ) ( (rr, kr ′, t )) s(kr, kr ′) dkr ′ r r ∂f ⎞ ⎟ = ∫ f r , k ′, t 1 − f ∂t ⎠ c r r − ∫ f r, k , t 1− f [2.9] où encore dans le cas d'un semiconducteur non dégénéré (faibles probabilités d'occupation) : ∂f ∂t ⎞ ⎟ = ⎠c ∫ f (r , k ′, t ) s(k ′, k ) dk ′ − ∫ f (r , k , t ) s(k , k ′) dk ′ r r r r r r r r r r [2.10] 4 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium APPROXIMATION DE BOLTZMANN.- Les collisions ont tendance à ramener la fonction f vers son état d’équilibre f0 ; pour calculer leur contribution à l’évolution temporelle de f, nous nous plaçons dans l’hypothèse de faibles perturbations, c’est-à-dire que la vitesse de retour à l’équilibre est proportionnelle à l’écart f – f0, avec pour facteur de proportionnalité 1/τ, où τ est un temps de relaxation dépendant a priori de l'énergie. C’est l’hypothèse de Boltzmann. Ainsi, df dt f − f0 f ⎞ =− 1 ⎟ =− τ τ ⎠c [2.11] Si on se place en régime permanent, df = 0 . On aboutit alors, en rassemblant [2.8] et [2.11], à l’équation de dt Boltzmann simplifiée : r r f 1 r r v ⋅ ∇ rr f + F ⋅ ∇ kr f + 1 = 0 h τ [2.12] La contribution de f0 à l’intégrale [2.5] donnant l’expression générale du flux résultant est nulle car il n’y a pas de flux à l’équilibre thermique. Avec les notations et les hypothèses de ce paragraphe, l’expression [2.5] devient donc : ()()() ( ) r r r r r r r Φ = ∫ Q k v k n k f1 r , k , t dk [2.13] Nous allons maintenant appliquer l’équation de Boltzmann au calcul de la conductivité électrique et du coefficient de diffusion des porteurs. 2.1.1.3. Conduction électrique en champ faible (E < 1 kV.cm-1) r r La perturbation est une force électrostatique F = − qE , la quantité transportée est la charge électrique -q, le flux r résultant est la densité de courant J , c’est-à-dire, d’après [2.13] : ∫()() ( ) r r r r r r r J (r ) = − q v k n k f1 r , k , t dk [2.14] r Nous allons faire le calcul de J dans le cadre de l'approximation de Boltzmann et des hypothèses suivantes : (i) semiconducteur non dégénéré, (ii) de dopage et de température uniformes, et (iii) dans lequel règne un champ électrique faible, constant et uniforme. Nous supposerons de plus que (iv) les électrons se trouvent sur une bande d'énergie parabolique et isotrope, ce qui correspond plutôt au cas de GaAs. Nous généraliserons ensuite le résultat au cas des bandes ellipsoïdales du Si. Du fait de l'hypothèse (ii), l'équation de Boltzmann [2.12] se réduit à : f 1 r rr F ⋅ ∇k f + 1 = 0 h τ [2.15] r L'hypothèse de champ faible (iii) permet, pour le calcul de ∇ kr f , de considérer que f = f0 + f1 ≈ f0. Nous avons alors pour un semiconducteur non dégénéré : r r ∂f r h ∇ kr f = 0 ∇ kr ε = − f0 v ∂ε kT ce qui, reporté dans [2.15], conduit à l'expression de f1 : () () r r r r q f1 k = − τ (ε ) f 0 k E ⋅ v k BT En prenant pour axe Ox la direction du champ, la densité de courant [2.14] devient : [2.16] Eléments de base de la physique du transport Jx = () () r r r q2 E x τ (ε ) f 0 k v x 2 n k dk k BT ∫ 5 [2.17] La bande d'énergie considérée étant parabolique et isotrope (hypothèse (iv)), il est commode de remplacer r l'intégration sur k par une intégration sur l'énergie ε. De plus, l'hypothèse de faible champ implique que l'énergie cinétique moyenne des porteurs reste égale à sa valeur d'équilibre thermodynamique, et équitablement répartie suivant toutes les directions. Ainsi, calculée sur toute fonction de distribution, la valeur moyenne de vx2 peut s'écrire <vx2> = <v2>/3 = 2<ε>/(3m*). Nous pouvons donc remplacer dans [2.17] vx2 par 2ε/(3m*) où m* est la masse effective du porteur. Compte tenu de la densité d'états en énergie (relation [1.40] du chapitre 1), la densité de courant [2.17] devient alors : Jx = q2 2 Ex τ (ε ) f 0 (ε ) ε n(ε ) dε k BT 3m * ∫ ce qui peut également s'écrire : Jx = τ (ε ) ε f 0 (ε ) n(ε ) dε q2 2 Ex n k BT 3m * ε f 0 (ε ) n(ε ) dε ∫ ∫ ∫ ε f 0 (ε ) n(ε ) dε ∫ f0 (ε ) n(ε ) dε c'est-à-dire : Jx = n q2 2 τε Ex k BT 3m * ε ε Or, ε = 1,5 kBT. On utilise de plus l'abus d'écriture suivant qui simplifie les notations : τ = [2.18] τε . Cette quantité ε τ est homogène à un temps mais n'est pas rigoureusement le temps de relaxation moyen. La densité de courant [2.18] s'écrit alors : Jx = n q2 τ Ex m* On retrouve ainsi la loi d'Ohm qui relie la densité de courant au champ électrique par la conductivité σ. On définit de plus la mobilité par le rapport µ = v / E . On a alors : r ⎧r q τn (cas des électrons) ⎪ J n = σ n E où σ n = qnµ n avec µ n = mn * ⎪ ⎨ q τp r ⎪r ⎪ J p = σ p E où σ p = qpµ p avec µ p = m * (cas des trous) p ⎩ [2.19] Dans le cas des vallées anisotropes (ellipsoïdales) du silicium, d’une manière générale, l’anisotropie du diagramme de bandes du silicium et du temps de relaxation amène à donner une forme tensorielle au coefficient de transport qui relie le flux à la perturbation. Ce tenseur n’est pas forcément diagonal, c’est-à-dire que le flux transporté n’est pas forcément colinéaire à la force appliquée. Toutefois, pour certains coefficients de transport, les symétries du cristal permettent de donner une forme scalaire à ce tenseur. C’est le cas de la conductivité, à condition d’utiliser une nouvelle masse effective, appelée masse effective de conductivité. En effet, en faisant le même calcul que précédemment pour chacun des six ellipsoïdes et en sommant les différentes contributions, on obtient, si l'on fait une approximation isotrope du temps de relaxation : r r q2 Jn = n τ E m cc [2.20] 6 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium où la masse effective de conductivité mcc est définie par : 1 1⎛ 1 2 = ⎜⎜ + m cc 3 ⎝ ml mt ⎞ ⎟ ⎟ ⎠ [2.21] où ml et mt sont les masses effectives longitudinale et transverse. Il faut faire attention à ne pas confondre la masse effective de conduction mcc avec la masse effective de densité d’états mdc définie dans le paragraphe 1.2.6 du chapitre 1. En effet, avec ml = 0,916 m0 et mt = 0,19 m0, on a mdc = 1,06 m0 et mcc = 0,26 m0. 2.1.1.4. Diffusion La perturbation est un gradient spatial de concentration de porteurs, et la quantité transportée est un nombre de particules. D’une manière générale dans un processus de diffusion, le flux résultant s’écrit donc, d’après [2.13] : ()() ( ) r r r r r r Φ = ∫ v k n k f1 r , k , t dk [2.22] Les porteurs étant chargés électriquement, ce flux se traduit bien sûr par une densité de courant. Nous allons faire le r calcul de Φ dans le cadre des hypothèses suivantes : (i) semiconducteur non dégénéré, (ii) absence de force exercée sur les porteurs (iii) faible perturbation de la fonction de distribution, et (iv) bande parabolique isotrope. L’hypothèse (ii) réduit l’équation de Boltzmann [2.12] en régime permanent à : r r f v ⋅ ∇ rr f + 1 = 0 [2.23] τ r Les hypothèses (i) et (iii) nous permettent de considérer, pour le calcul de ∇ r f que : ( ) () r ⎛ E −ε r r f r , k ≈ f 0 k ≈ exp⎜⎜ F ⎝ k BT ⎛ E − EC ⎞ ⎟⎟ = exp⎜⎜ F ⎝ k BT ⎠ ⎛ E −ε ⎞ ⎟⎟ exp⎜⎜ C ⎝ k BT ⎠ ⎞ ⎟⎟ ⎠ où ΕC - ε ne varie pas spatialement. On a donc, compte tenu de la relation [1.47] du chapitre 1 : r ∇ rr f 0 = r r ∂ f0 f ∇ rn ∇ rr (E F − EC ) = 0 k BT r ∂ (E F − EC ) k BT n Par conséquent, d’après cette même relation [1.47], f1 est donnée, pour un gradient unidimensionnel par : f1 = −τ f 0 1 dn vx n dx [2.24] On calcule alors le flux [2.22] de façon analogue au calcul de la densité de courant dans l’étude de la conductivité : Φx = − dn k T dn dn 2 1 τ (ε ) ε f 0 (ε ) n(ε ) dε = − B τ = − Dn dx m dx dx 3 m n ∫ et le flux s’écrit finalement comme une loi de Fick où l’on a introduit le coefficient de diffusion Dn reliant le flux à sa cause. Ainsi, le coefficient de transport lié à la diffusion est relié à la mobilité, qui caractérise le phénomène de conduction, par la relation d’Einstein : Dn = k T k BT µ n (électrons) et D p = B µ p (trous) q q On obtient l’expression générale du courant de diffusion pour les deux types de porteurs : [2.25] Eléments de base de la physique du transport r r ⎧⎪ J n = q D n ∇n r ⎨r ⎪⎩ J p = − q D p ∇p 7 [2.26] Dans le cas de la bande de conduction anisotrope du silicium, on obtient le même résultat que précédemment en remplaçant, dans l’expression du coefficient de diffusion, la masse effective m par la masse effective de conductivité mcc définie par la relation [2.21]. Les valeurs des coefficients de transport dans Si non dopé à 300 K sont : µn = 1500 cm2V-1s-1, µp = 500 cm2V-1s-1, Dn = 37,5 cm2s-1, et Dp = 12,5 cm2s-1. 2.1.1.5. Equations de dérive-diffusion En présence à la fois d’un champ électrique et d’un gradient de concentration, on a donc, en rassemblant [2.19] et [2.26] : r r r ⎧⎪ J n = qnµ n E + qDn ∇n r r ⎨r ⎪⎩ J p = qpµ p E − qD p ∇p [2.27] Ce sont les équations de dérive-diffusion, largement employées pour l’étude du transport dans les dispositifs semiconducteurs. Dans l’utilisation de ces équations, il faut faire très attention au fait que le champ électrique qui y figure n’est pas un champ électromoteur, c’est-à-dire qu’il n’est pas lui-même responsable d’un courant mesurable. Il suffit pour s’en convaincre de considérer le cas classique d’un semiconducteur inhomogène, par exemple une jonction PN. A l’équilibre, c’est-à-dire en l’absence de différence de potentiel appliquée ou de toute autre perturbation extérieure, le courant qui traverse la structure est rigoureusement nul. Cependant, les porteurs des zones de forte concentration ont tendance à diffuser dans les régions où ils sont minoritaires, ou dans les zones de plus faible concentration. Des courants de diffusion existent donc bien dans la structure, mais un champ électrique s’établit localement pour s’opposer à la diffusion. A l’équilibre, les composantes de dérive et de diffusion peuvent être toutes les deux très fortes localement, mais en se compensant parfaitement. 2.1.1.6. Champ électromoteur Nous avons déjà mentionné que le niveau de Fermi, du point de vue de la thermodynamique, n'est autre que le potentiel chimique du système de particules. Il est donc uniforme pour un semiconducteur au repos, et identique pour les électrons et les trous. En présence d'une perturbation externe, certaines zones du semiconducteur, ou du dispositif semiconducteur, ne sont plus à l'équilibre et les concentrations de porteurs sont modifiées dans ces zones. Pour conserver les expressions du chapitre 1 [1.47], [1.48] et [1.50] qui donnent les concentrations de porteurs, il faut définir des niveaux de Fermi différents pour les électrons et les trous, respectivement EFn et EFp, appelés quasi-niveaux de Fermi. Les courants d'électrons et de trous définis en [2.27] s'écrivent alors, compte tenu des équations [1.47], [1.48] et [1.50] : ⎧r ⎪⎪ J n = qnµ n ⎨r ⎪ J p = qpµ p ⎩⎪ r E + qD n n k BT r p E − qD p k BT [∇r E Fn − ∇r EC ] [∇r EV − ∇r E Fp ] r r r Or, ∇EC = ∇EV = qE , ce qui nous donne, compte tenu de la relation d'Einstein [2.25] : σn r ⎧r ⎪ J n = q ∇E Fn ⎪ ⎨r r ⎪ J = σ p ∇E Fp ⎪⎩ p q Ces expressions montrent que électrons et les trous. [2.28] 1r 1r ∇E Fn et ∇EFp sont les seuls véritables champs électromoteurs pour les q q 8 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium Nous reviendrons un peu plus loin dans le paragraphe 2.2 sur la notion de quasi-niveau de Fermi, en l'introduisant par une approche thermodynamique. 2.1.1.7. Conduction en champ fort 2.1.1.7.1. Transport stationnaire Si l'on se place en régime permanent (champ constant) et qu'un état d'équilibre stable est atteint, le transport est dit stationnaire. La vitesse stationnaire est alors la vitesse d'équilibre atteinte par une population de porteurs placés dans un champ donné. Elle résulte d'un équilibre entre l'accélération par le champ et le freinage par les collisions avec le réseau (phonons) et avec les impuretés. Pour établir la notion de mobilité, nous avons supposé que le champ était suffisamment faible (< 1 kV.cm-1) pour qu'il n'y ait pas d'échauffement des porteurs. Cela signifie que l'énergie gagnée par les électrons entre deux collisions est en moyenne totalement évacuée durant la collision. Ce n'est plus le cas si le champ est supérieur à 1 kV.cm-1. L'énergie des électrons augmentant, la fréquence des collisions augmente également, ce qui conduit à une chute de la mobilité, puis à une saturation de la vitesse de l'ensemble des porteurs à vsat ≈ 107 cm.s-1 (Figure 2.1). Vitesse v vsat ≈ 107 cm.s-1 0 Champ électrique E Figure 2.1. Allure de la courbe vitesse-champ dans Si dans le cas d'un transport stationnaire. 2.1.1.7.2. Transport non stationnaire Les porteurs sont dits en survitesse lorsqu'ils atteignent une vitesse supérieure à la vitesse stationnaire correspondant au champ qu'ils ressentent. Le phénomène est observé en cas de variation brutale du champ. Il faut alors un certain temps et donc une certaine distance pour que les porteurs atteignent leur nouvelle vitesse stationnaire. Il y a donc une zone intermédiaire (en temps et en espace) où les électrons ne sont pas dans un état stationnaire. Ils peuvent alors se retrouver en survitesse, c'est-à-dire avec une vitesse moyenne sensiblement supérieure à vsat. Ce phénomène est très important dans des dispositifs dont la zone active est de dimension très faible (transistor à effet de champ à grille courte, transistor bipolaire à base courte) : les électrons peuvent être en survitesse sur une grande partie ou sur la totalité de la zone active. Le cas « ultime » du transport non stationnaire est le transport balistique, c'est-à-dire le transport sans interaction. Il est « observable » à 300 K sur des distances inférieures à 0,1 µm : – certains porteurs traversent une zone en ne subissant aucune interaction ; – leur transport se fait alors à énergie totale constante : toute l'énergie potentielle due au champ est transformée sans perte en énergie cinétique ; – les vitesses atteintes peuvent être très élevées, supérieures à 6 × 107 cm.s-1. 2.1.2. Création de porteurs en excès et recombinaison On se place maintenant dans le cas de perturbations « dures » qui modifient le nombre de porteurs libres dans le cristal. Le phénomène de génération-recombinaison peut être considéré comme le résultat de la superposition de plusieurs processus. Les principaux mécanismes sont les suivants : génération-recombinaison optique (transitions de photons) et ionisation par impact, recombinaison non radiative (transition de phonons), recombinaison à trois particules (recombinaison Auger) et recombinaison en surface. La génération-recombinaison est caractérisée par une vitesse nette G, donnée en cm-3.s-1, représentant la concentration de porteurs créés par seconde. Elle s'exprime alors comme la somme des différentes contributions : G = Goptique + Gimpact + GSRH + GAuger + Gsurface [2.29] Eléments de base de la physique du transport 9 2.1.2.1. Création de porteurs en excès 2.1.2.1.1. Création de porteurs par éclairement Ce processus est une transition directe des porteurs entre la bande de conduction et la bande de valence. La génération correspond au passage d'un électron de la bande de valence à la bande de conduction par un gain d'énergie apportée par un photon. De même, la recombinaison radiative est le phénomène inverse de l'excitation par éclairement, c’est-à-dire que l’énergie est libérée sous la forme d’émission de photons. Ce mécanisme est très efficace dans les semiconducteurs à bande interdite directe. Il est exploité dans les dispositifs électroluminescents. La vitesse nette de génération-recombinaison est donnée par : Goptique = Copt (ni2 - np) [2.30] Copt étant le taux de capture et d'émission optique, caractéristique du matériau, et ni la concentration intrinsèque. 2.1.2.1.2. Création de porteurs par radiation ionisante Ce phénomène touche essentiellement, mais pas uniquement, les circuits embarqués dans les avions et les satellites. Nous ne traiterons pas ce cas ici. 2.1.2.1.3. Création de porteurs par porteurs chauds (champ électrique intense) Ce phénomène, appelé aussi ionisation par impact, se produit pour des champs électriques supérieurs à 100 kV.cm-1, par exemple dans la zone de charge d’espace d’une jonction en inverse. Un porteur accéléré par un tel champ voit croître son énergie cinétique jusqu’à pouvoir se comporter comme une radiation ionisante, c’est-à-dire qu’il peut céder une partie de son énergie pour créer une paire électron-trou. Les porteurs ainsi créés subissent également l’accélération du champ électrique et peuvent créer d’autres paires, ce qui donne lieu au phénomène d’avalanche, puis au claquage de la jonction. Deux paramètres caractérisent le phénomène d'ionisation par impact : – Le seuil d’énergie d’ionisation qui est l’énergie cinétique minimum que doit acquérir un porteur pour créer une paire. Cette énergie est sensiblement supérieure à la largeur de bande interdite ; – Le coefficient d’ionisation α (cm-1) qui donne le nombre de paires créées par cm parcouru par un porteur chaud. Ce coefficient dépend directement de l’énergie du porteur, grandeur cependant peu accessible expérimentalement. Aussi ce coefficient d’ionisation est-il donné en fonction du champ électrique. Des modèles semi-empiriques permettent de l’évaluer (voir par exemple [THO 81]). La vitesse nette de génération est donnée par : Gimpact = [ 1 αn Jn + α p J p q ] [2.31] où αn et αp sont les coefficients d'ionisation et Jn et Jp les densités de courant d'électrons et de trous. 2.1.2.2. Recombinaison 2.1.2.2.1. Description des mécanismes Lorsqu’il y a excès d’électrons libres et de trous libres par rapport à l’équilibre thermique, différents processus de recombinaison interviennent pour rétablir les concentrations d’équilibre. On distingue la recombinaison directe, ou bande à bande, et la recombinaison indirecte, qui se fait par l’intermédiaire de niveaux profonds (figure 2.2). 10 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium EC indirecte directe EV Figure 2.2. Processus de recombinaison directe et indirecte. La recombinaison libère de l’énergie ; les mécanismes se différencient par la manière de dissiper cette énergie. On en distingue essentiellement trois : – recombinaison non radiative : l’énergie libérée sert à exciter des modes de vibration du réseau cristallin, c’est-à-dire que des phonons sont émis (figure 2.3.a). Il y a échauffement du cristal. La recombinaison indirecte non radiative est le mécanisme prépondérant dans le silicium. Dans du Si très pur, la durée de vie des porteurs, τn ou τp, est de l’ordre de 1 ms. Elle peut descendre à environ 1 ns si l’on introduit des centres de recombinaison indirecte, par exemple par diffusion d’or ou de platine. Dans le cas de recombinaison indirecte, la vitesse nette de génération-recombinaison est donnée par le modèle de Shockley-Read-Hall, soit : G SRH = − n p − n i2 τ p (n + ni ) + τ n ( p + ni ) [2.32] – recombinaison Auger : l’énergie libérée est fournie à un porteur libre (figure 2.3.b) ; c’est le mécanisme inverse de l’ionisation par impact. Il n’est important qu’à température élevée ou en présence d’un champ fort. La vitesse nette de génération-recombinaison est donnée par : GAuger = (ni2 - np) (nCn + pCp) [2.33] où Cn et Cp sont les coefficients Auger, respectivement de l'ordre de 3 × 10-43 m6s-1 et 10-43 m6s-1 à température ambiante. EC hω EV (a) (b) Figure 2.3. Les mécanismes de recombinaison ; (a) non radiative, (b) Auger. – recombinaison en surface : en surface, ou contre une interface avec un diélectrique, la rupture de périodicité cristalline introduit des états localisés dont les niveaux peuvent se trouver dans la bande interdite (figure 2.4). Ces états favorisent une recombinaison superficielle, par un processus analogue à la recombinaison indirecte précédemment décrite. EC Air ou diélectrique } Centres d’interface EV Figure 2.4. Recombinaison superficielle. Eléments de base de la physique du transport 11 La vitesse nette de génération-recombinaison superficielle est donnée par : Gs = ( N Rs cn c p ns p s − ni 2 ) cn (ns + ni ) + c p ( p s + ni ) [2.34] où NRs est la densité surfacique des centres d’interface (cm-2), cn et cp sont les coefficients de capture en cm3.s-1 dans le silicium, et ns et ps sont les concentrations volumiques (cm-3) des porteurs à la surface. 2.2. Transport dans les dispositifs L'étude du matériau semiconducteur qui a été présentée jusqu'à présent s'est essentiellement préoccupée de la répartition des électrons et des trous sur les divers niveaux d'énergie offerts dans le cristal. On a, jusque là, considéré les positions relatives de ces différents niveaux, et c'est pourquoi les concentrations n et p d'électrons et de trous ont pu être exprimées (cf. expression [1.50] du chapitre 1) en fonction de la différence entre EF (niveau de Fermi) et Ei (niveau intrinsèque). ⎧ ⎛ E F − Ei ⎞ ⎟⎟ ⎪ n = ni exp⎜⎜ ⎪ ⎝ k BT ⎠ ⎨ ⎪ p = n exp⎛⎜ Ei − E F ⎞⎟ i ⎜ k T ⎟ ⎪ B ⎠ ⎝ ⎩ [2.35] Tout étant relatif, on n'avait pas besoin d'une référence commune pour les énergies. Pour l'étude des dispositifs, ils sont soumis à des actions extérieures (polarisation, éclairement...). Il devient donc nécessaire de repérer les énergies par rapport au milieu extérieur en choisissant une origine commune. On considère un gaz d'électrons constituant un système thermodynamique en interaction avec le milieu extérieur. La variation d'énergie interne U lorsqu'on accroît la quantité du nombre de particules dn et dp (n et p variables extensives) est donnée pour une réaction isotherme et adiabatique (dT = 0 et δQ = 0) par l'expression suivante (pour dp = 0) : dU = µcn dn -qΨ dn = µ~ n dn [2.36] avec les variables intensives : – µcn : énergie potentielle chimique des électrons ; – Ψ : potentiel électrostatique introduit par le milieu extérieur ; – µ~ n : énergie potentielle électrochimique des électrons. On définit de même pour les trous les énergies µcp et µ~ p . On a enfin les relations : ~ = µ − qΨ ⎧µ n cn ⎨~ µ = µ cp + qΨ ⎩ p [2.37] 2.2.1. Système à l'équilibre thermodynamique Le système est à l'équilibre thermodynamique lorsqu'il n'échange pas d'énergie avec le milieu extérieur (bilan nul des échanges d'énergie avec l'extérieur). On montre que la condition nécessaire est que les variables intensives T, µ~ n , µ~ p ne varient pas avec la position : r ⎧ T (r ) = constante ⎪~ r ⎨ µ n (r ) = constante ~ r ⎪µ ⎩ p (r ) = constante De plus, on montre en thermodynamique que : [2.38] 12 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium ⎧ ⎛ n ⎞ ⎪ µ cn = k B T ln ⎜⎜ ⎟⎟ ⎪ ⎝ ni ⎠ ⎨ ⎪ µ = k T ln ⎛⎜ p ⎞⎟ B ⎜n ⎟ ⎪ cp ⎝ i⎠ ⎩ [2.39] En utilisant les relations [2.35] on obtient : ⎧ µcn = E F − Ei ⎨ ⎩ µcp = Ei − E F [2.40] où Ei est par définition associé à Ψ : Ei = -qΨ [2.41] Le signe – est conventionnel car l'on définit un diagramme d'énergie pour les électrons. On a donc : µ n = µ cn − qΨ = E F ⎧ ~ ⎨~ ⎩ µ p = µ cp + qΨ = − E F [2.42] A l'équilibre thermodynamique les expressions [2.38] permettent alors d'affirmer que le niveau de Fermi EF est plat pour un cristal semiconducteur au repos. Lorsque le cristal n'est pas uniformément dopé, les quantités n et p varient, donc µcn et µcp aussi. Les bandes se courbent autour du niveau de Fermi. En effet, n variant le long du cristal, µcn varie aussi (expression [2.39]), et Ψ (expression [2.37]) s'ajuste pour que µ~ n (ou EF) reste constant. Les variations de Ei le long du cristal montrent qu'il existe un gradient de potentiel le long du barreau et donc un champ électrostatique : E= 1 dEi q dx [2.43] A l'équilibre, ce champ s'oppose à la diffusion des porteurs, les deux courants de diffusion et de conduction existent et se compensent parfaitement ; c'est pourquoi il n'y a pas de courant global. 2.2.2. Système hors d'équilibre D'après ce qui précède, un état de déséquilibre, c'est à dire un gradient du potentiel électro-chimique, peut avoir diverses causes, et notamment : – l'application d'une différence de potentiel induisant un gradient de Ψ ; – la génération locale de porteurs en excès (radiation ionisante, par exemple) induisant un gradient de µcn. Dans l'hypothèse de perturbations suffisamment faibles, les flux de porteurs résultants sont proportionnels au gradient des variables intensives du système. On obtient ainsi, dans le cas d'un semiconducteur isotherme les densités de courant suivantes : ~ ⎞ r⎛ µ ⎧ r n ⎟⎟ ⎪ J n = σ n ∇⎜⎜ ⎪ ⎝ q ⎠ ⎨r ~ r µ ⎪ J = −σ ∇⎛⎜ p ⎞⎟ p ⎜ ⎟ ⎪ p ⎝ q ⎠ ⎩ avec σn et σp les conductivités respectivement des électrons et des trous. [2.44] Eléments de base de la physique du transport 13 ~ ⎞ r⎛ µ r On remarque que pour un système à concentration constante ∇⎜⎜ n ⎟⎟ = −∇Ψ , donc on retrouve bien la loi d'Ohm ⎝ q ⎠ r r J = σE . On définit les pseudo-potentiels de Fermi ϕ n et ϕ p pour les électrons et les trous, respectivement : ~ µ ⎧ n = − ϕ n ⎪ q ⎪ ~ ⎨ µ ⎪ϕ = p p ⎪⎩ q [2.45] Alors qu'à l'équilibre ces potentiels étaient égaux, ils n'ont maintenant plus de raison de l'être en tous points du dispositif en présence d'une perturbation. On est donc amené à définir localement un quasi-niveau de Fermi pour chaque type de porteur par : ~ ⎧ E Fn = µ n ⎨ ~ = − E µ p ⎩ Fp [2.46] On a alors : r σn r ⎧ r ⎪⎪ J n = −σ n ∇ϕ n = q ∇E Fn ⎨r r σ r ⎪ J p = −σ p ∇ϕ p = p ∇E Fp ⎪⎩ q [2.47] r r On retrouve ici les expressions [2.28] et le fait que − ∇E Fn et − ∇E Fp sont les seuls véritables champs électromoteurs pour les porteurs libres. La différence de potentiel électromoteur appliquée entre deux points d'un cristal r r au moyen d'un générateur extérieur sera donc égale à la circulation de − ∇E Fn ou − ∇E Fp : [ r 1 V A − VB = − ∇ϕ n = − E Fn ( A) − E Fp ( B) q ∫ ] [2.48] Les concentrations de porteurs restent liées aux potentiels chimiques et sont données par : ⎧ ⎛ µcn ⎞ ⎛ E − Ei ⎞ ⎟⎟ = ni exp⎜⎜ Fn ⎟⎟ ⎪ n = ni exp⎜⎜ ⎪ ⎝ k BT ⎠ ⎝ k BT ⎠ ⎨ ⎪ p = n exp⎛⎜ µcp ⎞⎟ = n exp⎛⎜ Ei − E Fp ⎞⎟ i i ⎜k T ⎟ ⎜ k T ⎟ ⎪ B ⎝ B ⎠ ⎝ ⎠ ⎩ [2.49] On a donc maintenant dans le cas général : ⎛ E Fn − E Fp n p = ni2 exp⎜⎜ k BT ⎝ ⎞ ⎟ ⎟ ⎠ [2.50] 2.2.3. Equations à résoudre pour l'étude des dispositifs 2.2.3.1. Expression des courants Les parties relatives aux électrons des expressions [2.37] et [2.39] peuvent être reportées dans la relation [2.44] ce qui donne : 14 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium r r r k B T ∇n Jn = σn − σ n ∇Ψ q n [2.51] k T Comme σn = qnµn et Dn = B µn (cf. [2.19] et [2.25]), la relation [2.51] devient donc : q r r r r J n = q Dn ∇n + qn µn E = n µn ∇(E Fn ) [2.52] et on a de même pour le courant de trous : ( ) r r r r J p = −q D p ∇p + q p µ p E = p µ p ∇ EFp [2.53] On retrouve donc bien les relations [2.27] et [2.28] données précédemment. On peut faire également deux commentaires : – à champ électrostatique nul, il peut y avoir un courant s'il existe un gradient de concentration ; r – la densité de courant J n peut être nulle même en présence d’un champ électrostatique si celui-ci est de la forme : r k T r E = − B ∇n . q L'existence d'un courant suppose une variation spatiale de la position des pseudo-niveaux de Fermi, dont les gradients sont des champs électromoteurs. 2.2.3.2. Equation de continuité L'équation dite de continuité est très importante en théorie des dispositifs. Elle exprime la conservation locale de la densité de charges, compte tenu des densités de courants et des phénomènes de génération-recombinaison qui existent à l'instant t. Soit une tranche comprise entre x et x + dx d'un semiconducteur de type N dans laquelle la concentration d'électrons est n0. Pendant le temps dt : – il entre Jn(x + dx) dt charges dans la tranche ; – il sort Jn(x) dt charges de la tranche ; – si Gn(x,t) est la vitesse nette de génération-recombinaison des électrons en cm-3s-1, on génère la charge qGn(x,t) dx dt dans la tranche. Le bilan de la variation de charge d'électrons entre x et x + dx est donc : q [n (x, t + dt ) − n (x, t )] dx = [J n (x + dx, t ) − J n (x, t )] dt + q G n (x, t ) dx dt Le taux de variation de la concentration d'électrons est donc : ∂ n ( x, t ) 1 ∂ J n ( x, t ) = G n ( x, t ) + ∂t q ∂x En procédant de même pour les trous, on obtient finalement les deux équations de continuité : 1 r r ⎧ ∂ n ( x, t ) = G n ( x, t ) + ∇ ⋅ J n ( x, t ) ⎪ ∂t q ⎪ ⎨ r r ⎪ ∂ p ( x , t ) = G ( x, t ) − 1 ∇ ⋅ J ( x, t ) p p ⎪⎩ ∂ t q Le signe devant le gradient de courant est : – positif pour les électrons car si le courant diminue avec x, il sort plus d'électrons qu'il n'en rentre ; – négatif pour les trous car si le courant diminue avec x, il entre plus de trous qu'il n'en sort. [2.54] Eléments de base de la physique du transport 15 Pour étudier un dispositif, il faut résoudre les deux équations de continuité ainsi que l'équation de Poisson : r r ∇ ⋅ (ε sc E ) = q ( N D + p − n − N A ) [2.55] où εsc est la permittivité diélectrique absolue du semiconducteur considéré, NA et ND les concentrations respectives en dopants accepteurs et donneurs. Ce système de trois équations à trois inconnues est généralement impossible à résoudre analytiquement. On est alors conduit à effectuer des approximations, ou bien à mettre en œuvre une méthode de résolution numérique. On peut cependant y parvenir si on fait l'une ou l'autre des approximations suivantes : – on se place dans une zone de charge d'espace (ZCE) où l'on peut négliger les densités d'électrons et de trous. On résout alors l’équation de Poisson qui permet de déterminer l'allure du potentiel ; – on se place dans une zone de quasi neutralité (ZQN) où la densité des porteurs majoritaires (électrons dans une zone de type N, ou trous dans une zone de type P) est égale à la densité des atomes d'impuretés et où le champ électrique est nul. On résout alors les équations de continuité. Evaluons par exemple la réaction d'un système à une petite perturbation locale, spatiale ou temporelle dans une ZQN de type N pour laquelle Ox est la seule direction d'intérêt. On peut alors écrire G = 0 : ⎧ ∂ n ( x, t ) 1 ∂ J n ( x , t ) ⎪⎪ ∂t = q ∂x ⎨ ∂E q ( n − n ) 0 ⎪ = ⎪⎩ ∂x ε sc [2.56] où n0 est la concentration en électrons à l'équilibre. De plus, on a : J n = σ n E + qDn ∂n ( x , t ) ∂x [2.57] En supposant que la zone considérée présente une conductivité uniforme, le système [2.56] se réduit à : ∂n σ n (n 0 − n) ∂ 2n = + Dn ∂t ε sc ∂x 2 [2.58] Soit, en considérant que σn = qnµn ≈ σ0 = qn0µn, et en définissant ∆n = n − n 0 : ∂∆n σ 0 ∂ 2 ∆n + ∆n − Dn =0 ∂t ε sc ∂x 2 [2.59] Nous allons chercher les solution de cette équation différentielle dans deux cas particuliers qui nous conduirons à définir deux grandeurs physiques importantes : le temps de relaxation diélectrique et la longueur de Debye. 2.2.3.2.1. Perturbation temporelle : temps de relaxation diélectrique Soit une perturbation temporelle ∆n0 à t = 0. On a ∂ 2 ∆n ∂x 2 = 0 . L'équation [2.59] devient donc : ∂∆n σ 0 + ∆n = 0 ∂t ε sc [2.60] La solution de cette équation différentielle du premier ordre est : ⎛ σ t⎞ ⎛ t ∆n = ∆n0 exp⎜⎜ − 0 ⎟⎟ = ∆n0 exp⎜⎜ − ⎝ τD ⎝ ε sc ⎠ ⎞ ⎟⎟ ⎠ [2.61] ε ε où τ D = sc = sc est le temps de relaxation diélectrique : le déséquilibre est relaxé avec la constante de temps σ 0 qµn n0 caractéristique τD. 16 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium Sur la figure 2.5 est tracé le temps de relaxation diélectrique τD à mobilité constante en fonction de la concentration de porteurs. On peut noter que τD, temps de retour à la neutralité électrique, est de l'ordre de la ps, voire nettement inférieure à la ps pour de forts dopages. On peut ainsi supposer que la neutralité diélectrique est toujours vérifiée dans les zones les plus conductrices d'un dispositif. τ D (ps) 10 µ = 300 cm 2 .V -1 .s -1 600 1200 2400 4800 9600 1 0,1 10 -2 10 -3 10 -4 10 15 1016 1017 10 18 10 19 1020 n 0 (cm -3 ) Figure 2.5. Temps de relaxation diélectrique τD à mobilité constante. 2.2.3.2.2. Perturbation spatiale : longueur de Debye Soit une perturbation spatiale ∆n0 en x = 0. On a ∂∆n = 0 . L'équation [2.59] devient donc : ∂t σ0 ∂ 2 ∆n ∆n − Dn =0 ε sc ∂x 2 [2.62] La solution de cette équation différentielle du second ordre est : ⎛ ⎞ ⎛ x ⎞ q 2 n0 ⎟ ∆n = ∆n0 exp⎜⎜ − x ⎟⎟ = ∆n0 exp⎜⎜ − LD ⎟⎠ ε k T ⎜ ⎟ sc B ⎝ ⎝ ⎠ où LD = ε sc k BT q 2 n0 [2.63] est la longueur de Debye. Le déséquilibre est relaxé sur une longueur caractéristique LD. Sur la figure 2.6 est tracée la longueur de Debye en fonction de la concentration de porteurs. Notons que LD peut atteindre des valeurs très faibles, inférieures au nm, dans des zones très dopées. Cela pose problème quand on résout numériquement l'équation de Poisson dans un dispositif puisque la dimension des mailles utilisées pour décrire le composant doit au plus être de l'ordre de la longueur de Debye (dans le cas contraire le système ne peut évoluer librement vers un état d'équilibre et des variations artificielles de potentiel électrique peuvent apparaître). Eléments de base de la physique du transport 17 LD (nm) 100 10 1 0,1 1015 1016 1017 1018 1019 1020 n 0 (cm -3) Figure 2.6. Longueur de Debye en fonction de la concentration de porteurs à 300 K dans Si. 2.3. Exemple de la jonction PN 2.3.1. Réalisation : profils de dopage Pour réaliser une diode à jonction PN, on part d'un substrat semiconducteur (par exemple de type P), et l'on effectue des opérations qui vont localement inverser le type du semiconducteur. La diode occupera une mince couche à la surface du semiconducteur (comme d'ailleurs tous les composants). On peut alors classer les méthodes de fabrication en deux groupes : – on introduit dans un matériau préalablement dopé des impuretés de type opposé au dopage initial. Ce sont les méthodes de diffusion ou d'implantation : - diffusion : en déposant en surface du semiconducteur une forte concentration d'une espèce chimique, on crée un fort gradient de concentration de cette espèce qui tend à diffuser à l'intérieur du matériau. Pour que la diffusion puisse se produire, il faut créer des lacunes dans le semiconducteur par agitation thermique. Dans le cas du silicium, on le porte à des températures allant de 900 °C à 1100 °C. Les profils de dopage obtenus par diffusion sont soit gaussien, soit en fonction erreur complémentaire (erfc(x) si on maintient une densité constante en surface) (Figure 2.7). Un diffusion peu profonde permet d'obtenir une jonction abrupte (passage brusque d'une région de type P à une région de type N). Dans le cas d'une diffusion profonde, la transition entre la région de type P et celle de type N est plus douce, ce qui donne lieu à une jonction graduelle. - implantation : on place le semiconducteur dans un accélérateur de particules et on le bombarde avec des ions. Le dopage dépend du flux et de l'énergie des ions mais le réseau est complètement disloqué. Il faut le reconstruire par des recuits (aujourd'hui recuits « flash »). Les profils de dopage obtenus par implantation ionique sont des gaussiennes avec un maximum éloigné de la surface (cf. Figure 2.7), – le deuxième groupe de méthodes consiste à faire croître, sur un matériau servant de substrat, une couche de semiconducteur contenant la quantité requise de dopants et assurant la continuité des réseaux cristallins à la traversée de l'interface. On parle alors d'épitaxie, et on obtient dans ce cas une jonction plutôt abrupte. Dans les deux cas, un recuit thermique permet d'activer les dopants, c'est à dire à les placer de façon optimale en sites substitutionnels du Si (Figures 1.21 et 1.22 du chapitre 1). 18 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium ND, NA (cm-3) 1018 1014 1010 0 0,1 0,2 0,3 Profondeur (µm) Figure 2.7. Profils de dopage obtenus par diffusion (trait plein) ou par implantation (tirets). On voit donc qu'il est possible d'obtenir deux types principaux de profil de dopage : les profils abrupts et les profils graduels. 2.3.2. Jonction PN à l'équilibre thermodynamique Nous allons, dans un premier temps, présenter la théorie de Shockley qui considère la jonction PN comme l'empilement de trois zones : – une zone quasi neutre de type P (ZQN) ; – une zone de charge d'espace (ZCE) ; – une zone quasi neutre de type N (ZQN). De plus, elle repose sur un certain nombre d'hypothèses que nous soulignerons au passage. Les hypothèses de départ sont les suivantes (illustrées par la Figure 2.8) : – jonction abrupte ; – structure unidimensionnelle ; – dopages uniformes. Concentrations en dopants ND+ N A+ p = NA ZQN P -Xp n = ND ZCE -xp 0 ZQN N +xn +Xn x Figure 2.8. Profil de dopage abrupt considéré pour l'étude de la jonction PN. Une jonction PN est à l'équilibre thermodynamique lorsque la polarisation appliquée entre les régions P et N est nulle et que la jonction est dans l'obscurité. 2.3.2.1. Formation de la Zone de Charge d'Espace (ZCE) L'équilibre thermodynamique de la jonction résulte des différentes étapes du processus décrit ci-dessous : – diffusion des porteurs majoritaires vers les zones où ils sont minoritaires ; – recombinaison des porteurs minoritaires en excès ; Eléments de base de la physique du transport 19 – création de part et d'autre de la jonction d'une zone de charge d'espace ZCE désertée en porteurs et globalement neutre ; – établissement d'un champ électrostatique de N vers P qui s'oppose à la diffusion des porteurs majoritaires. L'état de repos de la diode résulte donc de l'équilibre entre deux tendances antagonistes : – la diffusion sous l'effet d'un gradient de concentration ; – la dérive sous l'effet du champ électrostatique. Les frontières de la ZCE sont définies sur la Figure 2.8 par -xp et xn. La circulation de -xp à xn du champ définit une différence de potentiel (ddp) électrostatique ΨD (barrière ou potentiel de diffusion). Sa nature électrostatique (et non électrochimique) fait qu'elle ne peut être mesurée à l'aide d'un voltmètre. 2.3.2.2. Etude quantitative 2.3.2.2.1. Allure du diagramme des bandes Nous avons vu précédemment (section 2.2.1) que : – pour un système à l'équilibre, le potentiel électrochimique ne varie pas, donc le niveau de Fermi est plat ; – le niveau d'énergie Ei est, par définition, associé au potentiel électrostatique ψ : Ei = -qψ. On trace (par convention) un diagramme pour les électrons. ⎡ E − EF ⎤ On a p = ni exp ⎢ i ⎥ , soit côté P : ⎣ k BT ⎦ ⎡N ⎤ EiP − E F = k BT ln ⎢ A ⎥ ⎣ ni ⎦ [2.64] ⎡ E − Ei ⎤ On a n = ni exp ⎢ F ⎥ , soit côté N : ⎣ k BT ⎦ ⎡N ⎤ E F − EiN = k BT ln ⎢ D ⎥ ⎣ ni ⎦ [2.65] Le diagramme des bandes d'une jonction PN au repos est représenté sur la Figure 2.9. On peut déduire le potentiel de diffusion du diagramme des bandes : -qΨD = EiN - EiP [2.66] La combinaison des équations [2.64], [2.65] et [2.66] donne l'expression du potentiel de diffusion : ΨD = k BT ⎡ N A N D ⎤ ln ⎢ ⎥ 2 q ⎢⎣ ni ⎦⎥ Avec NA = 1018 cm-3 et ND = 1015 cm-3, on trouve pour Si à 300 K : ΨD = 0,77 V. [2.67] 20 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium Energie EcP -qΨD EcN EiP EF EiN EvP EvN -xp 0 +xn x Figure 2.9. Diagramme de bandes de la jonction PN à l'équilibre. 2.3.2.2.2. Calcul du champ électrostatique et de la largeur de la ZCE Dans ce calcul nous faisons l'hypothèse de complète désertion dans la ZCE: p = n = 0. On détermine les variations du champ électrostatique E et du potentiel électrostatique ψ le long du dispositif (Figure 2.10) à partir de l'équation de Poisson : ρ dE = dx ε sc [2.68] dψ dx [2.69] où : E=− La continuité du champ en x = 0, nous permet d'écrire : Emax = qN D ε sc xn = qN A ε sc xp [2.70] On retrouve ainsi la relation de neutralité électrique globale de la ZCE : ND xn = NA xp [2.71] La ZCE s'étend donc du côté le moins dopé. Sa largeur WZCE est donnée par l'équation : WZCE = 2ε sc q ⎡ 1 1 ⎤ + ⎢ ⎥ΨD ⎣ ND N A ⎦ [2.72] Eléments de base de la physique du transport 21 ρ +qND 0 -xp +xn x -qNA E -xp 0 +xn x Ψ ΨD -xp 0 +xn x Figure 2.10. Profils de densité de charge ρ, de champ électrique E et de potentiel Ψ le long de la jonction. Dans le Si, pour NA = 1018 cm-3, ND = 1015 cm-3, ΨD = 0,77 V, et εSi = 1,04.10-12 F.cm-1, on a : Emax = 15 kV.cm-1, WZCE = 1 µm, xn = 1 µm, et xp = 1 nm. REMARQUE.– On a supposé que le passage entre la ZCE et les ZQN est abrupt. Or on a vu dans précédemment (paragraphe 2.2.3.2) qu'un semiconducteur amortit une perturbation sur une distance de l'ordre de la longueur de Debye LD, soit : 4 nm pour un dopage N = 1018 cm-3, 13 nm pour N = 1017 cm-3, 130 nm pour N = 1015 cm-3. Dans ces trois cas, LD < xn correspondant à la largeur de la ZCE du côté le moins dopé, l'approximation est donc ici justifiée. Dans la zone la plus dopée, tout ceci est beaucoup plus discutable ! 2.3.3. Jonction PN polarisée en direct 2.3.3.1. Description phénoménologique Une jonction est polarisée en direct si la région P est polarisée positivement par rapport à la région N sous une tension VF (Forward). Ceci correspond à l'application d'un champ électromoteur qui s'oppose au champ électrostatique initial et donc favorise la diffusion des majoritaires. En conséquence : – la ddp entre les deux zones diminue et devient égale à ΨD - VF. La largeur de la ZCE est donc réduite ; – il y a injection de porteurs dans les ZQN ; – le courant dans le dispositif est dû à la diffusion des porteurs majoritaires. Il faut remarquer que le type des porteurs responsables du courant évolue le long de la structure. Par exemple, les électrons qui diffusent de la région de type N vers la région de type P sont, dans un premier temps, responsables d'un courant d'électrons. Lorsqu'ils arrivent dans la zone de type P, ils se recombinent, ce qui suppose l'arrivée de trous majoritaires depuis le contact de la région de type P et le courant devient alors un courant de trous. On a le même phénomène pour les trous qui diffusent de la région de type P vers la région de type N. Ce courant est conservatif en régime permanent puisqu'il n'y a nulle part accumulation de charges. Mais au cours de sa traversée du dispositif le courant change de nature. Le phénomène physique responsable de cette mutation du courant est la recombinaison des paires électrons-trous. On a donc cinq régions décrites sur la Figure 2.11 : – 1 : ZCE où circulent les courants de diffusion d'électrons et de trous ; – 2 et 3 : zones où les minoritaires ayant diffusé se recombinent, ce qui donne lieu à un courant de recombinaison ; 22 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium – 4 et 5 : ZQN où l'on peut définir un niveau de Fermi côté P EFP et côté N EFN. La polarisation directe VF est liée à la différence des niveaux de Fermi par : EFP - EFN = -q VF [2.73] P 4 N 2 ZQN 1 ZCE Recombinaison 3 5 Recombinaison ZQN Figure 2.11. Les différentes régions caractéristiques d'une jonction PN polarisée en direct. En supposant toujours vraie l'hypothèse de complète désertion dans la ZCE, on peut utiliser la même expression [2.72] pour WZCE que précédemment, en remplaçant ΨD par ΨD - VF : WZCE = 2ε sc q ⎡ 1 1 ⎤ + ⎢ ⎥ (Ψ D − VF ) ⎣ ND N A ⎦ [2.74] L'hypothèse de totale désertion sous entend que la densité volumique des porteurs traversant la ZCE reste faible devant celle des ions fixes. Le fait d'employer ΨD - VF pour la nouvelle hauteur de la barrière de diffusion sous-entend qu'aucune chute de tension n'intervient dans les ZQN du fait du passage du courant. Cet ensemble d'hypothèses suppose donc que le courant direct n'est pas trop important, c'est-à-dire que l'on est en faible injection. 2.3.3.2. Calcul du courant dans une diode réelle On constate expérimentalement que la caractéristique courant-tension d'une diode PN a l'allure de la courbe schématisée sur la Figure 2.12. On remarque sur ce graphe log(I) = f(VF) que le courant varie en fonction de la tension ⎡ ⎛ qVF ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ , avec m = 1 (région 2 de la courbe) ou m = 2 (régions 1 et 3) suivant le niveau de appliquée VF en ⎢exp⎜⎜ ⎣⎢ ⎝ mk BT ⎠ ⎦⎥ polarisation. Nous allons expliquer ce comportement. Log I 1 2 3 0 4 VF Résistance série Forte injection (m = 2) Faible injection (m = 1) Recombinaison dans la ZCE (m = 2) Figure 2.12. Allure de la caractéristique courant-tension d'une jonction PN en direct ; cette courbe logarithmique du courant présente plusieurs régimes linéaires de pente q/mkBT. Eléments de base de la physique du transport 23 2.3.3.2.1. Régime de faible injection Pour effectuer le calcul des différentes composantes du courant direct, dans les domaines 1 et 2 de polarisation définis sur la Figure 2.12, nous allons utilisé la notion de quasi niveaux de Fermi des électrons et des trous (introduite en 2.2.2), puis faire deux hypothèses : – hypothèse de quasi équilibre ; – hypothèse de faible injection. En toute rigueur, dans la région de transition de la jonction, on ne peut plus définir un niveau de Fermi puisqu'on n'est plus dans une situation d'équilibre thermique. Les concentrations de porteurs (supérieures à leurs valeurs d'équilibre) peuvent néanmoins être décrites en faisant intervenir deux quasi niveaux de Fermi, EFn pour les électrons, EFp pour les trous [2.46]. D'après [2.49], ces niveaux sont liés aux concentrations par les relations suivantes : ⎡ E ( x ) − Ei ( x ) ⎤ n( x) = ni exp ⎢ Fn ⎥ k BT ⎣ ⎦ [2.75] ⎡ Ei ( x ) − E Fp ( x) ⎤ p ( x) = ni exp ⎢ ⎥ k BT ⎣ ⎦ [2.76] On a alors : ⎡ E Fn ( x ) − E Fp ( x) ⎤ n( x) p( x) = ni2 exp ⎢ ⎥ k BT ⎣ ⎦ [2.77] La Figure 2.13 représente les variations des différents niveaux d'énergie, et en particulier des quasi niveaux de Fermi (ou pseudo niveaux de Fermi) le long d'une diode polarisée en direct. Energie EcP -q(ΨD - VF) EFP EcN EFN -qVF EvP 4 2 1 3 5 EvN Figure 2.13. Diagramme de bandes de la jonction polarisée en direct. HYPOTHESE DE QUASI EQUILIBRE.– Dans la ZCE, on suppose que le déséquilibre introduit par la polarisation directe entre la tendance à la diffusion et la tendance à la dérive reste faible devant chacune d'elle. On peut donc supposer que les courants Jn et Jp sont négligeables devant chacune des composantes (dérive et surtout diffusion), et donc que EFn et dEFp dE Fn et J p = pµ p ) (Figure 2.13). Il en dx dx résulte que le produit n(x) p(x) est constant dans toute la ZCE et est donné par l'expression [2.77], soit : EFp restent constants à la traversée de la ZCE (rappelons que : J n = nµn ⎡ qV ⎤ n( x ) p ( x) = ni2 exp ⎢ F ⎥ ⎣ k BT ⎦ [2.78] HYPOTHESE DE FAIBLE INJECTION.– Dans les zones de recombinaison (2 et 3), la densité de porteurs minoritaires est faible par rapport à celle des majoritaires. Le niveau de Fermi des majoritaires reste donc fixé par le dopage, et celui des 24 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium minoritaires passe progressivement de sa position dans la ZCE à la position du niveau de Fermi des majoritaires dans la ZQN (4 et 5) (Figure 2.13). On peut écrire du côté P en x = -xp : ⎧ p p (− x p ) − p p 0 n p (− x p ) − n p 0 = << 1 ⎪ ⇒ p p (− x p ) = p p 0 = N A p p0 p p0 ⎨ ⎪ p (− x ) − p − (n (− x ) − n ) = 0 p p0 p p p0 ⎩ p [2.79] On obtient des équations analogues du côté N en x = xn, avec finalement : n n ( x n ) = n n0 = N D où pp0 = NA, concentration de trous et n p 0 = d'électrons et p n 0 = [2.80] ni2 concentration d'électrons dans la ZQN P, nn0 = ND concentration NA n i2 concentration de trous dans la ZQN N. ND Trois possibilités de recombinaison s'offrent aux électrons et aux trous injectés depuis les zones N et P en polarisation directe : – recombinaison dans les ZQN. Ce phénomène donne lieu au courant de diffusion ID ; – recombinaison sur des centres répartis dans le volume de la ZCE. On observe un courant IR dit courant de recombinaison ; – recombinaison sur des centres situés en surface de la ZCE. On observe un courant IRS dit courant de recombinaison superficielle. Lorsque, partant des très faibles niveaux, on fait croître le courant de diffusion, la densité de porteurs atteint progressivement un niveau tel que tous les centres de recombinaison dans la ZCE se saturent. Les courants IR et IRS n'augmentent donc plus et le courant de diffusion devient prépondérant (avec m = 1, comme nous le verrons ci-dessous). Ces phénomènes de recombinaison sont donc importants à faible niveau de polarisation. Nous allons établir ce résultat par le calcul de ces différentes contributions au courant. Pour calculer le courant de diffusion ID, on utilise les hypothèses de Shockley suivantes : – unidimensionnalité ; – pas de chute de tension dans les ZQN ; – complète désertion dans la ZCE ; – quasi équilibre ; – faible injection. Soit une diode PN avec la jonction métallurgique en x = 0. Rappelons que la ZCE est délimitée par -xp et xn respectivement côté P et N. De plus, les épaisseurs des zones P et N sont respectivement définies par -Xp et Xn. Cherchons dans un premier temps à déterminer le profil de concentrations des trous dans la région N. Pour cela, on utilise l'équation de continuité en volume : ∂pn 1 ∂J p n = Gp − ∂t q ∂x Cette équation est résolue avec les hypothèses suivantes : – régime permanent : ∂p n =0 ; ∂t – pas de génération-recombinaison autre que le phénomène thermique SRH ; – ZQN donc E = 0. [2.81] Eléments de base de la physique du transport 25 Rappelons les expressions du courant de diffusion J pn et de la vitesse de recombinaison GSRH données précédemment dans ce chapitre : J pn = − q D p n ∂ pn nn pn − ni 2 ; GSRH p = − τ p n (nn + ni ) + τ nn ( pn + ni ) ∂x Or, du côté N, nn = ND >> pn, d'où : GSRG p ≈ − pn − pn 0 τ pn L'équation [2.81] se simplifie alors ainsi : D pn ∂ 2 ( p n ( x) − p n 0 ) ∂x 2 − p n ( x) − p n 0 τ pn =0 [2.82] où Dpn est le coefficient de diffusion des trous côté N, τpn est la durée de vie des trous côté N. On introduit la longueur de diffusion des trous dans la région N : L pn = D pnτ pn . Cette grandeur joue un rôle important dans la physique des dispositifs à injection de porteurs minoritaires. C'est la longueur sur laquelle les minoritaires se recombinent. L'équation [2.82] se réécrit : ∂ 2 ( p n ( x) − p n 0 ) ∂x 2 − p n ( x) − p n 0 L2p =0 [2.83] n La solution de l'équation [2.83] est : ⎡x −∆⎤ p n ( x) − p n0 = A sh ⎢ ⎥ ⎢⎣ L pn ⎥⎦ [2.84] Pour déterminer A et ∆, on applique les conditions aux limites. Du côté N, les expressions [2.78] et [2.80] permettent d'écrire la condition limite en x = xn : pn ( xn ) = ⎡ qV ni 2 exp ⎢ F ND ⎣ k BT ⎤ ⎡ q VF ⎤ ⎥ = pn0 exp ⎢ ⎥ ⎦ ⎣ k BT ⎦ [2.85] Pour la condition en x = Xn, on suppose que le contact est parfaitement recombinant, c'est-à-dire que le coefficient de recombinaison sp qui relie la vitesse de recombinaison de surface Gsp à l'excès de trous ∆p est infinie. Le courant de recombinaison correspondant à ce contact est : J pn ( X n ) = q s p p n ( X n ) − p n0 . Dans cette équation J pn a une valeur ( ) finie alors que sp est infinie. Donc : p n ( X n ) = p n0 [2.86] L'équation [2.84] est alors entièrement établie : ⎡ ⎛ qV pn (x ) − pn0 = pn0 ⎢exp ⎜⎜ F ⎢⎣ ⎝ k BT ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎥⎦ ⎛x− X ⎞ n⎟ sh ⎜ ⎜ Lp ⎟ n ⎝ ⎠ ⎛x −X ⎞ n⎟ sh ⎜ n ⎜ Lp ⎟ n ⎝ ⎠ [2.87] Le même calcul peut être fait dans la région P. Les expressions [2.78] et [2.79] permettent d'écrire la condition limite en x = -xp : 26 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium n p (− x p ) = ⎡ qV ⎤ ⎡ qV ⎤ ni2 exp ⎢ F ⎥ = n p 0 exp ⎢ F ⎥ NA ⎣ k BT ⎦ ⎣ k BT ⎦ [2.88] L'hypothèse d'un contact parfaitement recombinant en x = -Xp revient à écrire : ( ) n p − X p = n p0 [2.89] On trouve alors : ⎡ ⎛ qV n p (x ) − n p0 = n p0 ⎢exp ⎜⎜ F ⎝ k BT ⎣⎢ ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎦⎥ ⎛x+ Xp ⎞ ⎟ sh ⎜ ⎜ Lp ⎟ n ⎝ ⎠ ⎛ − xp + X p ⎞ ⎟ sh ⎜ ⎜ ⎟ Ln p ⎝ ⎠ [2.90] Calculons, à présent, le courant de diffusion. On a côté N : J p n (x ) = − q D p n ⎛x− X ⎞ n⎟ ch ⎜ ⎜ Lp ⎟ n ⎠ ⎝ ⎛x −X ⎞ n⎟ sh ⎜ n ⎟ ⎜ Lp n ⎠ ⎝ ⎡ ⎛ q VF ⎢exp ⎜⎜ ⎝ k BT ⎣⎢ ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎦⎥ [2.91] ⎛x+ Xp ⎞ ⎟ ch ⎜ ⎜ Ln ⎟ p ⎝ ⎠ ⎛ − xp + X p ⎞ ⎟ sh ⎜ ⎜ ⎟ Ln p ⎝ ⎠ ⎡ ⎛ q VF ⎢exp ⎜⎜ ⎢⎣ ⎝ k BT ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎥⎦ [2.92] D pn ∂pn pn0 = −q L pn ∂x et côté P : J n p (x ) = q Dn p ∂n p ∂x = −q Dn p Ln p n p0 On doit avoir conservation du courant total : JD = Jp(x) + Jn(x). Si l'on néglige les phénomènes de génération-recombinaison dans la ZCE, on peut écrire : ( ) ( ) J p p − x p = J p n (xn ) et J n p − x p = J n n (xn ) . [2.93] On a donc : ⎡ ⎛ qV J D = J n p (− x p ) + J p n ( xn ) = J S ⎢exp ⎜⎜ F ⎢⎣ ⎝ k BT ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎦⎥ [2.94] avec : JS = q D pn L pn ⎡− x + X ⎤ D ⎡x − X ⎤ p p n + q n p n coth ⎢ ⎥ pn0 coth ⎢ n ⎥ p0 L L L ⎢ ⎥ pn ⎦⎥ np n p ⎣⎢ ⎣ ⎦ [2.95] Considérons le cas où les régions N et P sont longues, c'est-à-dire X n >> L pn et X p >> Ln p . On remarque qu'on a alors : Eléments de base de la physique du transport ⎡x − Xn ⎤ ⎡x − Xn ⎤ ⎡ x − Xn ⎤ 2 sh ⎢ n ⎥ = exp ⎢ n ⎥ − exp ⎢− n ⎥ L pn ⎥⎦ ⎢⎣ L pn ⎥⎦ ⎢⎣ L pn ⎥⎦ ⎢⎣ ⎡ x − Xn ⎤ ≈ − exp ⎢− n ⎥ L pn ⎦⎥ ⎣⎢ 27 [2.96] L'expression [2.87] devient donc : ⎡ ⎛ qV pn (x ) − pn0 = pn0 ⎢exp ⎜⎜ F ⎢⎣ ⎝ k BT ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎥⎦ ⎡x− X ⎤ ⎡ ⎤ n − exp − x − X n exp ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ ⎢⎣ L p n ⎥⎦ ⎢⎣ L p n ⎥⎦ ⎡ x −X ⎤ n − exp ⎢− n ⎥ L p n ⎦⎥ ⎣⎢ (ne pas simplifier trop rapidement au numérateur (cas x = Xn)). On a alors : ⎡ ⎛ qV pn (x ) − pn0 = pn0 ⎢exp ⎜⎜ F ⎝ k BT ⎣⎢ ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎦⎥ ⎡ ⎛ x+ x −2X ⎞ ⎛ ⎞⎤ n n ⎟ + exp ⎜ − x + X n + xn − X n ⎟⎥ ⎢− exp ⎜ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎥ L pn L pn ⎢⎣ ⎝ ⎠ ⎝ ⎠⎦ ⎡ ⎛ qV pn (x ) − pn0 = pn0 ⎢exp ⎜⎜ F ⎝ k BT ⎣⎢ ⎛ x−x ⎞ ⎞ ⎤ n⎟ ⎟⎟ − 1⎥ exp ⎜ − ⎜ Lp ⎟ ⎠ ⎦⎥ n ⎠ ⎝ [2.97] De même, on peut écrire : ⎡− xp + X p ⎤ ⎡− x + X p ⎤ ⎡ − xp + X p ⎤ ⎥ = exp ⎢ p ⎥ − exp ⎢− ⎥ 2 sh ⎢ Ln p ⎢ Ln p ⎥ ⎢ Ln p ⎥ ⎢ ⎥ ⎣ ⎦ ⎣ ⎦ ⎣ ⎦ ⎡− xp + X p ⎤ ⎥ = exp ⎢ ⎢ Ln p ⎥ ⎣ ⎦ [2.98] Ce qui permet de simplifier l'expression [2.90] de la façon suivante : ⎡ ⎛ qV n p (x ) − n p0 = n p0 ⎢exp ⎜⎜ F ⎢⎣ ⎝ k BT ⎛ x + xp ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ exp ⎜ ⎜ Ln ⎠ ⎥⎦ p ⎝ ⎞ ⎟ ⎟ ⎠ [2.99] Les expressions [2.91], [2.92] et [2.95] deviennent alors : J p n (x ) = − q D pn J n p (x ) = −q Dn p JS = q D pn L pn L pn Ln p ⎛ x−x ⎞ n⎟ pn0 exp ⎜ − ⎜ Lp ⎟ n ⎠ ⎝ ⎛ x + xp n p0 exp ⎜ ⎜ Ln p ⎝ pn0 + q Dn p Ln p ⎞ ⎟ ⎟ ⎠ ⎡ ⎛ q VF ⎢exp ⎜⎜ ⎢⎣ ⎝ k BT ⎡ ⎛ q VF ⎢exp ⎜⎜ ⎝ k BT ⎣⎢ ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎥⎦ ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎦⎥ n p0 La Figure 2.14 représente les variations des courants J n p et J pn le long du dispositif. [2.100] [2.101] [2.102] 28 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium J JD J pp J nn J pn J np -xp 0 x xn Figure2.14. Variations des densités de courant d'électrons et de trous le long de la jonction. Pour NA = 1018 cm-3, Dn p = 12 cm2/s, L n p = 110 µm, ND = 1015 cm-3, D pn = 10 cm2.s-1 et L n p = 550 µm, on a JS = 3 × 10-12 A.cm-2 Considérons le cas où les régions N et P sont courtes, c'est-à-dire X n << L pn et X p << Ln p . On peut alors écrire : ⎧ ⎛ x − Xn ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎟ = exp ⎜ x n − X n ⎟ − exp ⎜ − x n − X n ⎟ ≈ 2 ⎜ x n − X n ⎪2 sh ⎜ n ⎜ Lp ⎟ ⎜ Lp ⎟ ⎜ ⎜ Lp L pn ⎟⎠ ⎪⎪ n n n ⎝ ⎠ ⎝ ⎠ ⎝ ⎝ ⎨ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞ − − − x X x X x X ⎪ n ⎟ n ⎟ n ⎟ = exp ⎜ n + exp ⎜ − n ≈2 2 ch ⎜ n ⎪ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟ L L L pn pn pn ⎝ ⎠ ⎝ ⎠ ⎝ ⎠ ⎩⎪ ⎞ ⎟ ⎟ ⎠ [2.103] On obtient des expressions similaires du côté P. Les expressions [2.91], [2.92] et [2.95] deviennent alors : J p n (x ) = −q D pn J n p (x ) = − q Dn p JS = q D pn Xn Xn Xp ⎡ ⎛ qV pn0 ⎢exp ⎜⎜ F ⎢⎣ ⎝ k BT ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎥⎦ [2.104] ⎡ ⎛ qV n p0 ⎢exp ⎜⎜ F ⎝ k BT ⎣⎢ ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎦⎥ [2.105] pn0 + q Dn p Xp n p0 [2.106] Dans tous les cas on a un courant de diffusion de la forme suivante : ⎡ ⎛ q VF J D = J S ⎢exp ⎜⎜ ⎝ m k BT ⎣⎢ ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ , avec m = 1 ⎠ ⎦⎥ [2.107] A partir de l'expression de JS [2.106], on peut remarquer qu'en cas d'une jonction fortement dissymétrique, le dopage le plus élevé n'intervient pas dans l'intensité du courant. Pour calculer le courant de recombinaison en volume dans la ZCE IR, on fait appel au modèle de Shockley-Read-Hall (SRH), valable pour des semiconducteurs tels que le silicium, dans lesquels la recombinaison se fait indirectement par l'intermédiaire de centres profonds dans la bande interdite. Elle n'est pas applicable au cas du GaAs dans lequel la recombinaison directe bande à bande est prédominante. Si l'on admet que la recombinaison se fait principalement sur un seul type de centre, la vitesse nette de recombinaison (nombre de paires recombinées par seconde et par unité de volume), dans la ZCE, est donnée par : Eléments de base de la physique du transport GSRH (x ) = − n (x ) p (x ) − ni2 τ p (n1 + n (x )) + τ n ( p1 + p (x )) 29 [2.108] Avec τp = τn = τ les durées de vie caractéristiques du centre principal, n1 et p1 les concentrations équivalentes du niveau de défaut ET qu'il introduit dans la bande interdite. Les densités n1 et p1 sont définies pour le cas où ET est proche de EF, c’est-à-dire : ⎧ ⎡ ET − EC ⎤ ⎪n1 = N C exp ⎢ ⎥ ⎪ ⎣ k BT ⎦ ⎨ ⎪ p = N exp ⎡ EV − ET ⎤ ⎢ ⎥ V ⎪ 1 ⎣ k BT ⎦ ⎩ [2.109] Ne connaissant pas, a priori, les lois de variations de n(x) et p(x), nous ne pouvons utiliser l'expression [2.108] qu'en introduisant des approximations : – le niveau de défaut ET est très voisin du milieu de la bande interdite (ET = Ei) : n1 = p1 = ni [2.110] – E Fn et EFp sont plats à la traversée de la barrière (hypothèse de quasi équilibre) : ⎛ E Fn − E F p n (x ) p (x ) = ni2 exp ⎜ ⎜ k BT ⎝ ⎞ ⎟ = n 2 exp ⎛⎜ q VF ⎞⎟ ⎟ i ⎝ kT ⎠ ⎠ [2.111] L'expression [2.108] devient alors : ⎡ ⎛ qV ⎞ ⎤ ni2 ⎢exp ⎜⎜ F ⎟⎟ − 1⎥ ⎢⎣ ⎝ k BT ⎠ ⎥⎦ GSRH (x ) = − ⎡ ⎛ Ei − E F p ⎛ E F − Ei ⎞ ⎟ + exp ⎜ τ ni ⎢2 + exp ⎜⎜ n ⎟ ⎜ k BT ⎢⎣ ⎝ k BT ⎠ ⎝ ⎞⎤ ⎟⎥ ⎟⎥ ⎠⎦ [2.112] La vitesse GSRH est maximale lorsque p(x) = n(x), c'est-à-dire au point où le milieu de la bande interdite Ei se situe à équidistance de E Fn et E Fp , soit pour E Fn − E i = E i − E Fp = GSRH max ⎡ ⎛ qV ⎞ ⎤ ni ⎢exp ⎜⎜ F ⎟⎟ − 1⎥ ⎛ q VF n ⎝ k BT ⎠ ⎦⎥ ⎣⎢ = i exp ⎜⎜ =− 2 τ ⎡ ⎤ ⎛ q VF ⎞ ⎝ 2 k BT ⎟⎟⎥ 2 τ ⎢1 + exp ⎜⎜ ⎝ 2 k BT ⎠⎦⎥ ⎣⎢ q VF . Sa valeur est alors : 2 ⎞ ⎟⎟ ⎠ [2.113] Le courant de recombinaison s'obtient en intégrant GSRH(x) sur l'étendue de la ZCE : xn IR = q A ∫ GSRH (x ) dx [2.114] −xp A est l'aire de la section droite de la diode. Soit ∆ l'épaisseur à l'intérieur de laquelle la recombinaison est significative, c'est-à-dire sur laquelle GSRH(x) varie très peu et peut être considéré comme égal à GSRH max. On peut alors écrire : IR ≈ q A ⎛ q VF ni ∆ exp ⎜⎜ 2τ ⎝ 2 k BT ⎞ ⎟⎟ ⎠ [2.115] 30 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium Ce courant est donc de la même forme que le courant de diffusion [2.107], mais avec m = 2. Il est alors intéressant de comparer IR au courant direct de diffusion ID : D pn L pn ID = IR p n0 + Dn p Ln p n p0 ⎛ qV F exp ⎜⎜ ⎝ 2 k BT ni ∆ 2τ ⎞ ⎟⎟ ⎠ [2.116] Pour NA = 1018 cm-3, ND = 1015cm-3 et τ = 10-8 s, on a JS = 3 × 10-12 A.cm-2. Un ordre de grandeur de ∆ peut être obtenu en évaluant l'épaisseur sur laquelle GSRH(x) varie de GSRH ⎛ q δψ GSRH max. On a sur ∆/2 une ddp δψ telle que : exp ⎜⎜ ⎝ k BT E max max/10 à ⎞ k T ⎟⎟ = 10 ⇒ δψ = 2,3 B . De plus, dans la ZCE, on a : q ⎠ k T 1 ∆ = δψ ⇒ ∆ = 4,6 B 2 q E max [2.117] Pour notre application numérique, Emax = 15 kV.cm-1, l'expression [2.117] donne : ∆ = 79 nm. ⎛ qVF ID 3× 10 −12 2 × 10 −8 exp⎜⎜ = −7 10 −19 I R 79 × 10 × 10 × 1,6 × 10 ⎝ 2k BT ⎛ qVF = 4,74 × 10 exp⎜⎜ ⎝ 2k BT −6 ⎞ ⎟⎟ ⎠ ⎞ ⎟⎟ ⎠ [2.118] Donc ID = IR pour VF = 0,63 V. Il est clair qu'à faible VF, on a ID << IR, et lorsque VF augmente, très rapidement ID devient supérieur à IR. Enfin, notons que les régions de rencontre entre la ZCE et la surface du dispositif donnent lieu à un important courant de recombinaison en surface en régime de polarisation directe. La couche de silice (SiO2) contient une certaine quantité d'ions. Si la densité de ces charges est suffisante, elles induisent une zone déserte qui prolonge la ZCE en augmentant d'autant son aire de contact. 2.3.3.2.2. Régimes de forte injection Lorsque la densité de courant de la diode dépasse un certain seuil, les concentrations des porteurs injectés dans les zones N et P deviennent comparables, voire supérieures, à la concentration des majoritaires. Les ZQN des régions N et P n'existent plus car il y apparaît une chute de potentiel. Ces chutes de tension sont associées à deux composantes du champ électrique : – composante ohmique ER due à la chute de tension dans les ZQN ; – composante ambipolaire Ed due à la charge d'espace des porteurs majoritaires excédentaires. Le champ ohmique ER n'est important que dans la région où le courant des majoritaires a remplacé celui des minoritaires (par recombinaison), dans la zone la moins dopée, soit par exemple dès que n(x) = ND pour une diode P+N. Sa valeur est alors : ER = Jn J ≈ qµ n N D qµ n N D [2.119] J étant la densité de courant total. La chute de tension correspondante ∆VC a alors pour expression, pour une diode dont la zone N a pour épaisseur Xn : Eléments de base de la physique du transport Xn ∆VC < ∫ 0 J Xn J dx = qµn N D qµn N D 31 [2.120] Sa valeur ne peut être négligeable que si la zone la plus faiblement dopée (ici N) est peu épaisse ou si le dopage est important (ND > 1016 cm-3). S'il ne peut en être ainsi (pour des raisons de tenue en tension inverse comme nous le verrons dans le collecteur d'un bipolaire), on est conduit à réaliser une zone N+ dont le rôle est d'injecter des majoritaires lorsque la diode est sous polarisation directe. On a alors à faire à une diode P+νN+. Toutes les diodes de puissance sont d'ailleurs de ce type. Le champ ambipolaire Ed existe dans la zone où une forte injection de minoritaires entraîne un déséquilibre de la concentration de majoritaires. Par exemple, pour une diode P+N, dans la zone N, si p(x) > ND, des électrons affluent pour assurer la neutralité électrique, c'est-à-dire n(x) = p(x) > ND. Un champ électrique Ed, dit ambipolaire, se crée pour maintenir en place l'excès de porteurs majoritaires (les électrons) (Figure 2.15) et donc annuler localement le courant de porteurs majoritaires. On en déduit ainsi la valeur de ce champ ambipolaire : J n = qnµn Ed + qDn dn k T 1 dn k T 1 dp = 0 ⇒ Ed = − B =− B dx q n dx q p dx [2.121] Le courant de minoritaires est alors donné par l'expression suivante : J p = qpµ p Ed − qD p dp dn = −2 qD p dx dx [2.122] (a) (b) pP pP Ed nN nP nN pN pN nP ZCE Figure 2.15. Profils des concentrations de trous et d'électrons dans l'hypothèse de zones N et P courtes, a) en régime de faible injection, b) en régime de forte injection. Le calcul de l'expression de Jp exige de connaître l'expression de n(x). Pour cela, on écrit l'équation de continuité dont la résolution nécessite la connaissance des conditions aux limites, sous condition de forte injection en x = xn. ⎛ q VF Pour x = xn, on a n(xn ) = p(xn ) = ni exp⎜⎜ ⎝ 2 k BT ⎞ ⎟⎟ . ⎠ ⎛ q VF Pour x = Xn, on a n( X n ) = N D << n(x n ) = n i exp⎜⎜ ⎝ 2 k BT ⎞ ⎟⎟ (forte injection). ⎠ De la même façon que pour les expressions [2.104], dans le cas X n < L pn , on obtient finalement un courant de la forme : Jp = 2q Dp Xn ⎛ q VF ni exp⎜⎜ ⎝ 2 k BT ⎞ ⎟⎟ ⎠ [2.123] 32 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium ⎛ q VF Le courant varie donc bien en exp⎜⎜ ⎝ 2 k BT aucun rôle en forte injection. ⎞ ⎟⎟ , et de plus la résistivité de la région la moins dopée (ici N) ne joue plus ⎠ 2.3.4. Jonction PN polarisée en inverse 2.3.4.1. Description phénoménologique Une jonction est polarisée en inverse si la région P est polarisée négativement par rapport à la région N sous une tension VR < 0 (Reverse). Cela correspond à l'application d'un champ électromoteur qui s'ajoute au champ électrostatique initial ; il empêche toute diffusion supplémentaire des majoritaires et augmente au contraire la tendance à la dérive. En conséquences : – la ddp ΨD - VR entre les deux zones P et N augmente, ainsi donc que la largeur de la ZCE ; – le courant dans le dispositif est dû à la « dérive » des porteurs minoritaires. En maintenant l'hypothèse de complète désertion dans la ZCE, on peut utiliser la même expression pour WZCE que précédemment, en remplaçant ΨD par ΨD - VR : WZCE = 2 ε sc q ⎛ 1 1 ⎞ ⎟⎟ (Ψ D − VR ) ⎜⎜ + N N A⎠ ⎝ D [2.124] 2.3.4.2. Calcul du courant inverse Nous allons, dans un premier temps, considérer la jonction PN polarisée sous faible tension inverse, en dehors du régime d'avalanche, et montrer qu'elle est traversée par un courant : IR = IS + IG [2.125] où IS est le courant de « saturation » dû à la génération thermique dans les ZQN et IG est le courant dû à la génération de porteurs dans la ZCE. 2.3.4.2.1. Génération et diffusion des porteurs dans les ZQN Les conditions aux limites sont les mêmes que dans les diodes en direct. Les hypothèses (totale désertion dans la ZCE, quasi équilibre, faible injection) demeurent. Si l'on néglige la génération de porteurs libres dans la ZCE, les expressions [2.106] et [2.107] donnant le courant restent valables. En inverse, on a donc une densité de courant JI donnée par : ⎡ ⎛ qV J I = J S ⎢exp ⎜⎜ R ⎢⎣ ⎝ k BT ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ≈ − J S pour VR < 0 V ⎠ ⎥⎦ [2.126] JS étant donné par l'expression [2.102] ou [2.106]. On a donc le courant de « saturation » : IS = -A JS, avec A l'aire de la section droite de la jonction. 2.3.4.2.2. Génération dans la ZCE Cette composante fournit l'essentiel du courant inverse dans les matériaux à large bande interdite. Dans ces matériaux, la génération thermique s'effectue de façon indirecte par l'intermédiaire d'impuretés ou défauts introduisant des niveaux profonds dans la bande interdite du semiconducteur. Le processus est le suivant : – un électron de la bande de valence est excité thermiquement sur le niveau ET introduit par l'impureté. Il laisse un trou libre dans la bande de valence. Ce trou est immédiatement « balayé » par le champ électrique intense qui règne dans la ZCE vers la région P ; Eléments de base de la physique du transport 33 – l'électron piégé sur l'impureté est alors excité thermiquement dans la bande de conduction où le champ électrique le catapulte dans la région N. Tout se passe comme si un porteur avait traversé la ZCE. La vitesse de génération des paires est donnée par l'expression SRH appliquée dans la ZCE, c'est-à-dire pour n = p = 0 : G= ni τ n +τ p = ni 2τ [2.127] avec τn = τp = τ. En supposant que les porteurs générés n'ont pas le temps de se recombiner dans la ZCE, le courant de génération est 1 d JG = 0 , qui, intégrée sur l'étendue de la ZCE donne : calculé à partir de l'équation de continuité G + q dx JG = − q ni WZCE 2τ [2.128] Le sens positif du courant est pris de la région P vers la région N. Pour NA = 1018 cm-3, ND = 1015 cm-3, τ = 1 µs et VR = -10 V, on a WZCE = 31 µm et on trouve finalement : JG = 2 µA.cm-2. 2.3.4.3. Claquage de la jonction Le claquage de la jonction correspond à la brutale augmentation de son courant inverse lorsqu'on augmente la polarisation inverse au delà d'une tension dite de claquage. Le claquage n'est destructif que s'il conduit à un échauffement excessif du dispositif, c'est-à-dire lorsque le courant inverse n'est pas limité par le circuit extérieur. Dans les autres cas, le claquage est un phénomène réversible qui disparaît quand on ramène la tension inverse au dessous de la tension de claquage. Deux phénomènes sont à l'origine du claquage d'une jonction : l'effet Zener et .l'ionisation par choc. 2.3.4.3.1. Effet Zener Cet effet ne se produit que si le champ électrique dans la ZCE devient supérieur à 106 V.cm-1 (pour Si). Un tel champ électrique est capable de « briser » des liaisons de valence entre atomes de Si, libérant ainsi un électron et un trou qui participent à l'augmentation du courant inverse. Cette ionisation correspond au transfert d'un électron d'un état de la bande de valence dans un état de la bande de conduction de même énergie à travers la bande interdite par effet tunnel. Pour que ce transfert soit possible, il faut que les bandes soient très courbées. Une telle situation ne se rencontre que pour des jonctions dopées à plus de 1018 cm-3 de part et d'autre. 2.3.4.3.2. Ionisation par choc La zone de charge d'espace d'une jonction en inverse est parcourue par quelques porteurs responsables du courant de « saturation ». Ces porteurs sont très fortement accélérés par le champ électrique qui règne dans la ZCE. Si ce champ est suffisamment élevé (> 105 V.cm-1) les porteurs acquièrent à la traversée de la ZCE suffisamment d'énergie cinétique pour transférer à un électron engagé dans une liaison de valence une énergie d'ionisation capable de le faire « monter » dans la bande de conduction, créant ainsi une paire électron-trou. Les porteurs ainsi créés peuvent à leur tour être accélérés et ioniser d'autres atomes. Il y a donc multiplication des porteurs. Deux paramètres caractérisent le phénomène d'ionisation par choc : – les coefficients d'ionisation αn(E) et αp(E) en cm-1 qui représentent le nombre de paires créées par centimètre de parcours d'un électron ou d'un trou, et qui sont des fonctions croissantes du champ électrique (dans Si αn(E) = 103 cm-1 pour E = 2 × 105 V.cm-1) ; – le coefficient de multiplication M qui représente le rapport du courant inverse de la jonction IR en présence de multiplication au courant inverse IR0 sans multiplication : 34 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium M = IR I R0 [2.129] 2.3.4.3.3. Calcul du coefficient de multiplication et de la tension d'avalanche La détermination de la tension d'avalanche s'effectue en deux étapes : – détermination du coefficient d'ionisation α(E) ; – calcul du champ critique d'ionisation. Dans le silicium, théorie et expérience concordent pour donner à αn(E) et αp(E) des expressions du type : ⎧ ⎛ Bn ⎞ ⎟ ⎪ α n (E ) = α n (∞ ) exp ⎜ − ⎪ ⎝ E ⎠ ⎨ ⎛ B ⎞ ⎪α p (E ) = α p (∞ ) exp ⎜ − p ⎟ ⎜ E ⎟ ⎪ ⎝ ⎠ ⎩ [2.130] Une théorie simplifiée ne considère qu'un coefficient, où pour E exprimé en V.cm-1 : α = αn = αp = α0 E5 avec α0 = 1,65×10-24 [2.131] Lorsqu'une paire est créée dans la ZCE à la distance x d'un bord, l'électron parcourt WZCE - x et le trou x. Du point de vue du courant résultant, ce processus est équivalent à la traversée de WZCE par un électron. Le courant IR (respectivement IR0) est équivalent au passage de n électrons (respectivement n0) dans la ZCE. Il y a donc n - n0 créations de paires électrons-trous dans la ZCE. Ces n - n0 ionisations peuvent à leur tour être considérées comme créées par le passage de n porteurs (par exemple électrons) parcourant WZCE. Soit α dx le nombre de paires créées par un porteur qui parcourt dx. On a : WZCE n − n0 = n ∫α d x ⇒ 1 − 0 n0 = n WZCE ∫α d x [2.132] 0 Le facteur de multiplication M est tel que n = M n0, c'est-à-dire M = 1 ∫ 1− α d x L'avalanche se produit lorsque n → ∞, soit : Ecrit ∫ 0 α dx d E =1 dE [2.133] Ecrit est alors calculé à partir de cette équation. Il représente le champ critique minimum pour qu'il y ait avalanche. Considérons par exemple une jonction P+N abrupte. La ZCE s'étend donc surtout du côté N, on peut alors écrire ⎞ ⎛ x W E (x ) = E max ⎜⎜ − 1⎟⎟ avec Emax = q N D ZCE , d'où encore : ε sc ⎠ ⎝ W ZCE d E Emax q N D = = d x WZCE ε sc L'avalanche se produit pour : [2.134] Eléments de base de la physique du transport Ecrit ∫ 1= α 0 ε dx d E = sc dE q ND 35 Ecrit ∫α d E [2.135] 0 α étant donné par l'expression [2.131], l'expression [2.135] devient : 1= ε sc qN D E6 α 0 crit 6 1 ⇒ 2 Ecrit ⎡ 6 qN D ⎤ 3 =⎢ ⎥ ⎣ ε sc α 0 ⎦ [2.136] La tension du début d'avalanche VB (Breakdown) est donnée par V B = ε 1 E crit Wcrit avec Wcrit = sc Ecrit et qN 2 D donc : VB = ε sc 2 Ecrit 2 qN D [2.137] L'expression [2.136] permet alors de calculer la tension d'avalanche : 2 ⎛ ε ⎞3 VB = ⎜⎜ sc ⎟⎟ ⎝2q⎠ 1 2 2 − ⎛ 3 ⎞3 − 3 ⎜⎜ ⎟⎟ N D = 2,6 × 1012 N D 3 ⎝ α0 ⎠ [2.138] Le seul paramètre que l'on puisse faire varier pour modifier VB est le dopage. La tension d'avalanche s'effondre si l'on augmente ND, comme illustré par les valeurs numériques données dans le tableau 2.2. suivant, puisque Ecrit n'augmente que lentement. ND (cm-3) 1012 1015 1018 Ecrit (V.cm-1) 105 3 × 105 106 VB (V) 2,6 × 104 260 2,6 Tableau 2.2. Champ critique et tension d'avalanche dans une jonction P+N abrupte pour quelques valeurs de dopage de type N. On verra que c'est pour cela que l'on sous-dope le collecteur des transistors bipolaires. Le facteur de multiplication répond de façon empirique à : M = 1 ⎛V 1 − ⎜⎜ ⎝ VB ⎞ ⎟⎟ ⎠ n [2.139] avec n = 2 pour Si dopé N et n = 4 pour Si dopé P. 2.3.5. Schémas équivalents de la jonction PN Soit une diode PN polarisée sous V0 à laquelle on superpose une variation δV. 2.3.5.1. Capacités de transition En direct comme en inverse, une variation de tension δV entraîne une variation δW de la largeur de la ZCE. Il en résulte une modification de la charge stockée. Cet effet capacitif est caractérisé par la capacité dite de jonction. La charge stockée Qj dans la ZCE est donnée par : 36 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium xn 0 Q j = q N D (x ) d x = −q N A (x ) d x ∫ ∫ [2.140] −xp 0 Pour une variation δxn, la charge d'espace est modifiée de δQj = qND(xn)δxn. Il faut relier δxn à δV en appliquant le q ND théorème de Gauss, soit δE = δxn , et donc : ε sc δV = xn +δxn ∫ δE dx ≈ δE WZCE [2.141] − ( x p +δx p ) La capacité de jonction est alors déduite des expressions [2.140] et [2.141] : Cj = ∂Q j ∂V = V0 q N D δx n ε = sc q ND W ZCE δxn WZCE [2.142] ε sc Pour εSi = 1,04 × 10-12 F.cm-1 et WZCE = 10 µm, on a : Cj = 1 nF.cm-2. Cette capacité dépend, par l'intermédiaire de WZCE, de la polarisation de la diode. On réalise ainsi une capacité contrôlée par une tension (Varactor ou Varicap). La réponse en fréquence de cette capacité est excellente puisqu'elle met en jeu un déplacement de porteurs majoritaires qui s'éloignent ou se rapprochent du plan de jonction. On montre que la « fréquence de coupure » est de l'ordre de l'inverse du temps de relaxation diélectrique τD qui est généralement de l’ordre de, voire bien inférieur à, 10-12 s. 2.3.5.2. Capacités de diffusion Lorsque la diode est en direct, les concentrations pn et np des minoritaires injectés au niveau des frontières de la ZCE sont modifiées. Globalement, la charge électrique est nulle mais il y a eu apport dans une même zone de δp trous et δn électrons, ce qui est équivalent à la circulation d'un courant capacitif véhiculant la charge q δp, appelée charge stockée. Dans la zone N, on a Qp = q Xn ∫ (p n − p n ) dx , 0 avec pour X n >> L pn , xn pn − p n 0 = p n 0 ⎡ ⎛ q VF ⎢exp ⎜⎜ ⎢⎣ ⎝ k BT ⎛ x−x ⎞ ⎞ ⎤ n ⎟ . On obtient donc Q = q p L ⎡exp ⎛⎜ q VF ⎟⎟ − 1⎥ exp⎜ − p n0 p n ⎢ ⎜k T ⎜ ⎟ ⎢⎣ ⎠ ⎥⎦ ⎝ B ⎝ L pn ⎠ 2 ⎞ ⎤ L pn ⎟⎟ − 1⎥ = J p ( xn ) , ⎠ ⎥⎦ D pn c'est-à-dire finalement : Q p = τ p J p (x n ) [2.143] De même, on a du côté P : Qn = τ n J n ( − x p ) [2.144] La charge totale stockée est donc, si τn = τp = τ : ⎡ ⎛ qV QS = τ J D = τ J S ⎢exp ⎜⎜ F ⎢⎣ ⎝ k BT ⎞ ⎤ ⎟⎟ − 1⎥ ⎠ ⎥⎦ La capacité de diffusion est donc donnée par l'expression suivante : [2.145] Eléments de base de la physique du transport CD = d QS q q =τ JD = QS dV k BT k BT 37 [2.146] 2.3.5.3. Conductance En direct, on définit une conductance différentielle GD due aussi à la diffusion des porteurs majoritaires : GD = dJ D q = JD dV k BT [2.147] 2.3.5.4. Schémas équivalents En direct, le schéma équivalent d'une diode est constitué d'une capacité C = Cj + CD en parallèle avec une conductance GD. En inverse le schéma équivalent d'une diode se réduit à la seule capacité Cj. 2.4. Conclusion Les propriétés des matériaux semi-conducteurs à l’équilibre thermodynamique, c’est-à-dire en l’absence de toute perturbation, avaient été présentées dans le premier chapitre. Dans cette deuxième partie, nous avons décrit ce qui se passe lorsque l’on perturbe l’état d’équilibre par une action extérieure qui peut être "douce" (champ < 100kV.cm-1), ne changeant ainsi que la répartition des porteurs sur leurs niveaux d’énergie, ou « dure »(> 100kV.cm-1), modifiant alors les densités d’électrons et de trous par des phénomènes de génération-recombinaison. Enfin, nous avons traité la jonction PN qui représente le composant de base en physique du composant, indispensable à la compréhension du fonctionnement des transistors, en particulier du transistor bipolaire. Les chapitres suivants supposent que ces bases physiques ont été comprises. 2.5. Bibliographie [COH 73] COHEN-TANNOUDJI C., DIU B., LALOË F., Mécanique quantique, Ed. Hermann, 1973. [LUN 00] LUNDSTROM M., Fundamentals of carrier transport, Ed. Cambridge University Press, 2000. [THO 81] THORNBER K.K., « Applications of scaling to problems in high-field electronic transport », J. Appl. Phys., Vol. 52, n°1, p. 279-290, Janvier 1981.