Eléments de base pour la physique du transport dans les

Chapitre 2
Eléments de base pour la physique du transport dans les
composants semiconducteurs
2.1. Effet des perturbations : transport et génération-recombinaison
2.1.1. Phénomènes de transport
Dans le chapitre précédent, nous avons étudié comment, à l’équilibre thermique, les électrons se répartissent sur les
niveaux d’énergie d’un semiconducteur. En fait, les électrons effectuent constamment des transitions entre niveaux
d’énergie, et la répartition que l’on a déterminée résulte d’un équilibre statistique entre ces transitions.
Dans les paragraphes qui suivent nous allons discuter des différents phénomènes de transport à partir du formalisme
fondamental de Boltzmann. Le lecteur qui ne souhaite pas approfondir le détail de ce formalisme pourra directement
passer au paragraphe 2.1.1.5 où sont établies les fameuses équations simplifiées de "dérive-diffusion" qui permettent de
traiter un grand nombre de problèmes de transport.
Si l’on perturbe l’équilibre thermique (par application d’un champ électrique, par création d’un gradient de
concentration, d’un gradient de température, …), on favorise certaines transitions par rapport à d’autres et on modifie la
répartition des porteurs sur les niveaux d’énergie. Des mécanismes de retour à l’équilibre, c’est-à-dire de relaxation,
s’opposent à cette perturbation. Nous aborderons essentiellement dans cette partie les perturbations peu intenses,
c’est-à-dire qui modifient la répartition fn(
ε
) ou fp(
ε
) des porteurs sur les niveaux sans changer le nombre de porteurs n
ou p. Le cas des perturbations intenses, c’est-à-dire susceptibles de créer des porteurs libres en excès par des transitions
entre bandes ou entre niveaux extrinsèques et bandes permises, sera traité dans le paragraphe 2.1.2 suivant.
L’analyse de la compétition entre perturbation et mécanismes de relaxation conduit à deux situations typiques :
régime transitoire : à partir d’un état de déséquilibre on supprime la perturbation qui l’a créé ; on observe le retour
à l’équilibre caractérisé par un temps de relaxation ;
régime permanent : la perturbation est maintenue constante ; il y a création d’un état permanent de déséquilibre
caractérisé par un flux (de porteurs ou de chaleur)
Φ
r
. Soient i
v
r
la vitesse du porteur i et Qi la quantité qu’il transporte.
le flux résultant s’écrit :
=Φ
i
ii vQ
r
r
[2.1]
Le tableau 2.1 dresse pour les trois principaux types de perturbation, les noms du phénomène auquel elle donne lieu,
de la quantité transportée, et du flux résultant. Etudier les phénomènes de transport, c’est faire le lien quantitatif entre le
flux et la perturbation.
Perturbation Phénomène Qi Flux
E
r Conduction électrique Charges électriques Densité de courant
pn rr , Diffusion de porteurs Particules Flux de particules
T
r
Conduction thermique Chaleur Flux de chaleur
Tableau 2.1. Description des principales perturbations et phénomènes liés.
Chapitre rédigé par Arnaud BOURNEL, Philippe DOLLFUS, Sylvie GALDIN-RETAILLEAU.
2 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium
2.1.1.1. Les mécanismes de relaxation des porteurs : les interactions
Nous avons vu au chapitre 1 précédent que la structure de bande d'un cristal s'établit en résolvant l'équation de
Schrödinger pour un électron dans un cristal parfait (Eq. 1.12) décrit par le potentiel cristallin périodique. Cette
équation « simple » est en fait une approximation de l'équation globale pour le système d'atomes et d'électrons
constituant le cristal. Cette approximation consiste notamment à négliger dans l'hamiltonien principal les couplages
entre électrons, entre électrons et vibrations du réseau (phonons) ou entre électrons et impuretés. Ces couplages jouent
cependant un rôle très important car ils constituent les mécanismes de relaxation qui tendent à replacer un système hors
d'équilibre dans son état d'équilibre. Ils sont traités comme de faibles perturbations (au sens de la mécanique quantique)
par rapport au potentiel cristallin. Autrement dit, ils ne modifient pas la structure de bandes du matériau, c'est-à-dire les
états d'énergie permis, mais induisent des transitions entre ces états. Chaque processus est décrit comme une interaction
(ou collision) instantanée caractérisée par une densité de probabilité par unité de temps pour que l'électron passe d'un
état initial r à un état final k
r. Cette densité de probabilité
k
(
)
kksi
r
r
,, où i repère le processus considéré, est donnée par
la règle d'or de Fermi (voir par exemple [COH 73]) :
()
(
εεδρ
π
=
kii Mkks 2
2
,h
)
r
r
[2.2]
kVkM ii
r
r
= est l'élément de matrice de transition, Vi est le potentiel de coupla , k
ρ
est la densité d'états ge
finals,
ε
et
ε
sont les énergies initiale et finale. En sommant sur tous les états finals possibles on peut déduire de [2.2]
pour chaque processus i et pour chaque électron dans un état k
r
une fréquence d'int ion eract
(
)
k
i
r
λ
et un temps de
relaxation de tesse la vi
(
)
k
i
r
τ
définis respectivement par (pour un matériau non dégénéré dans lequel les états sont
faiblement occupés) :
() ( )
=kdkksk ii 3
,
r
r
r
λ
et
()
(
)
=kd
k
k
kks
ki
i
3
cos1,
1
θ
τ
rr
r [2.3]
θ
est l'angle entre et . Pour aller plus loin dans la description de ces processus il faut expliciter pour chacun
d'eux le potentiel de perturbation Vi, ce qui sort du cadre de ce chapitre. Nous nous contenterons d'une brève description
des interactions prépondérantes pour les électrons dans le silicium. On peut en trouver un développement complet dans
de nombreux ouvrages tels que [LUN 00].
k
r
k
r
D'une manière générale, l'effet d'une interaction subie par un porteur est de modifier la direction de son vecteur
d'onde et éventuellement, dans le cas d'une interaction inélastique, son énergie. Les principales interactions subies par
les électrons dans Si sont les suivantes :
interaction porteurs – impuretés ionisées : la fréquence (ou l'inverse du temps de relaxation) de ce processus
élastique (sans échange d'énergie) varie en 1/
ε
3/2 et en NI, où NI est la concentration d'impuretés. Cette interaction a un
effet important sur la relaxation de la vitesse, notamment dans les zones dopées ainsi qu'à faible température où elle est
prédominante ;
interactions porteurs – phonons : dans le silicium on distingue essentiellement deux mécanismes suivant la nature
du phonon échangé :
- phonon acoustique intravallée : cette interaction met en jeu des phonons acoustiques de faible vecteur d'onde et
donc de faible énergie. La fréquence de ce mécanisme est proportionnelle à
ε
1/2. Le processus est quasi-élastique avec
une déviation isotrope du vecteur d'onde. Il joue un rôle important dans la relaxation des porteurs de faible énergie,
- phonon intervallée : cette interaction met en jeu un phonon acoustique ou optique de grand vecteur d'onde et
d'énergie constante qui fait passer les électrons d'une vallée X à une autre vallée X. La fréquence de ce mécanisme
inélastique est proportionnelle à
ε
1/2. L'émission de phonons intervallée est le processus de relaxation dominant pour les
électrons de forte énergie.
2.1.1.2. Fonction de distribution – Equation de Boltzmann
L'état du système que forme la population d'électrons d'un semiconducteur est entièrement décrit par la fonction de
distribution
(
)
trkf ,,
r
r
qui représente à l'instant t la probabilité de présence d'un électron aux points r de l'espace
réciproque et
k
r
de l'espace réel. La connaissance de cette fonction permet de déterminer toutes les grandeurs locales
liées aux porteurs telles que la concentration
(
)
trn ,
r
(
)
trA ,
r
ou la valeur totale de toute grandeur transportée (vitesse,
énergie,…) via les expressions suivantes :
Eléments de base de la physique du transport 3
()
(
)
(
)
=kdtkrfkntrn
r
r
r
r
r
,,, et
()
(
)
(
)
(
)
=kdtkrfknkAtrA
r
r
r
r
r
r
,,, [2.4]
et l'expression générale [2.1] du flux transporté devient :
(
)
(
)
(
)
(
)
kdtkrfknkvkQ
r
r
r
r
r
r
r
,,
=
Φ
[2.5]
En présence d’une perturbation, f s’écarte de la fonction à l'équilibre thermique f0 d’une quantité f1 :
(
)
(
)
(
)
tkrftkrftkrf ,,,,,, 10
r
r
r
r
r
r
+= [2.6]
La fonction
(
)
trkf ,,
0
r
r
correspond à la statistique de Fermi-Dirac :
()()
()
(
)
1
00 exp1,,,
+
+== Tk
EkrE
krftrkf
B
FC
r
r
r
rr
r
ε
[2.7]
est l'énergie potentielle (bas de bande de conduction) et
()
rEC
r
(
)
k
r
ε
l'énergie cinétique des électrons. Le but est
donc de déterminer l’évolution dans le temps de f dans un espace à 6 dimensions (l’espace des phases). Cette évolution
est décrite par l'équation de Boltzmann qui s'établit par exemple (pour un système unidimensionnel) en écrivant la
conservation durant l'intervalle de temps
δ
t du nombre de porteurs initialement contenu dans l'élément de volume
dx dkx. Durant
δ
t, la fonction f s'accroît de
δ
f. On a donc :
()( )
[]
()( )
[]
tdkdx
t
f
dxt
dt
dk
tdkkxftkxf
dkt
dt
dx
tkdxxftkxfdkdxf
x
c
x
xxx
xxxx
δδ
δδ
+++
+=
,,,,
,,,,
c
t
f
représente la contribution des collisions. Ainsi, compte tenu de la relation [1.23] du chapitre 1 :
()( )
()( )
c
x
x
xxx
x
xx
t
f
F
dk
tdkkxftkxf
v
dx
tkdxxftkxf
t
f
+
+
+
+
=
h
,,,,
,,,,
δ
δ
En faisant tendre les éléments
δ
t, dx, et dkx vers 0 et en généralisant à un cristal 3D, nous obtenons l'équation de
Boltzmann :
c
k
rt
f
fFfv
dt
df
+= r
rrr
h
r
r1 [2.8]
La quantité df/dt se décompose donc en une somme de trois termes, qui correspondent respectivement à la
contribution des gradients de la fonction de distribution, celle des forces appliquées
F
r
, et celle des interactions (ou
collisions). Compte tenu de [2.2], le terme de collision peut être explicité ainsi :
()()()()
()( )()(
kdkkstkrftkrf
kdkkstkrftkrf
t
f
c
=
rrrr
r
r
r
rrrr
r
r
r
,,,1,,
,,,1,,
)
[2.9]
où encore dans le cas d'un semiconducteur non dégénéré (faibles probabilités d'occupation) :
()() ()
(
)
kdkkstkrfkdkkstkrf
t
f
c
=
rrrr
r
rrrr
r,,,,,, [2.10]
4 Physique des dispositifs pour circuits intégrés silicium
APPROXIMATION DE BOLTZMANN.- Les collisions ont tendance à ramener la fonction f vers son état d’équilibre f0 ; pour
calculer leur contribution à l’évolution temporelle de f, nous nous plaçons dans l’hypothèse de faibles perturbations,
c’est-à-dire que la vitesse de retour à l’équilibre est proportionnelle à l’écart f f0, avec pour facteur de proportionnalité
1/
τ
, où
τ
est un temps de relaxation dépendant a priori de l'énergie. C’est l’hypothèse de Boltzmann. Ainsi,
ττ
1
0f
ff
dt
df
c
=
=
[2.11]
Si on se place en régime permanent, 0=
dt
df . On aboutit alors, en rassemblant [2.8] et [2.11], à l’équation de
Boltzmann simplifiée :
0
11=++
τ
f
fFfv k
rr
rrr
h
r
r [2.12]
La contribution de f0 à l’intégrale [2.5] donnant l’expression générale du flux résultant est nulle car il n’y a pas de
flux à l’équilibre thermique. Avec les notations et les hypothèses de ce paragraphe, l’expression [2.5] devient donc :
()()()
(
)
kdtkrfknkvkQ
r
r
r
r
r
r
r
,,
1
=Φ [2.13]
Nous allons maintenant appliquer l’équation de Boltzmann au calcul de la conductivité électrique et du coefficient
de diffusion des porteurs.
2.1.1.3. Conduction électrique en champ faible (E < 1 kV.cm-1)
La perturbation est une force électrostatique EqF
r
r
= , la quantité transportée est la charge électrique -q, le flux
résultant est la densité de courant , c’est-à-dire, d’après [2.13] :
J
r
()
()()
(
)
kdtkrfknkvqrJ
rr
r
rr
r
r,,
1
= [2.14]
Nous allons faire le calcul de dans le cadre de l'approximation de Boltzmann et des hypothèses suivantes : (i)
semiconducteur non dégénéré, (ii) de dopage et de température uniformes, et (iii) dans lequel règne un champ électrique
faible, constant et uniforme. Nous supposerons de plus que (iv) les électrons se trouvent sur une bande d'énergie
parabolique et isotrope, ce qui correspond plutôt au cas de GaAs. Nous généraliserons ensuite le résultat au cas des
bandes ellipsoïdales du Si.
J
r
Du fait de l'hypothèse (ii), l'équation de Boltzmann [2.12] se réduit à :
0
11=+
τ
f
fF k
r
rr
h [2.15]
L'hypothèse de champ faible (iii) permet, pour le calcul de f
k
r
r
, de considérer que f = f0 + f1 f0. Nous avons alors
pour un semiconducteur non dégénéré :
vf
k
T
f
fkk
r
h
rr rr 0
0=
=
ε
ε
ce qui, reporté dans [2.15], conduit à l'expression de f1 :
()
()
()
vEkf
Tk
q
kf
B
r
r
r
r
= 01
ετ
[2.16]
En prenant pour axe Ox la direction du champ, la densité de courant [2.14] devient :
Eléments de base de la physique du transport 5
()
() ()
=kdknvkfE
Tk
q
Jxx
B
x
rrr 2
0
2
ετ
[2.17]
La bande d'énergie considérée étant parabolique et isotrope (hypothèse (iv)), il est commode de remplacer
l'intégration sur r par une intégration sur l'énergie
ε
. De plus, l'hypothèse de faible champ implique que l'énergie
cinétique moyenne des porteurs reste égale à sa valeur d'équilibre thermodynamique, et équitablement répartie suivant
toutes les directions. Ainsi, calculée sur toute fonction de distribution, la valeur moyenne de vx2 peut s'écrire
<vx2> = <v2>/3 = 2<
ε
>/(3m*). Nous pouvons donc remplacer dans [2.17] vx2 par 2
ε
/(3m*) où m* est la masse effective
du porteur. Compte tenu de la densité d'états en énergie (relation [1.40] du chapitre 1), la densité de courant [2.17]
devient alors :
k
() () ()
=
εεεεετ
dnf
m
E
Tk
q
Jx
B
x0
2
*3
2
ce qui peut également s'écrire :
() () ()
() ()
() ()
() ()
=
εεε
εεεε
εεεε
εεεεετ
dnf
dnf
dnf
dnf
n
m
E
Tk
q
Jx
B
x
0
0
0
0
2
*3
2
c'est-à-dire :
ε
ε
τε
*3
2
2
m
E
Tk
q
nJ x
B
x= [2.18]
Or,
ε
= 1,5 kBT. On utilise de plus l'abus d'écriture suivant qui simplifie les notations :
ε
τε
τ
=. Cette quantité
τ
est homogène à un temps mais n'est pas rigoureusement le temps de relaxation moyen. La densité de courant [2.18]
s'écrit alors :
xx E
m
q
nJ
τ
*
2
=
On retrouve ainsi la loi d'Ohm qui relie la densité de courant au champ électrique par la conductivité
σ
. On définit
de plus la mobilité par le rapport Ev /=
µ
. On a alors :
===
===
trous)des(cas
*
avec
électrons)des(cas
*
avec
p
p
ppppp
n
n
nnnnn
m
q
qpEJ
m
q
qnEJ
τ
µµσσ
τ
µµσσ
rr
rr
[2.19]
Dans le cas des vallées anisotropes (ellipsoïdales) du silicium, d’une manière générale, l’anisotropie du diagramme
de bandes du silicium et du temps de relaxation amène à donner une forme tensorielle au coefficient de transport qui
relie le flux à la perturbation. Ce tenseur n’est pas forcément diagonal, c’est-à-dire que le flux transporté n’est pas
forcément colinéaire à la force appliquée. Toutefois, pour certains coefficients de transport, les symétries du cristal
permettent de donner une forme scalaire à ce tenseur. C’est le cas de la conductivité, à condition d’utiliser une nouvelle
masse effective, appelée masse effective de conductivité. En effet, en faisant le même calcul que précédemment pour
chacun des six ellipsoïdes et en sommant les différentes contributions, on obtient, si l'on fait une approximation isotrope
du temps de relaxation :
E
m
q
nJ
cc
n
rr
τ
2
= [2.20]
1 / 37 100%
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