Introduction à Marx – Pascal Combemale, quatrième édition, La

Introduction à Marx – Pascal Combemale, quatrième édition, La
découverte, collection repère, 2010
Introduction :
Le livre se propose de remonter aux sources des travaux de Karl Marx, voir ce qu'il en est de ses
prévisions, notamment de sa remise en question du capitalisme à la vue des récents événements
(crise de 2008). La nécessité de ce retour aux sources se fait sentir dans le nombre
d'interprétations parfois contradictoires de son oeuvre. Son analyse se veut scientifique, et fait
intervenir histoire, sociologie, économie et politique, afin de « comprendre le monde pour le
transformer ».
I – Itinéraire d'un intellectuel militant et révolutionnaire
La jeunesse d'un petit bourgeois rhénan
Marx est pris entre la France et l'Allemagne, profitant du renouveau des idées politiques français
et la philosophie allemande. d'une famille juive, il se rapproche du protestantisme luthérien.
Instruit des idéaux des lumières, il ne cessera de conserver une foi en le progrès. Plutôt favorisé, il
fréquente en 1835 l'université de Bonn, il écrit alors un pamphlet où apparait pour la première fois
sa distinction classes favorisées et classes laborieuses (qui préfigure bourgeois et ouvriers). Il
étudie la philosophie d'Aristote à Hegel, beaucoup inspiré par ce dernier, il prétend reprendre et
compléter sa conception de l'Histoire.
La mouvance néohégélienne
Il joint le Doktorklub, de Bruno Bauer, et d'autres néohégéliens qui proposent des interprétations
contradictoires de Hegel, sur la base de la citation « Ce qui rationnel est el et ce qui est réel est
rationnel », ils en tirent des conclusions conservatrices pour les uns, révolutionnaire sur les autres :
fonder un nouvel ordre social sur la base de la science et de la raison, l'ambition de Marx ! Souvent
censuré, et profondément progressiste, malgré un doctorat de philosophie en 1841, il ne pourra
enseigner, et prônera une philosophie de l'action. (Un sport de combat?...). Il luttera avec et contre
d'autres par pamphlets interposés pour l'hégémonie intellectuelle. Il clame explicitement son
ambition de découvrir un nouveau monde sur la base de la critique de l'ancien ? Il fait pour cela
une carrière de rédacteur en chef et journaliste polémiste dans La Gazette, il rencontre Engels
en 1842.
La longue nuit de l'exil
En 1843 à Paris, il fonde les nouvelles revues franco-allemandes avec Ruge, mêlant théorie
politique de pointe allemande, avec pratique politique française. Ce qui sera un échec, il débutera
ses travaux intellectuels qui consisteront en la lecture de Smith et Ricardo en économie politique
pour en construite une critique, et de ses travaux politiques, en fréquentant organisations
ouvrières et révolutionnaires. Il se radicalisera ensuite contre Ruge, pour unevolution sociale, et
non un réformisme. Il est expulsé par Guizot en 1845, il retardera alors sa critique de l'économie
politique, car il veut finir la critique de la philosophie allemande.
La ligue des communistes
Vient donc le temps de Bruxelles, il créé le Comité de Correspondance communiste, qui s'oppose à
toute forme de socialisme bourgeois, idéaliste, romantique, ou utopique, qu'il qualifie de futile, et
dont l'immaturité de la révolte ou l'humanisme idéaliste va à l'encontre de sa volonté de fondé sa
révolution sur la science et la raison. Le comité fusionnera avec la ligue des justes, dont la devise
sera « Travailleurs de tous les pays unissez vous », préfigurant ainsi l'internationalisme. En 1848, il
écrit le Manifeste communiste. Il se détachera ensuite de la base ouvrière par ses stratégies de
conquête du pouvoir qui impliquent de passer par la révolution bourgeoise contre la monarchie
absolue. En aout 1850, il écrit La lutte des classes en France, dans laquelle il établit une corrélation
entre le niveau de développement économique, et la nature des rapports de production
(esclavage, servage, salariat...)
Une économie de plus en plus inachevée ?
Lors des années noires, 1851-1852, alors qu'à cause de la misère il perdra trois de ses quatre
enfants, il travaillera notamment pour le Daily Tribune. C'est seulement en 1857 que la crise
économique le rappelle à son oeuvre, il écrit L'introduction générale à l'économie (publiée
seulement en 1953 !) ou il planifie son Économie en 6 tomes, qui est en réalité une oeuvre
d'histoire, sociologie, économie et politique.
La première internationale et la Commune
Il créé en 1864 l'AIT, l'association internationale des travailleurs, visant à l'émancipation de la
classe ouvrière qui doit être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes. Il prépare ainsi à ces derniers la
politique. Il peine néanmoins à établir une ligne directrice qui fédère tous les types de courants
socialistes. Il voit une ébauche de gouvernement prolétaire avec la Commune, caractérisée par la
séparation de l'Église et l'État, et la fin d'une armée permanente. Enfin, le communisme de Marx
se base sur une visée claire : l'émancipation, et briser le pouvoir de l'état. Cependant, sa maladie
l'empêche de finir son oeuvre, mais ne vient pas à bout de sa foi en la révolution jusqu'à ses
derniers jours.
II – La critique de toute philosophie
L'oeuvre de Marx oscille entre philosophie et science de l'histoire, et il se veut méprisant des
seules spéculations théoriques. Grand lecteur de Hegel, il se fonde sur sa logique et ses écrits
conservent un style philosophique. Il se place contre les erreurs qu'il nomme idéaliste, qui
consistent à ne jurer que par grande théorie et valeur bien loin éloignée du concret, et l'erreur
spontanéiste : la révolte romantique en somme. Il veut fonder sa révolution sur le réel et la raison.
La critique de la religion
Elle aliène, en rendant l'homme étranger à lui même, via le concept théologique d'extériorisation,
aliénation néanmoins nécessaire à la conscience de soi. Il critique la religion également le
fétichisme de la marchandise, et la philosophie idéaliste, la « religion pour laïques ». Ceci constitue
l'opium du peuple, qui le maintient éloigné de la réalité, et manque à faire exiger le bonheur réel.
De la critique du ciel à la critique de la terre
Reprendre Hegel en soulignant que la critique de la religion est la condition de toute critique, car
c'est une image renversée de la réalité qui va de la métaphysique vers le physique. Alors que
l'origine n'est pas dans la métaphysique (questions du divin, de l'âme), mais dans les conditions
matérielles. L'histoire a pour but d'établir la vérité. Le matérialisme recherche les racines sociales
dans les conditions économiques d'existence. Ainsi, l'homme est la racine de tout, et
l'émancipation doit passer par la suppression de ce qui l'asservit.
La critique de la politique de l'État
Se constitue en une critique de l'absolutisme allemand, mais également de la démocratie, dont les
valeurs et la constitution s'apparentent en réalité à la religion. Il y a une contradiction entre la
sphère civile et la sphère privée, entre l'égalité de droit et l'égalité des situations. L'état prétend
substituer l'intérêt général à l'intérêt privé, mais c'est l'intérêt des classes dominantes qu'il fait
passer pour l'intérêt général.
Critique de la démocratie formelle
L'émancipation politique grâce à la démocratie n'est en réalité qu'une étape (et non pas une fin)
de la réelle émancipation, un état peut être libre sans que l'homme le soit, car il reste la propriété
et la religion par exemple. Cette critique passe par une critique de la bureaucratie, qui impose
l'unité et l'intérêt universel d'une « classe » bureaucratique. Le contenu étant hors de l'institution,
elle fait passer pour de la forme du fond, et inversement. Elle vénère également l'autorité. La
suppression de l'état ne se fait que dans le cadre de l'accomplissement d'un réel intérêt général. La
seconde critique passe par la critique des droits de l'homme, avec des droits qui ne s'étendent
jamais au-delà de l'égoïsme, et considère implicitement le bourgeois et non directement l'homme.
La critique de l'argent
L'émancipation de l'homme passe par la suppression de l'argent, il avilit les hommes, et fait passer
la force de travail comme une marchandise.
L'histoire est le juge, son bourreau le prolétaire
La théorie marxiste revêt un fort aspect pratique, car le seul moyen de renverser la domination
matérielle, c'est avec des forces matérielles. La théorie devient matérielle à partir du moment
elle saisit les masses. Il faut surpasser la seule action politique et bien considérer le social, il se
propose d'un socialisme qui se refuse à l'enveloppe politique.
Les manuscrits de Paris
Écrits en 1844, il s'agit d'une dénonciation du cynisme des économistes, du culte de l'argent, de
l'économie politique qui se base sur un fait sans nécessité : la propriété privée. Marx institue une
anthropologie fondée sur le travail, comme essence de l'homme, et la critique de l'aliénation. La
production permet l'affirmation et l'objectivation de soi. S'il rejoint l'économie classique pour dire
que le travail créé le capital, en mettant en relief le fait que l'ouvrier est soumis au capital dans les
rapports de production, on a ainsi une créature (le capital) qui échappe à son créateur (l'homme),
ce qui constitue précisément l'aliénation. La solution communiste réside en le retour de l'homme à
soi en tant qu'homme social. Marx recense trois manifestations de l'aliénation au travail : (i) le
fétichisme de la marchandise ; (ii) le travail ruine l'ouvrier, son travail ne répond pas à ses besoins,
mais vient d'une contrainte extérieure ; (iii) le salariat est une forme de prostitution selon Marx,
par laquelle l'ouvrier est rendu étranger à son propre travail.
La critique de toute philosophie?
Marx reprend la conception matérialiste de l'histoire de Feurbach (le progrès est dû aux conditions
d'existences matérielles), en lui ajoutant le côté actif avec le travail. Marx vise, avec sa praxis
philosophie pratique ») à transformer l'homme par lui même, établissant un matérialisme
dialectique, avec d'un coté la praxis, qui signifie agir, dont la réalité tient dans l'effectuer. Mais
renvoie également à l'action morale et politique chez Aristote, comme une action de l'homme en
lui même pour atteindre la perfection. Le deuxième versant de cette dialectique est la poiesis, qui
a trait à la production du monde, l'objet de la philosophie de Marx est de surpasser cette
opposition. Faire la troisième partie de la dissertation géante qu'est l'Histoire de la philosophie en
somme...
L'idéologie allemande
Hegel conçoit la production de l'homme par lui même comme processus d'objectivation
d'aliénation et enfin de suppression de cette aliénation. Le progrès de l'histoire selon son
matérialisme passe par une maitrise croissante de la nature qui suppose la coopération des
hommes, ce qui engendre conscience et langage. Marx insiste sur la nécessité de s'élever de la
terre au ciel.
La critique de la division du travail
Il s'agit là du moteur de l'histoire, mais aussi de la cause de l'aliénation, car de la division en classe.
D'abord sur le principe des genres, des capacités physiques, intellectuelles puis enfin sociales. On
retrouve cette division à de multiples niveaux, ne serait-ce qu'en terme de ville campagne.
Et l'idéologie ?
La domination des élites est fondée sur une domination matérielle et idéologique. Les idées sont
avec le temps de plus en plus abstraites et à tendance universaliste. Chaque nouvelle classe
révolutionnaire doit être le porte-parole du reste de la société contre l'ancienne classe dominante.
Ce discours de plus en plus généraliste travestit les intérêts particuliers d'une classe en l'intérêt
général.
Le communisme ou le règne de la liberté
Tant que l'activité productive n'est pas organisée collectivement la division du travail est aliénante,
car contrainte, l'homme est enfermé dans un domaine de compétence exclusif, car les couts pour
en changer sont importants. Une « main invisible » selon le concept Ricardien, se voit toute
puissante. Dans le communisme, la mobilité professionnelle et le changement d'activité sont
rendus possibles et l'individu peut enfin se réaliser. La révolte vers le communisme selon Marx a
deux prérequis : (i) une hausse des inégalités, jusqu'à en devenir insupportable ; (ii) un progrès
technique qui permettrait de réduire le temps de travail.
Le communisme est le mouvement qui abolit l'état des choses.
III- La sociologie historique
La misère de la philosophie ou de l'économie ?
Marx a une approche sociale de la consommation, qui dépend de déterminismes non seulement
matériels, mais aussi sociaux. Le passage d'une économie à la laquelle la demande commande à
l'offre, puis dans le mode de production capitaliste, d'une économie de l'offre, qui engendrerait sa
demande. De là viennent les dépressions cycliques, phases de misère et de progrès. Les forces
productives sont le moteur de l'histoire.
L'histoire de la lutte des classes
La base de celle-ci réside dans les antagonismes sociaux. Les classes se forment d'abord en classes
de coalition, avant d'accéder à une réelle conscience de classe et de devenir des classes pour elles
même.
La bourgeoisie révolutionnaire
Par le calcul et la rationalisation due au nouveau mode de production, elle a désenchanté le
monde réduisant les rapports sociaux à un individualisme égoïste et un calcul pécunier.
La révolution
Elle est inévitable, et vise à faire du prolétariat la classe dominante, par l'expropriation foncière,
l'impôt sur le revenu, la nationalisation, dans le but de supprimer l'antagonisme de classe.
La conception matérialiste de l'histoire
Est-ce le mode de production qui termine les rapports de production ou l'inverse ? Les rapports
entre les hommes sont indépendants de leur volonté, et le mode de production domine la vie
politique et sociale, pour cela il a un fondement réel (conditions matérielles), et superstructurel :
l'idéologie. Quant à l'homme, ce n'est pas sa conscience qui détermine son existence sociale, mais
bien son existence sociale qui détermine sa conscience. Marx s'attache ensuite à analyser les
structures des modes de production, si dans les sociétés archaïques, le surplus de production
n'était pas permis par les forces productives, quand les moyens l'ont permis, une élite l'a extorqué
aux travailleurs parle surtravail. Et la fin de l'histoire est la maitrise totale de la nature par
l'homme. Le capitalisme créé lui même les conditions de passage au communisme.
Où est passée la lutte des classes
Si les hommes font leur histoire, mais la fin en est connue, alors ils sont terminés?... La question
apparemment paradoxale, repose sur le fait que si les hommes font bien leur histoire, ils la font à
partir de conditions matérielles préexistantes, qui donnent lieux à des rapports sociaux, puis de
production entre classes. Marx distingue 4 classes : (1) la bourgeoisie, divisée en aristocratie
foncière, aristocratie financière et bourgeoisie industrielle. Sujette à des conflits internes et
intérêts divergents, elle s'unit contre d'autres classes. (2) La petite bourgeoise, principalement
composée des artisans et commerçants, qui dialoguent avec les extrêmes et tiennent leur
existence de par leur position intermédiaire. (3) Le prolétariat opposé à la bourgeoisie industrielle.
(4) Les paysans eux-mêmes exploités, isolés, ne sont pas mobilisés en une classe pour soi. Mais il
demeure cependant d'autres groupes indépendants de ces classes : la bureaucratie d'état ; l'armée
; le lumpenprolétariat (prolétariat miséreux et criminel). Malgré cela, Marx s'attache à sa
prédiction de polarisation de la société. L'existence de classe est due au mode de production, et
mène inéluctablement vers l'abolition de toute classe.
IV – La critique de l'économie politique
La critique de Marx prend une forme philosophique, et il tente de fonder scientifiquement la
théorie de l'exploitation, démontrer l'autodestruction à venir du capitalisme, et en déduire
l'arrivée du communisme.
La valeur des marchandises
Selon la théorie ricardienne, une marchandise est ce dont la quantité peut s'accroitre par
l'industrie de l'homme, encouragée par la concurrence, et sans entraves.
En premier lieu, ce qui distingue les sociétés c'est la façon dont le travail est réparti, les individus
produisent séparément conformément à la division du travail et sont coordonnés ex post par la
sanction du marché. La production « à perte » avant la vente semble paradoxale, de ce point de
vue une planification ex ante semblerait plus logique, à la façon du manageriat qui planifie le
travail dans l'entreprise, que l'on appliquerait au niveau macro. De plus, la valeur dépendrait dans
la tradition de l'offre et la demande, cependant Marx fait remarquer que ces dernières s'exerçant
dans des sens opposés doivent s'appliquer à quelque chose, et s'annulent, c'est ce quelque chose
qui est la valeur.
Ensuite la marchandise a un caractère double puisqu'elle est à la fois valeur d'usage, qui répond à
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