Des étoiles et des hommes

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CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
DES ÉTOILES ET DES HOMMES
Les relations entre les étoiles et l’Humanité
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Email : [email protected]
Site : www.alderan-philo.org
conférence N°1000-005
DES ÉTOILES ET DES HOMMES
Les relations méconnues entre les êtres humains et les étoiles
conférence d’Éric Lowen donnée le 18/09/2013
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Depuis la plus haute antiquité, l’Humanité a été attirée par la magie du ciel nocturne et des
étoiles. Les dernières découvertes sur les origines du cosmos indiquent un rapport nouveau
entre les étoiles et notre espèce : sans les étoiles, l’Être Humain n’existerait pas. Quelle est la
nature de ce rapport unissant le macrocosme galactique et le microcosme humain ? Quelles
conclusions en tirer pour le sens de l’existence ?
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DES ÉTOILES ET DES HOMMES
Les relations méconnues entre les êtres humains et les étoiles
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Tandis que, tête baissée, tous les autres animaux tiennent leurs yeux
attachés à la terre. Le créateur a donné à l'homme un visage qui se dresse
au-dessus d'elle, et il a voulu lui permettre de contempler le ciel, de lever
ses regards et de les porter vers les astres.
Ovide (-43, + 17)
I
DES HOMMES ET LES ÉTOILES
1 - La fascination de l’homme pour le monde céleste n’a pas toujours été
2 - Une relation complexe, entre fascination esthétique, miroir de nos croyances et de nos
connaissances
II
LE DEVELOPPEMENT DU REGARD DES HOMMES VERS LES ÉTOILES
1 - Une relation qui évoluera au prorata de nos connaissances et de nos besoins du ciel
2 - Au temps du paléolithique, le ciel intéresse peu les hommes
3 - Les mutations culturelles du néolithique avec l’agriculture et la sédentarisation
4 - L’apparition d’une protoastronomie
5 - La naissance de l’astronomie en Mésopotamie, entre astrologie et divinisation des éléments
célestes
6 - Les principaux foyers astronomiques
7 - Avec le développement la science, le début d’une nouvelle quête de la compréhension du
cosmos
III
L’ANCIEN REGARD SUR LES ÉTOILES
1 - Géocentrisme et anthropocentrisme
2 - Immuabilité des étoiles
3 - Des éléments secondaires dans le cosmos, ce ne sont pas d’autres mondes
4 - La cyclicité des mouvements stellaires induit l’idée de puissances ordonnatrices
5 - Séparation du monde d’en haut et du monde d’en bas
6 - Le domaine céleste, monde divin inaccessible
IV
UN REGARD NOUVEAU SUR LES ÉTOILES
1 - Le progrès des connaissances a entrainé une nouveau regard sur les étoiles
2 - Un monde infini et désanthropocentrisé
3 - Un cosmos en mouvement, vie et mort des étoiles et des galaxies
4 - Où toutes les étoiles sont autant de mondes potentiels
5 - Stellarisation du soleil et solarisation des étoiles
6 - Le Big-bang n’a produit que de l’hydrogène, de l’hélium et leurs isotopes
7 - C’est la nucléosynthèse stellaire qui vont créer la matière lourde
8 - Novae et supernovae ensemencent l’espace de matière complexe et hautement organisée
9 - La mort d’une étoile prépare la naissance de nouvelles étoiles, planètes et futurs foyers de vie
10 - Et des étoiles qui désormais sont accessibles à l’homme avec l’aventure spatiale
V
DES ÊTRES HUMAINS VERS LES ÉTOILES
1 - La complexification croissante de nos rapports avec les étoiles
2 - Les progrès de la connaissance de l’univers ont permis la naissance de nouveaux rapports
3 - La découverte d’une relation ontologique entre nous et les étoiles
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4 - Le “microcosme” terrestre est donc le résultat du “macrocosme” galactique
5 - Du Big-Bang aux étoiles, des planètes à la vie, la continuité de l’évolution
6 - Tous les êtres vivants sont donc fils des étoiles, de la Terre et du Soleil
7 - La conscience de ces origines stellaires participe de l’appel des étoiles, une incitation à l’élan
vers les étoiles
VI
CONCLUSION
1 - La connaissance de l’univers nous apporte donc une connaissance sur nous-mêmes
2 - Les étoiles comme source de sagesse, l’astrosophia
ORA ET LABORA
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Document 1 : Les principaux foyers de grandes cultures astronomiques dans les anciennes civilisations
(Atlas d'astronomie, Perrin).
Document 2 : Un astrolabe, un des premiers instruments permettant d'observer et de mesurer le ciel avec
précision, jouera un rôle important dans la maîtrise de la navigation.
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Document 3 : C’est par le ciel que l’homme a commencé à mesurer l’écoulement du temps terrestre, mais il
lui a fallut des siècle pour comprendre que les étoiles n’étaient ni parfaites, ni immuables, qu’elles aussi
connaissaient un cycle de vie et de mort.
Si le Soleil, la Lune, et même les planètes ont dû aider l’homme à acquérir très tôt la notion de
durée et d’écoulement uniforme du temps, le ciel étoilé est resté longtemps, pour lui, synonyme
d’éternité : l’emplacement, l’éclat des étoiles y semblent fixés pur toujours. L’observation de
quelques rares étoiles temporaires, les novae, et plus tard, à partir du XVIIe siècle, la
découverte des taches solaires et des étoiles variables témoignaient bien de l’existence de
certains phénomènes évolutifs de nature que nous qualifierions aujourd’hui de physiques. Mais
il fallut attendre que s’impose au XIXe siècle le concept de la conservation de l’énergie pour que
l’on s’interroge vraiment sur la durée de vie des étoiles.
Jean-Paul Zahn
L’âge des familles stellaires
Document 4 : Autre connaissance très récente, celle de la nature exacte des étoiles et de la source de leur
énergie. Il a fallut attendre le développement de la physique nucléaire pour comprendre l’origine de l’énergie
es étoiles.
D'ANAXAGORE À HELMHOLTZ,
UNE LONGUE AVENTURE POUR COMPRENDRE QU’EST-CE QU’UNE ÉTOILE ?
Environ 450 ans avant notre ère, Anaxagore, pour qui les étoiles sont déjà autant de soleils
rayonnant dans l'espace d'énormes quantités d'énergie, en attribue hardiment l'origine au
frottement de ces corps dans « l'éther» au cours de leur mouvement, ne craignant pas
d'extrapoler ainsi au monde céleste un phénomène banal observé sur Terre.
Qui sait où la hardiesse d'une telle pensée combinée à la théorie héliocentrique du système
solaire professée un peu plus tard par Aristarque de Samos, aurait pu conduire en terrain
propice ? Hélas ! après Platon et Aristote, le changement, la naissance et la mort devaient
rester bien longtemps les attributs, peu enviables en somme, du monde sublunaire, l'univers
des planètes, du Soleil et des étoiles étant tenu au contraire pour l'exemple bienvenu d'une
perfection exemplaire, inaltérable, éternelle.
Il va falloir attendre la formulation générale du principe de la conservation de l'énergie par Julius
Robert Mayer, en 1842, pour que cette question de la source de l'énergie des étoiles se repose
avec une acuité urgente et prenne toute sa signification. Quel que soit le mécanisme libérant
cette énergie, il ne peut manquer en effet de modifier la structure ou la composition interne de
l'étoile, entraînant inévitablement son évolution vers un terme fatal où toutes les sources
d'énergie seront taries.
Mayer lui-même avança une première réponse en suggérant que l'énergie rayonnée par le
Soleil provenait de l'énergie cinétique des météorites transformée en chaleur en tombant sur
celui-ci. Cette hypothèse se révéla vite intenable tant par ses conséquences mécaniques que
thermiques et d'ailleurs, lorsque plus tard, la masse totale de ces météorites put être estimée,
elle s'avéra négligeable.
Mais, dès 1853, Helmholtz fit remarquer qu'il n'était pas nécessaire de faire appel à un apport
de masses extérieures. En effet, si le Soleil s'est formé par la contraction d'une nébuleuse
primitive de très grandes dimensions, la chute de ces différentes couches sur elles-mêmes sous
l'action de leur attraction gravifique mutuelle libère une quantité d'énergie potentielle gravifique
considérable (de l'ordre de GM2/R si M est la masse du Soleil, égale à 2.10 g, R, son rayon,
égal à 7.10 cm, et G, la constante de Newton, égale à 6.67 10-8 c.g.s.). Sa conversion en
chaleur aurait pu alimenter la radiation du Soleil au taux actuel (taux de L = 4.10 ergs par
seconde) pendant quelque cinquante millions d'années.
Naturellement, c'est la perte d'énergie sous forme de rayonnement dans l'espace qui permet la
contraction, mais la vitesse de celle-ci, limitée par les processus internes de transfert de
l'énergie, est si lente que la configuration passe par une série d'états successifs qui ne
s'écartent que très peu de l'équilibre. Le calcul de la distribution des quantités physiques dans
de telles étoiles, ou, comme l'on dit, la construction de « modèles » d'étoiles, est un problème
extrêmement délicat, dont la solution ne progressa que fort lentement.
Paul Ledoux
Structure et évolution des étoiles, La Nouvelle Astronomie, Science de l’Univers,1971
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Document 5 : Illustrations des processus de nucléosynthèse stellaire. En haut, schéma du cycle “carboneoxygène-azote” (dit cycle de Bethe-Weizsäker, découvert en 1938), qui intervient dans les étoiles 2 à 3 fois
plus massives que le soleil. En bas, le cycle primaire dit proton-proton qui fusionne l’hydrogène en hélium.
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Document 6 :
Il était une fois, il y a dix ou quinze milliards d'années, un univers sans forme. Il n'y avait ni
galaxies, ni étoiles, ni planètes, ni vie. Les ténèbres régnaient sur l'abîme. L'univers était
composé d'hydrogène et d'hélium. Le Big Bang venait de se produire, et les débris de
l'explosion - création de l'univers ou cendres d'une précédente incarnation - se répandaient
doucement dans l'espace.
Mais l'hydrogène et l'hélium ne se répandaient pas régulièrement. Ici et là, dans les ténèbres,
par hasard, le gaz se concentrait un peu plus qu'ailleurs. Ces poches croissaient
imperceptiblement aux dépens de leur entourage, attirant par la force de leur gravitation une
masse grandissante de gaz environnant. Au fur et à mesure que ces poches grandissaient,
leurs noyaux les plus denses, gouvernés par les lois inexorables de la gravitation et de la
conservation du moment angulaire, se contractaient et accéléraient leur rotation. A l'intérieur de
ces grands globes ou roues gazeux, de petits fragments de plus grande densité se
concentraient, puis éclataient en milliards de boules gazeuses en condensation.
La contraction conduisait à de violentes collisions des atomes au centre de ces boules. Les
températures croissaient tellement que les électrons étaient arrachés des protons dans les
atomes d'hydrogène. Les protons, porteurs de charges positives similaires, se repoussent
habituellement. Mais après un moment, les températures au centre des boules gazeuses
devenaient telles que les protons se heurtaient avec une énergie extraordinaire - une telle
énergie que la barrière électrique qui entourait le proton était brisée. Une fois la pénétration
effectuée, les forces nucléaires - qui maintiennent ensemble les éléments constituants du noyau
atomique - entraient en jeu. A partir de l'hydrogène, corps le plus simple, l'hélium, qui vient
après dans la chaîne de complexité, se formait. Mais dans la synthèse de l'hélium à partir de
l'hydrone, un surplus d'énergie est libéré. Cette énergie, frayant son chemin à travers la boule
de gaz, arrivait à la surface et rayonnait dans l'espace. La boule de gaz s'allumait. La première
étoile était née. Et la lumière fut. Les étoiles évoluaient durant des milliards d'années,
convertissant lentement l'hydrogène en hélium dans leurs entrailles, transformant en énergie la
petite différence de masse, et inondant les cieux de lumière. A l'époque il n'y avait pas de
planètes pour capter cette lumière, ni de formes de vie pour s'émerveiller de l'éclat des cieux.
La conversion de l'hydrogène en hélium ne pouvait pas se prolonger indéfiniment. Il arrivait que,
dans les entrailles brûlantes des étoiles, où la fournaise avait raison des forces de répulsion
électrique, tout l'hydrogène fût consumé. C'était la panne de carburant. Le four ne résistait plus
à la pression des couches stellaires ; les astres reprenaient leur processus de contraction,
d'effondrement interne, interrompu un milliard d'années auparavant par la mise à feu. Dans la
contraction qui s'ensuivait, de plus hautes températures étaient atteintes, si hautes, que les
atomes d'hélium - cendres du feu primitif - devenaient utilisables comme carburant astral. Des
réactions nucléaires plus complexes intervenaient au coeur des étoiles - maintenant gonflées et
distendues, géantes et rouges. L'hélium se convertissait en carbone, le carbone en oxygène et
en magnésium, l'oxygène en néon, le magnésium en silicium, le silicium en soufre, et ainsi
s'édifiait la table périodique des éléments, selon les arcanes d'une alchimie titanesque. De
vastes et complexes réactions en chaîne construisaient certains noyaux. D'autres noyaux
atomiques s'amalgamaient pour former des noyaux beaucoup plus complexes. D'autres encore
se fragmentaient ou se combinaient avec des protons pour constituer des noyaux un tout petit
peu plus complexes.
Mais, à la surface des géantes rouges, la gravité était faible, tellement les astres s'étaient
agrandis. Les couches externes des géantes rouges se dissolvaient lentement dans l'espace
interstellaire, l'enrichissant de carbone, d'oxygène, de magnésium, de fer, et de tous les
éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium. Dans certains cas les couches externes
disparaissaient lentement, comme les peaux d'un oignon que l'on pèle. Dans d'autres cas une
colossale explosion nucléaire ébranlait l'étoile, projetant à grande vitesse dans l'espace
interstellaire la plus grande partie de l'enveloppe astrale. Que ce fût par dispersion ou par
explosion, la matière stellaire était réinjectée dans le gaz obscur et léger d'où les astres avaient
pris naissance.
Et c'est là que prenaient naissance les générations suivantes d'étoiles. A nouveau les amas en
condensation commençaient à tourner sur eux-mêmes et à opérer la métamorphose du gaz
stellaire en matière astrale. Mais ces étoiles de la seconde et de la troisième génération étaient
enrichies en éléments lourds, hérités de leurs ancêtres. Alors, comme les étoiles se formaient,
des condensations plus petites apparaissaient à proximité, beaucoup trop petites pour former
des brasiers nucléaires et devenir des étoiles. De petites mottes de matière dense et froide se
formaient à partir du nuage en rotation, qui seraient plus tard illuminées par les feux nucléaires
qu'elles ne pouvaient pas engendrer seules. Ces caillots modestes donnaient naissance aux
planètes : certains, énormes et gazeux, composés principalement d'hydrogène et d'hélium,
étaient froids et éloignés de l'étoile mère ; d'autres, plus petits et plus chauds, perdant
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lentement le gros de leur hydrogène et de leur hélium qui s'évanouissaient dans l'espace,
donnaient une différente sorte de planète - rocheuse, métallique, au sol dur.
Ces petits débris cosmiques, en se figeant et en s'échauffant, libéraient de petites quantités de
gaz riches en hydrogène, emprisonnées en leur sein durant le processus de formation. Certains
gaz se condensaient à la surface, formant les premiers océans ; d'autres se maintenaient audessus de la surface, formant les premières atmosphères - atmosphères différentes de l'actuelle
atmosphère terrestre, composées de méthane, d'ammoniaque, d'hydrogène sulfureux, d'eau et
d'hydrogène - un mélange nauséabond et irrespirable pour les humains. Mais ce n'est pas
encore une histoire humaine.
La clarté des étoiles irradiait cette atmosphère. Le Soleil provoquait des orages, éclairs et
tonnerre. Des volcans entraient en éruption, la lave brûlante réchauffant l'atmosphère à
proximité de la surface. Ces processus brisaient les molécules de l'atmosphère primitive. Mais
les fragments se recomposaient en molécules de plus en plus complexes, qui tombaient dans
les océans primitifs, où elles entraient en interaction, et se déposaient par hasard dans les
argiles : un processus étonnant de rupture, nouvelle synthèse, transformation, un lent
mouvement vers des molécules d'une complexité croissante, suivant les lois de la physique et
de la chimie. Au bout d'un certain temps, les océans prirent la consistance d'un tiède bouillon.
Parmi les espèces innombrables de molécules organiques complexes qui se formaient et se
dissolvaient dans cette soupe, un jour surgit une molécule capable de se recopier elle-même une molécule qui influençait suffisamment les processus chimiques dans son entourage pour
que surgissent d'autres molécules qui lui soient identiques - une molécule qui
s'autoreproduisait. Ça marchait plus ou moins bien. Les copies n'étaient pas parfaites. Mais
bientôt elle commença à prendre le pas sur les autres molécules des eaux primitives. Les
molécules qui produisaient des copies d'elles-mêmes prenaient le dessus, les autres non. Les
premières, à force de se multiplier, devenaient surabondantes. Comme le temps passait, le
processus de copie gagnait en exactitude. Certaines molécules étaient transformées en vue de
fournir le matériau de la copie. Un atout minime et imperceptible au départ devint bientôt, par
l'effet de progression géométrique, le processus dominant dans les océans.
Des systèmes reproducteurs de plus en plus élaborés se firent jour. Les meilleurs systèmes
produisaient le plus grand nombre de copies. Les moins bons en produisaient moins. Bientôt, la
plupart des molécules s'organisèrent en collectifs moléculaires, en systèmes de duplication.
Certes, ces molécules n'éprouvaient pas le moindre désir reproducteur, ou n'agissaient pas en
fonction d'une idée préconçue ; simplement, les molécules duplicatrices fabriquaient des copies,
et bientôt le visage de la planète s'en trouva transformé. A terme, les mers furent emplies de
ces systèmes moléculaires à l'oeuvre : formation, métabolisation, duplication... formation,
métabolisation, duplication... formation, métabolisation, mutation, duplication... Des systèmes
élaborés surgirent, des systèmes moléculaires pourvus d'un comportement, se rendant là où le
matériau abondait, évitant les systèmes rivaux. La sélection naturelle commença à opérer,
sélectionnant les combinaisons moléculaires les plus douées, par hasard, pour la duplication.
Pendant tout ce temps les matériaux étaient produits, principalement sous l'effet du
rayonnement, et l'action de la foudre, dus à l'étoile voisine. Les processus nucléaires internes
de l'astre conduisaient les processus planétaires, et ceux-ci menaient à la vie, et la
nourrissaient.
Comme le matériau commençait à s'épuiser, un nouveau type de système moléculaire surgit,
capable de produire du matériau de construction moléculaire en son sein, à partir de l'air, de
l'eau, et du rayonnement solaire. Les premiers animaux furent rejoints par les premiers
végétaux. Les animaux devinrent des parasites des plantes, eux qui dépendaient jusque-là de
la manne stellaire tombant du ciel. Les végétaux transformèrent progressivement la composition
de l'atmosphère ; l'hydrogène s'évanouit dans l'espace, l'ammoniaque se transforma en azote,
le méthane en gaz carbonique. Pour la première fois, l'oxygène était produit en quantités
importantes dans l'atmosphère - l'oxygène, gaz mortellement dangereux, capable de reconvertir
toutes les molécules autoreproductrices en gaz simples comme le gaz carbonique et l'eau.
Mais la vie affronta ce suprême défi : dans certains cas en s'établissant dans des milieux d'où
l'oxygène était absent, mais - dans les cas les plus réussis - en évoluant non seulement de
façon à ne pas être détruite par l'oxygène, mais aussi de façon à l'utiliser pour accroître
l'efficacité de la métabolisation des matériaux nourriciers.
Le sexe et la mort apparurent - processus qui accrurent notablement le taux de la sélection
naturelle. Certains organismes acquièrent des parties solides, grimpèrent sur le rivage, et
survécurent sur la terre ferme. Le rythme de productions de formes de plus en plus complexes
s'accéléra. Les espèces volantes firent leur apparition. D'énormes quadrupèdes écumèrent les
jungles torrides. De petits animaux virent le jour, naissant vivants, à l'air libre, et non pas dans
des réservoirs à coquille dure emplis de répliques du milieu marin primitif. Ils survécurent à
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force de vitesse et d'astuce - et, de plus en plus, durent leur savoir moins à la programmation
moléculaire qu'aux leçons des parents et à l'expérience.
Durant tout ce temps le climat se modifiait sans cesse. De légères variations dans le débit du
rayonnement solaire, le mouvement orbital de la planète, les nuages, les océans et les calottes
polaires produisaient des changements climatiques, gommant de la surface de la planète des
groupes entiers d'organismes, et provoquant la prolifération exubérante d'autres groupes,
jusque-là insignifiants.
Et alors... la Terre se refroidit quelque peu. Les forêts reculèrent. De petits animaux arboricoles
descendirent des arbres pour chercher fortune dans les savanes. Ils se redressèrent et prirent
l'habitude de se servir d'outils. Ils communiquèrent entre eux en produisant des vibrations dans
l'air avec leurs organes de respiration et de manducation. Ils découvrirent que la matière
organique pouvait, sous une température suffisante, se combiner avec l'oxygène atmosphérique
pour produire le plasma brûlant et stable appelé feu. L'apprentissage d'après la naissance fut
considérablement accéléré par l'interaction sociale. La chasse communautaire se développa,
l'écriture fut inventée, les structures politiques évoluèrent, la magie et la science, la religion et la
technique firent leur apparition.
Et puis, un jour vint une créature dont le matériau génétique ne différait en rien d'essentiel des
systèmes moléculaires autoreproducteurs de n'importe quel autre organisme de sa planète, qu'il
appelait la Terre. Mais il était capable de scruter le mystère de ses origines, le chemin étrange
et tortueux par lequel il avait surgi du matériau astral. Il était matière cosmique capable de se
penser. Il considérait l'énigme de son avenir problématique. Il s'appelait lui-même l'Homme. Il
appartenait au peuple des étoiles. Et il avait la nostalgie des étoiles.
Carl Sagan (1934 - 1996)
Cosmic Connection ou l'appel des étoiles, 1975
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Document 7 : La nébuleuse de l’hélice (NGC 7293), distance de 400 années-lumière, une ancienne étoile
qui a explosé en projetant une grande quantité de matière dans l’espace sous forme de gaz, au centre des
cercles de gaz se trouve l’étoile qui s’est transformée en naine blanche. Cette reproduction en noir et blanc
rend mal l’explosion de couleur de ces nuages de gaz : vert (présence d’oxygène), rouge (présence
d’hydrogène et d’azote)... La taille de cette nébuleuse est d’un mois-lumière, à titre de comparaison, notre
système solaire se confondrait quasiment avec l’image de l’étoile centrale.
Document 8 : Le 21 juillet 1969, l’homme marcha sur la Lune, et cela moins d’un siècle après la naissance
de l’aviation. Au total, ce furent 12 hommes qui posèrent le pied sur notre satellite (photo NASA).
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Document 9 : La compréhension de la nature des étoiles, des objets célestes et de manière plus générale
de l’univers est une invitation à l’élaboration d’une nouvelle sagesse, en repensant les grandes questions
existentielles.
(...) J’ai la conviction que les sciences astronomiques, géologiques, paléontologiques,
préhistoriques, en un mot l’histoire, qu’elle soit de l’Univers, de la Terre, de la Vie ou de
l’Homme, a désormais un grand message à remettre à l’humanité tout entière pour l’aider à se
mieux connaître et à mieux gérer sa destinée. Ce message, qui dépasse les fictions les plus
extravagantes, est simple et merveilleux : l’Homme est enfant des étoiles. Il n’y a pas de
solution de continuité entre la matière des étoiles et celle de la terre, entre cette dernière et la
substance de la vie, entre toutes les manifestations de cette vie qui existent ou ont existé et
l’Homme.
L’origine de l’Homme, c’est aussi bien l’origine de l’univers, il y a 15 milliards d’années que celle
de la terre, il n’y en a que 5, que celle de la vie, il y a 4 milliards d’années, celle des
Mammifères, il y a 200 millions d’années, celle de notre famille, il y a 10 millions d’années ou
celle de notre genre, il y en a 3 ou 4. Nous ne représentons qu’un rameau d’un immense arbre
généalogique dont les racines sont dans le ciel. Les sciences que je pratique, en mettant peu à
peu en évidence cette extraordinaire filiation, ont l’immense mérite de la rendre rassurante alors
qu’elle était hérétique ; bien qu’elles se situent à un niveau tout à fait différent de celui des
dogmes, elles rejoignent aujourd’hui curieusement, en aval comme en amont, tous les mythes
et les religions de la terre, en proposant des réponses aux questions que se posent tous les
êtres humains depuis que l’Homme est conscient, depuis qu’il sait qu’il sait : Qui suis-je ? D’où
viens-je ? Où vais-je ? C’est, me semble-t-il, la plus belle idée universelle susceptible de réunir
tous les Hommes (...).
Yves Coppens
Pré-Ambule, les premiers pas de l’homme, 1988
Document 10 : Finissons sur deux poèmes astrosophiques :
DES ÉTOILES ET DES HOMMES
Parmi les Milliards de Galaxies de l'Univers,
il est une Galaxie Spirale quelconque,
À la périphérie de cette Galaxie est un petit Soleil Jaune,
parmi des centaines de milliards d'autres Étoiles,
Au coeur des Planètes de ce Système Solaire
est une minuscule Planète Bleue de rien du tout,
À la surface de cette Planète,
vivent des milliards et des milliards d'Êtres Vivants
depuis plusieurs milliards d'années,
Parmi eux, quelques milliards de l'Espèce dite "Humaine",
apparue voilà quelques dizaines de milliers d'années,
Et au milieu de ces milliards d'êtres humains, il en est un,
apparu voici quelque dizaines d'années, Vous,
Qui croit être la mesure de toute chose,
Qui rêve d'être le centre du monde.
Willam Ruthenford
Association ALDÉRAN © - conférence 1000-005 - “Des étoiles et des Hommes” - 14/1/2000 - page 12
Contempler une étoile, c’est regarder le miroir du temps
L’ombre, comme un parfum, s’exhale des montagnes et le silence est tel que l’on croirait
mourir. On entendrait, ce soir, le rayon d’une étoile remonter en tremblant le courant du
zéphir.
Contemple, Sous ton front, que tes yeux soient la source qui charme de reflets ses rives
dans la course... Sur la terre étoilée surprends le ciel, écoute le chant bleu des étoiles en la
rosée des mousses.
Laisse nager le ciel entier dans tes yeux sombres, et mêle ton silence à l’ombre de la terre ;
si ta vie ne fait pas une ombre sur ton ombre, tes yeux et sa rosée sont les miroirs des
sphères.
Sens ton âme monter sur sa tige éternelle, l’émotion divine, et parvenir aux cieux ; suis des
yeux ton étoile, ou ton âme éternelle entr’ouvrant sa corolle et parfumant les cieux.
A l’espalier des nuits aux branches invisibles, vois briller ces fleurs d’or, espoir de notre vie ;
vois scintiller sur nous, - sels d’or des vies futures -, nos étoiles visibles aux arbres de la nuit.
Écoute ton regard se mêler aux étoiles, leur reflet se heurter doucement dans tes yeux, et
mêlant ton regard aux fleurs de ton haleine, laisse éclore à tes yeux ces étoiles nouvelles.
Contemple, sois ta chose, laisse penser tes sens, éprends-toi de toi-même épars dans cette
vie. Laisse ordonner le ciel à tes yeux, sans comprendre, et crée de ton silence la musique
des nuits.
Paul Fort
Hymne dans la nuit
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PHILOSOPHIE.
4 - À la MAISON DE LA PHILOSOPHIE à Toulouse.
Pour renseignements et commandes, contactez la MAISON DE LA PHILOSOPHIE
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Association ALDÉRAN © - conférence 1000-005 - “Des étoiles et des Hommes” - 14/1/2000 - page 14
POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen Revue de philosophie “ALDÉRAN” (trimestrielle)
- N°14 : Dossier spécial “Éclipses : Des peurs primitives à la magnificence du monde”
- N°20 : La vie dans le cosmos : Sommes-nous seuls dans le cosmos ? par Jean-Noël Sarraïl
- N°21 : La vie dans le cosmos : Le programme SETI et Contact de Carl Sagan, par Jean-Noël Sarraïl
Conférences sur la construction du monde
- Le Big Bang et les premiers instants du cosmos
- L’Apparition de la vie sur la Terre
- Les origines préhistoriques de l’Humanité
- L’Être Humain et l’infini
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1000-077
1000-031
1000-018
Conférences sur les grandes révolutions scientifiques
- L’invention de la Science et des sciences
- La révolution astronomique, la découverte du Cosmos
- La révolution copernicienne
- La révolution galiléenne
- La révolution newtonienne
- La révolution einsteinienne
- La révolution cosmologique
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1000-052
1000-038
1000-148
1000-072
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Conférences sur l’odyssée culturelle de l’Humanité
- La révolution néolithique
- L’invention de la mesure du temps et du calendrier
- L’invention de l’écriture
- La révolution thalassoculturelle, l’aventure de la maitrise de la mer
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1000-014
1000-065
1000-257
Conférences sur des traditions et cultures évoqués dans cette conférence
- Stonehenge, sanctuaire mégalithique
- La religion babylonienne
- La religion aztèque
- La religion de la civilisation Maya
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Conférences en relation avec ce sujet
- La place de l’Être Humain dans le Cosmos
- La vie dans le Cosmos
- L’évolution créatrice, l’auto-création du monde
- La magnificence du monde
- La symphonie du monde
- Cosmodiversité et biodiversité, l’élan de la complexité du monde
- Nécessité et hasard dans le cosmos
- L’appel des étoiles
- Le réenchantement du monde
- Le besoin de sens dans la condition humaine
- Philosophie et Science
- Connaissance de soi et sagesse
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Quelques livres sur le sujet
- Du monde clos à l'univers infini, Alexandre Koyré, Gallimard, coll. Tel, 2003
Association ALDÉRAN © - conférence 1000-005 - “Des étoiles et des Hommes” - 14/1/2000 - page 15
- Astronome et églises, John L. Heilbron, Belin, 2003
- Les secrets des poussières d’étoiles, J. Mayo Greenberg, in Pour la science N°280 février 2001
- Enfants du soleil, histoire de nos origines, André Brahic, Odile Jacob, 2000
- Flambée d’étoiles dans les galaxies naines, Sara Beck, in Pour la science N°274, août 2000
- À quelle distance sont les étoiles ? Ulrich Bastian, in Pour la science, N°269, mars 2000
- L’homme, poussière d’étoiles, Nicolas Prantzos, in 1000 ans de sciences : CH.12 : le bilan des progrès
- Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle (1687), Flammarion, 1998
- Terre-Patrie, Edgar Morin (1993), Seuil, 1997
- Dernières nouvelles du Cosmos, vers la première seconde, Hubert Reeves, Seuil, 1994
- Micromégas, in Zadig, Voltaire, Livre de poche, 1983
- Science et religion, Bertrand Russell, Gallimard, folio essais, 1971
Association ALDÉRAN © - conférence 1000-005 - “Des étoiles et des Hommes” - 14/1/2000 - page 16
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