1951), sur cette question, plus rarement aborde´e maintenant en philosophie, qu’est la foi
en Dieu et les fondements meˆmes des religions, mais ici sous une variante quelque peu
diffe´rente, a` savoir la place et le sens que prend le questionnement religieux chez
l’e´crivain et le philosophe comme lecteur de ce dernier.
Nietzsche, qui a radicalement critique´ le christianisme, n’en a pas moins exprime´ une
conviction profonde qui consistait a` garder ce qui pouvait bien rester apre`s cette e´pura-
tion du christianisme historique. Mais comme le fait justement remarque´ l’auteur, Witt-
genstein et Keller trouvaient incongru de the´oriser par la philosophie ou la the´ologie, ce
qui ne pouvait re´ellement s’y preˆter, c’est-a`-dire la foi elle-meˆme ou toutes formes de
croyances religieuses. D’ailleurs, l’auteur fait ressortir les principaux arguments des
premiers textes de Wittgenstein, dont le Tractatus, lesquels furent traverse´s par des
influences diverses dont celle de Tolsto¨ı, par son Abre
´ge
´de l’E
´vangile, et de Kierke-
gaard que le philosophe conside´rait plus radical que Dosto¨ıevski quant a` sa critique du
christianisme.
Ainsi, Henri le Vert, roman autobiographique de Keller, aurait joue´unroˆle important
dans la pense´e de Wittgenstein sur la question religieuse ; d’ailleurs, cette influence est
davantage perceptible dans ses Carnets et surtout dans les Remarques me
ˆle
´es,me´langes
de conside´rations philosophiques, d’observations sur le monde et d’impressions
existentielles.
L’auteur ajoute a`cequipre´ce`de de nombreux e´le´ments qui mettent en lumie`re
l’œuvre de Keller et son importance a` la fin du XIX
e
sie`cle et au de´but du XX
e
; non
seulement Nietzsche et Brahms l’ont-ils rencontre´, mais de nombreux e´crivains, dont W.
Benjamin, ont aussi reconnu son importance litte´raire et artistique.
Les liens tre`s particuliers entre les remarques de Wittgenstein sur la religion et celles,
quelquefois tout aussi radicales, de Keller, sont tre`s bien expose´s par Bouveresse qui
souligne, par ces quelques exemples, certains traits de la critique du philosophe et de
l’e´crivain : « La croyance en Dieu se reconnaıˆt et se juge sans doute a` ses fruits, mais
c’est une chose qui est tout aussi vraie de l’athe´isme » (136). La dimension e´thique chez
Wittgenstein a, en effet, pre´occupe´ le philosophe tout au long de sa vie et ce questionne-
ment tout simple, formule´ ainsi : « Comment devenir un autre homme ? » ou encore «
Comment devenir un philosophe digne de ce nom ?», ne pouvait e´chapper a` son constant
souci de pre´cision quant au fait religieux, qu’il ne rejetait nullement et que l’auteur
formule ainsi : « Si c’est essentiellement par la connaissance de soi que l’on acce`de
au sentiment religieux ve´ritable, il reste encore, cependant a` se demander dans quelle
mesure la connaissance en question est en mesure de transformer re´ellement celui qui fait
l’effort de l’acque´rir » (162). Notons que cette observation reste fort pertinente par
rapport a` un proble`me auquel se buttent toujours nombre de the´ologiens !
A ces questions, l’auteur ajoute celle du concept de pre´destination que rele`ve Witt-
genstein qui insiste, dans certains e´crits, sur le contraste, quelquefois violent, entre la
simplicite´ des E
´vangiles et la the´ologie des lettres de Paul ; de´bat qui a fait objet de tre`s
nombreuses pole´miques depuis les de´buts du christianisme, mais rappeler les ambigu¨ıte´s
de ce concept ne peut eˆtre qu’utile, et ce, d’autant plus, que cette tension entre la
the´ologie de Paul et celles des E
´vange´listes n’a jamais e´te´ comple`tement re´solue. Il
en est de meˆme pour les questions de l’existence de l’aˆme et de l’immortalite´ qui ont
pre´occupe´ Wittgenstein et qu’il analyse sans rejet ni adhe´sion.
Book Reviews / Comptes rendus 81