Document 1 : Le principe de départ de la libre pensée est celle de l’exigence technique de la raison : ne
rien admettre pour vrai qui n’ait été soumis à la réflexion personnelle et à l’analyse de la raison.
Le premier [précepte de la méthode] était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie,
que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter soigneusement la
précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que
ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse
aucune occasion de le mettre en doute. Le second, de diviser chacune des difficultés que
j'examinerais, en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux
résoudre. Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les
objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par
degrés, jusqu'à la connaissance des plus composés ; et [en] supposant même de l'ordre
entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier de
faire partout des dénombrements si entiers ; et des revues si générales, que je fusse
assuré de ne rien omettre. René Descartes (1596-1650)
Les quatre préceptes de la méthode, 1637
Document 2 : Un célèbre libre penseur du 17ème siècle, Gassendi.
ART. 7 - La liberté d'esprit que promet la Philosophie ne serait même ni précieuse
ni bonne.
La liberté de l'esprit est chose plus précieuse que tout l'or du monde, et sous l'impulsion
de la nature, tout tend à être libre, de sorte que non seulement les êtres vivants, mais la
plupart des choses inanimées font entendre cet appel du Poète : La liberté est un besoin
(1). Alors nous autres, hommes, et qui prétendons à la Philosophie, nous abaisserons-
nous au point d'embrasser avec tant d'ardeur et par choix une telle servitude ? (2) Tandis
que la Philosophie promet une liberté grâce à laquelle peut naître la parfaite tranquillité
de l'âme, et par conséquent la suprême félicité, quelle folie furieuse nous porte à
pratiquer le culte de la Philosophie sous le joug d'une telle servitude ? La nature nous
avait fait don d'un esprit libre. Parce que l'influence du vulgaire agissant dès le berceau a
bientôt fait de ligoter cet esprit de mille nœuds et de le retenir dans ces liens, la
Philosophie s'est engagée à ce que nous soyons par elle rétablis une seconde fois en
possession de notre liberté. Et voilà que, au lieu de cultiver sérieusement la sagesse,
nous sommes assez fous pour imposer à notre malheureux entendement des chaînes et
des entraves plus lourdes encore, en prétendant subir de plein gré la contrainte d'un si
dur esclavage et rester attachés au râtelier comme un vil bétail ! N'est-ce pas là
déraisonner complètement ? Nous nous réjouissons quand notre réalité terrestre, je veux
dire le corps, est libre de liens et délivré ; et nous n'aurions pas horreur de mettre en
captivité la meilleure partie de nous-mêmes, celle qui est céleste et divine, Mine en un
mot ? À moins peut-être que l'on ne doive estimer pour rien cette liberté ? Mais ceux qui
l'ont une fois reconnue n'ont plus quitté cet asile si sûr. Ils n'ont certes plus à se travailler
pour défendre des opinions adoptées auparavant : car quelles qu'elles soient, ils sont
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-153 : “La libre pensée, penser par soi-même” - 23/07/2003 - page 5