Tant qu'on a la santé
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il n’est plus question de vulgarisation. Une autre forme de « secret
médical » est donc présente dans le dictionnaire...
On avancera que, cent ans après, il est aisé de relever les
énormités émises par des scientifiques de bonne foi (le choléra n’est
pas contagieux, affirmait sérieusement certain dictionnaire en 1840 !).
C’est vrai ; mais cette science, la médecine, nous concerne tous, et
nous l’abordons rarement avec le sourire. Alors, pour une fois, rions
franchement. Rions, en fait, de cet état d’esprit « belle époque », et
soyons sûrs que nos petits-enfants trouveront à rire dans nos
encyclopédies, nos manuels, même s’ils sont interactifs, sur CD-
ROM, ou consultables sur le dernier site de ce qui succédera à
Internet...
Par exemple, il est facile de sourire en découvrant pyrogénésique,
se dit du sens vital commun qui produit la chaleur et l’électricité organiques
vitales, et la combustion spontanée. C’est qu’en 1830, on s’essayait tout
juste au rapprochement entre physique et connaissance du corps
humain.
Tout de même, on s’étonnera que les « humeurs » et les saignées
aient encore été si présentes en 1918 ; c’est oublier que l’essor des
thérapies modernes date surtout du milieu du siècle dernier. La
« Belle Époque » était proche encore du « siècle des lumières », et
appelait souvent encore Hippocrate ou Gallien à la rescousse. En
1900, et même en 1920, la langue de Molière n’est pas loin : humeurs,
saignées, clystères émaillent encore le discours médical, du moins si
l’on en croit le dictionnaire, qui en fournit en tous cas les moyens.
L’emploi de « fort », archaïque, au lieu de « très », plus moderne,
accentue le côté désuet du discours (un médecin fort habile, etc.), tout
comme certaines tournures (un coup d’épée qui a intéressé le poumon).
On relèvera aussi nombre de tournures qui nous semblent bien
naïves, comme des remèdes propres à nettoyer la peau. « Propres à
nettoyer » : oui, bien sûr... Et des mots dont on se demande s’ils ont
jamais été employés : Avait-on plus besoin de décidence ou raphanie
au XIXe siècle qu’aujourd’hui ?
L’abondance de termes plus ou moins scatologiques donne de cette
époque une idée que nous rejetons d’un air gêné : les pets sont
devenus vents, puis gaz, perdant à chaque évolution un peu de leur
odeur vulgaire, cependant qu’il est aujourd’hui correct de n’en plus
parler. Mais il est vrai qu’à la Belle Époque il n’était pas de mauvais