Regards sur…
LA BIOLOGIE M DICALE
LA BIOLOGIE MÉDICALE
L’ avenir
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tées : certains affirmaient que le
cancer était d’origine virale,
d’autres étaient convaincus
qu’il s’agissait d’un mécanisme
chimique. En 1976, la décou-
verte des oncogènes a montré
que ces théories étaient toutes
deux partiellement exactes : il
s’agissait bien de virus mais
c’était néanmoins une histoire
de gènes.
Un deuxième exemple, le cas
des anticorps, montre bien la
révolution opérée dans les
conceptions. Dans les années
70 , les chercheurs se battaient
pour expliquer leur diversité
avec des théories plus ou
moins farfelues. Certains pen-
saient que les gènes spéci-
fiques étaient là dans l’orga-
nisme, prêts à fabriquer
l’anticorps nécessaire que la
personne ait la grippe, la tuber-
culose ou soit en contact avec
du plastique. Cela aurait signi-
fié que la nature savait à
l’avance qu’il y aurait un jour du
plastique… D’autres soute-
naient que chaque fois qu’un
agresseur nouveau apparais-
sait, bactérie, virus ou sub-
stance artificielle, l’organisme
s’adaptait et fabriquait le gène
qui permettrait au corps de se
défendre. C’était évidemment
tout aussi absurde. Et inquié-
tant puisque cela supposait que
l’ADN, qui porte le code géné-
tique de chaque individu, pou-
vait changer sans arrêt sous
l’effet de l’environnement !
Grâce à la biologie moléculaire,
on a pu tout expliquer .
Concrètement,
quelles perspectives
ouvre la biologie mo-
léculaire ?
Elle a déjà permis le diagnostic
prénatal de certaines maladies
héréditaires, celles dont l’origine
est liée à une anomalie portée
par un seul gène, telles les
myopathies, la mucoviscidose,
la chorée de Huntington ou l’hé-
mophilie. Deuxième domaine
d’application privilégié, l’infec-
tiologie. Toute “ bestiole ”, bac-
térie, virus, parasite, a un gé-
nome. Grâce à l’extrême
sensibilité des techniques de
biologie moléculaire, il est pos-
sible de les identifier même s’ils
ne sont présents qu’en quantité
infime. Le domaine de la trans-
fusion sanguine devrait consti-
tuer un champ d’application pri-
vilégié de ces nouvelles
techniques. Par ailleurs, des
diagnostics qui exigeaient de
longues cultures de cellules -
pour la tuberculose, il fallait 3
semaines pendant lesquelles le
patient n’était pas soigné et
pouvait contaminer son entou-
rage- sont aujourd’hui obtenus
immédiatement.
Que pourra-t-on
dépister qu’on ne
dépiste pas encore
ou difficilement ?
D’ici 5 ans, tout le génome hu-
main sera décrypté.Les proto-
types d’instruments capables
de “ lire ” un brin d’ADN com-
mencent à apparaître.
Premier champ ouvert par ces
avancées, celui dont on parle le
plus, la médecine prédictive.
De même qu’un individu est dé-
terminé génétiquement à avoir
les yeux noisette ou les che-
veux bruns, chacun est déter-
miné à être plus ou moins sen-
sible à tel ou tel
dysfonctionnement. A l’époque
des grandes épidémies de
peste et de typhoïde, les gens
étaient tous touchés par les
agents infectieux. Pourtant ils
n’en mouraient pas tous. Ceux
qui ont survécu sont ceux dont
l’organisme a pu se défendre.
Un gène de résistance à la tu-
berculose vient d’être isolé. Les
individus qui le portent sont na-
turellement protégés contre
cette maladie. Nous sommes
tous différents. Chacun d’entre
nous a à la fois des facteurs de
protection contre certaines ma-
ladies et des facteurs de risque
pour d’autres. Autre domaine
où la lecture du code génétique
apporte des bénéfices considé-
rables pour mes patients, les
greffes : en quelques se-
condes, on mesurera la compa-
tibilité des tissus de la personne
à greffer et du greffon, et donc
les chances de réussite de l’in-
tervention.
Savoir à 10, 15 ou
20 ans qu’on a un
risque augmenté de
développer à 40 ou
50 ans un cancer ou
une pathologie
cardiaque, est-ce
vraiment un progrès ?
Le laboratoire
du futur sera le
gardien du gé-
nome humain,
prédisait l’écrivain
américain
Isaac Asi-
mov
“
“