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bénéficieraient selon certains les PvVIH (exonérations, aides diverses, temps qui leur est
consacré…)
Ce « devoir de temps » envers le PvVIH est vécu par les prescripteurs comme une
contrainte majeure de la prise en charge, dans un milieu médical habitué aux consultations
parfois expéditives, et à une présence parfois relâchée dans les services. Temps du dialogue
avec le malade, temps du remplissage des dossiers, temps des réunions… Même si de
nombreux médecins satisfont à ce « devoir de temps », d’autres prennent à la longue des
libertés avec lui, pour peu que la pression se relâche : les dossiers ne sont plus remplis, les
prescripteurs sont souvent absents, les réunions sont moins suivies…
Une autre contrainte liée au VIH/Sida est bien sûr le risque, autour des AES (accidents
d’exposition au sang). Certes, en particulier chez les personnels infirmiers, les plaintes
récurrentes sur les risques professionnels sont liées à des stratégies revendicatives (bénéficier
de primes, ou de meilleures conditions de travail). Mais il est vrai que la réalité est
particulièrement inquiétante, qu’elle renvoie aussi aux attitudes des personnels de santé, et
qu’elle déborde le cadre de l’hôpital. L’absence d’une véritable « culture professionnelle de
l’aseptie » chez les personnels de santé n’est pas véritablement modifiée par les risques liées
au VIH/Sida (sauf lorsqu’on sait qu’on a affaire à un patient séropositif), et diverses
« mauvaises pratiques » routinières persistent (autour des seringues ou des gants, par
exemple). Au niveau des services de consultations comme à celui des hospitalisations le
problème n’est pas suffisamment pris en compte. Quant à la gestion des déchets hospitaliers,
la situation générale reste catastrophique.
Du côté de l’information et de la confidentialité, l’ambivalence est aussi de mise. Les
tests de dépistage restent parfois pratiqués à l’insu des malades, dans une perspective où le
dépistage est d’abord fait « au profit » des personnels de santé. La confidentialité n’est pas de
mise entre personnels de santé, qui se communiquent le statut sérologique des patients, en
particulier parce qu’ils estiment cette information nécessaire pour leur propre protection. Par
contre, les personnels de santé ont, comme tout un chacun, peur de se faire dépister eux-
mêmes, et le sujet des soignants éventuellement séro-positifs reste tabou.
En dehors de ces thématiques du surcroît de travail et de l’information des personnels
à des fins d’auto-protection, l’organisation des services où se pratique la prescription d’ARV
ou l’hospitalisation de malades séro-positifs semble fort peu modifiée ,et la coordination entre
services ou entre structures reste faible.
Enfin, la question d’éventuels avantages financiers (ou de compensations liées au
surcroît de travail) n’est pas absente des services où se pratique la prise en charge. Le
sentiment que le VIH/sida est un espace où se déversent des fonds importants va de pair avec
une certaine amertume : les personnels de santé de la ligne de front n’en ont pas « leur part »
(à quoi il faut ajouter que les personnels auxiliaires, avides de stages de formations pour des
raisons en particulier financières, se plaignent d’être largement tenus à l’écart des formations
sur le VIH/Sida par rapport aux médecins). D’autres personnels, bien que conscients du
problème, soulignent au contraire le « bénévolat » qui les anime face au VIH/Sida.
On retrouve ici, au niveau économique, et sous d’autres formes, l’oscillation entre
l’argumentaire de l’exceptionnalité du VIH/Sida, et l’argumentaire de sa banalisation.