PDF imprimable

publicité
Nouvelles-CATIE
Des bulletins de nouvelles concis en matière de VIH et d’hépatite C de CATIE.
Des interactions médicamenteuses avec le bocéprévir sont liées au
priapisme
18 octobre 2013
Le priapisme — érection prolongée qui dure quatre heures ou plus — n'est pas un problème courant. Lorsqu'il se
produit, un secours médical rapide est nécessaire parce que le priapisme peut endommager les tissus délicats du
pénis, ce qui risque de causer subséquemment des difficultés à avoir et à maintenir une érection.
Il existe deux sortes principales de priapisme :
Priapisme ischémique – dans ce cas, le sang est incapable de sortir du pénis; les signes et symptômes incluent les
suivants :
érection non voulue qui dure quatre heures ou plus
érections non voulues se produisant de façon intermittente sur une période de plusieurs heures (les urologues
utilisent le terme de « priapisme intermittent »)
la verge du pénis est extrêmement rigide, mais le bout est mou
érection douloureuse
Priapisme non ischémique – dans ce cas, le pénis est trop gorgé de sang; les signes et symptômes incluent les
suivants :
érection non voulue qui dure quatre heures ou plus
le pénis est en érection, mais n'est pas extrêmement dur
l'érection n'est pas douloureuse
Causes
Voici une liste de médicaments (et de problèmes de santé) qui risquent dans certains cas de causer le priapisme
(cette liste n'est pas exhaustive) :
médicaments contre la dysfonction érectile – y compris les médicaments oraux sildénafil (Viagra), tadalafil
(Cialis) et vardénafil (Levitra) et les médicaments injectables comme l'alprostadil (Caverject)
antipsychotiques – conçus originalement pour le traitement de la psychose, certains médecins trouvent les
médicaments suivants utiles contre d'autres problèmes de santé mentale comme l'anxiété, la dépression, le
trouble bipolaire, le trouble obsessivo-compulsif et les dépendances : aripiprazole (Ablify), olanzapine (Zyprexa),
quétiapine (Seroquel), rispéridone (Risperdal) et ziprasidone (Zeldox, Geodon)
médicaments inhibant une protéine appelée récepteur adrénergique alpha-1, tels que la doxazosine (utilisée
contre l'hypertension) et la tamsulosine (utilisée contre l'hypertrophie de la prostate)
drogues – ecstasy et cocaïne
problèmes de sang – drépanocytose ou leucémie
lésions nerveuses de la colonne vertébrale
tumeurs du pénis
Traitement du priapisme
Selon la cause, le traitement du priapisme peut consister en l'une ou plusieurs des interventions suivantes :
extraction de sang du pénis
injection de médicaments dans le pénis pour aider à détendre les vaisseaux sanguins
chirurgie
Étude de cas
Des médecins de Denver, au Colorado, ont rendu compte du cas d'un homme souffrant de priapisme qui était aux
prises avec plusieurs problèmes médicaux au moment où il s'est fait soigner.
L'homme de 44 ans souffrait de priapisme depuis au moins 72 heures quand il s'est présenté au service des
urgences de l'hôpital. Ses autres problèmes médicaux incluaient les suivants :
co-infection au VIH et au virus de l'hépatite C (VHC)
hypertrophie de la prostate
hypertension artérielle
trouble de l'humeur
excès d'acide gastrique
douleurs osseuses et musculaires dans le cou
diarrhées occasionnelles
bronchite récente
Le patient n'avait pas vécu d'épisode de priapisme auparavant.
Le patient recevait les médicaments suivants pour le traitement des comorbidités ci-dessus :
Atripla – combinaison à dosages fixes de trois médicaments dans une seule pilule : éfavirenz, ténofovir et FTC
bocéprévir (Victrelis) – 800 mg trois fois par jour
peginterféron-alpha – une injection par semaine
ribavirine – 1 000 mg/jour
doxazosine – 8 mg/jour
tamsulosine – 0,4 mg/jour
quétiapine – 100 à 300 mg/jour
cypionate de testostérone – 200 mg par injection aux deux semaines
ondansétron – 4 mg toutes les six heures
ésoméprazole – 40 mg/jour
lithium – 1 200 mg/jour
losartan – 50 mg/jour
naproxène – 1 000 mg/jour
combinaison à dosages fixes d'oxycodone 5 mg et d'acétaminophène 325 mg, toutes les six heures au besoin
lopéramide – 2 mg
cyclobenzaprine – 10 mg toutes les huit heures au besoin
Lors de l'interrogatoire, le patient n'a pas dévoilé avoir utilisé de suppléments, de plantes médicinales ou d'autres
médecines destinées au traitement de l'impuissance. Juste avant son hospitalisation, il avait pris une dose de
pseudoéphédrine dans une tentative échouée de soulager le priapisme.
Interventions urgentes
Les médecins ont tenté de détendre l'érection en injectant le médicament phényléphrine dans le pénis du patient,
mais cela n'a pas eu d'effet. Des chirurgiens sont alors intervenus pour poser un shunt dans le pénis afin de rediriger
le flux sanguin vers l'intérieur du corps. Cette intervention a fini par réussir.
Interactions médicamenteuses
Chez les personnes qui prennent de nombreux médicaments différents, ces derniers risquent d'interagir ou
d'influencer l'activité les uns des autres. On appelle ces effets des interactions médicamenteuses, et ils peuvent avoir
les conséquences suivantes :
rehausser l'effet d'un autre médicament (ou médicaments) – cela peut intensifier les effets secondaires
préexistants de celui-ci ou en causer des nouveaux
affaiblir l'action d'un autre médicament (ou médicaments) : cela peut réduire l'efficacité de celui-ci et mettre le
patient à risque face à la maladie visée
Les pharmacologues qui conseillaient l'équipe soignante du patient dans le service des urgences ont soulevé la
possibilité que des interactions médicamenteuses aient eu lieu entre le bocéprévir et au moins les médicaments
suivants :
doxazosine
tamsulosine
quétiapine
Ces interactions auraient causé le priapisme, selon les pharmacologues. Les médecins ont donc conseillé au patient
de cesser de prendre la doxazosine et la tamsulosine à la suite de sa chirurgie.
Même si le patient prenait l'anti-nauséeux puissant ondansétron, les médecins ont constaté qu'il souffrait de
« nausées et vomissements excessifs » pendant qu'il recevait le bocéprévir dans le cadre de son traitement contre
le VHC. Pour cette raison, le patient a également interrompu son traitement associant le bocéprévir et d'autres
médicaments contre l'hépatite C (peg-interféron et ribavirine).
Rétablissement
Le patient a continué de prendre de la quétiapine pour maîtriser son trouble de l'humeur, et celui-ci n'est pas revenu
dans les deux mois suivant son hospitalisation pour le priapisme. Selon les médecins, l'homme a récupéré « [la
sensibilité de son pénis] et sa fonction sexuelle s'améliorait lentement, sans pour autant être revenue au niveau
d'avant ».
Éviter le danger lorsque de nombreux médicaments sont utilisés
Ce rapport en provenance de Denver souligne les problèmes complexes auxquels les personnes atteintes de
nombreuses affections médicales doivent faire face, y compris celles vivant avec la co-infection VIH-VHC.
Le bocéprévir et le télaprévir (Incivek, Incivo) sont deux inhibiteurs de la protéase conçus pour s'attaquer au VHC.
On continuera de s'en servir en combinaison avec d'autres médicaments pour certains cas d'hépatite C dans les
pays à revenu élevé pour au moins les 12 prochains mois. Comme ces deux médicaments ont chacun le potentiel
d'interagir avec d'autres médicaments, nous risquons d'entendre parler d'autres interactions médicamenteuses.
En plus de voir fréquemment leurs médecins et infirmiers, les personnes qui prennent de nombreux médicaments
trouveraient peut-être utile de consulter régulièrement un pharmacien pour aider à prévoir et à prévenir les
interactions médicamenteuses, particulièrement lorsque des nouveaux médicaments sont ajoutés à leur régime ou
que d'autres en sont enlevés.
L'équipe de Denver a avisé la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis de ses résultats et conclusions.
L'équipe recommande maintenant vivement que les médecins qui soignent des patients recevant les inhibiteurs du
récepteur andrénergique alpha-1 évitent de prescrire le bocéprévir à ces patients pour le traitement de l'hépatite C.
De plus, ils suggèrent aux médecins de ne pas prescrire de quétiapine aux patients recevant le bocéprévir.
Notes techniques
La section suivante s'adresse aux personnes cherchant à en savoir plus sur les événements moléculaires qui
pourraient avoir contribué au priapisme dans ce cas.
La doxazosine agit en inhibant des protéines présentes à la surface des cellules; on appelle ces protéines les
récepteurs andrénergiques alpha-1 (alpha-1a). On trouve ces récepteurs particuliers sur les muscles lisses des
artères, les muscles de la vessie et les muscles entourant la prostate, les intestins et l'appareil génital. Des
récepteurs alpha-1a se trouvent également sur les nerfs du pénis.
La doxazosine est utilisée pour le traitement de l'hypertension et/ou de l'hypertrophie de la prostate (augmentation
du volume de cette glande).
La tamsulosine inhibe les récepteurs alpha-1a dans les voies urinaires et est également utilisée pour le traitement de
l'hypertrophie de la prostate.
L'équipe de Denver a souligné que les médecins ne prescrivaient pas habituellement la doxazosine et la tamsulosine
en même temps aux hommes aux prises avec l'hypertrophie de la prostate. De plus, l'utilisation de chacun de ces
médicament a déjà été associée à des cas rares de priapisme. Lorsque des cas de ce genre se produisent, le
problème a tendance à apparaître dans les 15 jours suivant le début du traitement par l'un ou l'autre de ces
médicaments.
L'homme dont il est question ici prenait la doxazosine depuis 10 mois et la tamsulosine depuis deux ans avant de se
faire soigner pour le priapisme. Il semble donc peu probable que ces médicaments aient causé ce problème seuls.
Notons aussi que ces deux médicaments sont dégradés par l'enzyme CYP3A4.
Comme le bocéprévir inhibe modérément l'activité de l'enzyme CYP3A4, on peut soupçonner que le bocéprévir a fait
augmenter les taux de doxazosine et de tamsulosine dans le sang du patient.
La quétiapine inhibe l'activité de nombreux récepteurs, y compris l'alpha-1a et l'alpha-2a. Ce médicament aussi est
dégradé par l'enzyme CYP3A4. L'équipe de Denver avance que l'utilisation du bocéprévir « pourrait augmenter
considérablement la concentration de quétiapine » lorsque les deux médicaments sont pris par la même personne.
Des rapports publiés portent à croire que la quétiapine peut causer le priapisme dans des cas rares.
Voici l'hypothèse avancée par l'équipe de Denver :
Le bocéprévir aurait inhibé l'activité de l'enzyme CYP3A4, ce qui aurait augmenté « les concentrations de doxazosine,
de tamsulosine et/ou de quétiapine. Il est probable que ces concentrations élevées ont ensuite causé une
augmentation de l'inhibition des [récepteurs alpha-1a et autres], donnant lieu au priapisme chez notre patient ».
L'équipe de Denver souligne un autre cas de priapisme rapporté dans la littérature qui concerne un homme de 50
ans recevant le Kaletra (lopinavir-ritonavir), un inhibiteur de l'enzyme CYP3A4. Dans le cas en question, le priapisme
est survenu dans les quelques heures suivant le début du traitement par quétiapine.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
1. Hammond KP, Nielsen C, Linnebur SA, et al. Priapism induced by boceprevir-CYP3A4 inhibition and alphaadrenergic blockade. Clinical Infectious Diseases . 2013; in press.
2. Hulskotte E, Gupta S, Xuan F, et al. Pharmacokinetic interaction between the hepatitis C virus protease inhibitor
boceprevir and cyclosporine and tacrolimus in healthy volunteers. Hepatology. 2012 Nov;56(5):1622-30.
3. Andersohn F, Schmedt N, Weinmann S, et al. Priapism associated with antipsychotics: role of alpha1
adrenoceptor affinity. Journal of Clinical Psychopharmacology. 2010 Feb;30(1):68-71.
4. Roghmann F, Becker A, Sammon JD, et al. Incidence of priapism in emergency departments in the United
States. Journal of Urology . 2013 Oct;190(4):1275-80.
5. Stein DM, Flum AS, Cashy J, et al. Nationwide Emergency department visits for priapism in the United States.
Journal of Sexual Medicine. 2013; in press .
6. Avisrror MU, Fernandez IA, Sánchez AS, et al. Doxazosin and priapism. Journal of Urology. 2000
Jan;163(1):238.
7. Spagnul SJ, Cabral PH, Verndl DO, et al. Adrenergic α-blockers: an infrequent and overlooked cause of priapism.
International Journal of Impotence Research . 2011 May-Jun;23(3):95-8.
Produit par:
555, rue Richmond Ouest, Bureau 505, boîte 1104
Toronto (Ontario) M5V 3B1 Canada
téléphone : 416.203.7122
sans frais : 1.800.263.1638
télécopieur : 416.203.8284
site Web : www.catie.ca
numéro d’organisme de bienfaisance : 13225 8740 RR
Déni de responsabilité
Toute décision concernant un traitement médical particulier devrait toujours se prendre en consultation avec un
professionnel ou une professionnelle de la santé qualifié(e) qui a une expérience des maladies liées au VIH et à
l’hépatite C et des traitements en question.
CATIE fournit des ressources d’information aux personnes vivant avec le VIH et/ou l’hépatite C qui, en collaboration
avec leurs prestataires de soins, désirent prendre en mains leurs soins de santé. Les renseignements produits ou
diffusés par CATIE ou auxquels CATIE permet l’accès ne doivent toutefois pas être considérés comme des conseils
médicaux. Nous ne recommandons ni n’appuyons aucun traitement en particulier et nous encourageons nos
utilisateurs à consulter autant de ressources que possible. Nous encourageons vivement nos utilisateurs à consulter
un professionnel ou une professionnelle de la santé qualifié(e) avant de prendre toute décision d’ordre médical ou
d’utiliser un traitement, quel qu’il soit.
CATIE s’efforce d’offrir l’information la plus à jour et la plus précise au moment de mettre sous presse. Cependant,
l’information change et nous encourageons les utilisateurs à s’assurer qu’ils ont l’information la plus récente. Toute
personne mettant en application seulement ces renseignements le fait à ses propres risques. Ni CATIE ni aucun de
ses partenaires ou bailleurs de fonds, ni leurs personnels, directeurs, agents ou bénévoles n’assument aucune
responsabilité des dommages susceptibles de résulter de l’usage de ces renseignements. Les opinions exprimées
dans le présent document ou dans tout document publié ou diffusé par CATIE ou auquel CATIE permet l’accès ne
reflètent pas nécessairement les politiques ou les opinions de CATIE ni de ses partenaires ou bailleurs de fonds.
L’information sur l’usage plus sécuritaire de drogues est offerte comme service de santé publique pour aider les
personnes à prendre de meilleures décisions de santé et ainsi réduire la propagation du VIH, de l’hépatite virale et de
toute autre infection. Cette information n’a pas pour but d’encourager ni de promouvoir l’utilisation ou la possession
de drogues illégales.
La permission de reproduire
Ce document est protégé par le droit d’auteur. Il peut être réimprimé et distribué dans son intégralité à des fins non
commerciales sans permission, mais toute modification de son contenu doit être autorisée. Le message suivant doit
apparaître sur toute réimpression de ce document : Ces renseignements ont été fournis par CATIE (le Réseau
canadien d’info-traitements sida). Pour plus d’information, veuillez communiquer avec CATIE par téléphone au
1.800.263.1638 ou par courriel à [email protected].
© CATIE
La production de cette revue a été rendue possible grâce à une contribution financière de l’Agence de la santé
publique du Canada.
Disponible en ligne à
http://www.catie.ca/fr/nouvellescatie/2013-10-18/interactions-medicamenteuses-boceprevir-sont-liees-priapisme
Téléchargement