
Introduction
Dans le document de consultation dévoilé le 16 février dernier1, le gouvernement du Québec a
choisi de se conformer à une interprétation très restrictive de l’arrêt de la Cour suprême dans la
cause Chaoulli. Il propose d’instaurer une garantie d’accès pour un certain nombre de traitements
et de permettre les assurances privées uniquement pour les chirurgies du genou, de la hanche et
des cataractes. Le débat devrait toutefois s’élargir et inclure un modèle que laissait entrevoir la
décision de la cour, soit celui d’une assurance duplicative couvrant tous les soins.
En effet, la Cour suprême du Canada a statué que le gouvernement du Québec devra lever la
prohibition de souscrire une assurance-maladie privée pour les soins déjà assurés par le régime
public. Cet arrêt a notamment invalidé l’article 11 de la Loi sur l’assurance maladie et
l’article 15 de la Loi sur l’assurance hospitalisation qui interdisent respectivement la souscription
d’assurance privée pour les soins médicalement requis et tout paiement privé pour les soins
hospitaliers.
Dans ce mémoire – qui reprend en grande partie les conclusions des travaux de l’Institut
économique de Montréal dans le domaine de la santé – nous voulons attirer l’attention sur la
conformité d’une ouverture complète aux assurances privées avec la Loi canadienne sur la santé.
Une telle ouverture ne marquerait pas la fin du régime public comme certains le craignent, mais
permettrait au contraire d’augmenter le financement global et la capacité du système de santé à
nous soigner mieux et plus rapidement (Section 1).
Si le gouvernement décidait, après la période des consultations, d’ouvrir réellement la porte aux
assurances privées, faudrait-t-il mette en place une réglementation spécifique encadrant, par
exemple, le contenu ou les primes des contrats d’assurance ? Une telle réglementation présente
souvent des effets pervers rendant la couverture privée plus dispendieuse et le contrôle des coûts
plus difficile (Section 2).
Section 1 : Le financement de la santé par les assurances privées
1.1. La nécessité d’ouvrir aux assurances privées : l’impasse du financement public
Au Québec, plus de 43 % des dépenses de programmes du gouvernement provincial sont
consacrées à la santé, en comparaison de quelque 35 % il y a 15 ans2. La demande de soins de
santé risque d’augmenter à l’avenir, ne serait-ce qu’avec le vieillissement de la population et la
découverte de nouveaux traitements, plus sophistiqués et souvent plus coûteux.
Si l’on extrapole l’évolution des dépenses de santé des deux dernières décennies, leur part dans
les dépenses provinciales de programme pourrait grimper à 53 % en 20233. Le rapport Ménard
1 Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, « Garantir l’accès : un défi d’équité,
d’efficience et de qualité », document de consultation, février 2006.
2 Ministère des Finances du Québec, Budget 2005-2006. Plan budgétaire, avril 2005, section 3, p. 20-21.
3 Glenn Brimacombe, Pedro Antunes et Jane McIntyre, The future cost of health care in Canada, 2000 to
2020, Balancing affordability and sustainability, Conference Board of Canada, 2001, p. 18.
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