Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 111: 11/2001
1330
Pratique quotidienne · formation complémentaire
poches dues à une parodontite marginale au stade avancé. Par
contre, ces auteurs ne font mention d’aucune valeur limite
concernant la profondeur encore tolérable du sondage des
poches. Du fait que la ciclosporine A et les substances immuno-
suppressives récentes agissent avant tout sur la partie du systè-
me immunitaire dépendant des cellules T, contrairement aux
stéroïdes et antimétaboliques utilisés au début de l’ère de la
transplantation d’organes, les infections causées par des bacté-
ries en tant que facteur de risque sont depuis lors passées
quelque peu à l’arrière-plan. A la lumière de ces connaissances
actuelles, l’avulsion radicale ne semble par conséquent plus
guère justifiée (BOTTOMLEY et coll. 1972). D’avis de plusieurs
auteurs, l’instauration d’une hygiène bucco-dentaire optimale,
avec le soutien par des moyens professionnels,est la mesure dé-
cisive de la prise en charge médico-dentaire des patients devant
subir une greffe d’organe (GÜNAY et coll. 1990a, SOWELL 1982).
Selon GÜNAY et coll. (1990a), l’assainissement bucco-dentaire
avant une transplantation d’organe peut être divisée en quatre
étapes, à savoir une partie prophylactique, suivie des traite-
ments chirurgicaux, conservateurs et prothétiques. Toutes les
dents ne pouvant raisonnablement être sauvegardées à long
terme, que ce soit pour des raisons de carie profonde, d’atteinte
parodontale avancée ou de foyers péri-apicaux, doivent être éli-
minées, de même que toutes les dents incluses ou enclavées
dont on ne peut s’attendre à une mise en place en position phy-
siologique à long terme. Toutefois, ces auteurs n’ont pas publié
de critères concrets ou de définitions précises susceptibles de
servir de valeurs limites concernant le degré de destruction ca-
rieuse ou parodontale encore admissibles (GÜNAY et coll. 1990a).
Dans le cadre des autres étapes partielles de l’assainissement, le
respect des aspects parodontaux revêt une importance fonda-
mentale; la démarche à visée parodontale comprend le nettoya-
ge professionnel des dents, l’élimination des niches de rétention
marginales, notamment dans les régions des bords de restaura-
tions et le la confection de travaux prothétiques respectant stric-
tement les exigences de la prothèse parodontale. Pour le cas
particulier des patients devant subir une greffe rénale, certains
auteurs ont par ailleurs attiré l’attention sur une augmentation
de la formation de dépôts de plaque et de tartre en cas d’insuf-
fisance rénale chronique (WESTBROOK 1978).
3.2 Prise en charge médico-dentaire après une
transplantation d’organe
3.2.1 Prophylaxie anti-infectieuse chez les patients sous traitement
immunosuppresseur
L’inhibition médicamenteuse à vie du système immunitaire
propre de l’organisme rend obligatoire une couverture prophy-
lactique par des antibiotiques en cas d’interventions médico-
dentaires risquant d’être à l’origine d’une dissémination de
germes pathogènes (SVIRSKY & SARAVIA 1989). GÜNAY et coll.
(1990a), de même que SOWELL (1982), préconisent une antibio-
thérapie à titre prophylactique, en analogie avec le protocole
thérapeutique de l’Association américaine de cardiologie (Ame-
rican Heart Association, AHA) pour les patients présentant un
risque élevé d’endocardite (DAJANI et coll. 1997). En cas de sur-
venue d’une infection dentaire, il faudrait en outre instaurer
sans tarder un traitement efficace par des antibiotiques, si pos-
sible sur la base d’un antibiogramme (NAYLOR et coll. 1988).For-
ce est toutefois de constater que jusqu’à présent il n’a pas enco-
re été possible de mettre en évidence de manière définitive
l’efficacité de l’antibiothérapie à titre prophylactique pour la
prévention des infections bactériennes systémiques causées par
des traitements dentaires; de ce fait, le recours aux antibiotiques
dans cette indication repose essentiellement sur des expé-
riences purement cliniques (OTIS & TEREZHALMY 1985).
Dans ce contexte, il est important de relever qu’il ne faut pas
administrer, dans la mesure du possible, des médicaments à
visée antibiotique avec des propriétés néphrotoxiques ou hépa-
totoxiques; il va de soi que cette précaution est importante en
particulier pour les patients après une greffe de foie ou de rein.
Il n’est pas exclu que les substances présentant de tels effets
secondaires indésirables, telles que celles appartenant aux
groupes des aminoglycosides ou des sulfamides (BOTTOMLEY et
coll. 1972) favorisent le renforcement des effets secondaires de
la ciclosporine A au plan rénal et hépatique (BENNETT & NOR-
MAN 1986). Par contre, le chloramphénicol est susceptible de
renforcer les effets myélosuppressifs des autres médicaments
immunosuppresseurs, c’est-à-dire des stéroïdes et des antimé-
tabolites. Pour les patients porteurs de greffes d’organes allo-
gènes, les antibiotiques de choix pour les applications prophy-
lactiques sont les préparations du groupe des aminopénicil-
lines, de préférence de l’amoxicilline, qui devrait être absorbé
une heure avant l’intervention prévue (SEYMOUR et coll. 1994).
En cas d’allergie à la pénicilline, il est possible d’administrer, à
titre d’alternative, de l’érythromycine (NAYLOR et coll. 1988) ou
de la clindamycine (SEYMOUR et coll. 1994). Toutefois, l’érythro-
mycine inhibe la clairance rénale de la ciclosporine A, une par-
ticularité dont résulte un risque plus impor0tant d’accumula-
tion de doses néphrotoxiques de cette substance immunosup-
pressive.
En tant que mesure prophylactique permettant de juguler le ris-
que d’une dissémination systémique d’une infection par Can-
dida albicans, BOTTOMLEY et coll. (1972), de même que NAYLOR
et coll. (1988) préconisent des bains de bouche répétés par de la
nystatine, un antifongique efficace, avant et après l’intervention,
et ce même en cas d’absence de symptômes cliniques.
3.2.2 Aspects pharmacologiques du traitement dentaire après
une transplantation d’organe
Fondamentalement, les patients receveurs d’une greffe de rein
ou de foie présentent dans bien des cas une fonction limitée de
l’organe transplanté. Il en découle un risque non négligeable
d’une insuffisance directe du métabolisme rénal ou hépatique
des médicaments administrés par voie exogène. Une accumula-
tion non désirée du principe actif par des réactions toxiques
subséquentes risque d’entraîner une dégradation supplémen-
taire de la fonction de l’organe (SEYMOUR et coll. 1994). Pour ces
raisons, l’indication d’un traitement pharmacologique, notam-
ment par des analgésiques, par exemple le paracétamol ou le
métamizol, ne devrait par principe n’être donnée qu’avec la plus
grande restriction, et la posologie devrait en tout état de cause
être adaptée à la situation individuelle.
En outre, l’administration d’anesthésiques locaux avec l’ad-
jonction d’adrénaline en tant que composante vasoconstrictri-
ce n’est pas exempte de risques chez les patients greffés car-
diaques, du fait que chez ces patients il n’existe plus
d’innervation du cœur greffé par les fibres parasympathiques
du nerf vague (SEYMOUR et coll. 1994). Chez ces patients, la ré-
gulation du rythme cardiaque passe exclusivement par l’in-
fluence des catécholamines plasmatiques, raison pour laquelle
il faut craindre des crises de tachycardie passagère, notamment
en cas d’injection accidentelle intravasale de l’anesthésique lo-
cal. Chez les patients sous corticothérapie à titre immunosup-
pressif, il est possible d’assurer un niveau suffisant de réponse
biochimique de l’organisme en regard des stress par l’adminis-
tration de stéroïdes exogènes à titre substitutif avant des inter-