3 podologie - Association pour le Développement de la Podologie

Association pour le Développement de la Podologie 41
I. INTRODUCTION
Le diabète est omniprésent dans notre société occi-
dentale, le nombres de personnes atteintes ne cesse
de croître et les coûts engendrés par cette pathologie
deviennent considérables.
Actuellement en France, le diabète touche 2,5 mil-
lions de personnes soit 4% de la population françai-
se. On comprendra donc que le diabète est devenu
un véritable fait de société.
Le diabète entraîne des complications qui obligent le
malade à changer radicalement de mode de vie, à
devenir ultra-vigilant. De par ces complications, le
pied diabétique sera surexposé.
Nous avons interrogé des patients pour évaluer leur
perception sur les atteintes du pied liées à leur mala-
die. Puis pour connaître leurs sensations vis à vis de
cette pathologie et de sa prise en charge. Enfin, pour
analyser la relation qu’ils entretiennent avec les
pédicures-podologues, acteurs indispensables à la
prévention de ces complications.
Le fait de privilégier un partenariat “diabétiques-
podologues” peut alors pousser à revoir la couvertu-
re sociale que l’on voudrait plus adaptée à ces
patients dont le suivi est primordial.
II. QU’EST CE QUE LE DIABETE?
A) Définition
L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et l’ADA
(Association Américaine pour le Diabète) définissent
comme diabétique tout sujet présentant une glycé-
mie supérieure ou égale à 1,26 g/l de sang à jeun (7).
Le diabète est un état d’hyperglycémie chronique, l’or-
ganisme est incapable de fournir la quantité d’insuline
nécessaire au maintien de la glycémie normale.
B) Le diabète insulino-dépendant ou type I
Le type I est une maladie auto-immune aboutissant à
l’arrêt de sécrétion d’insuline par le pancréas (1).
Il se déclare très souvent chez des sujets jeunes par
une symptomatologie brutale (7).
C) Le diabète non insulinodépendant ou type II
Dans le type II, il existe une sécrétion d’insuline mais
elle est insuffisante, elle sera accompagnée d’une
insulinorésistance (2).
Quasi toutes les études épidémiologiques font état
d’une association très étroite entre l’excès pondéral,
voire très souvent l’obésité, et le diabète de type II.
A long terme, le type II est probablement plus grave
dans la mesure où il a été longtemps ignoré et que
les patients sont en général plus indisciplinés que
dans le diabète type I.
III. COMPLICATIONS
La gravité d’un diabète est liée entre autres à la sévé-
rité des complications chroniques qui peuvent lui
être associées après plusieurs années d’évolution.
A) Neuropathie
Le terme de “neuropathie diabétique” recouvre une
multitude de tableaux cliniques et de symptômes
variés.
On distingue :
- neuropathie périphérique,
- neuropathie végétative,
- atteinte mono et multinévritique.
La neuropathie périphérique est la plus fréquente des
neuropathies diabétiques.
Sa prédominance est sensitive; elle est bilatérale, le
plus souvent localisée à l’extrémité des membres
inférieurs. Cette atteinte part de la distalité vers la
proximité, les nerfs les premiers touchés étant ceux
des pieds.
Le plus souvent silencieuse, elle entraîne une hypo-
esthésie, voire une anesthésie (perte de la sensation
de douleur par exemple) (12).
La neuropathie motrice est plus rare. Elle se mani-
feste par un déséquilibre des forces musculaires
entraînant l’apparition des troubles statiques par
rétraction tendineuse, “orteils en marteau” et défor-
mation de la voûte plantaire (8).
Jean-Vincent IGARZA, Podologue
R
elation du diabétique avec ses pieds
42 Association pour le Développement de la Podologie
A l’examen clinique, on note une diminution voire
une abolition des réflexes ostéo-tendineux, une sen-
sibilité moindre aux vibrations du diapason.
L’utilisation du mono filament permet d’affiner l’ana-
lyse de cette sensibilité. Ce sont ces tests réalisés sur
les patients lors de stages en services de diabétologie
qui permettent d’évaluer les pieds à risques.
B) Rétinopathie
C’est la complication la plus explicite du diabète.
Elle est liée à l’hyperglycémie chronique. La rétino-
pathie diabétique reste dans les pays industrialisés
une des premières causes de cécité (15). Dès que le
diabète est dépisté, un examen dit du “fond de l’œil“
est réalisé de manière automatique par un ophtal-
mologiste.
C) Néphropathie
La néphropathie est une atteinte des reins. Dans ce
cas, celui-ci lorsqu’il est dégradé, ne joue plus son
rôle de filtre (8). C’est une des complications les plus
graves du diabète sucré. Le diagnostic précoce de
cette atteinte est la micro albuminurie (2)
D) Macroangiopathie
Les principales formes cliniques de la macroangio-
pathie sont l’atteinte coronarienne, les accidents vas-
culaires cérébraux et l’atteinte des membres infé-
rieurs (très fréquent dans le diabète sucré).
Elles sont toutes causées par un état d’hyperglycémie
chronique, mais il existe également des facteurs
favorisants comme le tabac, l’alcool, l’hypertension,
la sédentarité…(11).
L’atteinte des membres inférieures est 6 à 20 fois
plus fréquente chez les diabétiques. Au moins 70%
d’entre eux meurent de pathologies cardiovascu-
laires, soit, 2 fois plus que dans la population nor-
male (13). Une atteinte d’artérite diabétique sera
décrite par les quatre stades de Leriche et Fontaine,
de la même manière qu’une atteinte dite classique.
On pratique des examens réguliers comme le dop-
pler ou l’artériographie.
E) Le pied diabétique
Le problème du pied diabétique représente 25% des
journées d’hospitalisation pour le diabète et est à
l’origine de 5 à 10 000 amputations par an (65%
d’amputations chez les sujets de plus de 65 ans) (8).
Le pied diabétique constitue un pied à risque car il
peut présenter en même temps qu’une insensibilité,
une insuffisance artérielle avec une diminution des
mécanismes de défense favorisant l’infection(4).
1. Pied ischemique :
C’est un pied qui présente une peau fine, luisante,
dépourvue de pilosité. C’est un pied froid, maigre,
cyanosé avec des ongles épais.
Impossibilité de trouver les pouls (pédieux, tibial-
postérieur).
Associé très souvent à des ulcères jambiers.
2. Pied neurologique :
A l’examen, on retrouve un pied chaud, oedomatié,
une peau sèche, présentant une hyposudation, une
turgescence veineuse et des pouls bondissants.
Il existe une diminution de la sensibilité profonde :
diminution de la sensibilité vibratoire ainsi que de la
musculature intrinsèque du pied, ce qui entraîne un
déséquilibre des forces entre les muscles extenseurs
et fléchisseurs (12).
Ce déséquilibre favorise l’apparition de troubles sta-
tiques (orteils en griffe, hyper appui…) à l’origine
d’une répartition pathologique des zones de pres-
sion.
3. Pied “mixte”
Il va accumuler ces 2 pathologies, son pronostic
n’en est que plus grave.
4. Lésions caractéristiques
• le mal perforant plantaire
C’est une lésion qui fait intervenir la neuropathie
diabétique dans son ensemble.
L’insensibilité à la douleur entraîne la perte du signal
d’alarme qu’est la douleur. Il y a donc une persis-
tance de l’appui sur une zone d’hyperkeratose
(durillon), entraînant une lésion tissulaire sous-
jacente pouvant évoluer en nécrose (3).
• l’ostéo-arthropathie ou Maladie de Charcot
Elle fait intervenir la neuropathie diabétique associée
à l’artérite diabétique.
Cette insuffisance artérielle provoque une fragilisa-
tion osseuse et l’on observe une fracture au sommet
de l’arche interne du pied, au niveau du scaphoïde,
du 1er cunéiforme et de la base du 1er métatarsien,
aboutissant à l’effondrement de la voûte plantaire;
C’est le pied cubique décrit par Charcot.
IV. ETUDE DU QUESTIONNAIRE :
PIED ET DIABETE :
Ce questionnaire a été distribué aux personnes dia-
bétiques présentes dans les services de diabétologie
du C.H.U. Rangueil, ainsi qu’en hospitalisation à
l’Hôpital Joseph Ducuing à Toulouse.
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Les podologues et étudiants en podologie réalisent à
la fois des soins classiques de pédicurie, mais égale-
ment informent les personnes sur l’hygiène et le suivi
médical de leurs pieds lors des sessions d’enseigne-
ment destinées aux diabétiques.
Cette étude permet de nous éclairer sur leur mode de
vie, sur l’intérêt qu’ils portent à l’entretien de leurs
pieds ainsi que sur leurs aspirations au point de vue
couverture sociale et suivi médical qui permettraient
de développer une relation patient/praticien la plus
étroite possible.
A) Epidémologie
75 questionnaires ont été analysés. Ils permettent
d’établir :
• -âge des patients interrogés,
• Qui consulte régulièrement un pédicure-podologue ?
• Est-ce que le podologue est un acteur essentiel dans la
prévention des complications liées au diabète ?
• Est-ce qu’une prise en charge des frais médicaux par la
Sécurité Sociale influencerait leur fréquence de visite?
• Est-ce que ces patients ont reçu une information sur la
prévention et la sensibilisation des risques liés au pied diabétique
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B)
Résultats
1. Fréquence de visite selon l’âge des patients
L’âge des patients a une énorme influence sur la fré-
quence de visite. De manière générale, plus le
patient est âgé, plus il va consulter.
En effet, les jeunes de 25-34 ans consultent très peu,
seulement 10% d’entre eux sont déjà allés consulter
un pédicure-podologue.
Cette faible fréquentation est un chiffre que nous
retrouverions dans une population dite “saine”.
Avant ces rencontres, ils n’en ressentaient tout sim-
plement pas le besoin.
Le pourcentage va augmenter sensiblement dans la
tranche d’âge suivante. Chez les 35-64 ans, 32% des
patients interrogés vont consulter un podologue. Dans
cette tranche d’âge, il faut noter une forte proportion
de patients diabétiques de type II. En effet, ces patients
sont délicats à prendre en charge car très souvent
indisciplinés, et la gravité du diabète et ses contraintes
ont été longtemps sous estimées voire ignorées.
Sans surprise, le pourcentage le plus élevé se retrou-
ve dans les plus de 65 ans où 39% des patients
consultent régulièrement.
On note une augmentation des pourcentages avec
l’âge, mais ces chiffres restent quand même très
décevants.
2. Intérêt pour la pédicurie-podologie
Paradoxalement à ces résultats nettement insuffi-
sants, la pédicurie-podologie est considèrée comme
essentielle à la prévention des complications liées au
diabète. Nous retrouvons en effet 90% des réponses
positives.
3. Question du remboursement
Face à ces résultats totalement contradictoires, la
question du non-remboursement des soins apparaît
comme l’élément clef puisque 65% des patients
affirment qu’ils consulteraient davantage le pédicu-
re-podologue si une prise en charge des soins par la
Sécurité Sociale était mise en place.
Mais il existe encore 35% des patients pour qui cette
couverture n’aurait aucune influence sur leur com-
portement. Il faut donc chercher ailleurs ce manque
d’intérêt et de motivation pour un meilleur suivi par
un professionnel.
4. Rôle des médecins et diabétologues
Il est très surprenant d’observer que seulement 70%
des patients interrogés ont été informés et sensibili-
sés par leur médecin traitant ou diabétologue sur les
risques du pied diabétique.
Il y a donc 30% des patients qui découvrent l’impor-
tance d’une surveillance stricte et régulière de leurs
pieds, seulement lors de ces semaines d’enseignement.
C) Analyse et perception
De manière générale, les patients interrogés ont
manifesté un certain intérêt pour l’entretien et l’hy-
giène de leurs pieds au quotidien. La majorité
d’entre eux respecte déjà certaines règles dites
“essentielles” pour les individus diabétiques (12, 14).
Ces cours d’information et d’éducation destinés aux
patients diabétiques sont axés essentiellement sur
l’hygiène et la prévention des risques; ils permettent
sans doute de rappeler ces notions pour certains (la
majorité); de faire connaître une nouvelle facette de
cette pathologie pour d’autres.
Nous pouvons dégager de cette enquête 3 points
essentiels.
1. Contact privilégié lors de ces stages
Les patients ont été interrogés durant des semaines
d’enseignement destinés à des individus diabétiques.
Ce sont donc des patients qui cherchent à se rensei-
gner sur leur maladie et qui sont conscients pour la
plupart de l’intérêt d’un suivi médical et paramédi-
cal approprié.
Durant ces semaines, ils apprennent comment vivre
leur maladie au quotidien, comment gérer leur dia-
bète et les différents soins qu’il requiert. Ils sont donc
à l’écoute, et sont avides d’information sur les diffé-
rents éléments à surveiller lorsqu’on est diabétique.
Notre intervention colle donc exactement avec cette
gestion du quotidien, à la fois par le patient lui-
même et par l’équipe médicale qui l’entoure. Equipe
dont le podologue est un membre à part entière.
2. Le podologue, acteur essentiel dans la prévention et
le traitement de certaines complications
Du fait de l’apparition de certaines pathologies liées
au diabète, le pied va être surexposé. Le pied diabé-
tique est un pied à risques comme nous l’avons
signalé.
Il apparaît donc essentiel pour ces patients de réali-
ser des bilans podologiques réguliers afin de détec-
ter et de corriger certains troubles statiques (orteils
en griffe, effondrement de la voûte, hallux…) qui
peuvent nécessiter le port d’orthèses plantaires.
Des soins de pédicurie réguliers sont indiqués afin
de surveiller et de prévenir l’apparition de certaines
lésions aux conséquences souvent dramatiques.
3. Difficulté d’accès aux soins
Dans notre souci de développer une relation la plus
étroite possible entre le patient diabétique et notre
corps médical, il faut permettre l’accès à un suivi
régulier pour ces patients à risques.
Le coût de la consultation chez le pédicure-podo-
logue représente un frein pour beaucoup d’entre eux
et constitue la principale raison pour ne pas se faire
suivre régulièrement par un professionnel.
La prise en charge par la Sécurité Sociale de ces frais
médicaux apparaît comme la seule solution envisa-
geable à court terme.
Une couverture à 100% pour les diabétiques per-
mettrait sans doute un meilleur suivi et donc une
meilleure prévention des complications inhérentes
au diabète.
Il existe une réelle demande de la part de ces
patients (65%) pour un remboursement des visites
car ils sont conscients de l’importance de notre rôle
dans la prise en charge au quotidien de leur maladie.
Cette démarche doit devenir naturelle, telle qu’elle
est naturelle déjà pour d’autres spécialités comme
l’ophtalmologie (examen dit du “fond de l’œil”),
angiologie (Doppler), néphrologie (micro albuminu-
rie)… Les bilans podologiques doivent entrer dans
cet “arsenal” obligatoire de surveillance dont dispo-
sent les patients pour surveiller l’évolution de leur
diabète.
Le problème des frais de consultation est majeur,
mais ne constitue pas le seul obstacle rencontré par
ces patients afin de bénéficier d’une meilleure prise
en charge par leur podologue.
Le rôle du diabétologue ou médecin traitant, qui ont
un rapport privilégié avec ces patients, doit être éga-
lement mis en lumière dans ce rapport.
En effet, il existe trop de patients (30%) qui évaluent
mal ou très peu la gravité de leur maladie et toute la
vigilance qu’elle requiert.
C’est au niveau de la prévention et de la sensibilisa-
tion de ces patients sur les risques du pied diabétique
que des progrès doivent être réalisés. Les diabéto-
logues et médecins, en étant leur plus proche relais
médical, doivent savoir partager la prise en charge de
ces patients avec d’autres spécialistes comme le
pédicure-podologue, afin d’offrir le meilleur suivi
possible et d’agir efficacement contre l’apparition des
complications inhérentes au diabète.
V. CONCLUSION :
Nous pouvons dégager de cette étude que la relation
patient-praticien doit devenir un Partenariat.
Nous avons un rôle d’éducation et de prévention à
faire auprès de ces patients. Parallèlement à leur âge
et à l’ancienneté de leur diabète, spontanément, ils
vont venir nous consulter. L’important lors de ces
stages a donc été de poser les bases d’une relation
régulière à long terme avec les patients plus jeunes.
Ce suivi permettra de diminuer à plus grande échel-
le, l’incidence directe des complications liées au
diabète sur le membre inférieur, où le pied sera le
premier atteint, ainsi que le coût que représente en
général la prise en charge de ces lésions.
Il a été primordial durant ces rencontres, d’insister
sur le fait que les lésions du pied ne sont pas une
fatalité.
La surveillance des pieds par le patient lui-même
doit devenir un réflexe. Il doit examiner leur couleur,
leur température, les espaces interdigitaux, la plan-
te… à la recherche d’une éventuelle lésion.
Ces personnes sont motivées et ont démontré un
intérêt certain pour une forme de prévention passant
par l’auto examen, le respect de certaines règles
d’hygiène mais ils considèrent également que seul le
podologue est capable d’évaluer le risque que pré-
sente le pied diabétique (bilans podologiques régu-
liers, soins de pédicurie) et d’assurer sa prise en
charge.
Nous avons donc pu observer tout l’intérêt d’une
prise en charge par la Sécurité Sociale adaptée à des
patients à risques.
La Fédération Nationale des Podologues milite acti-
vement auprès de l’assurance maladie afin de rendre
cette couverture effective dans les plus brefs délais.
Il faut inciter les patients diabétiques à consulter.
Avoir accès à des soins de manière régulière ne doit
plus être un luxe, comme certains, surtout les plus
jeunes, peuvent le considérer à l’heure actuelle.
Un remboursement des frais de consultation permet-
tra une meilleure prévention et évaluation des
risques, ce qui, à terme diminuera l’apparition des
lésions et les frais hospitaliers colossaux liés à leur
prise en charge.
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