Relation du diabétique avec ses pieds Jean-Vincent IGARZA, Podologue I. INTRODUCTION C) Le diabète non insulinodépendant ou type II Le diabète est omniprésent dans notre société occidentale, le nombres de personnes atteintes ne cesse de croître et les coûts engendrés par cette pathologie deviennent considérables. Dans le type II, il existe une sécrétion d’insuline mais elle est insuffisante, elle sera accompagnée d’une insulinorésistance (2). Actuellement en France, le diabète touche 2,5 millions de personnes soit 4% de la population française. On comprendra donc que le diabète est devenu un véritable fait de société. Le diabète entraîne des complications qui obligent le malade à changer radicalement de mode de vie, à devenir ultra-vigilant. De par ces complications, le pied diabétique sera surexposé. Nous avons interrogé des patients pour évaluer leur perception sur les atteintes du pied liées à leur maladie. Puis pour connaître leurs sensations vis à vis de cette pathologie et de sa prise en charge. Enfin, pour analyser la relation qu’ils entretiennent avec les pédicures-podologues, acteurs indispensables à la prévention de ces complications. Quasi toutes les études épidémiologiques font état d’une association très étroite entre l’excès pondéral, voire très souvent l’obésité, et le diabète de type II. A long terme, le type II est probablement plus grave dans la mesure où il a été longtemps ignoré et que les patients sont en général plus indisciplinés que dans le diabète type I. III. COMPLICATIONS La gravité d’un diabète est liée entre autres à la sévérité des complications chroniques qui peuvent lui être associées après plusieurs années d’évolution. A) Neuropathie II. QU’EST CE QUE LE DIABETE? Le terme de “neuropathie diabétique” recouvre une multitude de tableaux cliniques et de symptômes variés. On distingue : - neuropathie périphérique, - neuropathie végétative, - atteinte mono et multinévritique. A) Définition La neuropathie périphérique est la plus fréquente des neuropathies diabétiques. Le fait de privilégier un partenariat “diabétiquespodologues” peut alors pousser à revoir la couverture sociale que l’on voudrait plus adaptée à ces patients dont le suivi est primordial. L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et l’ADA (Association Américaine pour le Diabète) définissent comme diabétique tout sujet présentant une glycémie supérieure ou égale à 1,26 g/l de sang à jeun (7). Le diabète est un état d’hyperglycémie chronique, l’organisme est incapable de fournir la quantité d’insuline nécessaire au maintien de la glycémie normale. B) Le diabète insulino-dépendant ou type I Le type I est une maladie auto-immune aboutissant à l’arrêt de sécrétion d’insuline par le pancréas (1). Il se déclare très souvent chez des sujets jeunes par une symptomatologie brutale (7). Sa prédominance est sensitive; elle est bilatérale, le plus souvent localisée à l’extrémité des membres inférieurs. Cette atteinte part de la distalité vers la proximité, les nerfs les premiers touchés étant ceux des pieds. Le plus souvent silencieuse, elle entraîne une hypoesthésie, voire une anesthésie (perte de la sensation de douleur par exemple) (12). La neuropathie motrice est plus rare. Elle se manifeste par un déséquilibre des forces musculaires entraînant l’apparition des troubles statiques par rétraction tendineuse, “orteils en marteau” et déformation de la voûte plantaire (8). Association pour le Développement de la Podologie 41 A l’examen clinique, on note une diminution voire une abolition des réflexes ostéo-tendineux, une sensibilité moindre aux vibrations du diapason. L’utilisation du mono filament permet d’affiner l’analyse de cette sensibilité. Ce sont ces tests réalisés sur les patients lors de stages en services de diabétologie qui permettent d’évaluer les pieds à risques. 1. Pied ischemique : B) Rétinopathie Associé très souvent à des ulcères jambiers. C’est la complication la plus explicite du diabète. Elle est liée à l’hyperglycémie chronique. La rétinopathie diabétique reste dans les pays industrialisés une des premières causes de cécité (15). Dès que le diabète est dépisté, un examen dit du “fond de l’œil“ est réalisé de manière automatique par un ophtalmologiste. C) Néphropathie C’est un pied qui présente une peau fine, luisante, dépourvue de pilosité. C’est un pied froid, maigre, cyanosé avec des ongles épais. Impossibilité de trouver les pouls (pédieux, tibialpostérieur). 2. Pied neurologique : A l’examen, on retrouve un pied chaud, oedomatié, une peau sèche, présentant une hyposudation, une turgescence veineuse et des pouls bondissants. Il existe une diminution de la sensibilité profonde : diminution de la sensibilité vibratoire ainsi que de la musculature intrinsèque du pied, ce qui entraîne un déséquilibre des forces entre les muscles extenseurs et fléchisseurs (12). La néphropathie est une atteinte des reins. Dans ce cas, celui-ci lorsqu’il est dégradé, ne joue plus son rôle de filtre (8). C’est une des complications les plus graves du diabète sucré. Le diagnostic précoce de cette atteinte est la micro albuminurie (2) Ce déséquilibre favorise l’apparition de troubles statiques (orteils en griffe, hyper appui…) à l’origine d’une répartition pathologique des zones de pression. D) Macroangiopathie Il va accumuler ces 2 pathologies, son pronostic n’en est que plus grave. Les principales formes cliniques de la macroangiopathie sont l’atteinte coronarienne, les accidents vasculaires cérébraux et l’atteinte des membres inférieurs (très fréquent dans le diabète sucré). Elles sont toutes causées par un état d’hyperglycémie chronique, mais il existe également des facteurs favorisants comme le tabac, l’alcool, l’hypertension, la sédentarité…(11). L’atteinte des membres inférieures est 6 à 20 fois plus fréquente chez les diabétiques. Au moins 70% d’entre eux meurent de pathologies cardiovasculaires, soit, 2 fois plus que dans la population normale (13). Une atteinte d’artérite diabétique sera décrite par les quatre stades de Leriche et Fontaine, de la même manière qu’une atteinte dite classique. On pratique des examens réguliers comme le doppler ou l’artériographie. E) Le pied diabétique Le problème du pied diabétique représente 25% des journées d’hospitalisation pour le diabète et est à l’origine de 5 à 10 000 amputations par an (65% d’amputations chez les sujets de plus de 65 ans) (8). Le pied diabétique constitue un pied à risque car il peut présenter en même temps qu’une insensibilité, une insuffisance artérielle avec une diminution des mécanismes de défense favorisant l’infection(4). 42 3. Pied “mixte” 4. Lésions caractéristiques • le mal perforant plantaire C’est une lésion qui fait intervenir la neuropathie diabétique dans son ensemble. L’insensibilité à la douleur entraîne la perte du signal d’alarme qu’est la douleur. Il y a donc une persistance de l’appui sur une zone d’hyperkeratose (durillon), entraînant une lésion tissulaire sousjacente pouvant évoluer en nécrose (3). • l’ostéo-arthropathie ou Maladie de Charcot Elle fait intervenir la neuropathie diabétique associée à l’artérite diabétique. Cette insuffisance artérielle provoque une fragilisation osseuse et l’on observe une fracture au sommet de l’arche interne du pied, au niveau du scaphoïde, du 1er cunéiforme et de la base du 1er métatarsien, aboutissant à l’effondrement de la voûte plantaire; C’est le pied cubique décrit par Charcot. IV. ETUDE DU QUESTIONNAIRE : PIED ET DIABETE : Ce questionnaire a été distribué aux personnes diabétiques présentes dans les services de diabétologie du C.H.U. Rangueil, ainsi qu’en hospitalisation à l’Hôpital Joseph Ducuing à Toulouse. Association pour le Développement de la Podologie Les podologues et étudiants en podologie réalisent à la fois des soins classiques de pédicurie, mais également informent les personnes sur l’hygiène et le suivi médical de leurs pieds lors des sessions d’enseignement destinées aux diabétiques. Cette étude permet de nous éclairer sur leur mode de vie, sur l’intérêt qu’ils portent à l’entretien de leurs pieds ainsi que sur leurs aspirations au point de vue couverture sociale et suivi médical qui permettraient de développer une relation patient/praticien la plus étroite possible. A) Epidémologie • Est-ce que le podologue est un acteur essentiel dans la prévention des complications liées au diabète ? 75 questionnaires ont été analysés. Ils permettent d’établir : • -âge des patients interrogés, • Est-ce qu’une prise en charge des frais médicaux par la Sécurité Sociale influencerait leur fréquence de visite? • Qui consulte régulièrement un pédicure-podologue ? • Est-ce que ces patients ont reçu une information sur la prévention et la sensibilisation des risques liés au pied diabétique Association pour le Développement de la Podologie 43 B) Résultats 1. Fréquence de visite selon l’âge des patients L’âge des patients a une énorme influence sur la fréquence de visite. De manière générale, plus le patient est âgé, plus il va consulter. En effet, les jeunes de 25-34 ans consultent très peu, seulement 10% d’entre eux sont déjà allés consulter un pédicure-podologue. Cette faible fréquentation est un chiffre que nous retrouverions dans une population dite “saine”. Avant ces rencontres, ils n’en ressentaient tout simplement pas le besoin. Le pourcentage va augmenter sensiblement dans la tranche d’âge suivante. Chez les 35-64 ans, 32% des patients interrogés vont consulter un podologue. Dans cette tranche d’âge, il faut noter une forte proportion de patients diabétiques de type II. En effet, ces patients sont délicats à prendre en charge car très souvent indisciplinés, et la gravité du diabète et ses contraintes ont été longtemps sous estimées voire ignorées. Sans surprise, le pourcentage le plus élevé se retrouve dans les plus de 65 ans où 39% des patients consultent régulièrement. On note une augmentation des pourcentages avec l’âge, mais ces chiffres restent quand même très décevants. 2. Intérêt pour la pédicurie-podologie Paradoxalement à ces résultats nettement insuffisants, la pédicurie-podologie est considèrée comme essentielle à la prévention des complications liées au diabète. Nous retrouvons en effet 90% des réponses positives. Il y a donc 30% des patients qui découvrent l’importance d’une surveillance stricte et régulière de leurs pieds, seulement lors de ces semaines d’enseignement. C) Analyse et perception De manière générale, les patients interrogés ont manifesté un certain intérêt pour l’entretien et l’hygiène de leurs pieds au quotidien. La majorité d’entre eux respecte déjà certaines règles dites “essentielles” pour les individus diabétiques (12, 14). Ces cours d’information et d’éducation destinés aux patients diabétiques sont axés essentiellement sur l’hygiène et la prévention des risques; ils permettent sans doute de rappeler ces notions pour certains (la majorité); de faire connaître une nouvelle facette de cette pathologie pour d’autres. Nous pouvons dégager de cette enquête 3 points essentiels. 1. Contact privilégié lors de ces stages Les patients ont été interrogés durant des semaines d’enseignement destinés à des individus diabétiques. Ce sont donc des patients qui cherchent à se renseigner sur leur maladie et qui sont conscients pour la plupart de l’intérêt d’un suivi médical et paramédical approprié. Durant ces semaines, ils apprennent comment vivre leur maladie au quotidien, comment gérer leur diabète et les différents soins qu’il requiert. Ils sont donc à l’écoute, et sont avides d’information sur les différents éléments à surveiller lorsqu’on est diabétique. Notre intervention colle donc exactement avec cette gestion du quotidien, à la fois par le patient luimême et par l’équipe médicale qui l’entoure. Equipe dont le podologue est un membre à part entière. 3. Question du remboursement 2. Le podologue, acteur essentiel dans la prévention et le traitement de certaines complications Face à ces résultats totalement contradictoires, la question du non-remboursement des soins apparaît comme l’élément clef puisque 65% des patients affirment qu’ils consulteraient davantage le pédicure-podologue si une prise en charge des soins par la Sécurité Sociale était mise en place. Du fait de l’apparition de certaines pathologies liées au diabète, le pied va être surexposé. Le pied diabétique est un pied à risques comme nous l’avons signalé. Mais il existe encore 35% des patients pour qui cette couverture n’aurait aucune influence sur leur comportement. Il faut donc chercher ailleurs ce manque d’intérêt et de motivation pour un meilleur suivi par un professionnel. 4. Rôle des médecins et diabétologues Il est très surprenant d’observer que seulement 70% des patients interrogés ont été informés et sensibilisés par leur médecin traitant ou diabétologue sur les risques du pied diabétique. 44 Il apparaît donc essentiel pour ces patients de réaliser des bilans podologiques réguliers afin de détecter et de corriger certains troubles statiques (orteils en griffe, effondrement de la voûte, hallux…) qui peuvent nécessiter le port d’orthèses plantaires. Des soins de pédicurie réguliers sont indiqués afin de surveiller et de prévenir l’apparition de certaines lésions aux conséquences souvent dramatiques. 3. Difficulté d’accès aux soins Dans notre souci de développer une relation la plus étroite possible entre le patient diabétique et notre Association pour le Développement de la Podologie corps médical, il faut permettre l’accès à un suivi régulier pour ces patients à risques. Le coût de la consultation chez le pédicure-podologue représente un frein pour beaucoup d’entre eux et constitue la principale raison pour ne pas se faire suivre régulièrement par un professionnel. La prise en charge par la Sécurité Sociale de ces frais médicaux apparaît comme la seule solution envisageable à court terme. Une couverture à 100% pour les diabétiques permettrait sans doute un meilleur suivi et donc une meilleure prévention des complications inhérentes au diabète. Il existe une réelle demande de la part de ces patients (65%) pour un remboursement des visites car ils sont conscients de l’importance de notre rôle dans la prise en charge au quotidien de leur maladie. Cette démarche doit devenir naturelle, telle qu’elle est naturelle déjà pour d’autres spécialités comme l’ophtalmologie (examen dit du “fond de l’œil”), angiologie (Doppler), néphrologie (micro albuminurie)… Les bilans podologiques doivent entrer dans cet “arsenal” obligatoire de surveillance dont disposent les patients pour surveiller l’évolution de leur diabète. Le problème des frais de consultation est majeur, mais ne constitue pas le seul obstacle rencontré par ces patients afin de bénéficier d’une meilleure prise en charge par leur podologue. V. CONCLUSION : Nous pouvons dégager de cette étude que la relation patient-praticien doit devenir un Partenariat. Nous avons un rôle d’éducation et de prévention à faire auprès de ces patients. Parallèlement à leur âge et à l’ancienneté de leur diabète, spontanément, ils vont venir nous consulter. L’important lors de ces stages a donc été de poser les bases d’une relation régulière à long terme avec les patients plus jeunes. Ce suivi permettra de diminuer à plus grande échelle, l’incidence directe des complications liées au diabète sur le membre inférieur, où le pied sera le premier atteint, ainsi que le coût que représente en général la prise en charge de ces lésions. Il a été primordial durant ces rencontres, d’insister sur le fait que les lésions du pied ne sont pas une fatalité. La surveillance des pieds par le patient lui-même doit devenir un réflexe. Il doit examiner leur couleur, leur température, les espaces interdigitaux, la plante… à la recherche d’une éventuelle lésion. Ces personnes sont motivées et ont démontré un intérêt certain pour une forme de prévention passant par l’auto examen, le respect de certaines règles d’hygiène mais ils considèrent également que seul le podologue est capable d’évaluer le risque que présente le pied diabétique (bilans podologiques réguliers, soins de pédicurie) et d’assurer sa prise en charge. Le rôle du diabétologue ou médecin traitant, qui ont un rapport privilégié avec ces patients, doit être également mis en lumière dans ce rapport. Nous avons donc pu observer tout l’intérêt d’une prise en charge par la Sécurité Sociale adaptée à des patients à risques. En effet, il existe trop de patients (30%) qui évaluent mal ou très peu la gravité de leur maladie et toute la vigilance qu’elle requiert. La Fédération Nationale des Podologues milite activement auprès de l’assurance maladie afin de rendre cette couverture effective dans les plus brefs délais. Il faut inciter les patients diabétiques à consulter. C’est au niveau de la prévention et de la sensibilisation de ces patients sur les risques du pied diabétique que des progrès doivent être réalisés. Les diabétologues et médecins, en étant leur plus proche relais médical, doivent savoir partager la prise en charge de ces patients avec d’autres spécialistes comme le pédicure-podologue, afin d’offrir le meilleur suivi possible et d’agir efficacement contre l’apparition des complications inhérentes au diabète. Avoir accès à des soins de manière régulière ne doit plus être un luxe, comme certains, surtout les plus jeunes, peuvent le considérer à l’heure actuelle. Un remboursement des frais de consultation permettra une meilleure prévention et évaluation des risques, ce qui, à terme diminuera l’apparition des lésions et les frais hospitaliers colossaux liés à leur prise en charge. 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II - 1996. 9 - TOURAINE R., REVUZ J. : “Dermatologie clinique et vénérologie” - 3e édition - Edition Masson - Paris - ISBN 2-225-82464-9-1991. ARTICLES ET BROCHURES : 10 - COLICHE V. : “les réseaux de soins sont une absolue nécessité dans la prise en charge du diabète” - Soins - n° 662, janvier-février 2001 - Editions Masson - Paris - ISSN 0038-0814. 11 - DECKER M. : “Facteurs de risque” - Actualités vasculaires internationales - n° 80, avril 2000 Edition LEN Médical - Paris - IBSN 2-257-15059-7. 12 - TAUBER J.P., MARTINI J. : “Le pied du diabétique” - Les Novopoches - Série Education - Novo Nordisk Pharmaceutiques S.A. - Boulogne-Billancourt. 2001. 13 - THOMAS D. : “Prévention secondaire après infarctus aigu du myocarde” - Encyclopédie pratique du cœur - Tome 1 - Maladie coronaire - Edition Pfizer International - Orsay - ISBN 2914232-01-2-2000. 14 - “Soins des pieds” - Conseils aux diabétiques - B/BRAUN - Organon collection. INTERNET : 15 - http://.alfredian.org 16 - http://deboeck.be 17 - http://healthandage.com 18 - http://www.caducee.fr 46 Association pour le Développement de la Podologie