FRENECTOMIE LABIALE AU LASER Laser in labial frenectomy. Auteurs: CHERKAOUI Amine : Maître assistant en parodontologie. BEN AZZA Driss : Professeur agrégé en parodontologie BENRACHADI Latifa : Professeur de l'enseignement supérieur en parodontologie EL MOHTARIM Bouabid : Professeur de l'enseignement supérieur en prothèse adjointe et chef du service d'odontologie à l'Hôpital Militaire d'Instruction Mohammed V. BENZARTI Neji : Professeur de l'enseignement supérieur en parodontologie et responsable du service de parodontologie Faculté de médecine dentaire de Rabat. Université Mohamed V Suissi Résumé La frénectomie est une technique chirurgicale destinée à l'ablation des freins pathologiques qui présentent des incidences parodontales ou des interférences avec des thérapeutiques orthodontiques. La frénectomie au laser, qui a reçu l'aval de la FDA, tend à simplifier d'avantage cet acte en profitant des avantages de la chirurgie au laser avec une finesse de coupe, une parfaite hémostase ainsi que des suites opératoires minimes. Cependant une parfaite connaissance de cet instrument, de son utilisation et des effets laser est un pré requis indispensable pour éviter tout dommage iatrogène. Mots clés : Chirurgie muco-gingivale, Frénectomie labiale, Laser. Introduction Le frein labial médian est un repli muco-conjonctif qui s'insère d'une part sur la face interne de la lèvre, et s'étend d'autre part jusqu'à la ligne muco-gingivale ou parfois même jusqu'à la papille retro-incisive (3). Les freins latéraux ont été peu étudiés vu leurs faibles incidences pathologiques. Les freins, de par leurs insertions et leurs dimensions, peuvent être délétères pour les tissus parodontaux ou interférer avec certaines thérapeutiques, d’où l'intérêt de leur ablation dans un cadre préventif ou curatif. L'utilisation des lasers en odontologie en général et en parodontie en particulier a connu ces dernières années un essor considérable, et permet de simplifier d'avantage ces interventions qui sont souvent entreprises chez les enfants et les adolescents. Freins labiaux Au niveau buccal on retrouve des freins labiaux supérieurs et inférieurs. Ils sont constitués d'un épithélium stratifié et d'un tissu conjonctif. Les fibres conjonctives sont représentées surtout par un réseau très dense de fibres collagènes, des fibres oxytalanes et quelques fibres lâches. Il ne semble pas y avoir de fibres musculaires (3). Les freins ont bénéficié de plusieurs classifications selon de nombreux critères, en 1975 Mirko Placek propose une classification à la fois morphologique et fonctionnelle à valeur de diagnostic et de pronostic (12). a- Attachement muqueux : le frein se situe dans la muqueuse alvéolaire et s'étend jusqu'à la ligne muco-gingivale. b- Attachement gingival : le frein s'étend de la muqueuse alvéolaire jusqu'à la gencive attachée. c- Attachement papillaire : le frein s'étend de la muqueuse alvéolaire jusqu'à la papille interdentaire d- Attachement papillaire pénétrant : l'insertion du frein s'étend de la muqueuse alvéolaire jusqu'à la papille interdentaire et au delà. Seules les deux dernières situations peuvent être problématiques et générer des pathologies. La frénectomie peut être indiquée pour des raisons parodontales ou orthodontiques. Une insertion anormalement coronaire du frein, révélée par un blanchiment de la gencive marginale voire de la papille retro-incisive lors d'une traction sur le frein par une simple préhension de la lèvre, peut générer des récessions gingivales et/ou des poches parodontales. Ce genre d'insertion est une entrave aux manœuvres d'hygiène dentaire en empêchant le bon positionnement de la brosse à dent. En outre la mise en tension du frein (fig. 1) lors des fonctions orales physiologiques aboutit à une ouverture spontanée du sillon gingivo-dentaire au devant de la pénétration de la plaque bactérienne déclanchant ou aggravant la perte d'attache. De point de vue orthodontique, le frein labial supérieur, de par sa dimension (hypertrophique) et son insertion (papillaire ou papillaire pénétrant), est souvent incriminé en présence d'un diastème inter incisif (fig. 2).Chez l'enfant le but de cette intervention est de faciliter la fermeture du diastème et d'éviter la récidive. Cette indication reste controversée. La fermeture du diastème se produit soit spontanément après la mise en place sur l'arcade des six dents antérieures permanentes (6), soit en combinaison avec l'action du traitement orthodontique (5). Le rapprochement des incisives, spontanément ou par action orthodontique chez l'adolescent, entraîne le plus souvent une migration apicale de l'insertion cervicale du frein, sinon l'ablation du frein peut être indiquée. Les lasers en chirurgie muco-gingivale Les lasers ont largement été utilisés en médecine et en chirurgie depuis le développement du laser à rubis par Maiman en 1960(10). Le mot L.A.S.E.R est l'acronyme américain de " Light amplification by stimulated emission of radiation". C'est l'amplification de la lumière par émission stimulée de rayonnement (9,2). Le laser destiné à la chirurgie délivre une énergie concentrée et contrôlée, qui va être absorbée par les tissus et être à l'origine des effets biologiques. Le degré d'absorption des tissus va dépendre de la longueur d'onde du laser ainsi que des caractéristiques optiques du tissu cible (1). Si le pic d'émission du laser correspond au spectre d'absorption d'un ou plusieurs composants du tissu cible, il génère un effet interactif spécifique et prédictible. Dans ces conditions le laser est adapté aux différentes indications parodontales en modifiant les paramètres de l'émission laser (16). L'interaction du laser avec les structures tissulaires produit une énergie photothermique qui une fois absorbée est transformée en chaleur, la température au niveau du site chirurgical augmente, et les principaux effets (1,16) observés au niveau des tissus mous sont : La coagulation (65° à 90°C), le laser chauffe les tissus qui se rétractent par suite de l’évaporation d’une partie de leur contenu en eau. La rétraction thermique provoque la fermeture des petits vaisseaux ouverts qui seront secondairement oblitérés par des caillots formés sur place (thrombose) Les protéines sont dénaturées (90° à 100°C), Au delà de 100° l'eau inter et intra cellulaire entre en ébullition avec pour conséquence une vaporisation et un éclatement des cellules qui sont à l'origine de l'effet de coupe des rayons lasers. Si l'énergie laser est toujours appliquée, la carbonisation (au delà de 150°C) survient avec possibilité de dégâts tissulaires considérables voire catastrophiques pour les tissus cibles et les tissus environnants (4). D’où l'intérêt de bien choisir et programmer les différents paramètres : puissance, fréquence et durée d'exposition. Le laser peut être utilisé soit en mode de contact c'est à dire que l'extrémité de la fibre laser est au contact du tissu cible, soit en mode defocalisé où l'énergie laser est délivrée au tissu cible tout en maintenant une certaine distance entre ce dernier et l'extrémité de la fibre laser. Le contact direct permet une meilleure sensibilité appréciable et une meilleure hémostase (1). Il y deux façons d'émission laser. L'émission continue qui aboutit à une interaction tissulaire continu et constante tant que l'appareil est activé, ou l'émission pulsée où l'énergie est délivrée à intervalle de temps régulier ce qui est plus sécurisant. Les lasers les plus utilisés en dentisterie restent le laser CO2 (Dioxyde de Carbone) et le Nd : Yag (Neodyminium et Yttrium-Aluminium-Garnet). En 1964, le laser Nd:Yag fut introduit par Geusic (8) mais ce n'est qu'en 1990 que la FDA (US Food and Drug Administration) a approuvé son utilisation pour l'incision et l'ablation des tissus mous (15), il trouve ses indications lors de gingivectomie, frénectomie et excision des tissus pathologiques surtout très hémorragiques (17,15). La chaleur dégagée par le Nd:Yag est idéale pour l'ablation de tissu potentiellement hémorragique et pour l'hémostase des petits vaisseaux et capillaires (1) Technique opératoire Le laser utilisé dans le cadre de cet article est un Nd:Yag (fig. 3), il est muni d'une fibre optique qui délivre l'énergie, elle est introduite à l'intérieure d'une pièce à main qui permet alors une utilisation aisée et une sensibilité tactile élevée (fig. 4). Ce laser Nd : Yag agit en mode pulsé, travaillant en contact direct pour la chirurgie des tissus mous. L'incision des tissus mous est simplement réalisée. Une traction sur la lèvre met en évidence le frein (fig. 5) qui se met en tension, la pointe de la fibre laser est alors dirigée selon le tracé de l'incision (fig. 6). L'énergie laser est délivrée par pulsion (20 pulsions par seconde), le praticien travaille en mode de contact et en vagues de mer, c'est à dire en maintenant la fibre laser toujours en mouvement le long du tracé de l'incision, ce qui est primordial pour éviter la carbonisation des tissus et des effets dommageables en profondeur. En effet la durée d'exposition des tissus est associée à l'augmentation de température in situ. On réalise une section transversale du frein par incision horizontale simple (fig. 7), on peut aussi réaliser une section en "V", le choix est tributaire de l'insertion freinale et de l'objectif thérapeutique. Il faut garder à l'esprit que le temps d'ablation dépend de la composition du tissu cible, par conséquent la section du cordon du frein risque d'être plus longue que le reste de l'incision. Il ne faut pas déchiqueter les tissus avec la fibre, il faut laisser l'énergie laser réaliser la coupe, en fait le laser Nd-Yag se comporte comme une petite lame (7). En outre, la puissance est directement associée à la température (16).Des puissances élevées peuvent augmenter la température au delà des seuils, et provoquer une carbonisation et des coagulations en profondeur dans les tissus. Les sutures ne sont habituellement pas nécessaires et la plaie va cicatriser par deuxième intention (fig. 8,9). Un pansement chirurgical, facultatif, permet une protection secondaire de la plaie, un confort pour le patient et surtout une barrière physique supplémentaire contre toute récidive immédiate. Les intérêts de ce type de chirurgie au laser sont multiples et variés. En per-opératoire : Le laser est moins douloureux que le bistouri classique et nécessite moins d'anesthésique (11), certains auteurs l'utilisent sans anesthésie (17). La facilité d'utilisation et la précision de coupe dues à une parfaite visibilité, sur un site chirurgical dénué de saignement (7). La réduction des taux de bactéries et autres pathogènes au niveau du site chirurgical grâce à son pouvoir stérilisant (11, 7). Une bonne hémostase (2). Une réduction ou élimination des besoins en sutures (4). En post-opératoire : Les suites opératoires sont réduites (1) : La douleur surtout, ceci serait dû à la formation à la surface de la plaie d'un coagulum de protéines qui se comporte comme un pansement biologique en scellant les terminaisons des fibres nerveuses sensitives. Absence d’hémorragie et d’infection post-opératoires. Absence d’escarre muqueuse. Œdème léger ou nul. En utilisant les paramètres préconisés pour l'ablation, c'est-à-dire réduits on a observé une réduction de l'inflammation et une augmentation de la production de fibroblastes et d'ostéoblastes pour une meilleur cicatrisation (4). Cependant l'utilisation du laser ne reste pas sans risques et inconvénients, le respect minutieux des précautions d'emploi propres à ce type d'appareillage est de rigueur sous peine d'occasionner des incidents voire des accidents assez sérieux. Certaines études (14) rapportent la possibilité de dommages sur l'os alvéolaire sous jacent ou sur le complexe dentino-pulpaire adjacent lors de l'ablation des tissus mous avec des paramètres adaptés à cette ablation. Le praticien doit utiliser la puissance et les fréquences les plus basses possibles en mode pulsé pour atteindre l'objectif sans d'effets indésirables (4). Le rayon laser peut être réfléchie par des surfaces métalliques polies comme celle des écarteurs ou des miroirs intra-buccaux , ce qui peut causer des effets non désirés sur les tissus du voisinage qu'on pourrait être amener à recouvrir ou isoler par de la gaze ou autres pansements (2,13). En plus des moyens de protection communs tels que les masques, les gants..., le port de lunettes teintées spéciales pour protéger les yeux du patient et de l'équipe opératoire est indispensable. (1,2). Une aspiration puissante et continue doit être maintenu à proximité immédiate de la lésion pour aspirer la fumée qui se dégage, afin d'éviter son inhalation par le patient. Cette inhalation, qui est désagréable, risque d'avoir un impact psychologique néfaste sur le patient (1,2). Les locaux doivent être adaptés avec peu de surfaces réfléchissantes et exhibant une signalisation externe pour éviter les intrusions impromptues (1). Enfin le coût du matériel reste assez prohibitif. Conclusion La frénectomie au laser est une technique rapide et très simple à réaliser par le chirurgien grâce à la parfaite hémostase qui permet une précision de coupe incomparable. Les patients aussi apprécient cet instrument grâce aux suites opératoires mineures dénués de points de sutures. Les enfants l'acceptent facilement en l'assimilant à leurs jouets ou aux dessins animés où le mot laser revient souvent, ce qui nous permet d'obtenir une coopération efficiente chez cette tranche de patients qui est la plus grande bénéficiaire des frénectomies. Cependant comme tout matériel nouveau, le praticien doit recevoir une formation théorique et clinique de qualité, se familiariser avec l'appareillage, se limiter à l'étendue de ses compétences, suivre les recommandations et les précautions d'usage pour éviter bien des incidents voire des accidents très sérieux. ICONOGRAPHIE Fig. 1 : frein labial médian inférieur tractant la gencive marginale Fig. 2 : frein labial médian supérieur, papillaire pénétrant, court, associé à un diastème. Fig. 3 : appareil laser Nd : Yag. Fig. 4 : fibre optique laser dans sa pièce à main. Fig. 5 : frein labial médian supérieur associé à une légère récession gingivale sur 21 Fig. 6 : fibre laser en action Fig. 7 : vue clinique immédiatement en post opératoire. Fig. 8 : cicatrisation à 20 jours Fig. 9 : cicatrisation à 3 mois Bibliographie 1. COHEN R E, AMMONS W F. Lasers in periodontics (Academy report). J Periodontol 2002; 73: 1231-1239. 2. AOKI A, SASAKI K M, WATANABE H , ISHIKAWA I. Lasers in nonsurgical periodontal therapy. Periodontol 2000 2004; 36: 59–97. 3. BOUCHEMIT I, KUNTZ T. La frénectomie labiale supérieure. Inf dent 1997; 32: 2269-2275. 4. COLUZZI D J. Lasers in dentistry—wonderful instruments or expensive toys? International Congress Series 2003; 1248: 83-90. 5. DURAND B M. Chirurgie muco-gingivale Encycl Med Chir 1994 ; 23-445-K-10: 9p. 6. EDWARDS J G. A clinical study: the diastema, the frenum, the frenectomy. Oral HealthS 1977; 67(9): 51-62. 7. ISHIKAWA I, AOKI A, TAKASAKI A A. Potential applications of Erbium:YAG laser in periodontics. 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