Avulsion des dents définitives: Diagnostics, aspects cliniques et

Pratique quotidienne · formation complémentaire
1996 (KASTE et al. 1996). Les traumatismes des incisives définiti-
ves consécutifs à un accident ont été étudiés à partir d’anamnè-
ses et d’examens cliniques, mais sans examens radiologiques.
Le pourcentage total de traumatismes dentaires se monte à 25%
pour le groupe étudié; à 18% dans la tranche d’âge de six à vingt
ans et à 28% dans la tranche d’âge 21–50 ans. Ces chiffres mon-
trent que, dans 10% environ de la population (américaine), le
traumatisme dentaire se produit chez l’adulte. Des données épi-
démiologiques actuelles manquent en Suisse.
L’ a vulsion d’une dent (également appelée exarticulation ou
luxation totale) fait partie des lésions par luxation (ou mieux: lé-
sions par dislocation), qui doivent être différenciées des lésions
par fracture ou des lésions combinées fractures-dislocations. Le
terme «luxation» implique à tord la présence d’une articulation,
Avulsion des
dents définitives:
Diagnostics,
aspects cliniques
et thérapeutiques
Thomas von Arx, Andreas Filippi et Daniel Buser
Klinik für Oralchirurgie, Zahnmedizinische Kliniken
der Universität Bern
Mots clés: traumatisme dentaire, avulsion, flacon de
conservation des dents, réimplantation, pose de contention
Adresse pour la correspondance:
Klinik für Oralchirurgie
Zahnmedizinische Kliniken der Universität Bern
Freiburgstrasse 7, 3010 Berne
tél. 031/632 25 66, fax 031/632 98 84
(Illustrations et bibliographie voir texte allemand, page 731)
Introduction
Des dommages causés à des dents définitives sont très fré-
quents, surtout chez les enfants et les adolescents, leur nombre
augmente ces derniers temps chez les adultes en raison de
l’évolution des loisirs (sports à risques) (ANDREASEN 1990, BAR-
RETT & KENNY 1997a). Il ressort de différentes études épidémio-
logiques (effectuées à l’étranger) que les traumatismes des
dents définitives chez les enfants et les adolescents se montent
à 20–35% (tab. 1). Il n’y a par contre pratiquement pas de
données sur le nombre de traumatismes dentaires chez les
adultes. Une étude rétrospective sur 7500 personnes entre six
et 50 ans de l’institut national de recherche dentaire «National
Institute of Dental Research» (NIDR) aux USA a été publiée en
Etant donné que les trau-
matismes des dents définiti-
ves touchent généralement
les incisives de la mâchoire
supérieure, l’avulsion d’une
dent touchée a non seule-
ment des conséquences
fonctionnelles mais aussi et
surtout des conséquences
esthétiques. Etant donné
qu’un traitement prothéti-
que par bridge ou un im-
plant est contre-indiqué
chez l’enfant ou l’adoles-
cent ayant subi une avulsion
de dent en raison de la
croissance non terminée de
la mâchoire, il est très im-
portant que la dent expul-
sée puisse être réimplantée.
La problématique de la ré-
implantation consiste dans
le pronostic parodontal à
long terme, qui est essen-
tiellement déterminé par
les deux facteurs «durée» et
«milieu» de la conservation
extraorale de la dent expul-
sée. La réimplantation pro-
prement dite avec la stabi-
lisation par contention de
même que les aspects en-
dodontiques influencent la
guérison. Le présent article
décrit en détail les aspects
diagnostics, cliniques et
thérapeutiques dans le cas
d’une avulsion d’une dent
définitive. Le mode de con-
servation de la dent dans la
période entre l’accident et
le traitement est également
discuté en détail. Les con-
séquences ultérieures après
la réimplantation de dents
expulsées seront décrites
dans un prochain article.
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 110: 7/2000 739
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 110: 7/2000
740
Pratique quotidienne · formation complémentaire
ce qui n’est pas le cas dans l’organe dentaire. Du point de vue
diagnostic et thérapeutique, il est aujourd’hui recommandé de
compléter cette classification simplifiée par un diagnostic ap-
profondi (classification de TEPAG, tab. 2) des différents tissus
endommagés de l’unité alvéolo-dentaire (EBELESEDER & GLOCK-
NER 1999).
Les avulsions représentent 7–23% des lésions par dislocations
et sont donc nettement plus rares que les subluxations, les dis-
locations latérales ou en égression (ANDREASEN 1994). Seules les
ingressions sont moins fréquentes que les avulsions. Ce sont
dans la majorité des cas les incisives de la mâchoire supérieure
qui sont touchées et nettement moins souvent celles de la
mâchoire inférieure.
La problématique de l’avulsion d’une dent définitive consiste
principalement dans le pronostic (à long terme) parodontal
(VON ARX et al. 1998, EBELESEDER et al. 1998). Celui-ci dépend
essentiellement de la durée et du milieu de la conservation ex-
traorale de la dent expulsée (ANDERSSON & BODIN 1990, AND-
REASEN et al. 1995, BARRETT & KENNY 1997b). De graves compli-
cations peuvent survenir si la conservation n’est pas effectuée
dans les règles ou si elle est prolongée, et empêcher, voire rend-
re impossible, la guérison parodontale ou le maintien de la dent.
Plusieurs auteurs ont donc conseillé de nouveaux concepts thé-
rapeutiques concernant l’avulsion de dents définitives (KRASNER
& RANKOW 1995, KIRSCHNER et al. 1998, WEIGER et al. 1999). La
présente étude décrit les différentes étapes du diagnostic et pré-
sente de façon condensée et aussi proche que possible de la pra-
tique les nouveaux aspects ressortant de la recherche.
Diagnostic
Le diagnostic d’une avulsion de dent doit avoir lieu selon le
schéma expérimenté: anamnèse – examen – diagnostic. Un dia-
gnostic ou un diagnostic provisoire sur les différents tissus
endommagés de l’unité alvéolo-dentaire est établi à partir de
l’interrogatoire et du premier examen.
Anamnèse
Dans le cas d’un traumatisme dentaire, l’anamnèse sur l’acci-
dent est essentielle. Le patient ou les témoins sont interrogés
sur le lieu, l’heure et la cause (où, quand, comment). Les ques-
tions sur l’état général (voir ci-après) dans la période entre l’ac-
cident et l’examen et naturellement sur l’endroit et le mode de
conservation de la dent expulsée sont également importantes.
L’anamnèse sur l’accident doit être complétée d’une anamnèse
de médecine générale (anamnèse de risques) pour recueillir des
informations sur les maladies, les traitements médicaux et les
médications. Il faut également s’assurer de la qualité de l’immu-
nisation contre le tétanos et le cas échéant la compléter (voir
thérapie). Une anamnèse de la médecine dentaire lors d’une
lésion dentaire est également importante; il faut en particulier
tenir compte des traitements parodontaux en cours ou prévus
ainsi que des traitements reconstructifs et orthopédiques dento-
faciaux lors du choix de la thérapie.
Examen extraoral
Lors de l’examen extraoral, l’état général du patient doit être
tout d’abord évalué. Lors d’accidents à la tête, il faut tout
d’abord exclure la présence de lésions centrales du cerveau.
Dans le cas d’une perte de connaissance (somnolence, amné-
sie), de vomissements ou de forts maux de tête, une commotion
cérébrale (Commotio cerebri) doit être absolument envisagée.
Des saignements par le nez ou les oreilles, une réaction de la
pupille partant unilatéralement ou des problèmes de prises de
conscience ou d’expression peuvent être des indications d’une
blessure crânienne ou d’une lésion céphalique. En présence de
signes cliniques et/ou anamnétiques d’une autre blessure très
grave, le patient doit être immédiatement mené chez le méde-
cin de garde ou à l’hôpital. La thérapie de la médecine dentaire
se limite dans de tels cas au plus urgent et doit être différée.Lors
de l’examen extraoral, il faut noter les blessures, saignements,
tuméfactions, asymétries et déplacements dans la zone cranio-
faciale). Un examen neurologique simple des principaux nerfs
du visage est de même indiqué (N. facialis, N. trigeminus). La
mobilité de la mâchoire inférieure doit être en outre contrôlée
(ouverture de la bouche, pro- et latérotrusion). Ceci apporte
d’importantes informations sur une éventuelle fracture maxil-
laire (région condylienne); fracture qui n’est pas rare après une
chute sur le menton.
Examen endobuccal
L’examen endobuccal, en général après un traumatisme den-
taire, comprend le contrôle visuel, la palpation, la transillumina-
tion, le test de percussion, le périotest, et le test de sensibilité
(tab. 3). Lors d’un examen endobuccal, l’état des dents (numé-
Tab. 1 Tableau synoptique des études épidémiologiques sur les prévalences des traumatismes dentaires
Etude Type d’étude nbre de patients Groupe d’âge des Prévalence des
patients examinés traumatismes dentaires
KASTE et al. 1996 Etude rétrospective; uniquement examen 7569 6–50 ans 24.9%
clinique des incisives et anamnèse, sans (6–20 ans) (18.4%)
examen radiologique (21–50 ans) (28.1%)
PETTI & TARSITANI 1996 Etude rétrospective; examens clinique 824 6–11 ans 20.3%
et radiologique
BORSSEN & HOLM 1997 Etude rétrospective; anamnèse 3007 16 ans 35%
HAMILTON et al. 1997 Etude rétrospective; examen clinique 2022 11–14 ans 34.4%
sans examen radiologique
Tab. 2 Classification TEPAG des lésions de l’unité alvéolo-dentaire
Tissu Lésions
TTissu dur Lésions (fracture interne, fracture)
de l’émail et de la dentine
EEndodonte Commotion/Contusion/rupture pulpaire;
ouverture pulpaire l/tubuli dentinaires
PParodonte Commotion/Contusion/rupture des fibres
parodontales
AOs alvéolaire Contusion, fragmentation, fracture de
la paroi alvéolaire; hémorragie;
corps étrangers
GGencive Déchirure, excoriation, plaie contuse;
hémorragie; corps étrangers
Avulsion des dents définitives
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 110: 7/2000 741
rique) est d’abord relevé et chez les enfants la phase d’évolution
de la dentition notée. Les lésions dentaires sont ensuite exa-
minées avec précision et celles des différents tissus de l’unité
alvéolo-dentaire notées selon la documentation TEPAG (détails,
voir aspects cliniques). Les dents voisines et antagonistes appa-
remment non touchées doivent être également examinées. Un
contrôle de la gencive et des tissus mous éloignés des dents doit
être également effectué (plaies contuses, excoriations,
saignements, corps étrangers, perforation des lèvres, etc.)
(fig. 1). La présence de lésions de l’os maxillaire (déplacement,
séquestres, fragments d’os, etc.) doit être également examinée
et identifiée.
Examen radiologique
Lors de traumatismes dentaires, la radiographie de chaque dent
est préférée (fig. 2). Dans le bloc incisif supérieur dans lequel les
lésions dentaires sont les plus fréquentes, un cliché occlusal du
maxillaire supérieur, en tant qu’image de deux niveaux, fournit
souvent des informations complémentaires. Des radiographies
de la boîte crânienne ou panoramiques ne sont indiquées que si
les lésions dentaires sont étendues ou si l’on suppose une frac-
ture maxillaire ou crânienne. Il en est de même pour la tomo-
graphie conventionnelle par ordinateur. Des tomographies
séparées oro-faciales peuvent être utiles dans certaines indica-
tions; par exemple lors de fractures verticales des racines.
Documentation photographique
Pour des questions médico-légales ou d’assurances, il est judi-
cieux de conserver au moins les examens photographiques
initiaux (fig. 3). Lors de contrôles ultérieurs, en particulier lors
d’un suivi sur plusieurs années, d’autres clichés sont utiles pour
la documentation d’évolutions importantes.
Aspects cliniques
Comme il l’a déjà été mentionné, en traumatologie moderne,
non seulement les lésions dentaires ne doivent plus être uni-
quement décrites selon leur type de fracture ou dislocation mais
aussi les lésions des différents composants de l’unité alvéolo-
dentaire doivent être documentées. Les examens cliniques
d’une lésion par avulsion sont décrits ci-dessous à l’aide de la
classification TEPAG.
L’ a vulsion d’une dent est définie comme séparation totale du
système d’attache de la dent, celle-ci étant peut-être encore
mobile dans l’alvéole (à différencier dans ce cas de l’expulsion),
mais le plus souvent totalement extraite de l’alvéole.
Tissu dur de la dent (TEPAG)
Lors d’une avulsion, la présence de lésions simultanées du tissu
dur de la dent est plutôt rare car un choc est en règle générale à
l’origine de la lésion traumatique. Si le tissu dur de la dent pré-
sente tout de même une lésion, il faut enregistrer exactement
son étendue et son allure. Dans le cas de petites particules man-
quantes, une dislocation dans l’alvéole ou dans les blessures des
parties molles (généralement lèvre inférieure, plus rarement
lèvre supérieure ou langue) doit être écartée.
Endodontie (TEPAG)
Le mécanisme de la lésion entraîne une ouverture pulpaire to-
tale dans la zone du Foramen apical. En fonction du niveau de
maturité de la racine ou de l’apexification, la forme exposée de
la pulpe est de pointue à plate (fig. 4). Lors d’une fracture si-
multanée de la dentine dans la zone coronale, de nombreux tu-
buli dentinaires sont ouverts.
Parodonte (TEPAG)
Les fibres parodontales sont totalement rompues lors d’une
avulsion, c’est pourquoi, une expulsion généralement complète
de la dent de l’alvéole en résulte. Des fragments du tissu paro-
dontal couvrent la surface radiculaire (fig. 5) ainsi que la paroi
alvéolaire. L’état du desmodonte résiduel sur la surface radicu-
laire est déterminé essentiellement par la durée extraorale et par
le moyen de conservation (voir aspects thérapeutiques).
Os alvéolaire (TEPAG)
Après une dislocation totale de la dent, l’alvéole est en général
remplie d’un caillot de sang (fig. 3). Une fracture ou une frag-
mentation de la paroi alvéolaire sont relativement rarement ob-
servées lors de l’avulsion d’une dent; il faut par contre envisager
un étirement ou un écrasement de l’os. L’os alvéolaire présente
une certaine élasticité justement chez les jeunes patients, ce qui
s’oppose à une fissuration ou à une fracture de l’os.
Gencive (TEPAG)
La dent s’arrache de la gencive dans la région de l’attache su-
pracrestale. La gencive reste toutefois en règle générale encore
liée à l’os alvéolaire. Des ruptures des papilles interdentaires
sont plus courantes (fig. 3). Dans le cas d’un arrachement ou
d’une fracture de la paroi alvéolaire faciale, la gencive peut pré-
senter des fissures verticales.
Aspects thérapeutiques
Etant donné que le pronostic d’une dent définitive expulsée dé-
pend essentiellement de la prévention des infections ou des
régénérations pulpaire et parodontale, ces deux facteurs et l’état
des tissus sont essentiels pour la thérapie. Dans l’intervalle de
temps entre l’accident et le traitement, la prévention de l’infec-
tion et les régénérations pulpaire et parodontale dépendent de
deux facteurs: (1) le temps et (2) le milieu de conservation.
Etant donné que des complications au niveau du tissu pulpaire
peuvent être en général évitées par des mesures endodontiques
dans les 10 jours après l’accident (trépanation et produits médi-
camenteux ou traitement primaire du canal radiculaire), l’atten-
Tab. 3 Examens endooraux des tissus endommagés selon la classification TEPAG
TEPAG Contrôle Palpation Trans- Test de Test de Périotest Radiographie
illumination sensibilité percussion
Tissu dur de la dent x x x x
Endodonte x x
Parodonte x x x x x
Os alvéolaire x x x
Gencive x
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 110: 7/2000
742
Pratique quotidienne · formation complémentaire
tion se porte aujourd’hui surtout sur les mesures qui favorisent
la guérison parodontale ou la régénération des ligaments paro-
dontaux. Ceci dépend principalement du taux de survie des cé-
mentoblastes de la surface radiculaire. Il faut donc tout entre-
prendre pour protéger ces cellules et assurer leur survie. Si la
dent reste plus de 30 minutes à l’air ou si elle est conservée dans
un milieu inadapté, les cellules ligamentaires meurent, en-
traînant une réduction importante de la capacité de régénérati-
on parodontale.
L’idéal serait une réimplantation immédiate de la dent expulsée
dans l’alvéole. Il n’est pas évident que l’on puisse attendre du
patient ou du profane présent de se conformer à une telle re-
commandation. Le risque d’introduire des impuretés dans l’al-
véole n’est pas non plus exclu. La conservation de la dent dans
la cavité buccale (dans le vestibule ou sous la langue) sur le tra-
jet jusqu’au cabinet médical n’est plus conseillée en raison des
risques d’ingestion ou d’inhalation d’une part et des risques de
contamination par les micro-organismes de la cavité buccale
d’autre part. Ces derniers provoquent une rapide altération et
une détérioration des cémentoblastes.
Milieux de conservation
L’immersion de la dent dans de l’eau est uniquement une so-
lution d’urgence très limitée dans le temps: l’eau n’est pas
isotonique; les cellules de la surface radiculaire (cémentoblastes,
fibroblastes parodontales) ainsi que la pulpe (odontoblastes)
«éclatent» sous la différence de pression osmotique. Il ne peut
donc en principe pas être conseillé de conserver la dent dans de
l’eau. Les solutions de lactate de Ringer ou de sérum physio-
logique stérile sont plus appropriées mais ne se trouvent géné-
ralement qu’en pharmacies, cliniques ou cabinets médicaux
(dentaires). Ils assurent par isotonie une plus longue survie des
cellules, mais ne constituent pas un milieu nutritif des cellules.
La conservation dans ces milieux est donc limitée à 2–3 heures.
Le lait, souvent disponible, du moins lors d’accidents domes-
tiques, possède de nettement meilleures propriétés (ASHKENAZI
et al. 1999). Le lait est comparativement isotonique et est un mi-
lieu suffisamment nutritif pour permettre une survie des cellules
jusqu’à 6 heures (NASJLETI et al. 1975, BLOMLÖF 1981, TROPE &
FRIEDMAN 1992). Il est néanmoins important d’employer du lait
froid et de préférence du lait stérilisé UHT (ultra haute tempéra-
ture) (LEKIC et al. 1996). Ce dernier ne contient pas de micro-or-
ganismes qui modifieraient le pH par leur rapide multiplication,
rendant ainsi le milieu toxique pour les cellules. Le lait froid a
l’avantage de ralentir la rapide multiplication des bactéries
amenées avec la dent. Si d’autres sortes de lait, comme le lait cru
ou le lait pasteurisé, sont employées, la durée de survie des cel-
lules est nettement raccourcie car la diminution du pH induite
par les bactéries est un facteur limitateur du lait.
Chez les enfants et les adolescents, il est particulièrement impor-
tant d’assurer la survie physiologique de la dent. Il n’y a aucune
alternative définitive à la réimplantation dans l’os maxillaire en
pleine croissance. En effet, un remplacement permanent de la
dent ou un implant ne peuvent être réalisés que lorsque la crois-
sance est terminée. Une détérioration étendue des cellules de la
surface radiculaire entraîne souvent une ankylose de la dent avec
résorption externe radiculaire consécutive (type résorption de
remplacement), qui peut avoir pour conséquence non seulement
la perte de la dent mais aussi un trouble local – encore plus grave
de conséquence – de la croissance de l’os maxillaire. Les dents
concernées paraissent cliniquement «plus courtes» car la crois-
sance verticale des dents voisines intactes continue avec la crois-
sance de la mâchoire. En outre, l’énorme préjudice économique
avec les coûts consécutifs globaux après la perte accidentelle
d’une dent n’est pas la moindre des conséquences.
Flacon de conservation de la dent
Le flacon de conservation de dent DENTOSAFE (Société Medi-
ce, Iserlohn, Deutschland, Distribution en Suisse: Société Me-
phem, Baar) (fig. 6) a été développé après une importante re-
cherche fondamentale afin d’optimiser la survie de dents
expulsées et d’améliorer, pour le transport des dents, la disponi-
bilité des milieux physiologiques à l’école, dans les salles de
sport ou de jeux mais aussi à la maison (KIRSCHNER et al. 1992,
KIRSCHNER et al. 1998, POHL et al. 1999). Le DENTOSAFE con-
tient un milieu physiologique nutritif des cellules, développé
auparavant pour la transplantation des tissus des îlots (pan-
créas) lors de diabète mellitus type-I, un système tampon com-
plexe, sous forme modifiée pour une application en médecine
dentaire, pour la stabilisation du pH et un indicateur de couleur
qui colore en jaune le milieu rose lorsque le pH diminue dans
une plage toxique pour les cellules (tab. 4). Le flacon de conser-
vation de dent garantit la survie des cémentoblastes et des
odontoblastes jusqu’à 25 heures à la température ambiante. Se-
lon les données du fabricant, il n’est pas recommandé de con-
server le milieu dans le réfrigérateur. Si, dans des cas isolés, la
dent expulsée doit être conservée extraoralement plus long-
temps, elle peut être mise après 25 heures dans un nouveau
flacon de conservation: il est ainsi possible de la conserver
50 heures au total. La manipulation du flacon de conservation
est simple. La dent expulsée est simplement mise dans le fla-
con, sans opération complémentaire, et le couvercle vissé. Bien
que la durée de survie des cellules soit longue, il faut immédia-
tement consulter un médecin-dentiste. Le milieu nutritif du fla-
con de conservation permet néanmoins de consulter en premier
lieu un médecin ou de se rendre au service d’urgence dans le cas
d’autres blessures graves. Des périodes prolongées peuvent ain-
si être couvertes sans que le pronostic sur l’évolution favorable
de la dent expulsée ne soit modifié. Comparé à une réimplanta-
tion immédiate, la mise de la dent expulsée dans un tel milieu
nutritif spécial semble même améliorer le pronostic à long ter-
me (KRASNER & PERSON 1992,TROPE & FRIEDMAN 1992, KRASNER
& RANKOW 1995, KIRSCHNER et al. 1998).
Le flacon de conservation de dent DENTOSAFE peut être con-
servé à la température ambiante pendant trois ans (date de
péremption). Les écoles, les piscines et les halls de sports d’Al-
lemagne et d’Autriche, sont pourvus de flacons de conservation.
Les surveillants et les professeurs sont ainsi devenus nettement
plus conscients des risques d’accidents dentaires, la conservati-
on pour la survie de la dent a été optimisée et les coûts en résul-
tant (parfois à vie) des assurances accidents ont été nettement
diminués. Alors que la distribution dans les équipements pu-
blics cités n’est jusqu’à présent que partielle en Allemagne, tou-
tes les écoles primaires autrichiennes sont pourvues de flacons
Tab. 4 Composition du milieu nutritionnel du flacon de conserva-
tion DENTOSAFE®
Milieu RPMI* (= substance de base)
Sel anorganique
Acides aminés
Glucose
Vitamines
Tampon et indicateur (pH)
* Roswell Park Memorial Institute
Avulsion des dents définitives
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 110: 7/2000 743
de conservation. La distribution globale dans les centres sportifs
et les piscines doit avoir lieu dans les prochains mois. Les études
actuelles, menées à Francfort, attestent le succès de cette métho-
de de conservation des dents (FILIPPI et al. 1999).
Marche à suivre sur le lieu de l’accident
Mettre le plus rapidement possible la dent dans le flacon de
conservation. En l’absence de flacon, la conserver dans du lait
froid (sortant du réfrigérateur) ou dans de l’eau froide (ne pas
ajouter de sel ni autre substance) comme solution d’urgence. La
dent ne doit être saisie que par la couronne en préservant le col-
let de la dent et la surface radiculaire. Le nettoyage mécanique
de la racine souillée est obsolète. Le patient doit ensuite immé-
diatement se rendre chez un médecin-dentiste.
Marche à suivre dans un institution médicale
mais non dentaire
La dent expulsée apportée par le patient est immédiatement
mise dans un flacon de conservation dans la mesure où cela n’a
pas encore été fait, ou, si aucun n’est disponible dans une solu-
tion stérile de sérum physiologique ou dans une solution de
Ringer (0.9%). Saisir et nettoyer la dent selon les conseils men-
tionnés ci-dessus. Le patient est alors envoyé chez un médecin-
dentiste pour la suite du traitement.
Marche à suivre chez un médecin-dentiste
La dent expulsée apportée par le patient est immédiatement
mise dans un flacon de conservation si elle n’a pas été transpor-
tée ainsi. Etant donné qu’une conservation de la dent dans le
flacon améliore plutôt le pronostic de l’évolution (voir ci-des-
sus), un examen de la dent expulsée peut être effectué sans con-
trainte de temps et le plan thérapeutique établi.
L’unité alvéolo-dentaire traumatisée est soignée selon la pro-
cédure suivante «os alvéolaire – gencive – parodonte – endo-
donte».
Os alvéolaire
Si un caillot se trouve dans l’alvéole, celui-ci doit être retiré avec
précaution avant la réimplantation afin de libérer la place de la
racine. L’alvéole est nettoyée par rinçage, elle ne doit jamais être
curetée. Les parties du ligament parodontal adhérant encore à la
paroi alvéolaire sont ainsi conservées. Les impuretés et les frag-
ments d’os sont retirés à l’aide d’une pincette fine, d’une pin-
cette à esquille par exemple. Les parties d’os encore fixées par le
périoste ne doivent pas être enlevées. Les fragments d’os côté
buccal sont délicatement replacés avec une légère pression digi-
tale prudente.
Gencive
Les plaies de la gencive sont nettoyées et rincées. Les souillures
peuvent être retirées à l’aide d’instruments adaptés tels qu’ex-
cavateurs, pincettes à esquille, petites cuillers dentaires et à l’ai-
de de solutions stériles de rinçage (solution de sérum physiolo-
gique ou solution de Ringer). Si nécessaire, la plaie peut être
suturée à l’aide de points. Les papilles rompues doivent être su-
turées. Les petites fissures de la gencive ne nécessitent géné-
ralement aucun point de suture.Il faut veiller à un arrêt suffisant
du saignement pour la pose ultérieure d’une contention.
Parodonte
Le traitement parodontal initial consiste au maintien en vie des
cémentoblastes adhérant à la surface radiculaire par une con-
servation humide dans un milieu physiologique de cellules. La
dent expulsée ou la surface radiculaire sont traitées en fonction
de la durée et du type de conservation extraalvéolaire de la
dent et compte tenu des facteurs endodontiques. La dent est
ensuite réimplantée ou stabilisée à l’aide d’une contention fil-
composite. La contention s’étend si possible de chaque côté de
la dent à réimplanter sur une à deux dents non mobiles. Le fil de
la contention (fil carré, contention boucle selon Krenkel) doit
être coupé et appliqué contre les surfaces coronales faciales de
façon à ce qu’il soit totalement passif (fig. 7 et 8). La dent expul-
sée est alors replantée avec précaution. Un premier contrôle de
l’occlusion doit être alors effectué. Les surfaces coronales buc-
cales sont ensuite mordancées à l’acide phosphorique à 37%
pendant 30 secondes puis rincées pendant une minute à l’eau et
séchées avec précaution par soufflage. La contention est tout
d’abord fixée sur les dents à l’extrémité puis sur les dents im-
médiatement voisines par application de composite polyméri-
sant à la lumière. La dent expulsée est fixée en dernier tout en
contrôlant l’occlusion. Outre à la stabilité, avec une certaine
mobilité, de la dent replantée, il faut veiller à l’accessibilité du
parodonte marginal et des espaces interdentaux pour un entre-
tien dentaire optimal. Une contention à «brackets» (bagues) est
une alternative, son application dans la bouche est relativement
simple (fig. 9). Le fil souple de maintien est posé, croisé en huit,
autour de la bague à «bouton». Une précourbure intrabuccale
du fil n’est pas nécessaire. L’extrémité du fil et les bagues sont
ensuite couverts de composite polymérisant à la lumière.
Endodonte
Les surfaces exposées de la dentine sont couvertes de Ca(OH)2,
même si la dent doit être trépanée ultérieurement. Ceci permet
d’éviter la pénétration de bactéries et de toxines par les tubuli
dentinaires ouverts. Si une thérapie endodontique (traitement
du canal radiculaire) est indiquée,celle-ci doit avoir lieu dans les
sept à dix jours. Un traitement rétrograde immédiat extra-oral
du canal radiculaire peut être indiqué dans certains cas (ZIM-
MERMANN et al. 1991, FILIPPI & KIRSCHNER 1992). La trépanation
doit être effectuée avant le retrait de la contention afin de ne pas
altérer la guérison parodontale.Il est par ailleurs indiqué dans la
littérature que des obturations temporaires de Ca(OH)2 pertur-
be la régénération parodontale dans la phase initiale (1–3 se-
maines) (risque élevé d’ankylose avec résorption de remplace-
ment) et qu’il faut donc recourir à une pâte corticostéroïde
antibiotique (Ledermix, Lederle, Zug) (VANDERAS 1993, GREGO-
RIOU et al. 1994). L’obturation peut être changée après la guéri-
son parodontale par du Ca(OH)2.
Médication
Une antibiose systématique est en règle générale conseillée lors
d’une avulsion traumatique (préparation amoxycilline ou tétra-
cycline). L’efficacité d’une telle préparation sur la régénération
est toujours contestée (contrairement à l’application locale).
L’antibiose a également une importance prophylactique (locale
et du système) en raison de l’éventuelle propagation de micro-
organismes de la racine contaminée (pulpe et surface radiculai-
re) via les vaisseaux sanguins alvéolaires ouverts. Des préparati-
ons de paracétamol suffisent généralement contre la douleur.
Une solution à 0,1% de chlorhexidin-digluconate est conseillée
en complément de l’hygiène buccale mécanique. Des applica-
tions humides-froides pendant 2 à 3 jours pour diminuer les
tuméfactions contribuent au bien-être du patient. En ce qui
concerne l’alimentation, il faut éviter des aliments particulière-
ment durs. Il faut également éviter la prise exclusive d’aliments
en purée ou mous pour des raisons fonctionnelles et pour
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!