Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 110: 7/2000
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Pratique quotidienne · formation complémentaire
tion se porte aujourd’hui surtout sur les mesures qui favorisent
la guérison parodontale ou la régénération des ligaments paro-
dontaux. Ceci dépend principalement du taux de survie des cé-
mentoblastes de la surface radiculaire. Il faut donc tout entre-
prendre pour protéger ces cellules et assurer leur survie. Si la
dent reste plus de 30 minutes à l’air ou si elle est conservée dans
un milieu inadapté, les cellules ligamentaires meurent, en-
traînant une réduction importante de la capacité de régénérati-
on parodontale.
L’idéal serait une réimplantation immédiate de la dent expulsée
dans l’alvéole. Il n’est pas évident que l’on puisse attendre du
patient ou du profane présent de se conformer à une telle re-
commandation. Le risque d’introduire des impuretés dans l’al-
véole n’est pas non plus exclu. La conservation de la dent dans
la cavité buccale (dans le vestibule ou sous la langue) sur le tra-
jet jusqu’au cabinet médical n’est plus conseillée en raison des
risques d’ingestion ou d’inhalation d’une part et des risques de
contamination par les micro-organismes de la cavité buccale
d’autre part. Ces derniers provoquent une rapide altération et
une détérioration des cémentoblastes.
Milieux de conservation
L’immersion de la dent dans de l’eau est uniquement une so-
lution d’urgence très limitée dans le temps: l’eau n’est pas
isotonique; les cellules de la surface radiculaire (cémentoblastes,
fibroblastes parodontales) ainsi que la pulpe (odontoblastes)
«éclatent» sous la différence de pression osmotique. Il ne peut
donc en principe pas être conseillé de conserver la dent dans de
l’eau. Les solutions de lactate de Ringer ou de sérum physio-
logique stérile sont plus appropriées mais ne se trouvent géné-
ralement qu’en pharmacies, cliniques ou cabinets médicaux
(dentaires). Ils assurent par isotonie une plus longue survie des
cellules, mais ne constituent pas un milieu nutritif des cellules.
La conservation dans ces milieux est donc limitée à 2–3 heures.
Le lait, souvent disponible, du moins lors d’accidents domes-
tiques, possède de nettement meilleures propriétés (ASHKENAZI
et al. 1999). Le lait est comparativement isotonique et est un mi-
lieu suffisamment nutritif pour permettre une survie des cellules
jusqu’à 6 heures (NASJLETI et al. 1975, BLOMLÖF 1981, TROPE &
FRIEDMAN 1992). Il est néanmoins important d’employer du lait
froid et de préférence du lait stérilisé UHT (ultra haute tempéra-
ture) (LEKIC et al. 1996). Ce dernier ne contient pas de micro-or-
ganismes qui modifieraient le pH par leur rapide multiplication,
rendant ainsi le milieu toxique pour les cellules. Le lait froid a
l’avantage de ralentir la rapide multiplication des bactéries
amenées avec la dent. Si d’autres sortes de lait, comme le lait cru
ou le lait pasteurisé, sont employées, la durée de survie des cel-
lules est nettement raccourcie car la diminution du pH induite
par les bactéries est un facteur limitateur du lait.
Chez les enfants et les adolescents, il est particulièrement impor-
tant d’assurer la survie physiologique de la dent. Il n’y a aucune
alternative définitive à la réimplantation dans l’os maxillaire en
pleine croissance. En effet, un remplacement permanent de la
dent ou un implant ne peuvent être réalisés que lorsque la crois-
sance est terminée. Une détérioration étendue des cellules de la
surface radiculaire entraîne souvent une ankylose de la dent avec
résorption externe radiculaire consécutive (type résorption de
remplacement), qui peut avoir pour conséquence non seulement
la perte de la dent mais aussi un trouble local – encore plus grave
de conséquence – de la croissance de l’os maxillaire. Les dents
concernées paraissent cliniquement «plus courtes» car la crois-
sance verticale des dents voisines intactes continue avec la crois-
sance de la mâchoire. En outre, l’énorme préjudice économique
avec les coûts consécutifs globaux après la perte accidentelle
d’une dent n’est pas la moindre des conséquences.
Flacon de conservation de la dent
Le flacon de conservation de dent DENTOSAFE (Société Medi-
ce, Iserlohn, Deutschland, Distribution en Suisse: Société Me-
phem, Baar) (fig. 6) a été développé après une importante re-
cherche fondamentale afin d’optimiser la survie de dents
expulsées et d’améliorer, pour le transport des dents, la disponi-
bilité des milieux physiologiques à l’école, dans les salles de
sport ou de jeux mais aussi à la maison (KIRSCHNER et al. 1992,
KIRSCHNER et al. 1998, POHL et al. 1999). Le DENTOSAFE con-
tient un milieu physiologique nutritif des cellules, développé
auparavant pour la transplantation des tissus des îlots (pan-
créas) lors de diabète mellitus type-I, un système tampon com-
plexe, sous forme modifiée pour une application en médecine
dentaire, pour la stabilisation du pH et un indicateur de couleur
qui colore en jaune le milieu rose lorsque le pH diminue dans
une plage toxique pour les cellules (tab. 4). Le flacon de conser-
vation de dent garantit la survie des cémentoblastes et des
odontoblastes jusqu’à 25 heures à la température ambiante. Se-
lon les données du fabricant, il n’est pas recommandé de con-
server le milieu dans le réfrigérateur. Si, dans des cas isolés, la
dent expulsée doit être conservée extraoralement plus long-
temps, elle peut être mise après 25 heures dans un nouveau
flacon de conservation: il est ainsi possible de la conserver
50 heures au total. La manipulation du flacon de conservation
est simple. La dent expulsée est simplement mise dans le fla-
con, sans opération complémentaire, et le couvercle vissé. Bien
que la durée de survie des cellules soit longue, il faut immédia-
tement consulter un médecin-dentiste. Le milieu nutritif du fla-
con de conservation permet néanmoins de consulter en premier
lieu un médecin ou de se rendre au service d’urgence dans le cas
d’autres blessures graves. Des périodes prolongées peuvent ain-
si être couvertes sans que le pronostic sur l’évolution favorable
de la dent expulsée ne soit modifié. Comparé à une réimplanta-
tion immédiate, la mise de la dent expulsée dans un tel milieu
nutritif spécial semble même améliorer le pronostic à long ter-
me (KRASNER & PERSON 1992,TROPE & FRIEDMAN 1992, KRASNER
& RANKOW 1995, KIRSCHNER et al. 1998).
Le flacon de conservation de dent DENTOSAFE peut être con-
servé à la température ambiante pendant trois ans (date de
péremption). Les écoles, les piscines et les halls de sports d’Al-
lemagne et d’Autriche, sont pourvus de flacons de conservation.
Les surveillants et les professeurs sont ainsi devenus nettement
plus conscients des risques d’accidents dentaires, la conservati-
on pour la survie de la dent a été optimisée et les coûts en résul-
tant (parfois à vie) des assurances accidents ont été nettement
diminués. Alors que la distribution dans les équipements pu-
blics cités n’est jusqu’à présent que partielle en Allemagne, tou-
tes les écoles primaires autrichiennes sont pourvues de flacons
Tab. 4 Composition du milieu nutritionnel du flacon de conserva-
tion DENTOSAFE®
Milieu RPMI* (= substance de base)
Sel anorganique
Acides aminés
Glucose
Vitamines
Tampon et indicateur (pH)
* Roswell Park Memorial Institute