Pr. P. WAUTHY - Histoire de la Chirurgie – Année académique 2012-2013 1/12
Histoire de la chirurgie
1. Introduction
La chirurgie se définit comme l’ensemble des opérations manuelles et/ou instrumentales
réalisées sur ou dans un corps vivant à des fins thérapeutiques. La chirurgie est
probablement l’un des plus anciens arts médicaux.
Les maladies pouvant être traitées par cet art manuel thérapeutique font partie des
pathologies chirurgicales. Elles regroupent des traumatismes, certaines infections,
tumeurs, pathologies dégénératives et malformations. Ces pathologies ont de tous temps
existé et il est donc fort probable que des actes manuels, effectués à des fins
thérapeutiques, ont existé depuis les premières heures de l’humanité.
Cependant, leur efficacité et leur développement ont longtemps été limités par les
facteurs suivants :
1) Les peurs, croyances et tabous
L’existence de croyances et tabous qu’elles soient d’origine religieuse ou païenne, les
croyances ont guidé les gestes des hommes à bien des occasions tout au long de
l’humanité. Le caractère « tabou » des dissections anatomiques a limité de façon
considérable l’essor de la chirurgie, en particulier durant le Moyen Âge.
2) Les connaissances physiologiques de base
Sans ces connaissances précises de l’architecture et du fonctionnement du corps
humain, les interventions ne pouvaient dès lors porter sur les organes vitaux et
étaient essentiellement limitées aux traitements des membres ainsi qu’aux
traitements des plaies.
3) La maîtrise de la coagulation
Bien que l’on observait de longue date la possibilité pour le sang de se coaguler, la
compréhension physiopathologique de l’hémostase ne verra le jour qu’au 20
e
siècle.
Les interventions s’accompagnaient régulièrement de saignements artériels qui
étaient contrôlés par compression canique externe ou cautérisation. Ce n’est que
récemment que sont apparues les techniques de « contrôle des vaisseaux ». Par
clampage externe tout d’abord et ensuite par obstruction intracavitaire (mise en
place de sondes à ballonnets). Ces dernières techniques permettaient d’effectuer
une suture des vaisseaux ainsi que des tissus lésés contrairement aux premières.
4) L’antalgie
Les interventions chirurgicales entraînant des réactions antalgiques parfois
importantes, elles s’accompagnaient de réactions motrices réflexes de défense ou
d’évitement ainsi que de réactions de chocs parfois irréversibles pour les patients.
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Il a fallu attendre la fin du 19
e
siècle pour que des techniques évoluées d’anesthésie
permettent de résoudre ces problèmes d’analgésie.
5) L’asepsie, l’antisepsie et le traitement des infections
Les interventions avant la maîtrise de ces trois éléments s’accompagnaient
régulièrement de surinfection des sites opératoires menant dans bons nombres de
cas au décès du patient. C’est à la fin du 19
e
siècle, suite à la découverte des
microbes par Louis Pasteur et secondairement à cela à la découverte de l’antisepsie
par Joseph Lister, qu’une évolution considérable a été engendrée.
Des connaissances plus appuyées sur l’immunité du corps humain et le développement
de médicaments appelés « antibiotiques » ont enfin permis de faire chuter la
mortalité postopératoire de façon significative.
Si au début de son développement, la chirurgie se présentait comme une discipline
éloignée de la médecine, la maîtrise et le développement des connaissances médicales
et chirurgicales les ont profondément rapprochés et ont permis ce que l’on peut
appeler le développement de progrès médico-chirurgicaux.
C’est certainement dans le courant du 19
e
siècle que les plus importantes
découvertes médicales ayant contribué à l’essor de la chirurgie ont été faites.
2. Historique
Huit grandes périodes peuvent être identifiées dans le développement de la chirurgie :
1. L’époque préhistorique
2. L’Antiquité
3. Le Moyen-Âge
4. La Renaissance
5. Les XVII
e
et XVIII
e
siècles
6. La Révolution et l’Empire
7. Le XIX
e
siècle
8. Le XX
e
siècle
1) L’époque préhistorique
Des fouilles archéologiques ont permis de découvrir des pièces squelettiques fossiles
ayant traversé les âges et attestant de la réalisation de gestes chirurgicaux. Il
s’agissait essentiellement de craniotomies et d’amputations des membres (pièces
plus rares) datées du Mésolithique. De nombreux crânes fossilisés ayant fait l’objet
de trépanations ont été découverts. Les signes de cicatrisation sur les bords de ces
trépanations osseuses permettent de déduire que la craniotomie avait été réalisée
du vivant du patient. La survie de ces patients atteste du caractère non forcément
fatal de ces actes et d’une survie significative, malgré l’importance observée de
certaines de ces résections. En Europe occidentale, durant la période Néolithique,
trois cas d’amputations ont pu être identifiés.
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Dans les régions à l’est de l’actuelle Allemagne, à Sandershausen, il été mis en
évidence la réalisation d’une amputation de bras. En Moravie, à Vedrovice, c’est un
cas d’amputation de la main qui a pu être mis en évidence, et dans l’actuelle France, à
Buthiers-Boulancourt en Seine et Marne, une amputation de l’avant-bras gauche.
Des ossements des membres attestent également de la consolidation de fractures
complexes ayant fort probablement nécessité une immobilisation.
Le caractère « thérapeutique », tel que nous l’entendons aujourd’hui, ne peut être
attesté de façon formelle concernant toutes ces pièces archéologiques. Il en va de
même des techniques utilisées pour réaliser, en particulier, ces craniotomies. L’étude
des techniques utilisées par les peuples primitifs d’Amérique du Sud ou de l’Ile de
Bornéo permet cependant de se faire une idée des techniques qui ont pu être
utilisées à l’époque préhistorique. Il est fort probable que « l’anesthésie » du
patient, à savoir son endormissement, a pu être réalisée à l’aide de dérivés du pavot.
Trépanation d’un crane datant de la préhistoire
Le réveil spontané qui devait suivre l’intervention impliquait la réalisation de
pansements primitifs, probablement constitués d’éléments végétaux comme la
gomme et les feuilles de nénuphars possédant, on le sait aujourd’hui, des propriétés
antiseptiques. L’argile a également pu être utilisée sur des gelures telles qu’en
attestent des empreintes découvertes dans des cavernes de l’époque magdalénienne.
Il est évident que le succès de ces actes atteste d’une maîtrise des infections
assurée par des connaissances rudimentaires en asepsie.
L’observation contemporaine de peuples primitifs d’Amérique du Sud ou de Bornéo a
également permis de constater l’existence d’actes chirurgicaux élémentaires.
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2) L’Antiquité
C’est grâce à la présence de certains écrits qui ont pu traverser les temps qu’ont été
mises en évidence certaines connaissances déjà acquises lors de la riode de
l’Antiquité.
Prothèse égyptienne
Dans l’Egypte antique, certains gestes thérapeutiques proviennent du mélange
d’observations empiriques et croyances religieuses. Durant cette période, les
disciplines médico-chirurgicales étaient dans les mains des prêtres. Trois papyrus
témoignent de pratiques chirurgicales sous les noms d’Ebers, de Brush et d’Edwin
Smith du nom des propriétaires de ces manuscrits hiéroglyphes traduits dans le
courant du 19
e
siècle. Le document d’Ebers pourrait être comparé à un traité sur les
plaies et leur prise en charge.
Quant au document d’Edwin Smith, il concernait essentiellement des actes de
neurochirurgie. Les documents de l’Egypte ancienne relatent la présence durant ces
interventions d’un homme, ni médecin, ni chirurgien, dit hémostatique. Sa présence à
elle seule était censée limiter, voire maîtriser, les saignements observés. A cette
époque, le statut de médecin et de chirurgien n’était pas dissocié et l’on parlait de
médecins trépanateurs pour ce qui est des craniotomies. Ces documents attestent
pour la première fois de l’implication du médecin dans la réalisation d’actes pouvant
être qualifiés de chirurgicaux.
Papyrus de Edwin Smith
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Au contraire, dans la civilisation babylonienne, les médecins et les chirurgiens
formaient des castes totalement différentes. Dans cette civilisation, la loi du Talion
était de rigueur et impliquait en cas de décès du patient durant ou après l’acte
opératoire une sanction physique sur l’opérateur. Généralement, il s’agissait de lui
couper les mains. Les chirurgiens dans cette civilisation exerçaient leur art de façon
ambulatoire dans l’espoir d’échapper à leur destin.
Dans la Grèce antique, les pratiques ont évolué au cours des siècles et les évolutions
ont été rythmées au gré des guerres entreprises (Guerre de Troie, …). La chirurgie,
sommaire à ses débuts, se limitait à effectuer des extractions de corps étrangers :
flèches ou autres armes restées en place dans le patient ainsi qu’à des débridements
de plaies tardant à cicatriser et se nécrosant. Les infections étaient limitées par
lavage des plaies et application d’extraits végétaux. Les mauvais résultats observés
par ces actes réalisés avant la période d’Hippocrate s’expliquent probablement par le
fait que la plupart des chirurgiens étaient ambulants. Cela avait pour conséquence
que les écoles chirurgicales n’existaient pas et donc que les connaissances sommaires
acquises par ces praticiens ne pouvaient se faire que par transmission de père en
fils. Les connaissances anatomiques ont également évolué durant cette période. A
l’époque, la dissection humaine étant proscrite, les connaissances se sont
essentiellement développées suite à des dissections animales telles que l’a fait
Alcméon sur des chèvres. Ensuite, toujours dans la Grèce, vient la période
d’Hippocrate datée des 4
e
et 5
e
siècles avant JC.
Cette période a été beaucoup plus prolifique que les précédentes au niveau de
l’acquisition de connaissances médico-chirurgicales. Hippocrate était avant tout
philosophe mais portait un grand intérêt à la maladie.
Cet intérêt l’amena à écrire le « corpus hippocratique » constitué d’une soixantaine
de livres dont 6 dédiés à la chirurgie. Hippocrate a le grand mérite d’avoir instauré
une forme d’enseignement dit enseignement hippocratique dans lequel la médecine et
la chirurgie n’étaient une nouvelle fois pas scindées. La médecine hippocratique fait
entrer en compte pour la première fois des éléments de déontologie. Le serment
d’Hippocrate et le célèbre « Primum non nocere ».
Serment d’Hippocrate
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