La nuit, les soins palliatifs
personnel infirmier est en confiance et n'a qu'à suivre l'arbre de décision.
3. Spécificités du travail de nuit face à la famille dans le cas de la survenue d'une aggravation ou d'un décès
Nous sommes appelés aussi parfois la nuit pour prendre en charge un décès. Prévenir la famille, l'accueillir et
s'occuper de la toilette mortuaire. Ce temps particulier est très fort en émotion et toutes ne se sentent pas capables
de vivre ce moment. Notre présence permet de rester un grand moment pour être avec la famille et lui donner le
temps de s'exprimer. Une discussion autour d'une boisson chaude peut aussi être envisagée tout simplement dans
l'office, à l'étage. Avec la nuit, les personnes qui accompagnent semblent craindre beaucoup plus l'éloignement,
même temporaire. Nos feuilles administratives comportent un emplacement pour le génogramme et les personnes à
prévenir éventuellement par téléphone. Il arrive qu'aucun renseignement ne soit rempli, qu'aucun numéro de
téléphone ne soit consigné aussi nous ne pouvons appeler personne s'il y a une aggravation. Parfois les
accompagnants peuvent ne vouloir se déplacer que le lendemain. Ces informations portées sur le dossier
faciliteraient l'accompagnement et éviteraient des jugements intempestifs inutiles, permettraient également de
préparer la famille à cette éventualité lorsque cela a été abordé dans la journée et non de la mettre devant le fait
accompli. Connaà®tre la marche à suivre facilitera l'échange téléphonique. Cette épreuve est très difficile la nuit
pour le soignant qui réveille la famille et ne sait pas toujours si elle est préparée ou non à cette éventualité suivant
l'âge du conjoint, son état psychologique. L'accueil de ces familles réveillées en pleine nuit se fera avec beaucoup de
soin, d'attention. Si elles le souhaitent, nous leur offrons une boisson (froide ou chaude selon nos richesses du
moment) et surtout un temps d'écoute active qui ne les laisse jamais indifférents. L'hôpital garde une part humaine
d'accueil, d'hospitalité. Le début du chemin du deuil peut parfois commencer à ce moment là . Parfois, nous ne
voyons jamais les familles, ce qui est source de questionnement, et quelque fois de jugements portés par certains
d'entre nous. -Quelle place faisons-nous aux familles accompagnantes dans l'unité ? -Si la demande du malade et
de sa famille est d'être ensemble, arrivons nous à respecter ce vœu ? -Savons-nous nous retirer doucement pour
laisser la première place aux familles même non soignante ? (lit, visite à toute heure, accompagnement, repas pour
le tiers, rencontre avec l'équipe soignante...) -Quelle liberté leur laissons-nous ? (cuisine, réfrigérateur, cafetière eau
fraà®che, linge....) -Est-ce un accueil avec un grand A ? Accepté, Adopté, Adapté. -Combien de temps dans la nuit,
peut-on consacrer à la famille en plus du malade pour la relation d'aide ? -Quelle est la réaction des soignants
quand l'accompagnant dort à "poing fermé", ou qu'il ne reste pas dormir ce soir là alors que le service a mis tout en
oeuvre pour l'installer à côté du malade ? L'information du personnel, la préparation peut les aider à accepter toutes
ces situations sans jugement. -Les incluons-nous dans les soins pour travailler en partenariat et leur permettre si
c'est leur souhait de participer activement à l'accompagnement en respectant leurs limites ? Dans un souci de
sécurité, l'établissement est fermé aux véhicules le soir. Les visiteurs doivent laisser leur numéro d'immatriculation, le
service dans lequel ils se rendent. Ce principe est tout à fait normal et se comprend parfaitement. Certaines familles
accompagnantes n'osent revenir le soir après avoir pris un temps de liberté pour eux, prenant cette surveillance pour
une interdiction. Nous essayons de les mettre à l'aise, de leur expliquer le bien fondé du principe ; mais pour
certains, ce contrôle se surajoute au quotidien si difficile à vivre
4. Relations avec les autres équipes
Tout dernièrement, une infirmière de pédiatrie s'est excusée de laisser le "sale boulot" à l'infirmière de renfort, c'est
à dire de prendre en charge le décès du bébé en présence de la maman. Le temps passé en compagnonnage
permet d'apprivoiser le malade et le moment o๠celui ci nous quittera pour un autre ailleurs. Les barrières des
tabous tombent peu à peu, les soignants se permettent des gestes, des paroles infiniment authentiques, ils osent
être eux mêmes. L'angoisse qu'ils portent en eux d'avoir à accompagner une personne en fin de vie se transforme
progressivement en décodage des besoins et la volonté d'aller au bout des soins avec elle. L'équipe de nuit exprime
un manque : trop peu de réunions pluridisciplinaires après un accompagnement difficile pour tous. Les personnes de
nuit restent avec leurs souffrances et leurs angoisses, leurs non dits. D'autant plus si le service est le théâtre de
nombreux décès. Les soignants de nuit finissent par être "saturés" et peuvent recourir aux mécanismes de défense
telles la fuite, la banalisation, par insuffisance de reconnaissance et pour se préserver. L'accompagnement perd
alors peu à peu de son sens.
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