FORUM DES FACULTES Orthopédie : pendant, avant et après la prothèse Quels sont les patients redevables d’arthroplastie ? Le point de vue du rhumatologue Dr RUYSSEN-WITRAND Adeline, Rhumatologue, Centre de Rhumatologie, CHU Purpan, Toulouse On distingue 2 grands groupes de pathologies articulaires qui peuvent conduire à discuter la mise en place d’une arthroplastie de hanche : les pathologies mécaniques et inflammatoires. La distinction entre ces 2 types de pathologie est primordiale car même si le traitement local par arthroplastie est le même, une prise en charge adaptée de la pathologie causale aura pour but d’éviter l’atteinte des autres articulations. Les 2 autres pathologies pouvant conduire à une indication d’arthroplastie sont la pathologie traumatique et la pathologie tumorale, à part, qui ne font pas l’objet de cet exposé. Les pathologies mécaniques : L’arthrose est de loin la pathologie la plus fréquente conduisant à terme à la mise en place d’une prothèse de hanche. La prévalence de l’arthrose de hanche et de 4 à 5% après 70 ans, ce qui reste bien inférieur à la prévalence de l’arthrose de genou qui est de 10 à 15% après 70 ans. La plupart du temps l’arthrose de hanche est idiopathique, mais peut être favorisée par un terrain génétique prédisposé, la présence d’une polyarthrose, le sexe féminin, les activités de port de charges lourdes, les travaux agricoles, le sport de haut niveau, l’obésité ou des facteurs hormonaux. Parfois la coxarthrose est secondaire à une dysplasie de hanche, un traumatisme articulaire, un antécédent de coxite. La prise en charge de la coxarthrose passe par l’association de traitements médicamenteux et de mesures non pharmacologiques. Le traitement médicamenteux de choix est le paracétamol du fait de son bon rapport bénéfice/risque sur la prise en charge de la douleur de coxarthrose. Les AINS peuvent être proposés en cas d’insuffisance d’efficacité du paracétamol, à la dose minimale efficace. Les antalgiques de classe 2 sont proposés en alternative en cas d’intolérance ou de contre-indication aux AINS. Les anti-arthrosiques d’action lente peuvent être proposés du fait de leur bonne tolérance, cependant leur effet symptomatique est modeste. Les infiltrations de dérivés cortisoniques sont proposées en cas de poussée congestive de coxarthrose et en cas d’échec ou contre-indication des AINS. La prise en charge non pharmacologique passe par des mesures hygiéno-diététiques visant 1 l’amaigrissement en cas de surcharge pondérale, l’économie articulaire, l’exercice physique régulier, l’utilisation de canne et parfois la rééducation afin de maintenir les amplitudes articulaires et la force des muscles pelvi-trochantériens. Des ostéotomies sont parfois proposées en cas d’arthrose de hanche débutante et la présence de dysplasie de hanche ou de déformations en varus/valgus. L’arthroplastie est proposée en cas d’arthrose objectivée sur les radiographies standards ou un arthro-scanner et d’une atteinte symptomatique de hanche définie par la douleur et le handicap fonctionnel. L’atteinte symptomatique de la coxarthrose s’évalue sur le niveau de douleur, souvent appréciée par l’échelle visuelle analogique (EVA) et l’atteinte fonctionnelle limitant les activités quotidiennes et notamment le périmètre de marche. Des indices algo-fonctionnels ont été développés pour mesurer ce handicap tels l’indice de Lequesnes, le WOMAC (Western Ontario and McMaster Universities Arthritis Index), l’ICOAP (Measure of Intermittent and Constant Osteoarthritis Pain) et le HOOS (Hip disability and Osteoarthritis Outcome Score). Un score de Lequesnes supérieur à 12 est en général une indication à l’arthroplastie de hanche. Un piège diagnostique à connaître est l’ostéonécrose aseptique de hanche. Elle se manifeste habituellement par une douleur de hanche à début brutal, d’horaire mécanique sans signe général. Les radiographies sont le plus souvent normales au début et le diagnostic sera porté grâce à l’IRM. En phase précoce, le traitement passe par la mise en décharge du membre et les antalgiques. Dans certains cas, en l’absence de fracture sous chondrale notamment, un forage de la tête fémorale peut être proposé. L’ostéonécrose peut évoluer vers une coxarthrose secondaire dont la prise en charge est similaire à la coxarthrose primitive, avec indication à une arthroplastie en cas de douleurs et de handicap fonctionnel chez des sujets souvent jeunes. Les pathologies inflammatoires On distingue 3 groupes de pathologies inflammatoires pouvant se localiser à la hanche : les pathologies septiques, microcristallines et secondaires à des rhumatismes inflammatoires. L’arthrite septique peut concerner la hanche et entrainer une destruction de l’articulation. La décision de pose de prothèse de hanche se fait en général après concertation multidisciplinaire entre rhumatologues, orthopédistes et infectiologues, plusieurs mois après une antibiothérapie bien conduite. La pathologie microcristalline touchant la hanche est essentiellement due à la chondrocalcinose articulaire (CCA) qui peut entraîner une coxarthrose secondaire. La prise en charge de la poussée de CCA passe par le repos, la prise d’AINS et éventuellement la réalisation d’une infiltration de dérivé cortisonique. En cas de coxarthrose secondaire, la prise en charge est identique à la coxarthrose primitive. 2 Les rhumatismes inflammatoires chroniques affectant la hanche sont essentiellement représentés par la Polyarthrite Rhumatoïde, le Rhumatisme Psoriasique, la Spondylarthrite Ankylosante et l’Arthrite Chronique Juvénile Idiopathique. La destruction de hanche est beaucoup plus précoce que dans l’arthrose et la question de l’arthroplastie se pose souvent chez l’adulte jeune avec la possibilité ultérieure d’avoir recours à plusieurs remplacements prothétiques au cours de la vie du patient. L’atteinte de hanche dans un rhumatisme inflammatoire signe en général un tournant évolutif dans la maladie et est un signe de sévérité et de handicap fonctionnel. La prise en charge de la coxite ne doit jamais être négligée et passe par les antalgiques, les AINS, la corticothérapie orale et surtout par les infiltrations de dérivés cortisoniques en cas de poussée. L’économie articulaire et la rééducation sont primordiales. Le risque d’arthrite septique sur prothèse est plus important chez ces patients du fait de l’immunodépression induite par la maladie et ses traitements immuno-suppresseurs. Le recours à l’arthroplastie ne se fait pas dans l’urgence mais en période de faible activité du rhumatisme après discussion avec le rhumatologue. Les biothérapies doivent être interrompues quelques semaines avant la chirurgie et ne peuvent être reprises qu’après la cicatrisation complète obtenue. Les corticoïdes et le methotrexate peuvent être maintenus pendant toute la période périopératoire. En conclusion, de nombreuses affections rhumatologiques peuvent entraîner une atteinte de hanche et conduire à sa destruction et au recours à l’arthroplastie. Outre la prise en charge locale par pose de prothèse, la prise en charge de l’atteinte causale est primordiale afin d’éviter ou de limiter l’atteinte des autres articulations. 3