Uvéites postérieures et vasculites rétiniennes

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21-230-B-10
Uvéites postérieures et vasculites rétiniennes
Posterior uveitis and retinal vasculitis
C. Fardeau
Mots clés :
Vasculites rétiniennes
Uvéite
Angiographie rétinienne
Rétinite
Toxoplasmose
Sarcoïdose
Les vasculites rétiniennes au cours des uvéites postérieures posent des problèmes d’ordre diagnostique, étiologique et thérapeutique qui sont successivement exposés. Le diagnostic positif est biomicroscopique et
angiographique. L’angiographie rétinienne à la fluorescéine a des intérêts multiples, qui sont de mettre en
évidence des vasculites passées inaperçues à l’examen ophtalmoloscopique, préciser l’extension des vasculites
en dehors du territoire occlus, évaluer leur activité inflammatoire par l’importance de l’imprégnation pariétale
tardive, puis du leakage par rupture de la barrière hématorétinienne interne, préciser le mode d’atteinte, purement veineux ou mixte artériel et veineux, préciser leur caractère occlusif et les complications néovasculaires,
apporter des arguments étiologiques et, enfin, évaluer la réponse thérapeutique. Le diagnostic étiologique des
vasculites rétiniennes s’appuie sur des arguments sémiologiques initiaux permettant d’orienter le bilan. Il est
guidé par les aspects sémiologiques associés de la sphère oculaire, les arguments étiologiques apportés par
l’angiographie rétinienne en fluorescéine complétée par l’infracyanine, le terrain du patient, les signes associés
systémiques, connus ou non. Devant toute vasculite rétinienne, comme devant tout aspect inflammatoire
du vitré, il faut éliminer une cause infectieuse et une cause tumorale qui relèvent de traitement spécifique et
qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Le traitement est le plus spécifique possible. Y sont associés des
traitements symptomatiques anti-inflammatoires si nécessaire. La gravité potentielle des effets secondaires
des immunosuppresseurs a amené à évaluer l’intérêt thérapeutique de molécules immunomodulatrices. Elles
comprennent les anticorps polyclonaux ou immunoglobulines polyvalentes, les anticorps monoclonaux et les
interférons alpha. Le pronostic des vasculites rétiniennes dépend de leur localisation, de leur étiologie, de leur
traitement et des complications. Le suivi au long cours permet des adaptations thérapeutiques permettant de
préserver la fonction visuelle en contrôlant les effets secondaires des traitements effectués.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Keywords:
Retinal vasculitis
Uveitis
Retinal angiography
Retinitis
Toxoplasmosis
Sarcoidosis
Retinal vasculitis during posterior uveitis represents diagnostical, etiological and therapeutical problems, which
are successively exposed. The positive diagnosis is biomicroscopic and angiographic. The fluorescein angiography has multiple interests, which are: to highlight vasculitis missed by optical tests, specify the extension
of vasculitis outside the occluded territory, evaluate their inflammatory activity by the importance of late
parietal impregnation, evaluate the leakage due to the internal blood retinal barrier’s rupture, specify the
achievement mode, purely venous or mixed, arterial and venous, specify their occlusive nature and neovascular complications, make causal arguments, and finally evaluate the therapeutical response. The etiological
diagnosis of retinal vasculitis is based on initial semiological arguments, which will guide the assessment. It is
guided by the semiological aspects associated with the ocular sphere, the etiological arguments of the fluorescein retinal angiography supplemented by infracyanine, the patient’s conditions, associated systemic signs,
known and unknown. In response to any retinal vasculitis and any inflammatory aspect of the vitreous, we
must eliminate infectious and tumoral causes that are under specific treatment and can be life-threatening.
Treatment is as specific as possible, and can associate anti-inflammatory drugs if necessary. Potential severity of the side effects of immunosuppressants has allowed the assessment of the therapeutical benefits of
immunomodulatory molecules. They include polyclonal antibodies, or polyvalent immunoglobulins, monoclonal antibodies and interferon alpha. The prognosis of retinal vasculitis depends on their location, their
etiology, treatment and complications. Long-term monitoring allows therapeutical adaptations to preserve
visual function by controlling the side effects of the treatments performed.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Plan
■
Définition et physiopathologie
2
■
Diagnostic clinique et paraclinique
Diagnostic biomicroscopique des vasculites rétiniennes
Angiographie rétinienne à la fluorescéine
Diagnostic différentiel
2
2
2
2
Orientations étiologiques
Vasculites rétiniennes
Aspects sémiologiques
Angiographie rétinienne en fluorescéine complétée
par l’infracyanine
Terrain du patient
Signes associés
2
2
5
■
EMC - Ophtalmologie
Volume 9 > n◦ 2 > avril 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(12)54204-8
5
6
6
■
Complications
6
■
Formes étiologiques
Sarcoïdose
Tuberculose
Maladie de Behçet
Rétinochoroïdite toxoplasmique par
Toxoplasma gondii
Herpèsvirus
Sclérose en plaques
6
6
7
7
■
Traitements
Traitements spécifiques
Traitements symptomatiques
Traitement des complications
7
7
7
8
■
Conclusion
8
7
7
7
1
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Définition et physiopathologie
Les vasculites rétiniennes sont caractérisées par une inflammation des vaisseaux rétiniens pour laquelle Ben Ezra a distingué
trois mécanismes d’atteinte vasculaire [1] :
• la réaction inflammatoire n’est pas dirigée directement contre
les structures vasculaires, la cascade inflammatoire a lieu dans
la lumière vasculaire avec deux conséquences : facilitation de
la formation de thrombus et un appel avec séquestration des
cellules inflammatoires sur le site, avec des conséquences ischémiques sur le tissu irrigué ;
• l’inflammation est dirigée contre des antigènes spécifiques
des cellules endothéliales vasculaires et de leurs jonctions
intercellulaires, provoquant une rupture de la barrière hématorétinienne et un œdème rétinien. Lorsque la réaction
immune est induite par un stimulus spécifique, l’extravasation
cellulaire est surtout composée de cellules immunocompétentes [1, 2] ;
• la réponse immunitaire est médiée par des complexes immuns
qui ont une forte affinité avec les cellules endothéliales,
selon une réaction qui peut être spécifique ou aspécifique [1, 2] . Ces complexes immuns peuvent être circulants ou
formés in situ dans les vaisseaux rétiniens. Une fois fixés
aux parois vasculaires, ces complexes immuns activent la
voie du complément et provoquent des lésions pariétales
vasculaires [1–4] .
Concernant les vasculites oculaires, la classification des vasculites systémiques a été appliquée à la sphère oculaire. Sont
ainsi distinguées les vasculites primitives, où le vaisseau est
la cible première de la réaction inflammatoire, des vasculites
secondaires, où l’inflammation du vaisseau est secondaire à
un autre phénomène inflammatoire, infectieux, auto-immun
ou d’origine tumorale. Une classification reposant sur les
bases issues de la conférence de consensus de Chapel Hill
en 1992 et de ses applications ophtalmologiques a été proposée par Carl Herbort et al [5] . Le terme de vasculites oculaires
s’applique aux phénomènes de vasculites de la sphère oculaire incluant épisclérite, sclérite, kératite ulcérante périphérique,
vasculites rétiniennes, choroïdiennes, du nerf optique et de
l’orbite [5] .
Diagnostic clinique
et paraclinique
Diagnostic biomicroscopique des vasculites
rétiniennes
Le diagnostic biomicroscopique des vasculites rétiniennes est
fait devant des engainements vasculaires blanchâtres réduisant
plus ou moins la lumière du vaisseau. Le terme de phlébite décrit
une inflammation de toute l’épaisseur de la paroi veineuse, celui
de périphlébite décrit une inflammation prédominant sur la paroi
externe. Les engainements sont focaux ou diffus, segmentaires ou
en longs manchons, actifs ou cicatriciels. Ils peuvent aboutir à
des segments complètement déshabités sous forme de cordons
blanchâtres. Ces engainements vasculaires correspondent à une
infiltration de cellules inflammatoires des parois vasculaires et des
zones périvasculaires. Elles sont souvent associées à une inflammation vitréenne.
Les vasculites rétiniennes font partie des uvéites intermédiaires
ou postérieures. En cas d’uvéite intermédiaire, les atteintes vasculaires sont périphériques et veineuses. En cas d’uvéite postérieure,
l’atteinte est veineuse, artérielle ou mixte.
L’exudation plasmatique entraine un œdème intercellulaire diffus le long des vaisseaux enflammés. Les exsudats localisés sont en
règle absents. L’exsudation peut être maculaire et s’organiser en
logettes.
Les vasculites rétiniennes peuvent n’être vues qu’en angiographie en fluorescéine, au cours de laquelle la paroi s’imprègne
progressivement de colorant (staining) puis laisse diffuser le colorant (leakage) dans l’espace périvasculaire [1–3] .
2
Angiographie rétinienne à la fluorescéine
L’angiographie rétinienne à la fluorescéine a des intérêts multiples, qui sont les suivants :
• mettre en évidence des vasculites passées inaperçues à l’examen
ophtalmoloscopique ;
• préciser l’extension des vasculites en dehors du territoire
occlus ;
• évaluer leur activité inflammatoire par l’importance de
l’imprégnation pariétale tardive, puis du leakage par rupture de
la barrière hématorétinienne interne ;
• préciser le mode d’atteinte purement veineux ou mixte artériel
et veineux ;
• préciser leur caractère occlusif et les complications néovasculaires ;
• apporter des arguments étiologiques ;
• évaluer la réponse thérapeutique [4] .
Le compartiment capillaire est aisément analysé, pouvant
mettre en évidence les territoires ischémiques ou une capillarite œdémateuse. Les complications néovasculaires sont aisément
mises en évidence. L’analyse du remplissage de la choriocapillaire et du fond choroïdien peuvent apporter des arguments
étiologiques. Enfin, l’angiographie rétinienne est un élément
d’évaluation de la réponse thérapeutique. Sont systématiquement
associés un examen maculaire par optical coherence tomography
(OCT) et un champ visuel.
Diagnostic différentiel
L’engainement des vaisseaux et la modification irrégulière
de calibre peut être secondaire à une ischémie par hypoxie
chronique, qui engendre un mécanisme ischémique pariétal dégénératif. Dans ce cas il n’y a pas d’autre signe inflammatoire, en
particulier dans l’humeur aqueuse, dans le vitré, au niveau de
la pars plana, et il y a d’autres signes d’ischémie chronique, en
particulier d’hémorragies rondes intrarétiniennes, des dilatations
veineuses irrégulières en chapelet, des anomalies de la microvascularisation rétinienne à type de dilatations vasculaires bordant
les territoires d’occlusion capillaire. Les autres diagnostics différentiels incluent certaines hyperlipidémies, qui donnent ophtalmoloscopiquement un aspect blanchâtre à la paroi vasculaire. Le
reflet de la paroi vasculaire contrastant avec le fond pigmenté de
l’épithélium pigmentaire et de la choroïde donne un aspect de
faux engainement chez les jeunes patients pigmentés [1, 3] .
Orientations étiologiques
L’enquête étiologique est guidée par des arguments sémiologiques initiaux :
• type de vasculites rétiniennes ;
• aspects sémiologiques associés de la sphère oculaire ;
• arguments étiologiques apportés par l’angiographie rétinienne
en fluorescéine complétée par l’infracyanine ;
• terrain du patient ;
• signes associés systémiques connus ou non et recherchés par
l’interrogatoire, les examens cliniques et paracliniques [6] .
Vasculites rétiniennes
Les vasculites rétiniennes touchent le compartiment veineux ou
artériel ou les deux (vasculites mixtes) ; elles peuvent être occlusives ou présenter un aspect d’angéite givrée. Chacune de ces
caractéristiques a une valeur d’orientation étiologique.
Les principales étiologies des vasculites rétiniennes veineuses
sont résumées dans le Tableau 1.
La maladie de Vogt-Koyanagi-Harada, souvent incluse dans
les causes de vasculites, se présente sous forme d’une uvéite
postérieure avec décollements séreux rétiniens polylobés et un
vitré inflammatoire. S’y associe une choroïdite avec épaississement diffus et retard de perfusion choroïdien touchant les artères
choroïdiennes et la choriocapillaire, mais à l’étage rétinien il n’y
a pas de vasculite veineuse [7, 8] .
EMC - Ophtalmologie
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Tableau 1.
Principales étiologies des vasculites rétiniennes veineuses.
Tableau 2.
Principales étiologies des artérites rétiniennes.
Dysimmunité systémique
Infections
Sarcoïdose (granulomatose systémique
Herpèsvirus
Maladie de Behçet (vascularite systémique)
Lyme, syphilis, tuberculose
Sclérose en plaques
Maladie de système
Collagénoses : lupus erythémateux disséminé, sclérodermie,
polychondrite atrophiante
Behçet
Connectivite avec vascularite nécrosante : granulomatose de Wegener,
polyarthrite rhumatoïde, périartérite noueuse
Maladie de Crohn
Connectivites : lupus,
sclérodermie
Angéites nécrosantes
Artérites systémiques
Kawasaki syndrome (vascularite aigüe autolimitée de l’enfant avec
possibles séquelles cardiovasculaires)
Périartérite noueuse, Wegener
Maladie de Takayashu
Syndrome de Susac (ou small
infarcts of cochlear, retinal and
encephalic tissues [SICRET])
Maladie de Sjögren A, maladie de Churg-Strauss
Dysimmunité oculaire
Artérites ectasiantes (ou idiopathic
retinitis, vasculitis, aneurysms and
neuroretinitis syndrome [IRVAN])
Choriorétinopathie de type
Birdshot
Uvéite intermédiaire, pars planite
Choroïdite multifocale
Tableau 3.
Principales étiologies des vasculites rétiniennes artérielles et veineuses.
Ophtalmie sympathique
Syndrome d’Irvine-Gass
Maladie de Behçet
Infections
Virales
Herpèsvirus, VIH, HTLV-1, West
Nile, dengue, virus de la fièvre de
la vallée du Rift
Bactériennes
Syphilis, Lyme, tuberculose,
endophtalmie, rickettsies
Infections, en particulier par herpèsvirus et syphilis
Connectivite avec vascularites nécrosantes (Wegener,
polyarthrite rhumatoïde, périartérite noueuse)
Bartonnellose, Whipple,
leptospirose, brucellose
Endophtalmies bactériennes
Parasitaires
Toxoplasmose, toxocarose,
onchocercose
Mycotiques
Candida, coccidioïdomycose
Tumeurs
Lymphome intraoculaire
Primitif oculocérébral non
hodgkinien
Systémique, hodgkinien ou non
Métastases
Syndrome paranéoplasique
Leucémie aiguë
Idiopathiques (pas de cause
retrouvée et aucune atteinte
extraoculaire)
Figure 1. Artérite de Kiriellis adjacente à un foyer de choriorétinite
toxoplasmique.
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; HTLV-1 : human T-cell lymphotrophic virus type 1.
Tableau 4.
Principales étiologies des vasculites veineuses rétiniennes occlusives.
La forme particulière de périphlébite rétinienne active en taches
de bougie sous forme d’un large manchon segmentaire relativement translucide est l’apanage d’une cause sarcoïdosique.
Les principales étiologies des vasculites artérielles sont résumées
dans le Tableau 2.
Les principales étiologies des vasculites rétiniennes atteignant
le compartiment veineux et artériel sont résumées dans le
Tableau 3.
L’artérite de Kyrieleis se voit essentiellement au cours des
choriorétinites toxoplasmiques (Fig. 1) ; elle a été décrite aussi
au cours des infections herpétiques, de la tuberculose et de la
lèpre.
Le caractère occlusif a aussi une valeur d’orientation étiologique
(Tableau 4). La cause la plus fréquente est la sarcoïdose. Cependant, les vasculites veineuses et occlusives n’ont rien de spécifique
et peuvent être liées à une maladie systémique ou à une pathologie
oculaire infectieuse, tumorale ou auto-immune [4, 6] .
L’aspect d’angéite givrée (frosted branch angeitis) est évocateur
de certains diagnostics [9] (Fig. 2, 3, Tableau 5).
EMC - Ophtalmologie
Sarcoïdose
Maladie de Behçet
Infections
Toxoplasmose
Herpèsvirus (HSV, VZV, CMV)
Syphilis
Tuberculose
Rickettsiose
HSV : herpes simplex virus ; VZV : varicelle-zona virus ; CMV : cytomégalovirus.
Aspects sémiologiques
Les aspects sémiologiques associés de la sphère oculaire ont une
valeur d’orientation étiologique [1, 3, 6] .
Hypertrophie des glandes lacrymales et salivaires
Elle est évocatrice de sarcoïdose ou de lymphome.
3
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B
A
Figure 2. Angéite givrée unilatérale chez un homme de 35 ans immunocompétent.
A. Rétine en nasal de la papille.
B. Rétine en temporal de l’aire maculaire.
B
A
C
Figure 3. Évolution à 10 jours chez le même patient : occlusions vasculaires rétiniennes artérielles et veineuses, tableau rapporté à une infection herpétique
(clichés du docteur Cardillo).
A. Hémorragie intrarétinienne au pôle postérieur, engainement blanchâtre artériel et veineux, nodules cotonneux.
B, C. Angiographie rétinienne à la fluorescéine montrant les vastes territoires non perfusés.
4
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Tableau 5.
Principales causes d’angéite givrée.
Tableau 8.
Principales étiologies de l’uvéite à hypopion.
CMV, VIH, herpèsvirus
Spondylarthropathies
Spondylarthropathie ankylosante
Hémopathies malignes
Reiter
Lupus érythémateux, Crohn
Rhumatisme psoriasique
Crohn
CMV : cytomégalovirus ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
Maladie de Behçet
Tableau 6.
Principales étiologies des vasculites rétiniennes et sclérite.
Connectivites
Polychondrite atrophiante, lupus
Vascularites systémiques
Wegener, polyarthrite
rhumatoïde, Behçet, périartérite
noueuse
Entéropathie
Crohn
Infections
Herpèsvirus, en particulier VZV,
syphilis, Lyme, tuberculose
Inflammation granulomateuse
Sarcoïdose
Infections
Endophtalmie
Corps étranger intraoculaire
Néoplasies
Rétinoblastome
Leucémie
Aspect plus ou moins inflammatoire du vitré
Cet aspect oriente également le diagnostic. Un vitré non inflammatoire oriente vers un lupus érythémateux disséminé, une
périartérite noueuse, une maladie de Takayashu, un syndrome de
Cogan ou un syndrome de Susac.
VZV : varicelle-zona virus.
Association à des lésions choroïdiennes multiples
Tableau 7.
Principales orientations diagnostiques des vasculites rétiniennes et précipités rétrocornéens (PRC).
PRC larges
PRC fins
Sarcoïdose
Maladie de Behçet
Tuberculose
Sarcoïdose, collagénoses
Infections :
- toxoplasmose
- herpèsvirus
- syphilis, BK
Elle oriente le diagnostic : pseudohistoplasmose, choroïdite
multifocale, choriorétinopathie de type Birdshot, sarcoïdose,
tuberculose, bartonellose, ophtalmie sympathique [12] .
Association à une névrite optique
Elle expose à un risque relatif de survenue de sclérose en plaques
de 14,4 % [13] . La névrite optique peut être contemporaine de
l’uvéite mais, le plus souvent, la précède, comme en témoignent
l’interrogatoire, la vision des couleurs et les potentiels évoqués
visuels.
Infections débutantes
Ophtalmie sympathique
Choriorétinopathie de type Birdshot
Lymphomes
Lymphomes, métastases
Angiographie rétinienne en fluorescéine
complétée par l’infracyanine
Elle peut apporter des arguments étiologiques [5, 6, 14] .
Association à une sclérite
Elle oriente le diagnostic étiologique [10] (Tableau 6).
Association à des précipités rétrocornéens
L’association à des précipités rétrocornéens (PRC) larges ou fins
oriente vers certaines étiologies (Tableau 7).
Présence de synéchies postérieures
Elle est aspécifique ; cependant, les synéchies postérieures
excluent le diagnostic de choriorétinopathie de type Birdshot et
sont exceptionnelles au cours des lymphomes primitifs oculocérébraux [11] .
Association à des nodules iriens
L’association à des nodules iriens oriente vers la sarcoïdose, la
tuberculose, la syphilis, la lèpre et, selon le contexte, vers une
ophtalmie sympathique.
Uvéite à hypopion
Les vasculites rétiniennes peuvent survenir dans le cadre d’une
uvéite à hypopion (Tableau 8). L’atteinte du segment antérieur
peut masquer une atteinte postérieure comme au cours de la maladie de Behçet, d’une endophtalmie ou d’une affection tumorale.
Association à un ou plusieurs foyers rétiniens
Elle oriente le diagnostic vers une infection : toxoplasmose,
toxocarose, herpèsvirus, syphilis, tuberculose, mycoses – en particulier candidose –, maladie de Lyme, rickettsiose, cysticercose,
onchocercose, leptospirose, brucellose, etc., mais est aussi compatible avec une maladie de Behçet.
EMC - Ophtalmologie
Association de vasculites artérielles et veineuses
rétiniennes
L’association de vasculites artérielles et veineuses rétiniennes
est en faveur de certains diagnostics (cf. Tableau 3).
Anomalies de remplissage du compartiment
vasculaire ou stromal choroïdien
Les anomalies de remplissage du compartiment vasculaire ou
stromal choroïdien ont une valeur étiologique :
• les nodules choroïdiens apparaissant sous forme de lésions
rondes hypofluorescentes bien visibles à 10 minutes,
s’imprégnant progressivement de colorant, sont présents
dans 80 % des choriorétinopathies de type Birdshot, où ils
sont disposés en quinconce et sont plus nombreux que les
taches dépigmentées visibles au fond d’œil [15] . Au cours de la
sarcoïdose, des nodules de même évolution angiographique
sont irrégulièrement disposés dans le fond d’œil et dans
l’épaisseur du stroma choroïdien. Certains sont donc muets en
fluorescéine, d’autres sont visibles. Au cours de la tuberculose,
les lésions choroïdiennes ou rétinochoroïdiennes s’imprègnent
intensément de colorant. Au cours de l’ophtalmie sympathique,
des nodules choroïdiens sont visibles avec un retentissement
sur la perfusion de la choriocapillaire à leur niveau [12] . Au
cours d’infections rétinochoroïdiennes comme la toxoplasmose, de nombreuses lésions hypofluorescentes nodulaires
choroïdiennes plus ou moins coalescentes, visibles en dehors
du foyer actif choriorétinien hypofluorescent s’imprégnant par
les bords, évoquent des infiltrats inflammatoires réactionnels
périlésionnels [6] ;
• un masquage de la fluorescence choroïdienne en multiples
mottes de 50 ␮m de diamètre est évocateur d’une infiltration
lymphomateuse non hodgkinienne [11] ;
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• une ischémie choroïdienne en secteur qui laisse, dans les cas les
plus sévères, une altération pigmentaire en secteur, décrite sous
le nom de syndrome triangulaire, évoque des causes inflammatoires telles les collagénoses (sclérodermie, lupus, périartérite
noueuse) et maladie de Wegener [14] .
Tableau 9.
Principaux signes associés systémiques évocateurs de certaines étiologies
(d’après [6, 16] ).
Signes systémiques associés
Principales hypothèses
étiologiques
Céphalées récentes
Méningo-uvéite, lésion cérébrale
associée
Terrain du patient
L’âge et le statut immunitaire sont des critères d’orientation
étiologique [6] . L’interrogatoire est effectué dès le premier examen
de la première poussée d’uvéite.
Âge
Chez l’enfant, les étiologies par infection telles la toxoplasmose,
toxocarose puis la rétinite herpétique sont les plus fréquentes. La
sarcoïdose ou la maladie de Behçet avec vasculites rétiniennes sont
très rares chez l’enfant, mais possibles.
Chez le jeune adulte, en plus des étiologies infectieuses peuvent
survenir la sarcoïdose, la sclérose en plaques, ou la maladie de
Behçet.
Après 45 ans, la maladie de Behçet, la choriorétinopathie de
type Birdshot, les infections, en particulier herpétiques, doivent
être recherchées.
À plus de 60 ans, le bilan doit éliminer une néoplasie,
en particulier par lymphome, et des infections, en particulier par toxoplasmose, avec des foyers volontiers atypiques et
extensifs.
HTIC par thrombophlébite
cérébrale (Behçet)
Surdité
Uvéoméningite
Paresthésies, parésie
Sclérose en plaques, Behçet
Signes psychiatriques
Uvéoméningite, Behçet, LEAD,
syndrome de Susac
Érythème noueux
Behçet, sarcoïdose
Nodules cutanés
Sarcoïdose, onchocercose
Rashs cutanés
Behçet, sarcoïdose, lupus, syphilis,
Lyme, zona, psoriasis,
entéropathies
Ulcères buccaux (plus de trois
poussées par an)
Behçet, entéropathies (Crohn),
polychondrite atrophiante
Ulcères génitaux
Behçet, entéropathies,
polychondrite atrophiante,
syphilis
Hypertrophie des glandes
lacrymales et salivaires
Sarcoïdose, lymphome
Diarrhée
Whipple, entéropathies (Crohn)
Signes pulmonaires
Sarcoïdose, tuberculose,
néoplasies
Sinusite
Wegener
Signes articulaires
Behçet, sarcoïdose, Crohn, Lyme,
Wegener, collagénoses
Ictère
Leptospirose
Statut immunitaire
En cas d’immunosuppression, les vasculites rétiniennes occlusives sont souvent d’origine infectieuse. La nature de l’agent
pathogène dépend du taux de clusters de différenciation 4 (CD4)
et de la charge virale du virus de l’immunodéficience humaine
(VIH). La tuberculose survient pour un taux de CD4 compris
entre 200 et 350/mm3 . La rétinochoroïdite toxoplasmique, volontiers de grande surface ou bilatérale, survient pour des taux de
CD4 entre 50 et 100/mm3 , et peut s’associer à une atteinte
cérébrale. Les rétinites à cytomégalovirus (CMV) surviennent
avec des CD4 souvent inférieur à 50/mm3 . La fréquence de
cette rétinite a été drastiquement diminuée par la quadrithérapie anti-VIH. La syphilis est évoquée quel que soit le niveau des
CD4.
Signes associés
Certains signes associés sont évocateurs de certaines étiologies
(Tableau 9) [6, 16] . La collaboration avec le médecin généraliste et
l’interniste est indispensable.
L’association à une lésion cérébrale est évocatrice de sclérose en
plaques, de lymphome oculocérébral, de maladie de Behçet, de
sarcoïdose, d’abcès ou encore de syndrome de Susac. La suspicion
de ces diagnostics conduit à effectuer une imagerie cérébrale en
résonance magnétique rapidement.
Complications
Les complications comprennent la survenue d’œdème maculaire, de membrane épimaculaire, d’ischémie périphérique,
d’ischémie maculaire, de néovascularisation choroïdienne, de
néovascularisation prérétinienne ou prépapillaire confirmée par
l’angiographie rétinienne en fluorescéine et vert d’indocyanine et
OCT.
La papille peut être le siège d’une atrophie par inflammation du
nerf optique ou par glaucome secondaire.
6
HTIC : hypertension intracrânienne ; LEAD : lupus érythémateux aigu disséminé.
La survenue de cataracte est favorisée par l’inflammation
intraoculaire et la corticothérapie, en particulier par injections
intravitréennes. Le glaucome secondaire relève de nombreuses
causes souvent intriquées, telles les synéchies angulaires, les synéchies postérieures avec iris tomate, la diminution de filtration
trabéculaire (à la phase aiguë par trabéculite, ou à la phase séquellaire par lésion trabéculaire définitive) ou encore le glaucome
cortisoné.
Formes étiologiques
Sarcoïdose
Il s’agit d’une maladie systémique caractérisée par une inflammation chronique granulomateuse non caséeuse pouvant toucher
tous les organes, en particulier les poumons, les ganglions thoraciques, la peau et les yeux.
L’atteinte oculaire est présente dans un quart des cas de sarcoïdose environ et peut précéder de plusieurs années l’atteinte
systémique (10 % à 20 % des cas) [17, 18] : uvéite polymorphe mais
typiquement bilatérale, granulomateuse pouvant présenter des
précipités en graisse de mouton, des nodules conjonctivaux,
des nodules du stroma iriens larges et duveteux, des condensations cellulaires inflammatoires rondes déclives sur la hyaloïde
postérieure en « œufs de fourmi » ou snow-balls, des exsudats
déclives en banquise, des vasculites rétiniennes veineuses en
larges manchons duveteux dits en « taches de bougie », des vasculites veineuses occlusives, des macroanévrismes. Une choroïdite
multifocale disséminée en périphérie moyenne et laissant des
cicatrices partiellement pigmentée nummulaires et multiples est
évocatrice du diagnostic. Des granulomes peuvent se voir sur
la tête du nerf optique ou se situer dans le stroma choroïdien.
EMC - Ophtalmologie
Uvéites postérieures et vasculites rétiniennes 21-230-B-10
Volontiers chronique et hypertonisante, l’atteinte ophtalmologique peut être aiguë et intéresser tous les tissus oculaires, en
particulier les glandes lacrymales, ou provoquer une tuméfaction
intraorbitaire.
Les lésions sarcoïdosiques sont le plus souvent très corticosensibles. Rarement elles nécessitent une association aux immunosupresseurs tels les thiopurines représentées par l’azathioprine
(Imurel® ) et le mycophénolate mofétil (Cellcept® ), le méthotrexate ou les anticorps anti-tumor necrosis factor (TNF) [19] .
Tuberculose
Plus fréquente chez les patients immunodéprimés ou migrants,
elle présente un polymorphisme clinique pouvant par exemple
mimer une choriorétinopathie de type Birdshot ou une atteinte
serpigineuse [20] . Les vasculites rétiniennes peuvent être ischémiantes. L’infection peut être ancienne et l’atteinte oculaire est
alors secondaire à une réaction d’hypersensibilité retardée et aseptique et les lésions sont volontiers pluriviscérales. Les tuberculoses
latentes peuvent être suspectées par un test Quantiferon® .
Maladie de Behçet
Le diagnostic se fait sur un faisceau d’arguments, dits soit
majeurs, représentés par l’aphtose buccale, soit mineurss représentés par l’aphtose génitale, des lésions cutanées à type d’érythème
noueux, pseudofolliculite et nodules sous-cutanés, d’uvéite,
d’hypersensibilité cutanée [21] . D’autres lésions sont évocatrices,
en particulier les phlébites superficielles ou profondes et les
arthrites. L’uvéite avec les vasculites veineuses ou mixtes, volontiers occlusives, est l’élément majeur de morbidité de cette
maladie. Bien que non inaugurale, elle représente la circonstance
de découverte la plus fréquente de la maladie. Ubiquitaire, sa prévalence atteint 300/100 000 en Turquie et est élevée au Japon
et sur le pourtour méditerranéen. Elle touche préférentiellement
l’homme au cours de la troisième décennie.
La lésion anatomopathologique est une vascularite leucocytoclastique thrombosante.
L’uvéite est typiquement non granulomateuse, synéchiante,
parfois avec un hypopion. Initialement unilatérale, elle se
bilatéralise en règle dans les 5 années suivantes. L’uvéite postérieure s’accompagne de vasculites occlusives et de lésions
rétiniennes superficielles, focales, blanc-jaunâtres, qui disparaissent sans séquelle, et d’une papillite. L’évolution non traitée
de l’inflammation chronique avec des phases de récurrences
peut entrainer une cécité par atrophie optique rétrograde avec
des vaisseaux en cordons blanchâtres. Le traitement par interféron alpha associée à la corticothérapie représente un progrès
thérapeutique majeur ; une réponse oculaire est obtenue dans
plus de 90 % des cas à 6 semaines [22] , et une absence de récidives à plus de 2 ans chez environ la moitié des patients
après l’arrêt de l’interféron alpha [23] . Les anticorps monoclonaux
anti-TNF représentent également un nouvel outil thérapeutique, efficace en quelques jours. Les effets secondaires majeurs
sont infectieux en particulier par réactivation d’une tuberculose
latente [19] .
Rétinochoroïdite toxoplasmique
par Toxoplasma gondii (Fig. 1)
Il s’agit de la première cause en fréquence d’uvéite postérieure.
Elle est soit de transmission soit transplacentaire congénitale,
soit acquise par ingestion du protozoaire. Les sources de contamination par ingestion sont multiples à partir de viande peu
cuite, des légumes et fruits mal lavés, d’œufs, de lait ou d’eau
contaminés, des mains souillées par les fèces des chats, hôtes
définitifs du parasite. Les foyers rétinochoroïdiens sont nécrosants avec des déficits campimétriques séquellaires, des chutes
d’acuité visuelle définitives pour les foyers centromaculaires.
Les néovaisseaux prérétiniens peuvent compliquer les vasculites
occlusives et les néovaisseaux choroïdiens peuvent compliquer
les foyers cicatriciels. Le traitement de référence, associant chez
EMC - Ophtalmologie
l’adulte le pyriméthamine (Malocide® ) 100 mg le premier jour,
puis 50 mg/jour, la sulfadiazine (Adiazine® ) de 4 à 6 g/jour et
de l’acide folinique, a des effets secondaires majeurs représentés
par l’aplasie médullaire pour le pyriméthamine, et le syndrome
de Lyell pour la sulfadiazine. C’est pourquoi ce traitement est
fréquemment remplacé actuellement par l’association du pyriméthamine, acide folinique avec des macrolides troisième génération
tel l’azithromycine (Zithromax® 500 mg le premier jour puis
250 mg/jour) suite à une étude ayant montré une efficacité similaire pour des effets secondaires moindres. Le traitement préventif
par cotrimoxazole (Bactrim® forte un comprimé tous les 3 jours
pendant 20 mois) a montré son efficacité par la réduction d’un
facteur 4 du taux de récidives et peut être proposé en cas de lésions
maculaires menaçantes et récidivantes [24] .
Herpèsvirus
Les vasculites associées aux rétinites virales sont mixtes et
volontiers occlusives. Le tableau est souvent très évocateur, sous
forme d’acute retinal necrosis (ARN) avec des plages blanchâtres
nécrotiques rétiniennes périphériques qui deviennent coalescentes et s’étendent en doigt de gant avec un vitré inflammatoire
et une papillite. L’ARN survient quelque soit le statut immunitaire.
L’examen recherche une association à une méningoencéphalite.
Le prélèvement oculaire d’humeur aqueuse ou de vitré est de haut
rendement par PCR permettant de mettre en évidence les virus
herpès simplex (HSV) 1 ou 2, varicelle-zona virus (VZV) rarement
CMV.
En cas d’immunosuppression, deux autres tableaux cliniques
sont rencontrés : la rétinite à cytomégalovirus très hémorragique
ou le syndrome de nécrose rétinienne progressive (PORN) bilatéral, avec des plages de nécrose rétinienne au pôle postérieur
qui s’étendent de façon centrifuge, associées à des vasculites
mixtes. Le PORN est d’évolution fulgurante et rapporté au VZV.
La réaction inflammatoire intravitréenne et de l’humeur aqueuse
est quasi inexistante compte tenu de l’immunosuppression profonde. Leur incidence a été drastiquement diminuée depuis
l’introduction des traitements antirétroviraux hautement actifs
(highly active antiretroviral therapy [HAART]) dans les années 1995.
Sclérose en plaques
Le tableau oculaire associe périphlébites rétiniennes et uvéite
intermédiaire. Les périphlébites sont rapportées dans 10 % à 36 %
des cas. L’association de périphlébites rétiniennes avec une neuropathie optique augmente le risque d’apparition d’une atteinte
neurologique à 3 ans ; elle est de 60 %, contre 16 % en cas de neuropathie isolée. En revanche, l’atteinte oculaire n’a pas de valeur
pronostique quant à l’évolution de l’atteinte neurologique [25] . Il
faut éliminer des causes infectieuses de démyélinisation secondaire à une rickettsiose ou à une maladie de Lyme.
Traitements
Traitements spécifiques
Devant toute vasculite rétinienne, comme devant tout aspect
inflammatoire du vitré, il faut éliminer une cause infectieuse et
une cause tumorale, qui relèvent de traitements spécifiques et qui
peuvent mettre en jeu le pronostic vital.
De plus, un traitement immunosupresseur peut aggraver une
lésion infectieuse et être source de septicémie. Si la corticothérapie
est débutée et qu’il existe une corticodépendance à seuil très élevé,
aux alentours de 40 mg/jour de prednisone, une cause infectieuse
doit être à nouveau recherchée. Un traitement d’épreuve par une
antibiothérapie prolongée peut être proposé.
Traitements symptomatiques
La corticothérapie reste le chef de file des traitements immunodépresseurs. Elle impose des règles hygiénodiététiques par un
régime hypocalorique, pauvre en acides gras saturés et en sucres
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21-230-B-10 Uvéites postérieures et vasculites rétiniennes
rapides, et hyperprotidique. La supplémentation calcique et en
vitamine D associée à un exercice physique régulier lutte contre
l’ostéoporose. Le respect de ces règles permet de limiter les effets
secondaires, qui sont une anomalie de la répartition de la graisse
faciotronculaire, des troubles de la glycorégulation, une hyperlipémie, une rétention hydrosodée.
L’introduction de la corticothérapie systémique se fait au mieux
par bolus de méthylprednisolone et est relayée par une dose de
1 mg/kg/jour de prednisone maintenue 3 semaines, date à laquelle
l’ophtalmologiste doit obligatoirement revoir le patient pour
évaluer le bénéfice maximal attendu par un traitement immunodépresseur.
En cas de bénéfice, la diminution est alors progressive pour
conserver le bénéfice du traitement et se fait sous surveillance
ophtalmologique régulière pour déterminer le seuil de corticodépendance, qui est la dose de prednisone nécessaire au contrôle de
l’inflammation intraoculaire.
Si ce seuil est supérieur à 0,2 mg/kg/jour de prednisone, une
association à un traitement immunomodulateur ou immunosupresseur est effectuée à visée d’épargne cortisonique.
Les immunosuppresseurs se répartissent en :
• thiopurines, tels l’azathioprine (Imurel® ), le mycophénolate
mofétil (Cellcept® ) ;
• inhibiteurs de la calcineurine, dont la cyclosporine (Néoral® ,
Sandimum® ) et le tacrolimus (Prograf® ) ;
• inhibiteurs de la dihydrofolate réductase (Méthotrexate® ) ;
• agents alkylants, tels le cyclophosphamide (Endoxan® ) et le
chlorambucil (Chloraminophène® ).
Ces différentes molécules ont montré leur intérêt au cours des
uvéites secondaires à la maladie de Behçet sous aziathioprine [26] ,
ou sous chlorambucil [27] . Les uvéites secondaires à la rétinochoroidopathie de type Birdshot ont été améliorée par l’adjonction de
cyclosporine [28] , les uvéites pédiatriques sont largement traitées
par l’adjonction de méthotrexate [29] et des uvéites réfractaires ont
pu être améliorées par mycophénolate ou tacrolimus.
Les effets secondaires des immunosupresseurs sont infectieux,
hématologiques et stérilisants, mais surtout oncogènes (avec un
risque relatif positif de 1,5) ; ils possèdent aussi une toxicité tissulaire propre telle la néphrotoxicité de la cyclosporine.
La gravité potentielle des effets secondaires des immunosuppresseurs a amené à évaluer l’intérêt thérapeutique de molécules
immunomodulatrices. Elles comprennent les anticorps polyclonaux ou immunoglobulines polyvalentes [30] , les anticorps
monoclonaux [19] et les interférons alpha [22, 23, 31] . De plus, les
échanges plasmatiques ont été proposés à la phase aiguë de
vasculites sévères, en association à un traitement immunosuppresseur pour éviter un effet rebond inflammatoire à l’arrêt de ces
échanges.
Le traitement des vasculites rétiniennes unilatérales et dont
l’étiologie, d’une part ne fait pas craindre une bilatéralisation
et, d’autre part, ne relève pas elle-même d’une thérapeutique
systémique immunodépressive, peut relever de traitement intraoculaire ou périoculaire.
Les injections de triamcilonone intravitréennes ou parabulbaires sont largement pratiquées. Leurs complications les plus
fréquentes sont l’hypertonie oculaire et l’opacification du cristallin. Les injections parabulbaires sont apparues un peu moins
efficaces, mais moins iatrogènes que les injections intraoculaires.
De nouveaux modes d’administration intraoculaires de corticoïdes apparaissent avec les dispositifs intravitréens relarguant de
la fluocinolone pendant 3 ans (Retisert® ) [32] ou de la dexaméthasone pendant 6 mois (Osurdex® ).
Traitement des complications
Œdème maculaire
Il est fréquent au cours de la rétinochoroïdopathie de type Birdshot, de la sarcoïdose, des pars planites, de la maladie de Crohn, et
peut être secondaire à des uvéites infectieuses comme les endophtalmies chroniques.
En cas de cause infectieuse, le traitement spécifique seul est
parfois efficace.
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Le plus souvent la corticothérapie est associée localement ou par
voie systémique. Il est indispensable d’évaluer la réponse au traitement au maximum de son efficacité (2-3 semaines) pour justifier
ensuite d’un traitement au long cours en cas de réponse positive.
Ischémie maculaire
En dehors des occlusions de branche veineuse à destinée
maculaire, une ischémie maculaire s’observe principalement au
cours de la maladie de Behçet et des rétinites herpétiques.
L’angiographie à la fluorescéine montre une augmentation de la
surface de la zone avasculaire centrale avec une irrégularité et une
rupture plus ou moins complète de la maille capillaire périfovéolaire. L’ischémie maculaire est de mauvais pronostic et sa prise
en charge en urgence est nécessaire. Au cours du Behçet, en plus
de la corticothérapie à forte dose en intraveineux, il est possible
de proposer l’adjonction d’anti-TNF (Remicade® ) pour son action
très rapide sur l’inflammation intraoculaire [19] .
Papillite
La papillite est fréquente au cours des uvéites postérieures et
intermédiaires et peut compliquer une uvéite antérieure qui se
prolonge par traitement insuffisant.
Cette atteinte papillaire peut être péjorative lorqu’elle est associée à un foyer toxoplasmique adjacent à la papille source de
scotome de Jensen ou lorsqu’elle est liée à une neuropathie herpétique qui peut être rapidement cécitante.
Néovascularisation prérétinienne ou prépapillaire
Elle peut être secondaire à l’inflammation sans ischémie sousjacente et relève alors du traitement immunodépresseur. Elle peut
être secondaire à des territoires rétiniens ischémiques et relève
alors d’une photocoagulation de ces territoires sous traitement
immunodépresseur.
Néovascularisation choroïdienne
Toute uvéite postérieure peut se compliquer de néovascularisation choroïdienne, en particulier si persiste un bas grade
d’inflammation endoculaire chronique, comme au cours de
maladie de Vogt-Koyanagi-Harada, s’il existe des cicatrices choriorétiniennes, comme au cours des choroïdites serpigineuses,
ou un granulome choroïdien, comme au cours de la sarcoïdose.
La choroïdite mulifocale a un haut risque de néovascularisation choroïdienne (30 % à 50 % des cas). La présence d’une
néovascularisation choroïdienne est fortement suspectée en
cas d’hémorragies rétiniennes associées, même punctiformes.
L’OCT montre une lésion hyperréflective fusiforme en avant de
l’épithélium pigmentaire associée à un épaississement rétinien.
Cet aspect peut être altéré par une lésion inflammatoire rétinienne
ou choroïdienne.
Le traitement de première intention associe les injections intravitréennes d’anti-vascular endothelial growth factor (VEGF) et le
traitement immunodépresseur local ou systémique [33] . Un lacis
néovasculaire complètement extrafovéal et isolé doit faire l’objet
d’une photocoagulation directe.
Conclusion
La prise en charge des vasculites rétiniennes comprend les différentes étapes décrites. Leur pronostic dépend de leur localisation,
de leur étiologie, de leur traitement et des complications. Le suivi
au long cours permet des adaptations thérapeutiques permettant
de préserver la fonction visuelle en contrôlant les effets secondaires des traitements effectués.
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C. Fardeau ([email protected]).
Service d’ophtalmologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Fardeau C. Uvéites postérieures et vasculites rétiniennes. EMC - Ophtalmologie 2012;9(2):1-9 [Article
21-230-B-10].
Disponibles sur www.em-consulte.com
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