NPG
Neurologie
-
Psychiatrie
-
Gériatrie
(2013)
13,
107—116
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
PRATIQUE
CLINIQUE
Évaluation
et
dépistage
des
troubles
de
la
déglutition
en
gériatrie
Assessment
and
screening
of
deglutition
disorders
in
geriatric
patients
A.
Forstera,,
N.
Samarasa,
G.
Notaridisa,
P.
Morela,
J.
Hua-Stolza,
D.
Samarasb
aDépartement
de
médecine
interne,
réhabilitation
et
gériatrie,
hôpital
des
Trois
Chêne,
hôpitaux
universitaires
de
Genève,
3,
chemin
du
Pont-Bochet,
1226
Thônex,
Genève,
Suisse
bService
d’endocrinologie,
diabétologie
et
nutrition,
département
des
spécialités
médicales,
hôpitaux
universitaires
de
Genève,
rue
Gabriel-Perret-Gentil
4,
1211
Genève,
Suisse
Disponible
sur
Internet
le
4
d´
ecembre
2012
MOTS
CLÉS
Troubles
de
la
déglutition
;
Dysphagie
;
Dépistage
;
Évaluation
Résumé
Les
troubles
de
la
déglutition
peuvent
être
causés
par
de
nombreuses
pathologies
neurologiques,
œsophagiennes,
oto-rhino-laryngologiques
(ORL)
ou
encore
être
d’origine
iatro-
gène.
Leur
présentation
clinique
est
souvent
insidieuse
et
peu
spécifique,
contribuant
ainsi
à
une
probable
sous-estimation
de
leur
prévalence.
En
pratique
gériatrique,
les
conséquences
de
la
dysphagie
sont
loin
d’être
négligeables
avec
un
risque
de
déshydratation,
de
malnutri-
tion
et
surtout
de
complications
infectieuses
respiratoires.
Souvent
négligés,
les
troubles
de
la
déglutition
justifient
donc
toute
l’attention
du
praticien
:
leur
identification
précoce
permet
de
fixer
des
objectifs
thérapeutiques
spécifiques
pour
chaque
patient
et
de
proposer
une
prise
en
charge
multidisciplinaire
individualisée
et
adaptée.
©
2012
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
KEYWORDS
Deglutition
disorders;
Dysphagia;
Screening;
Evaluation
Summary
Deglutition
disorders
can
be
caused
by
different
diseases,
including
neurological,
oesophageal,
oto-rhino-laryngological
etiologies
or
by
iatrogenicity.
Clinical
presentation
is
often
insidious
and
unspecific;
therefore
their
prevalence
is
probably
underestimated.
In
geria-
tric
patients,
consequences
of
dysphagia
are
well
known,
including
dehydration,
malnutrition
and
infectious
respiratory
complications.
As
deglutition
disorders
are
often
neglected,
an
early
identification
is
important
in
order
to
determine
therapeutic
objectives
for
each
patient
and
to
propose
a
multidisciplinary
individualized
intervention.
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2012
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correspondant.
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(A.
Forster).
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http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2012.10.005
108
A.
Forster
et
al.
Introduction
Chaque
individu
déglutit
environ
1000
fois
par
jour.
La
déglu-
tition,
phénomène
physiologique
simple
en
apparence,
est
un
processus
sensitivomoteur
semi-réflexe
complexe
et
par-
faitement
coordonné,
qui
permet
le
passage
sécurisé
et
rapide
d’un
matériel
donné
de
la
bouche
vers
l’estomac.
Les
troubles
de
la
déglutition
ou
dysphagie
sont
définis
par
des
difficultés
ou
l’impossibilité
d’avaler
des
liquides,
des
solides
ou
des
médicaments.
Le
processus
de
déglutition
peut
être
affecté
par
de
nom-
breux
facteurs.
Plus
particulièrement
chez
le
sujet
âgé,
le
nombre
de
comorbidités
[1]
et
la
multiplicité
des
médi-
caments
et
des
prises
médicamenteuses
[2]
augmentent
l’incidence
des
troubles
de
la
déglutition
dans
cette
popu-
lation.
Les
conséquences
sont
en
termes
de
sécurité
un
risque
accru
de
fausse
route
et
de
bronchopneumonies,
et
en
termes
d’efficacité
un
risque
de
déshydratation
et/ou
de
dénutrition.
Les
troubles
de
la
déglutition
sont
une
pathologie
fré-
quente,
probablement
sous-estimée
et
sous-diagnostiquée
dans
la
population
gériatrique
[3].
Leur
prévalence
dépend
du
type
de
population
considérée
mais
également
du
type
de
méthode
utilisée
pour
assurer
leur
diagnostic
ou
leur
dépistage.
Ainsi
dans
une
évaluation
par
auto-
questionnaire
auprès
d’une
population
de
personnes
âgées
de
plus
de
65
ans
et
vivant
de
fac¸on
indépendante
à
domicile
aux
États-Unis,
15
%
des
sujets
rapportent
des
difficultés
à
la
déglutition.
Vingt-trois
pour
cent
de
ces
sujets
considèrent
même
que
les
troubles
de
la
dégluti-
tion
font
partie
du
vieillissement
normal
[4].
Dans
une
autre
étude
réalisée
sur
une
population
similaire,
37
%
des
sujets
rapportent
des
troubles
de
la
déglutition
sur-
venus
ponctuellement
durant
leur
vie
et
32
%
signalent
des
difficultés
au
moment
de
l’enquête
[5].
Une
étude
espagnole
prospective
utilisant
un
test
de
déglutition
avec
différentes
consistances
dans
une
population
ambulatoire,
a
identifié
27
%
de
sujets
avec
des
signes
de
dysphagie
oropharyngée,
en
particulier,
les
sujets
âgés
de
80
ans
et
plus.
La
dépendance
fonctionnelle
(index
de
Barthel),
la
prise
de
benzodiazépines,
une
vitesse
de
marche
faible,
la
dépression
et
les
affections
neurodégénératives
étaient
statistiquement
associées
à
la
dysphagie
dans
cette
étude
[6].
Au
Japon,
13,8
%
des
sujets
de
plus
de
65
ans
à
domi-
cile
rapportent
des
symptômes
en
rapport
avec
la
dysphagie
[7].
Pour
les
patients
en
soins
de
longue
durée,
une
large
étude
taiwanaise
a
objectivé
des
troubles
de
la
déglutition
chez
51
%
des
sujets.
La
méthode
d’évaluation
combinait
un
autoquestionnaire,
un
examen
clinique
neurologique
et
un
test
de
déglutition
[8].
En
service
de
court
séjour,
la
prévalence
des
troubles
de
la
déglutition
est
principalement
estimée
à
partir
des
données
du
PMSI.
Aux
États-Unis,
à
partir
des
données
de
473
centres
hospitaliers
(National
Hospital
Discharge
Survey
[NHDS]),
l’incidence
s’élevait
à
40,6
%
quel
que
soit
l’âge
des
patients
et
à
73
%
après
75
ans.
La
présence
d’une
dyspha-
gie
était
associée
à
une
augmentation
de
40
%
de
la
durée
de
séjour
et
à
un
risque
relatif
de
décès
de
13,7
(IC
95
%
3,5—54,5),
ajusté
pour
le
sexe
et
pour
l’âge
[9].
La
prévalence
de
la
dysphagie
dans
la
population
géria-
trique
est
donc
loin
d’être
négligeable.
Cette
affection
Figure
1.
Schéma
simplifié
du
carrefour
aérodigestif
et
des
trois
principales
étapes
de
la
déglutition,
à
savoir
la
phase
orale
(1),
la
phase
pharyngée
(2)
et
la
phase
œsophagienne
(3).
mérite
d’être
connue
et
identifiée
par
le
praticien
au
vu
des
complications
potentielles
en
termes
de
morbidité
et
de
mortalité.
Physiologie
de
la
déglutition
normale
Pour
des
raisons
didactiques,
on
distingue
schématiquement
trois
phases
pendant
la
déglutition,
orale,
pharyngée
et
œsophagienne,
qui
peuvent
être
chacune
perturbées
par
de
multiples
pathologies
ou
prises
médicamenteuses
et
ainsi
occasionner
des
troubles
de
la
déglutition.
La
déglutition
est
un
processus
complexe
rapide,
en
partie
volontaire
et
en
partie
réflexe,
faisant
intervenir
dif-
férents
composants
sensitifs,
moteurs
et
psychologiques.
Différentes
aires
corticales,
en
particulier
l’opercule
fron-
topariétal
et
l’insula,
ainsi
que
le
tronc
cérébral
par
l’intermédiaire
de
plusieurs
nerfs
crâniens
(V,
VII,
IX,
X,
XII)
permettent
le
contrôle
de
la
déglutition
[10].
Comme
mentionné
plus
haut,
trois
phases
sont
distin-
guées
pendant
la
déglutition
normale
(Fig.
1).
Phase
orale
Cette
phase
peut
être
elle-même
séparée
en
deux
périodes.
Durant
la
phase
orale
préparatoire,
l’aliment
arrive
dans
la
cavité
buccale,
il
est
mastiqué,
réduit
en
taille
et
assou-
pli
en
consistance
s’il
est
solide
ou
semi-solide,
et
mélangé
à
la
salive.
La
pâte
ainsi
obtenue
forme
le
bol
alimentaire.
L’abaissement
du
palais
mou
contre
la
base
de
la
langue
évite
l’entrée
de
matériel
dans
le
pharynx
avant
le
déclen-
chement
de
la
déglutition.
Cette
phase
préparatoire
est
de
durée
variable
et
volontaire.
Pendant
la
phase
orale
de
transport,
le
bol
alimentaire
prêt
à
être
dégluti
est
placé
sur
la
pointe
de
la
langue.
La
formation
d’un
sillon
médian
et
l’élévation
de
la
langue
permettent
de
propulser
le
bolus
vers
l’oropharynx.
La
base
de
la
langue
s’abaisse
et
le
palais
mou
commence
à
s’élever.
Les
mouvements
de
la
langue
sti-
mulent
des
récepteurs
oropharyngés
qui
vont
déclencher
le
réflexe
de
déglutition
pharyngé.
De
nombreux
récepteurs
sensitifs
au
niveau
de
la
muqueuse
buccale,
de
la
mâchoire
Évaluation
et
dépistage
des
troubles
de
la
déglutition
en
gériatrie
109
et
des
muscles
masticateurs
permettent
d’adapter
la
force
de
mastication
et
de
la
langue
à
la
consistance
du
bolus
[11].
Phase
pharyngée
La
phase
pharyngée
est
réflexe
et
ne
peut
pas
être
inter-
rompue
une
fois
déclenchée.
Le
mécanisme
exact
de
déclenchement
(triggering)
de
cette
phase
n’est
pas
préci-
sément
connu
mais
fait
probablement
intervenir
des
stimuli
sensitifs
et
sensoriels,
comme
le
goût,
le
contact,
la
pres-
sion
et
la
température
[11].
Certains
stimuli,
comme
une
substance
acide,
peuvent
déclencher
un
réflexe
de
toux
au
lieu
d’une
déglutition.
La
phase
pharyngée
est
la
plus
compliquée
et
la
plus
critique
:
plusieurs
phénomènes
synchrones
interviennent.
L’élévation
du
palais
mou
permet
la
fermeture
vélo-
pharyngée
et
évite
ainsi
tout
reflux
du
bolus
vers
le
nasopharynx.
La
base
de
la
langue
se
rapproche
de
la
paroi
pharyngée
postérieure
et
participe
à
la
propulsion
du
bolus.
L’os
hyoïde
s’élève
et
avance
en
même
temps
que
l’épiglotte
s’abaisse
pour
protéger
les
voies
aériennes
inférieures
[12].
Lorsque
la
musculature
pharyngée
commence
sa
relaxation,
le
sphincter
supérieur
de
l’œsophage
(SSO)
s’ouvre,
permet-
tant
le
passage
du
bolus
vers
l’œsophage.
Phase
œsophagienne
Elle
débute
après
la
fermeture
du
SSO
et
se
termine
par
l’arrivée
du
bolus
dans
l’estomac.
Le
péristaltisme
œsopha-
gien
comprend
une
première
phase
déclenchée
pendant
la
déglutition
par
des
récepteurs
de
la
paroi
pharyngée
posté-
rieure.
La
seconde
phase
péristaltique
est
enclenchée
par
l’arrivée
du
bolus
et
la
dilatation
de
l’œsophage.
Les
troubles
de
la
déglutition
Troubles
de
la
déglutition
liés
au
vieillissement
physiologique
Différentes
modifications
surviennent
avec
l’âge
même
chez
le
sujet
sain,
ayant
conduit
au
concept
de
«
presbyphagie
».
La
sensibilité
au
niveau
pharyngé
et
laryngé
diminue
avec
l’âge
et
le
seuil
de
déclenchement
du
réflexe
pharyngé
devient
plus
long
à
atteindre
[13—15].
Chez
des
sujets
âgés
sains,
la
phase
oropharyngée
s’allonge,
la
phase
pharyngée
réflexe
est
plus
tardive
et
le
risque
de
résidus
pharyngés
aug-
menté.
Le
SSO
s’ouvre
plus
lentement
et
avec
une
moindre
amplitude.
Parallèlement,
les
sujets
âgés
présentent
souvent
une
diminution
de
la
sensibilité
gustative
et
des
odeurs,
mais
également
une
tendance
accrue
à
la
sécheresse
buccale
et
aux
problèmes
buccodentaires.
Causes
de
troubles
de
la
déglutition
liées
aux
pathologies
De
multiples
pathologies
peuvent
être
à
l’origine
de
troubles
de
la
déglutition.
Pour
des
raisons
didactiques,
nous
distinguerons
les
causes
neurologiques,
oto-rhino-
laryngologiques
(ORL)
et
œsophagiennes.
Nous
citerons
ensuite
les
principales
causes
iatrogènes
et
des
causes
plus
rares
de
troubles
de
la
déglutition.
Causes
neurologiques
Les
accidents
cérébraux
vasculaires
Les
accidents
cérébraux
vasculaires
(AVC)
représentent
une
cause
importante
de
dysphagie,
en
particulier,
lorsqu’ils
touchent
le
tronc
cérébral
ou
les
aires
corticales
impli-
qués
dans
la
déglutition.
En
particulier,
une
atteinte
de
l’opercule
frontopariétal,
de
l’insula
ou
des
noyaux
des
nerfs
crâniens
impliqués
(V,
VII,
IX,
X,
XII)
sur
le
tronc
cérébral
peut
être
la
cause
de
troubles
de
la
dysphagie.
L’incidence
des
troubles
de
la
déglutition
à
la
phase
aiguë
varie
entre
25
et
81
%
selon
les
études
[16,17]
et
peut
atteindre
11
à
50
%
chez
les
survivants
à
six
mois
[17,18].
Ces
variations
impor-
tantes
d’incidence
s’expliquent
principalement
par
le
type
de
méthodes
diagnostiques
utilisées,
les
techniques
instru-
mentales
(vidéofluoroscopie
[VFS]
ou
endoscopie
flexible
par
voie
nasale)
s’avérant
être
les
plus
sensibles,
comparées
à
des
méthodes
cliniques
ou
à
des
techniques
de
dépistage
au
lit
du
malade
[16].
À
la
phase
aiguë
d’un
AVC,
la
présence
d’une
dysphagie
est
associée
avec
une
mortalité
accrue,
une
durée
de
séjour
plus
longue
[19],
une
moindre
récupéra-
tion
fonctionnelle
et
un
risque
accru
d’institutionnalisation
[20].
Dans
une
étude
de
cohorte
rétrospective
récente,
l’évaluation
de
la
déglutition
à
la
phase
initiale
d’un
AVC
était
associée
de
fac¸on
indépendante
avec
un
meilleur
pronostic
en
termes
de
mortalité
intra-hospitalière
et
d’admission
en
institution
[21].
La
maladie
de
Parkinson
La
prévalence
de
la
dysphagie
dans
la
maladie
de
Par-
kinson
varie
entre
30
%
et
plus
de
80
%
selon
les
études
et
le
type
de
méthode
diagnostique
utilisée
[22].
Les
troubles
de
la
déglutition
peuvent
survenir
très
tôt
dans
l’évolution
de
la
maladie,
voire
même
précéder
l’apparition
des
autres
signes
moteurs
classiques
[23,24].
Leur
pré-
sence
n’est
donc
pas
forcément
un
signe
de
progression
de
la
maladie.
La
rigidité,
la
bradykinésie
et
un
tremble-
ment
de
la
langue
ou
de
la
musculature
orale
peuvent
allonger
la
phase
orale.
Des
résidus
alimentaires
buccaux
et
une
accumulation
de
salive
au
niveau
de
la
bouche
perturbent
également
la
déglutition.
Ces
modifications
aug-
mentent
le
risque
d’aspiration
et
de
broncho-pneumonie
[22].
Les
conséquences
psychosociales
de
la
dysphagie,
en
particulier
sur
la
qualité
de
vie,
sont
d’autant
plus
mar-
quées
que
les
troubles
de
la
déglutition
sont
sévères
[25].
Une
dysfonction
œsophagienne
peut
également
affecter
la
déglutition.
Les
patients
parkinsoniens
sont
à
risque
majeur
d’aspiration
et
de
bronchopneumonie,
cette
dernière
ayant
été
confirmée
comme
facteur
prédictif
indépendant
de
mortalité
dans
une
population
de
parkinsoniens
vivant
en
institution
[26].
D’autres
syndromes
extrapyramidaux,
comme
la
para-
lysie
supranucléaire
progressive,
la
dégénérescence
cor-
ticobasale,
la
démence
à
corps
de
Lewy,
l’atrophie
multisystémique,
beaucoup
plus
rares,
peuvent
entraîner
des
troubles
de
la
déglutition.
110
A.
Forster
et
al.
Les
démences
Toutes
les
types
de
démences
peuvent
s’accompagner
de
troubles
de
la
déglutition,
en
particulier
en
fin
d’évolution
de
la
maladie,
et
sont
alors
souvent
aggravés
par
des
troubles
de
l’attention,
de
la
concentration
et
des
pro-
blèmes
praxiques.
Une
étude
récente
par
VFS
a
montré
que
différentes
phases
de
la
déglutition
pouvaient
être
affec-
tées
selon
le
type
de
démence
considéré.
Les
patients
avec
démence
de
type
Alzheimer
présentent
un
allongement
du
transit
oral
pour
les
liquides,
tandis
que
les
patients
atteints
de
démence
vasculaire
ont
des
difficultés
pour
la
mastica-
tion
et
la
formation
du
bolus,
mais
aussi
un
risque
accru
d’aspiration
silencieuse
et
d’inversion
épiglottique
[27].
En
neuro-imagerie
fonctionnelle,
le
contrôle
cortical
de
la
déglutition
est
modifié
précocement
chez
les
patients
Alz-
heimer,
bien
avant
l’apparition
de
manifestations
cliniques.
Ces
patients
activent
moins
d’aires
corticales
lors
de
la
déglutition,
sans
possibilité
de
compensation
par
d’autres
aires
associées
[28].
La
sclérose
latérale
amyotrophique
(SLA)
Cette
pathologie
plutôt
rare
en
gériatrie,
peut
se
traduire
par
des
symptômes
bulbaires
chez
près
de
30
%
des
patients
au
stade
de
début.
Les
troubles
de
la
déglutition
et
la
dysarthrie
deviennent
quasiment
inéluctables
au
cours
de
l’évolution
de
la
maladie
[29].
La
dysphagie
peut
résulter
d’une
faiblesse
ou
d’une
spasticité
des
différents
muscles
impliqués
dans
la
déglutition.
La
dysphagie
affecte
les
prises
alimentaires
avec
un
risque
de
malnutrition,
inhalation
et
bronchopneumonie.
La
malnutrition
est
un
facteur
de
risque
indépendant
de
décès
dans
la
SLA
[30,31]
et
le
dépistage
et
la
prise
en
charge
des
troubles
de
la
déglutition
est
un
enjeu
majeur
dans
l’approche
thérapeutique
des
patients
atteints
de
SLA.
Causes
rares
de
troubles
de
la
déglutition
Citons
enfin
des
causes
plus
rares
de
troubles
de
la
dégluti-
tion
chez
la
personne
âgée,
comme
des
tumeurs,
d’autres
affections
neuro-dégénératives
telle
que
la
maladie
de
Huntington,
la
paralysie
faciale
a
frigore,
des
atteintes
infectieuses
(encéphalites,
syndrome
post-poliomyélite,
VIH,
neuroborréliose)
ou
inflammatoires
(sclérose
en
plaques,
syndrome
de
Guillain
Barré).
Causes
oto-rhino-laryngologiques
(ORL)
Parmi
les
principales
causes
ORL,
on
retient
les
causes
tumorales
quelle
que
soit
leur
localisation
sur
le
trac-
tus
oropharyngé,
mais
aussi
les
séquelles
ou
conséquences
d’anciennes
interventions
thérapeutiques
(chirurgie,
radio-
thérapie,
curage
ganglionnaire).
Un
certain
nombre
de
gestes
thérapeutiques
ou
diagnostiques,
comme
une
tra-
chéotomie,
une
intubation,
la
mise
en
place
d’une
sonde
nasogastrique,
une
chirurgie
(ORL,
endartériectomie
caro-
tidienne,
cure
d’une
sténose
du
canal
rachidien
cervical)
ou
des
séances
de
radiothérapie
au
niveau
de
la
région
cervi-
cale
et
buccale
peuvent
se
compliquer
par
des
lésions
du
nerf
vague,
du
nerf
récurrent
ou
hypoglosse
[32,33]
même
tardives,
et
ainsi
causer
des
troubles
de
la
déglutition.
Causes
œsophagiennes
Différentes
pathologies
peuvent
affecter
le
fonctionne-
ment
normal
de
la
motilité
œsophagienne
:
l’achalasie,
les
spasmes
œsophagiens,
le
reflux
gastro-œsophagien
ou
encore
la
sclérodermie.
On
peut
observer
des
diverticules
œsophagiens
(Zen-
ker
ou
épiphréniques)
ou
la
présence
d’une
sténose
œsophagienne.
Celle-ci
peut
être
d’origine
peptique,
post-traitement
endoscopique
(laser,
sclérose
de
varices),
radique
ou
caustique,
liée
à
des
malformations
de
type
anneau,
diaphragme
ou
encore
dans
le
cadre
d’un
syndrome
de
Plummer-Vinson.
Citons
enfin
les
causes
tumorales
pou-
vant
être
responsables
d’une
compression
intrinsèque
ou
extrinsèque
et
les
atteintes
inflammatoires
de
type
œso-
phagite.
Causes
iatrogènes
Les
médicaments
peuvent
directement
causer
des
troubles
de
la
déglutition
ou
aggraver
une
dysphagie
sous-jacente
et
cela
par
différents
mécanismes
[34].
Certains
médicaments
engendrent
un
effet
sédatif
ou
une
dépression
du
système
nerveux
central.
C’est
le
cas
de
tous
les
psychotropes,
comme
les
antidépresseurs,
les
anxioly-
tiques,
les
antipsychotiques,
les
agents
hypnotiques
et/ou
sédatifs
et
les
antiépileptiques
dans
une
moindre
mesure.
Un
blocage
de
la
jonction
neuromusculaire,
en
particu-
lier
dans
les
cas
de
myasthénie,
peut
être
causé
par
certains
antibiotiques
(aminoglycosides,
érythromycine),
la
toxine
botulique
ou
la
pénicillamine.
Les
corticostéroïdes,
la
colchicine
ou
les
agents
hypo-
lipémiants
peuvent
entraîner
un
effet
musculaire
de
type
myopathie
ou
myosite.
L’effet
antidopaminergique
de
certains
neuroleptiques,
antiémétiques
(métoclopramide)
ou
antiparkinsoniens
se
manifeste
par
des
effets
extrapyramidaux
et
des
dyskiné-
sies,
entre
autre
au
niveau
buccofacial
et
peut
ainsi
causer
des
troubles
de
la
déglutition.
Tous
les
médicaments
à
effet
anticholinergique
citons
entre
autres
les
antidépresseurs
tricycliques,
les
inhibiteurs
sélectifs
de
la
recapture
de
la
sérotonine,
les
antiparkinso-
niens,
les
alphabloquants
sont
source
d’hyposialorrhée
et
de
xérostomie.
L’utilisation
d’opiacés,
d’agents
rétinoïdes
ou
encore
de
bronchodilatateurs
inhalés
peut
également
occasionner
une
xérostomie.
L’irritation
de
la
muqueuse
œsophagienne
est
une
autre
cause
de
dysphagie
[35],
en
particulier
chez
les
patients
âgés
rencontrant
des
difficultés
pour
assurer
la
prise
correcte
de
certains
médicaments,
comme
les
biphosphonates
per
os.
Les
AINS,
les
tétracyclines
et
les
préparations
de
chlo-
rure
de
potassium
per
os
sont
également
potentiellement
responsables
de
cet
effet.
Causes
rares
La
présence
d’ostéophytes
cervicaux
ventraux
a
été
décrite
comme
cause
inhabituelle
de
dysphagie
[36].
Il
convient
de
mentionner
les
pathologies
neuromus-
culaires
comme
la
myasthénie,
les
myopathies
inflam-
matoires,
telles
que
les
polyomyosites
ou
les
dermato-
myosites,
les
myopathies
d’origine
toxique
ou
métabo-
lique
(thyrotoxicose)
et
certains
syndromes
paranéopla-
siques.
Évaluation
et
dépistage
des
troubles
de
la
déglutition
en
gériatrie
111
Certaines
pathologies
infectieuses
(diphtérie,
botulisme,
maladie
de
Lyme,
syphilis,
herpès)
ou
encore
métaboliques
(amyloïdose,
maladie
de
Wilson,
hypercorticisme)
sont
des
causes
exceptionnelles
de
dysphagie
en
gériatrie.
Complications
des
troubles
de
la
déglutition
Deux
aspects
importants
de
la
dysphagie
doivent
être
consi-
dérés
:
l’efficacité
et
la
sécurité
de
la
déglutition.
L’efficacité
de
la
déglutition
peut
être
altérée
avec
des
apports
oraux
insuffisants
et
donc
un
risque
de
déshydra-
tation
et
de
malnutrition.
La
relation
entre
malnutrition
et
troubles
de
la
déglutition
a
été
principalement
décrite
dans
des
populations
bien
spécifiques,
comme
chez
les
patients
avec
AVC
ou
maladie
de
Parkinson.
En
soins
de
longue
durée,
une
étude
finlandaise
a
montré
une
asso-
ciation
significative
entre
la
malnutrition
et
les
troubles
de
la
déglutition
(OR
3,03)
[37].
À
la
phase
initiale
d’un
AVC,
Smithard
et
al.
ont
montré
que
la
présence
initiale
de
troubles
de
la
déglutition
était
associée
significative-
ment
avec
le
risque
d’institutionnalisation
à
trois
mois
et
la
mortalité
précoce
pendant
les
trois
premiers
mois
[20].
Dans
une
population
de
patients
tout
venant
de
plus
de
70
ans
vivant
à
domicile,
les
patients
dyspha-
giques
présentaient
une
prévalence
significativement
plus
importante
de
situations
de
malnutrition
ou
à
risque
de
malnutrition
(évaluée
par
le
mini-nutritional-assessment
[MNA])
[38].
L’identification
précoce
des
troubles
de
la
déglutition
est
donc
essentielle
pour
prévenir
les
complications
sur
le
plan
nutritionnel
de
la
dyspha-
gie.
La
sécurité
de
la
déglutition
est
un
autre
aspect
important
à
considérer.
L’incidence
des
bronchopneumo-
nies
d’aspiration
augmente
avec
l’âge,
concernant
près
de
10
%
des
patients
vivant
à
domicile
admis
à
l’hôpital
pour
ce
motif
et
plus
de
30
%
pour
les
patients
vivant
en
ins-
titution
[39].
La
présence
d’aspirations
à
la
VFS
est
un
facteur
prédictif
de
pneumonie
et
de
mortalité
dans
les
suites
d’un
AVC
[40].
Dans
une
étude
de
cohorte
prospective
récente,
la
prévalence
de
la
dysphagie
oropharyngée
chez
des
patients
âgés
de
plus
de
70
ans
admis
en
court
séjour
gériatrique
pour
pneumonie,
était
de
55
%.
Les
patients
avec
des
signes
de
dysphagie
présentaient
une
dépendance
fonctionnelle
plus
marquée,
un
âge
plus
important,
une
pré-
valence
plus
élevée
de
malnutrition
et
de
comorbidités
et
surtout
une
mortalité
accrue
à
30
jours
[41].
Les
consé-
quences
infectieuses
des
fausses
routes
au
plan
respiratoire
sont
donc
majeures
en
termes
de
morbidité
et
de
morta-
lité.
Les
troubles
de
la
déglutition
:
leur
évaluation
au
quotidien
L’évaluation
d’un
patient
présentant
des
troubles
de
la
déglutition
ou
à
risque
implique
un
certain
nombre
d’étapes
fondamentales.
En
dehors
de
la
situation
de
fausse
route
cliniquement
évidente
entraînant
une
broncho-aspiration
directement
objectivée
par
le
soignant,
leur
reconnaissance
n’est
pas
toujours
aisée.
Une
anamnèse
et
un
examen
cli-
nique
soigneux
constituent
un
préalable
indispensable
avant
de
procéder
à
une
évaluation
clinique
au
lit
du
malade
ou
à
des
examens
complémentaires,
qui
seront
détaillés
plus
loin.
Que
rechercher
à
l’anamnèse
?
Comme
dans
toute
évaluation
gériatrique,
il
convient
de
préciser
les
antécédents
et
diagnostics
actuels
du
patient,
plus
particulièrement
neurologiques,
ORL
ou
œsophagiens.
L’interrogatoire
détaille
les
plaintes
subjectives
en
rapport
avec
la
déglutition
(salive,
douleurs
à
la
déglutition,
sen-
sation
de
blocage.
.
.),
les
traitements
médicamenteux
en
cours,
le
contexte
social
(entourage,
aidant
présent
lors
de
la
prise
des
médicaments
ou
des
repas)
et
le
type
d’alimentation
utilisé
habituellement
(difficultés
pour
cer-
taines
consistances
ou
textures).
Il
est
important
de
retenir
que
les
signes
cliniques
de
la
dysphagie
varient
beaucoup
d’un
patient
à
l’autre
et
peuvent
fluctuer
au
cours
du
temps
chez
un
même
sujet.
De
plus,
les
patients
signalent
rare-
ment
les
troubles
de
la
déglutition,
les
considérant
comme
«normaux
»[4],
surtout
si
leur
installation
est
progressive
et
insidieuse.
Une
anamnèse
soigneuse
et
répétée
au
besoin,
auprès
du
patient
mais
aussi
des
aidants
présents
lors
des
prises
médicamenteuses
et/ou
de
repas,
est
donc
indispen-
sable
pour
dépister
des
troubles
de
la
déglutition.
Au
besoin,
une
observation
du
patient
pendant
un
repas
ou
lors
d’une
tentative
de
déglutition
pourra
compléter
le
bilan.
En
dehors
de
la
situation
d’urgence
d’une
broncho-
aspiration
sur
fausse
route
évidente,
les
signes
évocateurs
de
dysphagie
sont
souvent
peu
spécifiques.
La
régurgitation
d’aliments
ou
de
liquides
peut
se
faire
par
la
bouche
(insuffisance
de
fermeture
labiale
par
exemple,
«
drooling
»
en
anglais)
ou
par
le
nez.
Lorsque
le
patient
ne
peut
pas
garder
le
bolus
alimentaire
suffisamment
longtemps
en
bouche,
celui-ci
peut
glisser
dans
l’oropharynx
de
fac¸on
prématurée
avant
le
déclenchement
du
réflexe
de
déglutition
«
leaking
».
Des
résidus
alimentaires
peuvent
persister
dans
la
bouche
après
la
déglutition
«
retention
»
et
le
bolus
déjà
dégluti
peut
parfois
régurgiter
de
l’œsophage
vers
la
bouche
«
regurgitation
».
La
durée
du
repas
ou
de
la
mastication
peut
être
prolongée
et
une
modification
de
la
voix
(voix
mouillée)
peut
survenir
pendant
la
dégluti-
tion.
D’autres
signes
moins
spécifiques
peuvent
témoigner
de
troubles
de
la
déglutition
sous-jacents,
comme
des
modifications
de
la
respiration
ou
une
toux
pendant
les
repas,
la
réduction
ou
un
refus
des
prises
alimentaires,
une
modification
progressive
dans
le
type
de
texture
acceptée
par
le
patient,
des
infections
pulmonaires
à
répé-
tition,
des
pics
fébriles
ou
un
amaigrissement
inexpliqués
[42,43].
L’efficacité
de
ce
dépistage
clinique
reste
néanmoins
limitée.
Dans
une
population
de
patients
avec
AVC,
moins
de
50
%
des
mesures
présentaient
un
accord
inter-
et
intra-
juge
suffisant
pour
prédire
le
risque
d’aspiration
en
se
basant
uniquement
sur
des
données
d’anamnèse
ou
de
l’examen
clinique
réalisé
par
une
orthophoniste
[44].
La
sensibilité
et
la
spécificité
des
données
cliniques
pour
pré-
dire
le
risque
d’aspiration
dans
une
population
similaire
de
patients
âgés
s’élève
à
respectivement
78
%
et
58
%
[43].
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