La common law ne prévoit aucune disposition précise concernant la divulgation d’information aux membres de la
famille et, bien que l’information soit souvent communiquée à la famille, il n’existe aucun fondement juridique en
common law en faveur d’une divulgation sans le consentement du patient. Le consentement du patient devrait
donc normalement être obtenu. Les lois de certaines provinces autorisent certains types de divulgation aux
membres de la famille, dans des situations précises. En Alberta, par exemple, la Health Information Act accorde un
pouvoir discrétionnaire législatif en ce qui a trait à la divulgation de certains renseignements aux membres de la
famille, sans le consentement du patient4. Il importe cependant de noter que toute opposition à cette divulgation,
qui serait formulée expressément par le patient, aurait alors préséance. La Loi précise que l’information peut être
divulguée :
« aux membres de la famille du patient ou à une autre personne avec laquelle le patient est réputé avoir des
rapports personnels étroits, si l'information est formulée en des termes généraux et qu'elle concerne la présence,
l'état, le diagnostic, les progrès et le pronostic du patient le jour de la divulgation, ou l'endroit où il se trouve, et
que cette divulgation ne va pas à l'encontre d'une demande expresse du »(traduction).
Un autre article stipule qu'il peut aussi y avoir divulgation :
« si le patient est blessé, malade ou décédé, afin de pouvoir communiquer avec les membres de la famille du
patient, une autre personne avec laquelle le patient est réputé avoir des rapports personnels étroits ou un ami, à
la condition que cette divulgation ne va pas à l'encontre ».
Dans le cas présent, M. Worth a explicitement demandé que l'information ne soit pas communiquée à sa femme;
des articles de cette nature ne permettraient donc pas la divulgation sans le consentement de ce dernier.
Q3. Dans quelles circonstances des renseignements confidentiels doivent-ils être divulgués?
Le Code de déontologie de l'AMC stipule que le médecin doit « tenir compte d'abord du mieux-être du patient »1, et
c'est cette exigence qui sous-tend l'obligation de protéger la confidentialité du patient. M. Worth est le patient; sa
femme et son enfant ne sont pas les patients du médecin. C'est donc envers M. Worth que le médecin a une
obligation de loyauté. Cependant, il arrive parfois que le médecin se demande si des craintes pour la santé et la
sécurité d'autrui pourraient avoir priorité sur son devoir éthique de protéger la confidentialité de l'information. Il
pourrait sembler raisonnable d'estimer que la divulgation de renseignements personnels pourrait être éthiquement
justifiée si de graves menaces de préjudice à autrui pourraient être évitées par cette divulgation. Dans le cas
présent, le risque de dommage corporel à l'enfant pourrait constituer un motif éthique suffisant pour justifier la
communication de certains renseignements à la femme de Worth, tout comme pourraient l'être les graves
préjudices financiers pour la famille qui résultent de la consommation de cocaïne par M. Worth.
Cependant, comme il fut mentionné précédemment, le Code stipule que, si le médecin doit divulguer des
renseignements confidentiels sans le consentement du patient, il doit le faire « lorsque la loi l’exige, par exemple
lorsque le maintien de la confidentialité risquerait de causer un préjudice grave à des tiers… ».
Le droit définit aussi certaines orientations pour déterminer si les conditions qui justifient la divulgation sont
réunies. De fait, la common law définit une exception à l’interdiction de divulgation sans le consentement du
patient – il s’agit de la sécurité publique. Une affaire qui est souvent citée aux États-Unis en référence à cette
question est celle de Tarasoff c. Regents of the University of California5. Dans cette cause, un patient avait informé
un psychologue de son intention de tuer son ex-petite amie à son retour des vacances estivales. Le psychologue a
estimé qu’il était de son devoir de déroger à son obligation de confidentialité et d’informer les autorités locales; ces
dernières n’ont fait que communiquer avec l’homme en question, sans plus, car ce dernier leur semblait sain
d’esprit. L’homme a toutefois mis ses menaces à exécution et tué la jeune femme, et la famille de la victime a
intenté des poursuites. Dans la décision rendue par la Cour suprême de la Californie, le juge Tobriner a conclu :
« Lorsqu’un thérapeute détermine, ou devrait déterminer selon les normes régissant sa profession, que son patient
présente un grave danger de préjudice pour autrui, il a l’obligation d’être raisonnablement diligent, afin de
protéger la victime présumée contre ce danger. Cette obligation peut exiger du thérapeute qu’il adopte une ou
plusieurs mesures, selon la nature de la cause. Il pourrait ainsi être tenu de mettre en garde la victime ou une
autre personne susceptible d’informer la victime du danger, de prévenir la police ou de prendre d’autres mesures
raisonnablement nécessaires dans les circonstances » (traduction). Le tribunal a donc jugé qu’il était non
seulement laissé à la discrétion du professionnel de la santé de divulguer cette information, mais qu’il était du
devoir positif du psychologue de le faire. Le tribunal a également conclu que, même si le thérapeute avait prévenu
les autorités locales, cette mesure n’avait pas été suffisante et d’autres mesures auraient dû être prises.
Le jugement Tarasoff n’a pas force exécutoire sur les tribunaux canadiens, mais a néanmoins été pris en