Soins de santé L'heure est venue de faire plus pour le diabète en luttant contre l'inertie clinique David Strain au nom du comité de direction de Time2DoMoreTM En physique, l'inertie décrit la résistance au mouvement. Appliqué à la médecine, ce terme décrit, de façon similaire, la résistance au changement. De manière plus spécifique, l'inertie est la différence entre les soins médicaux qui devraient être visés et ceux réellement prodigués. Des études ont montré que l'inertie clinique est un problème fréquent dans le cadre du traitement du diabète de type 21 (encadré 1). Malgré la disponibilité d'un nombre sans précédent de traitements, près de la moitié des patients continuent d'éprouver des difficultés à contrôler leur glycémie. À quoi l'inertie clinique est-elle due ? Le diabète est une condition complexe et progressive, ce qui signifie qu'elle requiert inévitablement une intensification du traitement au fil du temps. L'inertie clinique peut se manifester à tout moment au cours de l'évolution du diabète, et ne peut être surmontée que par une action conjointe des médecins et des personnes atteintes de diabète. Cette collaboration constitue la pierre angulaire du projet Time2DoMoreTM. Le projet Time2DoMore a été récemment publié dans Diabetes Research & Clinical Practice (DRCP).2 Cette enquête a étudié les causes de l'inertie clinique liée au 36 DiabetesVoice diabète dans six pays : le Brésil, l'Espagne, les États-Unis, l'Inde, le Japon et le Royaume-Uni. Au total, 337 médecins et 652 personnes atteintes de diabète ont répondu à un questionnaire en ligne. Sur la base des résultats obtenus, nous avons formulé quatre principes simples à l'intention des médecins et quatre autres à l'adresse des personnes atteintes de diabète qui, d'après nous, peuvent améliorer les soins du diabète dans le monde. Les principes clés à l'intention des médecins, définis dans DRCP, sont présentés dans l'encadré 2. Nous examinerons ici Encadré 1. Définitions de l'inertie clinique Pour les personnes chez qui un diabète de type 2 a été récemment diagnostiqué, l'inertie clinique se définit comme l'incapacité à démarrer un traitement au moment le plus approprié (généralement au moment du diagnostic). Le traitement pour réduire les taux de glycémie débute généralement par une modification des schémas d'alimentation et d'activité physique et peut inclure un ou plusieurs hypoglycémiants oraux. Pour les personnes déjà sous traitement pour le diabète de type 2, on parle d'inertie clinique en l'absence d'intensification du traitement, que ce soit par une augmentation des doses, des comprimés supplémentaires ou l'introduction de l'insuline, au moment le plus approprié (généralement lorsque les taux de glycémie dépassent l'objectif fixé par le médecin et le patient). Septembre 2014 • Volume 59 • Numéro 3 Soins de santé la manière dont les résultats de l'enquête affectent les personnes atteintes de diabète et posent des jalons pour l'amélioration des résultats. Encadré 2. Principes clés formulés à l'intention des médecins en vue d'optimiser la gestion du diabète 1. Les résultats de santé des personnes atteintes de diabète sont notamment fonction de la communication entre ces personnes et les professionnels des soins de santé en tant qu'équipe. 2. Il est du devoir de cette équipe de se fixer des objectifs communs réalistes et de conclure un contrat en vue de les atteindre. L'inertie clinique débute souvent au moment du diagnostic Seul un tiers environ des personnes atteintes de diabète ont accepté leur diagnostic et les réactions différaient dans la majorité des cas (Figure 1). Bien que les médecins aient pris le temps de souligner l'importance de Figure 1. Réactions des personnes atteintes de diabète au moment du diagnostic. Effrayé Déprimé 3. Les soins doivent être personnalisés en fonction des besoins de la personne atteinte de diabète, en ne se limitant pas à poursuivre les objectifs en matière de glycémie, de pression artérielle ou de lipides. Acceptation Nerveux Résigné Confus Détaché Choqué 4. Les acheteurs et les prestataires doivent encourager une gestion adéquate de la condition dès le début afin d'optimiser la qualité de vie des personnes atteintes de diabète. Coupable Positif Figure 2. Réactions des personnes atteintes de diabète aux explications des complications au moment du diagnostic dans le cadre de l'enquête Time2DoMore. Sentiments à l'égard des complications au moment du diagnostic : 63 % savaient que ces problèmes de santé pourraient les affecter dans le futur, mais le risque semblait éloigné 25 % étaient dévastés à l'idée de développer des complications 9 % ne25% se sentaient % aucun de of the 3Pakistani pas réellement concernés ces sentiments population is classified as Complications qui préoccupaient le plus les patients : overweight and obese. Problèmes de vision / perte de la vue / rétinopathie Cœur / maladies cardiaques Reins / problèmes rénaux Problèmes de circulation Problèmes au niveau des pieds / jambes Autres Base : Tous les patients se souvenant d'avoir discuté des complications potentielles du DT2 avec leur médecin au 4e trimestre (n=200) Septembre 2014 • Volume 59 • Numéro 3 DiabetesVoice 37 Soins de santé soins du diabète de qualité pour éviter le risque de complications telles que des maladies cardiaques et rénales, trois quarts des personnes atteintes de diabète ont déclaré ne pas se sentir concernées par ce risque ou le considérer comme très limité. Celles qui se sentaient concernées étaient essentiellement préoccupées par le risque de problèmes de vue (Figure 2). En outre, bien que la majorité des médecins aient estimé avoir suffisamment expliqué le risque d'hypoglycémie (hypos), moins d'une personne atteinte de diabète sur dix était consciente que ces hypos pouvaient être mortelles. Interrogées de manière plus spécifique sur les hypos, seule une personne sur trois environ a déclaré signaler à son médecin chacune de ses hypos et 3 % seulement ont répondu correctement aux sept questions (Figure 3). Il s'agit là d'un exemple de rupture de la communication qui pourrait causer des problèmes de gestion du diabète. Le premier de nos principes souligne la nécessité d'une bonne communication pour parvenir à un contrôle adéquat du diabète. Personnalisation des soins Le choix des médicaments donnés à une personne atteinte de diabète est fonction de plusieurs facteurs, tels que l'âge, les pathologies concomitantes et l'état de fonctionnement du reste de l'organisme, en particulier la capacité de filtrage des reins. Cela nous amène au deuxième principe pour l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de diabète. Chaque personne atteinte de diabète est différente. Ce principe simple constitue l'un des facteurs les plus importants de la gestion du diabète. Une même approche de la gestion du diabète pourra sauver la vie d'une personne mais en tuer une autre. Il va de soi que le choix fait par le médecin est fonction des informations qu'il reçoit. La meilleure façon pour la personne atteinte de diabète de créer une individualité consiste à parler d'elle à son médecin. Une fois de plus, la solution réside dans la communication. Figure 3. Réponses des personnes atteintes de diabète au quiz en six points sur l'hypoglycémie dans le cadre de l'enquête Time2DoMore Des « hypos » importantes peuvent vous faire perdre conscience (évanouissement) et déboucher sur une crise d'épilepsie - VRAI En cas « d'hypos », vous pouvez vous sentir essoufflé - VRAI La meilleure solution pour éviter une « hypo » est de manger une barre de chocolat riche en calories - FAUX Certains médicaments augmentent le risque « d'hypos » - VRAI La consommation d'alcool peut augmenter le risque « d'hypos » - VRAI Ont répondu correctement Les « hypos » peuvent être associées à une augmentation du risque de problèmes cardiaques - VRAI Base : Tous les répondants (n=652) Nombre de réponses incorrectes données lors du quiz Remarque : l'addition des chiffres peuvent ne pas donner un total de 100 % en raison des arrondis Nombre moyen de réponses incorrectes Différences intéressantes : Les patients obèses ont commis plus d'erreurs que ceux en surpoids Base : Tous les répondants (n=652) 38 DiabetesVoice Septembre 2014 • Volume 59 • Numéro 3 Soins de santé Que peut faire d'autre la personne atteinte de diabète ? L'autonomisation du patient par le biais de l'éducation constitue une étape essentielle en vue d'améliorer la santé. Dans l'enquête Time2DoMore, seule la moitié environ des personnes prévoyaient d'adapter leur alimentation et moins de 40 % de suivre les conseils en matière d'activité physique, bien que la quasi totalité des médecins (96 %) aient indiqué avoir recommandé de tels changements de style de vie. On est là en présence d'un autre phénomène bien connu – le malentendu consistant à tenir le médecin responsable du diabète. Le troisième principe s'attaque à cette attitude : inévitable. Cela nous amène à notre dernier principe pour améliorer la vie avec le diabète. L'enquête Time2DoMore montre qu'une meilleure communication permet de résoudre presque tous les aspects de l'inertie clinique associée au diabète. Nous sommes convaincus qu'en suivant cette approche simple en 4 étapes (Encadré 3) et en collaborant avec les équipes de soins de santé, les personnes atteintes de diabète peuvent améliorer leur qualité de vie et leur état de santé. David Strain Ce principe ne dégage nullement le médecin ou les membres de la famille de leur obligation d'apporter un soutien et de proposer des options de traitement optima, mais reconnaît que le patient est au centre de tout et que c'est lui qui jouit du contrôle ultime sur sa santé. Même si la personne atteinte de diabète et son médecin sont pleins de bonnes intentions et ont constitué un partenariat avec des objectifs de traitement communs, une progression de la maladie est possible et souvent David Strain est médecin au sein du département de diabète et de médecine vasculaire de la faculté de médecine de l'Université d'Exeter, au Royaume-Uni. Remerciements Les auteurs tiennent à exprimer leur sincère gratitude à l'ensemble des participants à l'enquête. L'étude a été financée par Novartis. David Strain voudrait remercier le National Institute for Health Research (NIHR) Exeter Clinical Research Facility et le projet du NIHR Biomedical Research Centre pour leur soutien. Il précise avoir reçu des honoraires personnels de Boehringer Ingelheim et Pfizer, ainsi que des subventions et des honoraires personnels de Novo Nordisk et Novartis. Membres du comité de direction Sir Michael Hirst, Président de la Fédération internationale du diabète Encadré 3. Vivre avec le diabète : une approche en 4 étapes pour améliorer la santé des personnes atteintes de diabète 1. La santé et le bien-être à long terme d'une personne atteinte de diabète est fonction de la communication entre cette personne, sa famille, ses amis et ses soignants et les médecins, le personnel infirmier et les autres professionnels de la santé travaillant à leurs côtés. 2. Chaque personne atteinte de diabète est différente. 3. Toute personne atteinte de diabète est tenue d'accepter la responsabilité de sa maladie, avec le soutien adéquat de sa famille, des soignants et de l'équipe de soins de santé. 4. L'incapacité à atteindre les objectifs appropriés fixés dans le cadre du partenariat entre la personne atteinte de diabète et son équipe de soins de santé doit conduire à une réévaluation de ces objectifs et de la stratégie de traitement sans reproches ni récriminations de la part de l'une ou l'autre partie. Septembre 2014 • Volume 59 • Numéro 3 Dr David Strain, Faculté de médecine de l'Université d'Exeter, Royaume-Uni Dr Viswanathan Mohan, Dr Mohan's Diabetes Specialities Centre, Inde Dr Sérgio Vencio, Université catholique de Goias, Brésil Dr Xavier Cos, Centres de soins primaires Sant Marti de Provençals, Espagne Dr Daisuke Yabe, Hôpital Kansai Electric Power, Japon Dr Zoltán Vokó, Université Eötvös Loránd, Hongrie Dr Matthias Blüher, Université de Leipzig, Allemagne Dr Päivi Paldánius, Novartis Pharma AG, Bâle Références 1. Khunti K, Wolden ML, Thorsted BL, et al. Clinical inertia in people with type 2 diabetes: a retrospective cohort study of more than 80,000 people. Diabetes Care 2013; 36: 3411-7. 2. Strain WD, Cos X, Hirst M, et al. Time to do more: addressing clinical inertia in the management of type 2 diabetes mellitus. Diabetes Res Clin Pract 2014; in press, DOI: 10.1016/j.diabres.2014.05.005 3. Franks PW. Diabetes family history: a metabolic storm you should not sit out. Diabetes 2010; 59: 2732-3. 4. Wroblewska-Seniuk K, Wender-Ozegowska E, Szczapa J. Long-term effects of diabetes during pregnancy on the offspring. Pediatr Diabetes 2009; 10: 432-40. DiabetesVoice 39