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Hommage au Professeur Jean Cauchoix
par Jean-Claude Rey
« C’est pour moi une tâche de mémoire, de délité et j’ajouterai
d’aection que de céder à la demande de Christian Morin pour
évoquer la personne du Professeur Jean Cauchoix, décédé le
23 juillet 2009 à l’âge de 97 ans. J’attribue les motifs de cette
demande largement à l’ancienneté de mes rapports avec lui et
je le remercie de la conance – et de l’honneur – qu’il me fait. »
Jean Cauchoix est né en 1912. Son père était Chirurgien des
Hôpitaux de Paris, il mourut des suites d’une opération le
laissant tout jeune aux soins de sa mère et de ses tantes.
Très vite il se t remarquer par sa vivacité, son intelligence et
sa mémoire, sachant par exemple à l’âge de quatre ans ses
départements. Ses études secondaires terminées il s’orienta
naturellement, suivant une pente familiale, vers la médecine.
Externe en 1932, interne des Hôpitaux de Paris en 1934 (8ème
sur 94), au même concours que Jean Mathey et Jean-Louis
Lortat-Jacob avec lesquels il formait un trio d’inséparables. Il
fut l’interne des plus grands patrons de l’époque, Lenormant,
Mathieu, Gosset et Quénu. Prosecteur en 1942, il est nommé
au Bureau Central, c’est-à-dire Chirurgien des Hôpitaux
en 1943 et sera nommé Agrégé de l’Université en 1952.
D’abord assistant à Cochin de son aîné et ami Robert Merle
d’Aubigné, son premier poste de chef de service à l’hospice
d’Ivry en 1954 sera de courte durée. Il est nommé à Saint-
Louis en 1955. Il y organisera dans des locaux historiques peu
adaptés un service de chirurgie orthopédique de qualité,
partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences,
impliquant deux internes de garde, l’un en chirurgie
générale, l’autre en chirurgie orthopédique : c’était une
innovation pour l’époque. La réforme hospitalo-universitaire
créa quatre chaires de clinique chirurgicale orthopédique et
Jean Cauchoix s’installa dans la chaire de l’hôpital Beaujon. Il
y resta jusqu’à la retraite. A côté de cette carrière hospitalière
il avait conservé une activité libérale qui ne l’empêchait pas
d’exercer dans son service une présence quasi quotidienne,
mais il avait aussi été choisi en 1955 pour diriger l’Institut
Calot de Berck-Plage et organiser cet établissement qui avait
perdu son lustre du début du siècle. Voilà en quelques lignes
l’essentiel de sa carrière professionnelle.
La guerre terminée il prit conscience avec d’autres du retard
de notre profession et de notre spécialité en particulier,
gée dans ses acquis d’après 14-18. Avec R. Merle d’Aubigné
et quelques autres, il s’embarqua pour un voyage d’études
outre-atlantique, visitant Boston, New-York, Chicago et la
Mayo. Ce furent des découvertes sur le plan des techniques,
de l’organisation mais aussi sur le plan de l’anesthésie-
réanimation. Ce fut aussi l’occasion de liens amicaux durables
avec les chirurgiens américains. Au retour les voyageurs
étaient bien décidés à agir, à bousculer l’état de fait
hospitalier qui refusait l’individualisation de notre spécialité.
Un entêtement aussi des instances professionnelles puisque
l’Ordre des médecins n’accepta qu’en 1982 la spécialité
orthopédique !
Le service de Saint-Louis, quelles qu’aient été les dicultés
matérielles, devint vite un service recherché, avec trois
assistants, Jacques Duparc, André Lemoine et Alexandre
Maschas, et trois internes. La non-touch technique était
appliquée de la façon la plus rigoureuse et les plus réticents
s’y pliaient, d’autant plus nécessaire dans cet environnement
mal adapté. Rien n’était laissé à l’improvisation, on tremblait
à la grande visite du samedi d’être vertement prié de refaire
un plâtre pour quelques degrés d’équin. Puis c’était le sta,
présentation des opérés au programme et discussion des
indications ; le mercredi suivant c’était le déjeuner du service
dans le petit pavillon Henri IV, où l’on découvrait un Patron
un peu détendu. Suivait le sta plus rapide des opérés de la
semaine passée.
Tous les mois le Patron disparaissait quelques jours et
les mieux informés parlaient d’une expédition berckoise.
Pour ceux qui ont eu le privilège – étant interne à Paris –
d’accompagner le Patron, le contraste était étonnant. D’abord
l’ambiance de Calot, parfaitement tenu et administré par
les religieuses Franciscaines, dans une atmosphère étrange
d’encaustique et de désinfectant. Ensuite la transformation
du Patron : à Paris, tension permanente, visage contracté,
des appréciations autoritaires, à Berck un personnage tout
diérent, abordable, certes pas jovial mais pouvant plaisanter
avec beaucoup d’humour. C’était donc une fois par mois qu’il
arrivait à l’Institut Calot le mercredi soir vers vingt-trois heures
ou minuit, quel que soit le temps (le verglas dans la descente
sur Poix ou sur Abbeville l’enchantait). Le lendemain il était
prêt pour opérer avant huit heures, chaussé de ses tennis.
La n du séjour était consacrée à l’examen des dossiers de
malades passés et futurs. Les soirées étaient studieuses à
mettre au point une communication. Il imposait bien sûr à
Berck les mêmes exigences qu’à Paris. Cette activité de Berck
fut pour lui très heureuse car elle lui permettait d’envisager
la chirurgie orthopédique dans son ensemble, chez l’enfant
comme chez l’adulte, sans cette scission ridicule qui n’existe
que chez nous et qui sépare les services d’enfants des
services d’adultes, interdisant le suivi des jeunes patients au
delà de l’âge de quinze ans.
C’est à Calot que M. Cauchoix mit au point sa technique
d’allongement extemporané du fémur avec cette installation
originale du treuil mural. Il y développa la chirurgie
vertébrale, celle du mal de Pott, et engagea la chirurgie des
scolioses, y opéra son premier cas de sténose lombaire. S’il
abandonnait progressivement le traitement des scolioses à
Le Professeur Jean Cauchoix, Président de la SOFCOT en 1971