Occlusion bilatérale et simultanée de l`artère

OCCLUSION BILATERALE ET SIMULTANEE DE
L’ARTERE CENTRALE DE LA RETINE REVELATRICE
D’UNE MALADIE DE HORTON
AYENA KD, LAWSON SLA, KOFFI A, AMEGBOR K,
MACHIHUDE MIO, TCHABIA NABROULABA K,
GAOUSSOU T, FEYS PH, FORESTIER F, BALO KP
ABSTRACT
BILATERAL SIMULTANEOUS CENTRAL RETINAL
ARTERY OCCLUSION REVEALING GIANT CELL
ARTERITIS
Aim: To point out the importance of the early diag-
nosis of giant cell arteritis (GCA) (Horton’s disease).
Materials and methods: a case report of a sudden
bilateral blindness that had revealed GCA.
Case report: A 68-year old female patient with a his-
tory of elevated blood pressure and diabetes melli-
tus type 2, was examined in emergency for a right
painful headache developed one week previously. In
ophthalmological examination, her BCVA was 0.9
and P2 in both eyes. Diagnosis of Horton’s disease
was not initially done in spite of elevated erythro-
cytes sedimentation rate (ESR) at 30 mm, protein C
reactive (CRP) at 19 mg/l. The patient consulted sev-
en weeks later in emergency for a sudden bilateral
blindness associated with severe headache, recent
asthenia, and limping of the lower jaw. At that time,
visual acuity was reduced to light perception in both
eyes whereas ophthalmoscopy revealed a bilateral
central retinal artery occlusion (CRAO). ESR was
74 mm and CRP 233 mg/l. Temporal artery biopsy
confirmed the diagnosis of GCA. The patient was
treated with systemic steroids without visual recovery.
Conclusion: This case outlines the importance of the
early diagnosis of GCA in order to make possible to
start treatment before the occurrence of irreversible
complications.
RESUME
Objectif : Rappeler l’importance des signes préco-
ces de l’artérite à cellules géantes ou maladie de
Horton.
Matériel et méthodes: Nous rapportons l’observa-
tion d’une cécité bilatérale brutale qui fut révélatri-
ce d’une maladie de Horton.
Cas clinique: Patiente de 68 ans, hypertendue ar-
térielle et diabétique de type type 2, a consulté pour
une violente hémicrânie droite apparue depuis une
semaine. A ce moment, l’examen ophtalmologique
s’est révélé normal avec une acuité visuelle corrigée
de 9/10 et P2 aux deux yeux. Le diagnostic de ma-
ladie de Horton n’a pas retenu en dépit d’une vites-
se de sédimentation élevée à 30 mm à la première
heure et d’une protéine C réactive (CRP) à 19 mg/l.
La patiente a consulté de nouveau en urgence sept
semaines plus tard pour cécité bilatérale brutale sur-
venue la veille dans un contexte de céphalées im-
portantes, d’asthénie récente et de claudication de
la mâchoire inférieure. L’acuité visuelle était alors
réduite à une perception lumineuse mal localisée aux
deux yeux. L’examen du fond d’oeil a révélé l’exis-
tence d’une occlusion bilatérale de l’artère centrale
de la rétine. La VS était de 74 mm à la première heu-
re et la CRP à 233 mg/l. Une biopsie de l’artère tem-
porale (BAT) réalisée dans les 24 heures a permis
de confirmer le diagnostic d’artérite à cellules géan-
tes. La patiente fut traitée par corticothérapie systé-
mique sans récupération visuelle.
Conclusion: Cette observation souligne l’importan-
ce du diagnostic précoce de l’ACG, indispensable
pour entreprendre un traitement suffisamment à temps
et éviter la survenue de complications oculaires ir-
réversibles.
KEY WORDS
Central retinal artery occlusion, Giant cell arteritis,
Horton disease.
zzzzzz
Centre Hospitalier Universitaire de Kara
Kara
KARA TOGO
Submitted: Jun 24, 2010
Accepted: June 5 , 2011
11
Bull. Soc. belge Ophtalmol., 318, 11-17, 2011.
MOTS CLES
Occlusion de l’artère centrale de la rétine, artérite
à cellules géantes, maladie de Horton.
INTRODUCTION
Affection touchant essentiellement le sujet âgé,
l’occlusion de l’artère centrale de la rétine re-
présente un accident grave dont les causes sont
multiples et comprennent les embolies, les
thromboses, les troubles de coagulation et les
causes locales (1). La maladie de Horton ou ar-
térite à cellules géantes (ACG) est une maladie
inflammatoire responsable d’une occlusion de
l’artère centrale de la rétine dans 10% des cas
selon certains auteurs (2). Les symptômes et
les signes de la maladie de Horton sont multi-
ples. Hayreh et al ont décrit les critères dia-
gnostiques de l’affection (3). Ces critères ne
s’excluent toutefois pas et doivent être recher-
chés systématiquement.
A partir d’une observation, nous rappelons l’im-
portance des symptômes et des signes préco-
ces qui doivent faire suspecter et poser un dia-
gnostic d’artérite à cellules géantes.
CAS CLINIQUE
Notre observation concerne une patiente de 68
ans, diabétique de type 2, hypertendue arté-
rielle, qui nous a consultés une première fois
en urgence pour une violente hémicrânie droi-
te évoluant depuis une semaine. L’examen phy-
sique mettait alors en évidence une tachycar-
die à 112 pulsations par minute, une tension
artérielle à 187/89 mm Hg, une hyperesthésie
de l’hémicrâne droit, un antécédent d’amauro-
se fugace à l’oeil droit et une claudication in-
termittente de la mâchoire.
L’acuité visuelle corrigée était alors mesurée à
9/10, P2 aux deux yeux. La pression intraocu-
laire était de 17 et 19 mmHg respectivement
à l’oeil droit et gauche. A l’examen ophtalmos-
copique, les excavations papillaires étaient éva-
luées à 0,4 à l’oeil droit et 0.5 à l’oeil gauche.
La découverte d’une vitesse de sédimentation
modérément élevée à 30 mm à la première
heure et d’une CRP augmentée à 19 mg/l n’ont
pas à cette époque élevé les soupçons vers une
maladie de Horton. Par ailleurs, la tomodensi-
tométrie cérébrale était normale. La patiente fut
alors adressée à son médecin traitant pour
contrôler sa tension artérielle. Sept semaines
plus tard, elle a consulté à nouveau en urgen-
ce pour une cécité brutale bilatérale apparue
24 heures plus tôt dans un contexte de cépha-
12
lées violentes, d’asthénie récente et de claudi-
cation persistante de la mâchoire. Son acuité
visuelle était réduite à une perception lumineu-
se mal localisée aux deux yeux. Sa pression in-
traoculaire était de 16 et 14 mm Hg respecti-
vement à l’OD et à l’OG, tandis que l’examen
ophtalmoscopique a révélé l’existence d’un as-
pect typique d’occlusion de l’artère
centrale de la rétine aux deux yeux, avec un oe-
dème rétinien ischémique, un rétrécissement
généralisé de l’arbre artériel une macula rouge
cerise (figure 1). La VS était de 74 mm à la pre-
mière heure et la CRP à 233 mg/l. L’angiogra-
phie rétinienne à la fluorescéine a permis d’ob-
jectiver un retard de perfusion des
capillaires choroïdiens (figure 2).
Une biopsie de l’artère temporale
réalisée dans les 24 heures qui
ont suivi l’admission, a permis de
confirmer le diagnostic d’artérite
à cellules géantes (figure 3). La
patiente fut traitée par corticothé-
rapie à fortes doses. Bien que les
symptômes généraux aient régres-
sé, aucune amélioration de l’acui-
té visuelle n’a pu être obtenue.
DISCUSSION
Cette observation vient souligner
l’importance extrême de la recher-
che de certains symptômes et si-
gnes physiques qui doivent impé-
rativement et immédiatement
conduire à suspecter une mala-
die de Horton. En plus du terrain (le plus sou-
vent sujets de race caucasienne, de la cinquan-
taine et plus), il conviendra de rechercher sys-
tématiquement par l’interrogatoire, une notion
d’amaurose fugace, une diplopie, une cépha-
lée, des douleurs de la nuque, de la ceinture
scapulaire, une claudication de la mâchoire,
tous symptômes apparus dans un contexte d’al-
tération récente de l’état général avec une ano-
rexie et une asthénie marquée. L’examen phy-
sique conduira à rechercher un amaigrissement
récent, une fièvre ou une fébricule, une dimi-
nution des pulsations de l’artère temporale qui
peut être indurée ou non, de même qu’une hy-
peresthésie cutanée temporale. L’examen phy-
sique peut être cependant normal chez une mi-
norité des patients.
L’incidence des manifestations oculaires de l’ar-
térite à cellules géantes pourrait varier de 6 %
et 70 % selon les auteurs (2,4,5). Le phéno-
type HLA DRB1*04 et l’absence d’anémie au
moment où le patient est examiné ont été rete-
nus comme facteurs prédictifs des complica-
tions visuelles de l’artérite à cellules géantes.
Les facteurs prédictifs d’une perte visuelle dé-
finitive seraient la présence d’une thrombocy-
tose, une vitesse de sédimentation modérément
élevée, un contexte d’amaurose fugace et d’ac-
cidents vasculaires cérébraux (6,7,8). Des épi-
sodes d’amaurose fugace peuvent précéder l’ap-
parition de la neuropathie optique ischémique
Fig 1. Aspect ophtalmoscopique de l’occlusion de artère
centrale de la rétine droite
Fig 2. Cliché angiofluoroangiographique montrant un retard de remplissa-
ge choroïdien à l’oeil droit.
13
antérieure artéritique (NOIAA) dans approxi-
mativement 40% des cas, ou être le seul symp-
tôme révélateur de l’artérite à cellules géantes
dans un tiers des cas, formes occultes compri-
ses (2,9).
Lorsqu’elle est présente, l’amaurose fugace pré-
cède la perte visuelle dans plus de la moitié des
cas. Dans une série de 33 patients porteurs
d’une artérite à cellules géantes décrite par Hay-
reh et al, 64 % des patients ont présenté une
amaurose transitoire (9). Un diagnostic d’arté-
rite à cellules géantes doit dès lors être évoqué
chez tout patient caucasien de plus de cinquan-
te ans qui se présente avec une amaurose tran-
sitoire. Une perte visuelle bilatérale survient
dans 23% à 54% des cas, l’atteinte du deuxième
œil survenant fréquemment dans les jours qui
suivent l’atteinte du premier oeil (10,9,11). Les
occlusions vasculaires rétiniennes peuvent ap-
paraître de manière isolée dans l’artérite à cel-
lules géantes. Elles sont dans ce cas souvent
associées à une ischémie choroïdienne.
Les complications oculaires ischémiques sur-
viennent dans 20% des maladies de Horton
confirmées par une biopsie d’artère temporale
(8). La neuropathie optique ischémique anté-
rieure artéritique (NOIAA) est la complication
oculaire la plus fréquente qui a été rapportée
chez 81% à 99% des patients porteurs d’une
artérite à cellules géantes confirmée par la biop-
sie (10,2,9,11), alors que l’occlusion de l’artère
centrale de la rétine ne représenterait que 10%
des cas (9). Typiquement, la per-
te visuelle est brutale, indolore et
profonde. Le plus souvent unila-
térale, la NOIAA peut se bilatéra-
liser après un délai variable en l’ab-
sence de corticothérapie à fortes
doses (2).
Ces complications une fois instal-
lées sont irréversibles. Cette évo-
lution gravissime fait de la mala-
die de Horton une urgence dia-
gnostique et thérapeutique.
Pour ce qui concerne, le diagnos-
tic paraclinique dela maladie de
Horton, la vitesse de sédimenta-
tion (VS) des érythrocytes reste
encore un test communément uti-
lisé pour déceler et surveiller les
maladies s’accompagnant d’un
syndrome inflammatoire. En ef-
fet, la VS évolue parallèlement aux protéines de
la réaction inflammatoire, dont le fibrinogène.
Il convient de savoir que la VS peut être éga-
lement modifiée au cours d’états pathologiques
non liées à un syndrome inflammatoire, mais
une anomalie des immunoglobulines. Il existe
une augmentation physiologique de la VS avec
l’âge, la grossesse ou lors des traitements oes-
tro-progestatifs. Si la valeur de la VS dépend
aussi du sexe, il n’existe pas d’unanimité par-
mi les auteurs sur la définition d’une VS “nor-
male”. Chez la femme, la VS normale varie de
3 à 14 mm à la première heure et reste infé-
rieure à 25 mm. Certaines pathologies héma-
tologiques (anémie microcytaire, polycytémie,
sphérocytose héréditaire, hémoglobinopathies),
une synthèse anormale des protéines hépati-
ques, une hypofibrinogénémie, une cardiopa-
thie congestive, ou la prise de médicaments an-
ti-inflammatoires peuvent être associés à des
valeurs anormalementbasses de la VS. La
technique du prélèvement sanguin est suscep-
tible d’artéfacter les valeurs obtenues. Vice ver-
sa, la VS peut être élevée dans d’autres mala-
dies inflammatoires, telles que les collagéno-
ses, les cancers, dans toute infection, dans une
anémie, après un traumatisme, dans une hy-
percholestérolémie, ainsi que dans d’autres pa-
thologies systémiques (3,4). On retiendra en-
fin et surtout qu’on peut observer une VS nor-
male chez 2% à 22,5% des patients porteurs
d’une artérite à cellules géantes qui ont une
Fig 3. Aspect microscopique de la pièce de biopsie de l’artère temporale.
14
biopsie positive (3,12). En conséquence, une
VS très élevée peut aider au diagnostic clini-
que mais en raison de son absence de spéci-
ficité, elle ne doit pas être considérée isolé-
ment et être interprétée dans le contexte géné-
ral.
En revanche, la protéine c-réactive ou CRP est
une protéine sérique spécifique de la réaction
inflammatoire qui est synthétisée par le foie, et
qui apparaît précocement au cours d’une réponse
inflammatoire. Son taux normal est <6 mg/I.
Il augmente avec la prise d’oestrogènes et l’in-
halation de fumée de cigarettes. La CRP est ac-
tuellement considérée comme un test plus sen-
sible lors d’une suspicion d’artérite à cellules
géantes. Elle ne dépend en effet ni de l’âge ni
du sexe, ni des facteurs hématologiques di-
vers, mais augmente en présence d’une infec-
tion ou d’une maladie inflammatoire. Elle est
plus sensible (100%) que la VS (92%) mais,
comme cette dernière, elle ne constitue pas un
test spécifique (3).
Les autres paramètres biologiques évocateurs
d’une artérite à cellules géantes sont représen-
tés par la coexistence d’une thrombocytose réac-
tive (taux de plaquettes supérieur à 400.000/l),
d’une anémie normocytaire normochrome, une
augmentation des anticorps anti-cardiolipides,
du fibrinogène, du facteur de Von Willebrand,
de l’interleukine 6, des α2-, β-et-γglobulines,
des facteurs du complément et d’enzymes hé-
patiques (4,13).
La périmétrie permet de mettre en évidence un
scotome central évocateur d’une neuropathie
optique inflammatoire, toxique ou héréditaire
et/ou une amputation altitudinale en faveur d’une
neuropathie optique ischémique.
L’examen angiofluoangiographique joue un rôle
important dans le diagnostic de l’artérite à cel-
lules géantes. Le signe angiographique qui est
constamment retrouvé et qui, par conséquent,
peut être considéré comme le plus fiable, est
un retard de perfusion choroïdienne (cinq se-
condes ou plus) ou silencechoroidien. Ce re-
tard est susceptible de persister même après
le remplissage complet des veines rétiniennes.
Il est important de réaliser l’examen fluoangio-
graphique aussi tôt que possible après l’appa-
rition des symptômes cliniques car le temps de
remplissage choroïdien peut se normaliser quel-
ques jours à quelques semaines après le début
de la maladie (14).
La biopsie de l’artère temporale superficielle
reste l’examen de référence pour étayer un
diagnostic d’artérite à cellules géantes (4,15).
La présence de cellules géantes multinuclées
dans une coupe histopathologique n’est toute-
fois pas considérée comme étant nécessaire au
diagnostic (14). La sensibilité d’une biopsie
unilatérale est de 87% en moyenne (12). En
raison de la nature segmentaire de l’artérite à
cellules géantes, il est important de noter que
des segments vasculaires peuvent ne pas être
affectés par le processus inflammatoire dans
8,5% à 28,3% de cas (lésions discontinues),
ce qui conduit à une incidence élevée allant de
5% à 13% de faux négatifs. Pour augmenter la
sensibilité de l’examen, il conviendra donc de
prélever des segments d’au moins 20 à 25 mm
et une analyse histopathologique de la pièce de
biopsie tous les 0,25 mm ou 0,5 mm est re-
commandée. Il convient donc de savoir qu’un
résultat négatif de la biopsie n’exclut pas le dia-
gnostic d’artérite à cellules géantes et une biop-
sie bilatérale peut être réalisée si la suspicion
clinique reste élevée. La sensibilité de la biop-
sie bilatérale serait de 94% (12).
Selon l’American College of Rheumatology, le
diagnostic d’artérite à cellules géantes repose
sur la présence d’au moins trois des cinq cri-
tères suivants:
un âge de cinquante ans ou plus;
une histoire de céphalées récentes chez un
patient indemne d’antécédents de cépha-
lées;
une sensibilité marquée à la palpation de l’ar-
tère temporale superficielle ou une diminu-
tion des pulsations de l’artère temporale su-
perficielle;
une augmentation de la VS à 50 mm ou plus
àla1
ère
heure avec un prélèvement réalisé
selon la méthode de Westergren;
une histopathologie positive pour une artérite
nécrosante de l’artère temporale superficiel-
le avec une infiltration cellulaire mononu-
cléaire, ou une inflammation granulomateu-
se, associée éventuellement à la présence de
cellules géantes multinuclées.
Ces critères cumulés permettent d’atteindre une
sensibilité de 93,5 % et une spécificité de
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