portée cette fois par le ministère de la justice. La loi du 11 février 2004, modifiant la loi du 29 juin
1971 relative aux experts judiciaires, et son décret d’application [6] Décret du 23 novembre 2004.
[6] , renforcent le processus de sélection des experts missionnés par les juridictions dans l’ensemble
des matières, dont l’expertise en responsabilité médicale. Les experts doivent s’inscrire sur une liste
dressée par la cour d’appel après candidature spontanée du professionnel. L’inscription initiale est
désormais établie pour une période probatoire de deux ans, à laquelle succède une possibilité de
réinscription pour cinq ans. Les candidatures sont examinées par une commission locale composée
de magistrats et d’experts. La décision d’inscription est prise par la cour d’appel elle-même après
audition d’un magistrat rapporteur. Il est par ailleurs créé une liste nationale auprès de la Cour de
cassation, réservée aux experts inscrits pendant trois années consécutives sur la liste d’une cour
d’appel.
Il n’est pas inintéressant d’observer que ces dispositions, qui certes dépassent largement l’expertise
médicale et plus encore le règlement amiable des accidents médicaux, ignore la réforme de 2002 et
ses principes. Même si ces deux réformes ne sont pas incompatibles, il n’en reste pas moins vrai
qu’une certaine impression de désordre semble s’installer. L’incommunicabilité entre les ministères,
et donc les divergences de points de vue sur un objet commun, peuvent être prises, soit comme un
avatar de l’esprit bureaucratique, soit comme le résultat des réticences de quelques professionnels
concernés peu enclins à la réforme !
Toujours est-il que le Médiateur de la République, très sensible aux sujets de santé, s’empare avec
détermination de cette question pour ce qui concerne plus particulièrement l’expertise médicale.
Jugeant insatisfaisante et insuffisante la réforme de 2004, et trop restrictive celle de 2002, il propose
en 2009 une série de mesures visant à approfondir la réforme de l’expertise dans tous ses aspects de
principe, de procédure et de financement [7] Voir le site Internet du Médiateur de la République...
[7] .
Malgré de nombreuses et anciennes critiques, et plusieurs réformes, la question de la qualité de
l’expertise reste donc posée dans des termes souvent radicaux. L’expertise médicale semble
condamnée à faire l’objet de suspicion d’illégitimité, de partialité, de dépendance des groupes de
pression. Pourquoi un tel procès ?
II - L’expertise au cœur du processus de réparation
L’expertise est au cœur du processus de décision en responsabilité médicale. Il n’existe de fait pas
de décision du juge sans qu’une expertise n’ait statué sur les conditions de survenue de l’accident
médical, sur le régime applicable ou sur l’appréciation des préjudices. Il suffit de lire une décision
de justice en la matière pour s’en convaincre.
Si la responsabilité médicale est en effet une matière complexe, c’est en raison de la nécessité
d’articuler la causalité matérielle, qui s’extrait de l’expertise, et la causalité juridique qui, tout en
s’appuyant sur cette dernière, s’en détache pour construire un raisonnement proprement juridique
qui conduira à la décision du juge. L’expertise n’est donc jamais loin et elle est d’autant plus
essentielle que la situation est complexe.
L’expertise est également au cœur du processus en ce qu’elle constitue une étape importante dans la
compréhension des causes de l’accident. C’est une banalité que de le dire, mais pour autant tout à
fait indiscutable : la recherche de la réparation par une victime d’accident médical traduit toujours, à
des degrés divers, la recherche d’une explication. L’accident médical est une rupture violente dans
le fil de la vie, il peut être le début d’un parcours long et difficile, et la cause d’une limitation de
l’autonomie physique, psychique mais aussi économique. C’est un drame existentiel qui, ce n’est
pas rare, peut faire basculer irrémédiablement une vie dans une nouvelle phase plus rude. Sur le plan
mental, il constitue un traumatisme qui peut entraîner une réorganisation psychique, avec
notamment une tendance à la réduction des intérêts autres que ceux touchant de près ou de loin à
l’accident, une restriction des investissements extérieurs et, plus largement, une douleur morale
pouvant confiner à la dépression. Dans ce parcours chaotique rechercher l’« explication », avec tout
ce que cela peur revêtir d’ambiguïté, est une étape essentielle qui doit permettre de limiter, voire de