Édition médecine familiale Vo l u m e 5 • N u m é r o 2 • J u i n 2 0 0 9 Évidence clinique. Conseils pratiques. Dr Stuart Maddin, md, frcpc RÉDACTEUR EN CHEF Le Dr Stuart Maddin, président de Skin Care Guide, est un des dermatologues le plus connu et le plus respecté d’Amérique du Nord. Il est aussi l’auteur de nombreux articles publiés dans des revues de dermatologie, de monographies et de manuels. En plus d’être un médecin consultant auprès d’un certain nombre de compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques, il est directeur du centre des essais cliniques au Département de dermatologie de l’Université de Colombie-Britannique. Dr Maddin a également agi en tant que conseiller auprès d’administrations et services gouvernementaux chargés de l’application des règlements sur les médicaments comme la Direction générale de la protection de la santé (Ottawa), le Comité de liaison de la AAD-FDA et l’OMS (Genève). Fondateur des Symposiums de mise à jour en dermatologie (ils ont déjà 25 ans), il est l’ancien président de l’Association canadienne de dermatologie et a été secrétaire général du Comité international de dermatologie pour la Ligue internationale des sociétés de dermatologie. Dr Colleen Lawlor, md, ccfp CONSEILLÈRE EN MÉDECINE FAMILIALE Dr Colleen Lawlor a choisi de monter sa pratique de médecine familiale au Continuum Medical Care situé dans Vancouver Ouest en ColombieBritannique. Dr Lawlor a un baccalauréat en psychologie, une maîtrise de sciences en sciences infirmières, elle est docteur en médecine et possède un certificat du Collège de médecine familiale du Canada (CCFP). Elle a fait ses études de médecine à l'Université du Texas à San Antonio. www.SkinTherapyLetter.ca • Rédacteur en chef: Dr Stuart Maddin Une étude des options thérapeutiques pour les verrues génitales M. Gooderham, MSc, MD, FRCPC Peterborough, Ontario, Canada Introduction Les condylomes acuminés (verrues génitales ou vénériennes) constituent un important souci de santé, particulièrement parmi les jeunes adultes. Considérées comme étant une des formes les plus courantes d’infections transmises sexuellement (ITS), les verrues génitales externes sont causées par une infection par le virus du papillome humain (VPH), le même virus qui cause la majorité des cancers du col de l’utérus. Parmi les agents thérapeutiques récemment introduits, on retrouve un immunorégulateur et un vaccin prophylactique qui ont considérablement élargi les options pour la prise en charge des verrues génitales. Nous étudierons ici les thérapies conventionnelles, et les plus récentes. Mise en contexte Faits sur le VPH Plus de 100 types de VPH ont été décrits dont 40 infectent le tractus anogénital, les plus courants parmi ces derniers étant les types de VPH 6, 11, 16 et 181. Les VPH 6 et 11 présentent un faible risque de cancer mais sont la cause de 90 % des verrues génitales. Les VPH 16 et 18 sont les types que l’on considère à haut risque et ils contribuent à 70 % des cancers du col. Pathogenèse du VPH La principale voie d’infection génitale est par contact sexuel. On croit que le virus pénètre par les microabrasions de l’épithélium. Une transmission aux nourrissons peut survenir lors du passage dans la filière pelvigénitale infectée2. Le taux d’infection entre partenaires sexuels est d’environ 60 %3. À la suite du contact initial, la période d’incubation des verrues génitales externes peut varier de quelques semaines à des années avant que des lésions cliniques ne soient décelables. Par conséquent, à moins que le contact sexuel ait été limité à un seul partenaire, il n’est pas recommandé que les patients cherchent à identifier la source de leur problème. Facteurs de risque On estime que chaque année 550 000 Canadiens sont affectés par le VPH4. Le taux d’infection semble s’accélérer après le début de l’activité sexuelle puis décliner dans la mesure où l’âge augmente. Sa prévalence est la plus élevée chez les personnes âgées de moins de 25 ans. Le niveau de risque est basé sur une combinaison de facteurs dont l’âge, le style de vie, l’immunocompétence et d’autres variables telles que : • la précocité du début de l’activité sexuelle • une infection préalable avec une autre forme de ITS • le nombre de partenaires sexuels au cours de la vie • avoir des relations sexuelles non protégées • la promiscuité sexuelle des partenaires • le statut immunologique La circoncision masculine peut réduire l’incidence de l’infection par le VPH, selon une étude récente par Tobian5. Étant donné que le VPH peut se trouver n’importe où le long du tractus génital, l’usage du condom ne fournit qu’une protection partielle. - Édition médecine familiale • Volume 5, Numéro 2 • Juin 2009 Caractéristiques diagnostiques Avant d’établir un diagnostic, il est nécessaire que les cliniciens obtiennent de leurs patients une histoire médicale et sexuelle, si celle-ci n’est pas déjà connue. Un examen de la bouche et de la gorge, de la région pelvienne, du tractus génital au complet et des cuisses, peut révéler des nodules indicatifs, mais non limités à une infection au VPH. On peut envisager le dépistage des autres ITS, particulièrement chez les individus à haut risque. • Dans la majorité des cas, une inspection visuelle directe permet d’identifier les excroissances sur la muqueuse génitale. • Les verrues anogénitales sont généralement asymptomatiques, mais elles peuvent déclencher un prurit, des saignements, une légère brûlure et se présentent comme : • des lésions qui apparaissent à l’origine sur les surfaces de la vulve, du pénis et de la peau périanale; • des papules/nodules petites, discrètes, sessiles, à sommet lisse ou surélevé; • de grosses masses exophytiques; • une seule papule ou de multiples verrues groupées; • des lésions dont la teinte varie de la couleur chair, rose, et blanchâtre au brun rouge; • des lésions à distribution multifocale qui correspondent généralement aux régions de plus grande friction au cours de l’activité sexuelle. • La prévalence des lésions chez les femmes peut être attribuable à une plus grande surface muqueuse. • Pour les verrues difficiles à voir, une solution d’acide acétique 3 à 5 % (par exemple : du vinaigre blanc) peut être appliquée sur la lésion suspecte (figure 1). Après quelques minutes, le condylome devrait apparaître sous forme de plaques blanchies sur la muqueuse. Des modifications positives ne constituent pas un diagnostic pour le VPH car ces résultats peuvent aussi survenir dans le lichen plan, les mycoses vaginales et autres problèmes de peau. • Une biopsie peut être nécessaire si6 : • le diagnostic est incertain; • les lésions ne répondent pas au traitement habituel; • la maladie s’aggrave pendant le traitement; • le patient est immunodéprimé; • les verrues sont pigmentées, indurées, fixées, saignantes ou ulcérées. • Une cytologie vaginale peut aider à établir la présence d’une lésion au niveau du col de l’utérus7. Figure 1. Algorithme pour le traitement des lésions suspectes8 Traitement Les objectifs fondamentaux du traitement sont d’éliminer les verrues visibles et de limiter la détresse psychologique que causent les verrues génitales externes. Chez environ 10 à 30 % des patients, les verrues génitales externes évoluent généralement spontanément vers la guérison et elles disparaissent de façon typique en 12 à 24 mois sans traitement. Par contre, les lésions peuvent aussi rester stationnaires ou augmenter en taille et en nombre6,7. 2 www.SkinTherapyLetter.ca • - Édition médecine familiale • Volume 5, Numéro 2 • Juin 2009 Traitement (suite) Méthode Thérapies antiprolifératives Thérapie immunorégulatrice Thérapies de destruction et d’excision Toutes ces options comportent des risques de cicatrices Thérapie d’association Une thérapie d’association peut apporter de meilleurs résultats qu’une monothérapie Traitement Commentaires Podophylline 10 à 25 % • Administrée par le médecin • Élimination des verrues par la destruction des tissus infectés • Potentiel de toxicité systémique Podophyllotoxine 0,5 % en lotion ou en gel • Peut être administrée par le patient • Faible coût, faible toxicité • Ne comporte aucune substance mutagène contrairement à celles trouvées dans la podophylline Imiquimod 5 % en crème • Il est administré par le patient, ce qui peut améliorer son observance médicamenteuse. • Il stimule la réponse immunitaire cytotoxique, ce qui se manifeste généralement par une exacerbation de l’inflammation cutanée. • Appliquer directement sur la peau atteinte 3 fois par semaine pendant jusqu’à 16 semaines. La fréquence des applications peut être réduite si le patient est inquiet du degré d’inflammation. • Les taux de rechute sont faibles parce qu’il y a réduction de la charge virale. • Il est efficace pour le traitement de verrues multiples s’étalant sur de plus grandes surfaces ainsi que sur les lésions subcliniques. • Les effets secondaires sont légers ou modérés et incluent un érythème local et une érosion au site d’application. • Il coûte plus cher que la podophyllotoxine. Acide trichloroacétique topique 85 % (ATA) • Il produit une destruction cellulaire par cautérisation chimique. • Il est plus efficace dans le traitement des petites lésions humides. • Les dommages aux tissus avoisinants peuvent être minimisés grâce à une protection avec de la vaseline. • Si l’acide trichloracétique topique est appliqué sur des tissus sains, il faut avertir le patient de laver l’endroit touché avec du savon liquide ou du bicarbonate de soude. • Il peut produire des douleurs et des ulcérations. Cryothérapie locale • • • • • Électrodessiccation • Les verrues sont brûlées avec un courant électrique de faible voltage. Excision par ciseaux, curette ou scalpel • Elle élimine les tissus anormaux. • Particulièrement appropriée pour les plus grosses verrues exophytiques. • Une anesthésie locale est nécessaire. Ablation au laser • L’usage d’une thérapie au laser à CO2 est habituellement réservé aux verrues multiples s’étalant sur de grandes surfaces et/ou résistantes aux traitements. • Elle peut provoquer une longue convalescence et elle est chère. Excision / destruction + imiquimod • La cryothérapie en association avec l’imiquimod semble être très fréquemment employée. • Une thérapie initiale avec l’imiquimod peut diminuer la grosseur des verrues et améliorer les résultats de la chirurgie. • Un premier traitement avec l’imiquimod suivi de l’excision des lésions résiduelles peut procurer la disparition à long terme des verrues génitales externes, particulièrement si une monothérapie antérieure a été inefficace9. Excision / destruction + cidofovir • Grâce à son large spectre d’activité antivirale, le cidofovir a été utilisé avec succès comme un gel topique chez les patients réfractaires8. C’est le mode de destruction le plus courant. Réalisée par congélation à l’azote liquide. Elle est facile à utiliser et n’a pas d’effets systémiques. Elle peut causer des douleurs et des ulcérations. Sans danger au cours de la grossesse. Tableau 1. Options de traitements pour les verrues génitales7-10 www.SkinTherapyLetter.ca • - Édition médecine familiale • Volume 5, Numéro 2 • Juin 2009 3 Traitement (suite) • La gamme de traitements disponibles comprend les thérapies administrées par le patient et celles qui le sont par un professionnel de la santé. • Les modalités de traitements les plus répandues peuvent d’une façon générale être classées en thérapies antiprolifératives, de destruction et d’excision, immunorégulatrices et d’association (tableau 1). • La majorité des options de traitements offre un soulagement symptomatique plutôt que de traiter la maladie elle-même. La seule exception est un modificateur de la réponse immunitaire (par exemple : l’imiquimod) qui exerce un effet de champ capable de cibler à la fois les manifestations cliniques et subcliniques du VPH. • Les décisions thérapeutiques devraient être guidées par le type de verrues, leur emplacement, leur nombre, le sexe, les préférences du patient, l’expérience du médecin ainsi que les circonstances exceptionnelles (par exemple : jeune âge, immunodépression, et grossesse). • Pour les verrues des muqueuses vaginales, les options de traitements incluent la cryothérapie et l’acide trichloroacétique topique 80 à 90 % (appliqué par le médecin). • Étant donné la vaste gamme de patients et de variables de traitements, on manque d’évidence probante confirmant la supériorité d’une ou l’autre modalité ou d’une de leur association, sur les autres. • La majorité des patients a besoin de cycles de traitements plutôt que d’un traitement unique6. • Selon la modalité thérapeutique employée, on suggère une attente de 1 à 3 semaines avant une deuxième cure, question de permettre aux lésions traitées de guérir suffisamment. • Il est important de répéter aux patients que les traitements disponibles peuvent procurer des périodes exemptes de verrues mais qu’aucun ne peut éliminer complètement les infections au VPH. L’horizon thérapeutique peut inclure une formulation topique dont l’ingrédient actif est un mélange précis de catéchines extraites du thé vert qui a fait preuve d’efficacité et d’innocuité pour les verrues génitales externes11. Ce médicament d’ordonnance aux extraits botaniques a reçu l’approbation de la FDA des États-Unis en 2006 pour le traitement des verrues génitales et périanales externes causées par certaines souches de VPH. Une approche prophylactique En 2006, Santé Canada a approuvé un vaccin VPH quadrivalent qui agit contre les types de VPH 6, 11, 16 et 18. • Il est indiqué pour les filles et les femmes de 9 à 26 ans et il est administré en intramusculaire en trois doses distinctes de 0,5 mL à 0, 2 et 6 mois. • Le vaccin quadrivalent est efficace à 97 % dans la prévention des néoplasies intraépithéliales du vagin et de la vulve, et efficace à 99 % dans la prévention des verrues génitales causées par les types 6 et 11 du VPH1. • Aucune évidence ne suggère que l’on puisse retirer des avantages thérapeutiques de la vaccination, si les patients sont déjà infectés par les types de VPH présents dans le vaccin. • Des études récentes suggèrent que le vaccin quadrivalent peut aussi fournir une protection croisée contre les souches de VPH qui ne sont pas incluses dans le vaccin mais qui leur sont étroitement apparentées. Cependant, il faut encore établir le caractère durable de la vaccination et l’importance de ces découvertes reste à être démontrée12,13. • Des études sur ce vaccin sont en cours présentement chez les hommes. Conclusion • • • • • Pour le traitement initial des verrues génitales, de nombreux patients préfèrent des thérapies qu’ils peuvent appliquer eux-mêmes. La monothérapie étant souvent insuffisante, la thérapie d’association peut être plus avantageuse. Tout au long du traitement, la rapidité de la réponse thérapeutique et ses effets indésirables doivent être évalués. Une réponse insuffisante au traitement imposera un changement de thérapie ou une modification de l’approche actuelle. Selon la Directive canadienne de consensus sur le VPH7, à cause de son efficacité favorable, de son innocuité et de ses profils de tolérabilité ainsi que de ses taux de rechute les plus faibles, l’imiquimod offre une option efficace pour la gestion des verrues génitales. Il faudrait penser à le prescrire avant d’initier des stratégies plus invasives comme les thérapies de destruction et d’excision ou les thérapies au laser. L’incidence croissante des infections au VPH inquiète de plus en plus et les verrues génitales sont la manifestation clinique la plus répandue de cette maladie transmissible. Une fois le diagnostic établi, il est justifié d’instaurer un traitement adapté au patient et d’y joindre une éducation sur les stratégies visant à limiter la propagation du VPH et sur les maladies qui lui sont associées. Il faut également encourager le patient à se soumettre à des examens de dépistage réguliers. Bien que la morbidité de la maladie puisse être faible, la détresse émotionnelle d’avoir des verrues génitales peut entraîner de sérieux chocs émotionnels. C’est pourquoi il est essentiel que la gestion de ce problème soit une réussite. Références 1. Dobson S., et al., Relevé des maladies transmissibles au Canada 33(ACS-2) : 1-31 (15 février 2007). 2. 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Les réponses immunes qui sont en jeu dans la dermatite atopique se traduisent dans une peau sèche, du prurit et une sensibilisation à médiation IgE aux aliments et aux allergènes environnementaux1. Une meilleure compréhension des défenses cruciales de la barrière cutanée et de la cascade inflammatoire qui sous-tend la maladie a conduit les cliniciens à réévaluer les approches conventionnelles du traitement et à reconnaître le potentiel thérapeutique des émollients. Ainsi, les crèmes hydratantes et les produits nettoyants à base d’émollients sont devenus des adjuvants essentiels pour une prise en charge réussie de la dermatite atopique. Mise en contexte La dermatite atopique est très courante. • On estime que sa prévalence est de 15 à 30 % chez les enfants et de 2 à 10% chez les adultes2. • Chez 85 % des enfants souffrant de dermatite atopique, le déclenchement de la maladie survient avant l’âge de 5 ans3. • Jusqu’à 70 % des enfants connaissent une rémission spontanée avant l’adolescence4. La dermatite atopique est associée à une diminution marquée de la fonction de la barrière cutanée due à des facteurs endogènes. • De plus en plus, l’évidence implique qu’une des principales causes de la dermatite atopique résulte d’un défaut génétique de l’épiderme qui permet l’infiltration des allergènes, des irritants environnementaux et des microbes, ce qui provoque des réponses inflammatoires5. • Une barrière cutanée défectueuse empêche la formation dans l’épiderme des niveaux de peptides antimicrobiens nécessaires pour le protéger des agents infectieux comme le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus). Le rôle des crèmes hydratantes dans la gestion optimale de la dermatite atopique La peau sèche est une caractéristique constante de la dermatite atopique et elle résulte d’une combinaison de mécanismes pathologiques intrinsèques et d’une hyperréactivité à des facteurs exogènes. Certains traitements pour la dermatite atopique peuvent aggraver la xérose, le prurit et l’irritation. De telles insultes extérieures sur une barrière cutanée déjà compromise entraînent le cycle de la peau sèche et laissent la peau vulnérable aux infections microbiennes. C’est pour ces raisons que maintenir l’hydratation et rétablir les défenses de la barrière épidermique sont à la base de la logique qui sous-tend la thérapie par les crèmes hydratantes. Que sont les crèmes hydratantes? • Les crèmes hydratantes sont composées d’un ensemble d’ingrédients clé qui sont classés en émollients, humectants et occlusifs travaillant en synergie pour améliorer l’hydratation et la fonction barrière de la peau. • Une étude contrôlée randomisée a révélé que les formulations bien conçues qui incorporent ces composants peuvent améliorer la fonction de la barrière épidermique et augmenter les niveaux d’hydratation dans la peau; cependant, les effets seront déterminés par la composition du produit particulier6,7. • Les crèmes hydratantes conservent l’hydratation en ralentissant la perte hydrique transépidermique. Ce faisant, elles aident la peau sèche ou vieillissante à améliorer son intégrité structurale, son apparence et ses propriétés tactiles. • En remplissant les petites fissures dans la peau et en offrant un film occlusif sur la couche cornée, les crèmes hydratantes rétablissent la barrière épidermique et amoindrissent la capacité de pénétration des allergènes et des irritants dans la peau. Les crèmes hydratantes, comment agissent-elles? • Le mécanisme d’action des émollients repose sur leur rôle de substitution par leurs ingrédients lipidiques qui remplissent les fonctions des lipides naturels de la peau qui sont absents ou compromis dans la peau eczémateuse. • Un traitement de la peau avec des crèmes hydratantes peut réparer la barrière cutanée, augmenter son contenu en eau, diminuer la perte hydrique transépidermique et redonner aux barrières lipidiques leur capacité d’attirer, de retenir et de redistribuer l’eau. • Un usage prophylactique et fréquent favorise un maximum d’effets. Les crèmes hydratantes font preuve de propriétés adjuvantes • L’usage discipliné d’émollients est devenu une thérapie adjuvante régulière dans la dermatite atopique en servant de base aux mesures pharmacologiques, en entraînant une réduction du besoin en corticostéroïdes topiques et les inhibiteurs de la calcineurine, et en atténuant les effets secondaires des médicaments. • Pendant les crises, les préparations en vente libre qui associent une crème hydratante à un corticostéroïde topique (par exemple : clobétasone et hydrocortisone) sont utiles pour contrôler l’inflammation et rétablir la barrière cutanée. www.SkinTherapyLetter.ca • - Édition médecine familiale • Volume 5, Numéro 2 • Juin 2009 5 Les composants essentiels des crèmes hydratantes efficaces Les émollients • Les émollients sont principalement des lipides et des huiles qui hydratent et améliorent l’apparence de la peau en lui conférant de la douceur, un aspect lisse et une meilleure flexibilité. • Le pouvoir lubrifiant de certaines crèmes hydratantes peut influencer la satisfaction et la préférence du consommateur. • La couche cornée des patients souffrant de dermatite atopique a des niveaux très réduits de céramides (des molécules lipidiques), qui sont d’importants composants de la structure cutanée. • Le remplacement topique des lipides permet de remplir les crevasses entre les lamelles de cornéocytes qui desquament. Les humectants • Les humectants attirent et retiennent l’hydratation dans la peau en augmentant l’absorption hydrique du derme vers l’épiderme ou en absorbant l’eau de l’environnement externe. • De nombreux humectants ont aussi des propriétés émollientes7. • L’humectant le plus efficace est la molécule trihydroxyle ou glycérine, aussi couramment appelée glycérol. • La glycérine est l’humectant le plus largement utilisé. • Une étude à double insu qui comparait la glycérine à l’urée a démontré que, bien que les deux composés aient la même efficacité dans le traitement de la xérose, la glycérine entraînait beaucoup moins de réactions cutanées défavorables8. • L’urée est un autre humectant couramment utilisé et qui est efficace contre la perte hydrique transépidermique. • Il faut éviter l’usage de crèmes hydratantes comportant de l’urée chez les jeunes enfants en raison des risques d’irritation. Les occlusifs • Les occlusifs diminuent la perte hydrique transépidermique en créant une barrière hydrophobique sur la peau et en contribuant à la matrice entre les cornéocytes. • L’efficacité est améliorée quand les occlusifs sont appliqués sur une peau légèrement humectée. • Leurs principales limites comprennent leur odeur, leur potentiel allergène et un toucher « gras ». • La vaseline, à une concentration de 5 % au minimum, est l’occlusif le plus efficace, suivi de la lanoline, de l’huile minérale et des silicones. • Les dérivés à base de silicones (par exemple : diméthicone) sont des solutions sans gras, non comédogènes, non irritantes, non sensibilisantes et plus acceptables sur le plan cosmétique. Recommandations d’emploi Les règles suivantes adaptées à l’emploi des crèmes hydratantes dans la dermatite atopique, mises au point par le National Institute for Health and Clinical Excellence9, forment la base des conseils pratiques pour les patients et leurs médecins. • Les médecins devraient être prêts à offrir à leurs patients un choix d’émollients non parfumés : • adaptés aux besoins et préférences de leurs patients; • pour une hydratation quotidienne, mais aussi des formulations pour le lavage et le bain enrichies en émollients. • Les crèmes hydratantes devraient être : • utilisées plus souvent et en plus grande quantité que les autres traitements; • utilisées même quand la dermatite atopique est guérie; • utilisées en même temps que les autres traitements; • • • • • offertes en un produit unique ou en association (offrir des choix si une formulation entraîne de l’irritation ou ne rencontre pas la faveur du patient); • faciles à appliquer tout au long de la journée. Recommander des crèmes hydratantes à laisser en place en généreuses quantités. Instruire les patients ou leurs parents sur ce qu’est une application suffisante et adéquate. Lorsque de multiples produits topiques sont employés en même temps, instruire le patient sur leur application un à la fois, en veillant à laisser plusieurs minutes entre chaque application. Penser à augmenter l’usage des émollients si les patients se plaignent d’avoir des difficultés à contrôler les démangeaisons. Les nettoyants doux pour la peau L’usage régulier des nettoyants doux est un aspect important de la gestion optimale de la dermatite atopique. Se laver fait partie d’une hygiène de base mais cela élimine aussi la saleté, la sueur, les bactéries et les cellules exfoliées, ce qui prépare la peau à recevoir les traitements topiques et améliore l’absorption des médicaments. • Les lésions de la dermatite atopique sont couramment colonisées par S.aureus. Un lavage de routine peut augmenter l’activité antimicrobienne contre S.aureus et diminuer les chances d’infection. • Il faut veiller à minimiser l’affaiblissement de la barrière de la couche cornée au cours du lavage. L’emploi de mauvaises techniques et d’agents nettoyants qui ne conviennent pas sur le visage ou sur le corps peut déclencher des flambées de dermatite atopique ou l’aggraver. • L’usage de détergents anioniques (par exemple : savons) peut altérer le pH de la peau et conduire à une plus grande 6 www.SkinTherapyLetter.ca • sensibilité aux irritants et aux conditions qui favorisent la prolifération bactérienne10. • Tout en éliminant l’excès de sébum, les nettoyants peuvent aussi, sans le vouloir, endommager les lipides intercellulaires, ce qui peut conduire à un plus grand affaiblissement de la fonction barrière et assécher la peau. • Les nettoyants qui conviennent aux peaux eczémateuses sont généralement à base de surfactants synthétiques doux qui ont un impact minime sur la barrière cutanée. • Les agents non ioniques qui agissent en surface (par exemple : le silicone et le polysorbate) ont tendance à causer moins d’irritation et ont un pH compatible avec celui de la peau. • Les surfactants de silicone comme le diméthicone sont efficaces pour éliminer les débris en surface sans décaper complètement les huiles protectrices. - Édition médecine familiale • Volume 5, Numéro 2 • Juin 2009 Les nettoyants doux pour la peau (suite) • Les émollients présents dans les nettoyants peuvent réduire les atteintes à la barrière cutanée en émulsifiant la saleté et l’huile qui seront plus faciles à éliminer tout en remplaçant en même temps les lipides qui sont perdus au cours du lavage11. Se servir des quatre règles de la gestion de la dermatite atopique La prise en charge idéale de la dermatite atopique doit inclure l’éducation du patient. On encourage les médecins à donner une information écrite et verbale sur la dermatite atopique et ses traitements choisis, ainsi que des démonstrations pratiques de leur bonne administration. Ces mesures éducatives devraient être renforcées au cours de chaque consultation dans le but de favoriser l’observance du traitement et de meilleurs résultats. Se rappeler des quatre règles pourra simplifier l’approche multicouche de la prise en charge de la dermatite atopique. Reconnaître • Reconnaître et diagnostiquer le problème rapidement afin que le traitement soit mis en place. • Les patients qui souffrent de dermatite atopique sont prédisposés à avoir d’autres problèmes atopiques comme l’asthme et la rhinite allergique1. • Encourager le patient à tenir un journal pour suivre à la trace les aliments, les flambées et l’usage des médicaments, des crèmes hydratantes et des nettoyants, ce qui peut orienter le processus décisionnel thérapeutique. Retirer • L’éviction est une stratégie centrale à la gestion de la dermatite atopique. Identifier et éliminer les facteurs déclenchants pertinents (par exemple : irritants, pneumallergènes et aliments) et chercher des moyens de réduire le stress. • Les nettoyants doux peuvent aider à éliminer la saleté, les irritants et les microbes qui sont à la surface de la peau. • Penser aux tests d’allergies pour identifier les facteurs déclenchants. Rétablir • L’usage strict des émollients peut réparer et rétablir partiellement la barrière cutanée et diminuer les infections et la réactivité allergique. • Les nettoyants corporels préparés à base de surfactants non irritants, des émollients et des humectants peuvent réapprovisionner les lipides de la barrière cutanée pendant le lavage pour diminuer la perte hydrique transépidermique. Les bains tièdes (d’une durée de 5 à 10 minutes) sont préférables aux douches. • Les crèmes et les onguents sont plus efficaces pour une peau eczémateuse. Appliquer les crèmes hydratantes 3 à 5 minutes après le bain. Régler • Quand une flambée survient, interrompre et régler les réponses inflammatoires avec un traitement immédiat dans le but de briser le cycle démangeaisons / grattages et limiter la gravité de la dermatite atopique. • Les stratégies thérapeutiques incluent les corticostéroïdes topiques, les inhibiteurs de la calcineurine, les antimicrobiens et les antihistaminiques oraux joints aux soins de la peau routiniers. • Chez les patients qui présentent une mauvaise réponse à la thérapie, évaluer l’observance au traitement, les effets secondaires, et examiner l’usage de la crème hydratante et du nettoyant au cours de chaque visite clinique. Conclusion Parce que la dermatite atopique est chronique et que de multiples facteurs contribuent à son étiologie, sa gestion réussie exige une approche multidimensionnelle qui inclut des modifications du style de vie, des adaptations aux pratiques des soins de la peau, et une intervention médicale. Bien que les corticostéroïdes topiques soient fermement établis en tant que pierre angulaire du traitement, leur usage à long terme et leur surdosage sont associés à une atrophie de la peau et des effets systémiques néfastes. L’association des crèmes hydratantes avec les corticostéroïdes topiques peut avoir un effet d’épargne important des stéroïdes, particulièrement chez les enfants qui ont une dermatite atopique légère à modérée. Une approche thérapeutique qui incorpore l’éducation du patient et une thérapie avec émollients peut compléter les mesures pharmacologiques pour prolonger les périodes de rémission et alléger considérablement le fardeau de la maladie. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Bieber T., N Engl J Med 358(14) : 1483-94 (3 avril 2008). Williams H., et al., J Allergy Clin Immunol 118(1) : 209-13 (juillet 2006). Beltrani V.S., et al., Dermatol Online J 9(2) : 1 (mars 2003). Illi S., et al., J Allergy Clin Immunol 113(5) : 925-31 (mai 2004). 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