Grippe aviaire et grippe pandémique
Pr. Bruno MARCHOU
Service des Maladies Infectieuses et Tropicales
Hôpital Purpan
Les échanges, les migrations importeront en tous pays les maladies humaines et animales de
chaque région. L’oeuvre est déjà très avancée ; elle est assurée d’avenir.
Charles Nicolle, Destin des maladies infectieuses, 1930.
L’apparition en décembre 2003 d’un nouveau virus influenza A/H5N1, responsable de la
grippe aviaire a réveillé la menace d’une nouvelle pandémie grippale. À ce jour, la grippe
aviaire concerne essentiellement les vétérinaires. Les cas humains observés au cours des trois
dernières années sont rares (241 cas rapportés au 31 08 2006) mais graves (létalité dépassant
50%).
Parmi les Myxovirus influenza A, B et C, seuls les virus A infectent une grande variété
d’espèces aviaires et de mammifères. La pathogénicité des virus A est conditionnée par
diverses protéines, parmi lesquelles l’hémagglutinine (H) et la neuraminidase (N). Les
myxovirus, virus à ARN, sont sujets à de fréquentes variations génotypiques dont on décrit 2
types : d’une part, des mutations (glissements antigéniques) qui peuvent affecter les virus
influenza A et B, à l’origine d’une évolution des virus grippaux et des épidémies saisonnières
; d’autre part, des réassortiments (cassure génétique) qui concernent uniquement les virus A,
caractérisés par l’acquisition d’une nouvelle hémagglutinine (plus ou moins neuraminidase) :
ces nouveaux virus, inconnus pour l’homme, peuvent être à l’origine d’une pandémie.
La grippe espagnole de 1918 est l’exemple d’une pandémie ayant impliqué le passage direct
d’un virus aviaire à l’homme. Les pandémies qui ont suivi (1957 : H2N2/A/Singapore/1/57 ;
1968 : H3N2/A/HongKong/1/68) étaient dues à des virus ayant subi un réassortiment
génétique (rôle du porc comme hôte intermédiaire).
Les grippes épidémiques sont des maladies très contagieuses, bénignes chez des sujets sans
co-morbidité mais pouvant être graves chez des sujets à risque . A l’opposé, les grippes
pandémiques affectent toutes les tranches de la population, notamment enfants et adolescents
avec un taux de létalité particulièrement élevé.
Les périodes inter-pandémiques sont déclinées en 6 phases : de 1 (absence de circulation de
nouveau virus aviaire hautement pathogène pour l’homme) à 6 (pandémie). Pour chacune des
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phases, on distingue 2 situations : A (cas à l’étranger) et B (cas en France). Chacune des
phases peut constituer le niveau d’entrée dans la pandémie.
La phase 2 est caractérisée par une épizootie sans cas humain. La phase 3 est caractérisée par
l’apparition de cas humains sans transmission interhumaine : le virus est le virus aviaire à
l’origine de rares cas humains dits de « grippe aviaire ».
Les phases 4 et 5 correspondent à la période d’alerte pandémique. Elles impliquent un virus
grippal humain de composition antigénique nouvelle, vis-à-vis duquel la population est
dépourvue d’immunité, avec transmission interhumaine. La transmission de ce virus peut
s’effectuer d’abord de façon limitée (phase 4) puis large (phase 5).
En situation 3A (situation actuelle de la France) les critères requis pour identifier un cas
possible sont au nombre de 4 : (1) fièvre + toux (+/- dyspnée), (2) séjour en zone affectée par
l’épizootie, (3) il y a moins de 7 jours, (4) contact proche (moins de 1 mètre) et répété avec un
oiseau (vivant ou mort ou leur fiente). En situations 4A-4B - 5A, le seul « contact depuis
moins de 7 jours avec un cas –humain- possible ou confirmé » suffit pour définir un cas
possible de grippe pandémique.
En situations 3A-5A un circuit d’alerte a été défini par le ministère de la santé. Si les cas
possibles restent peu nombreux , tous les patients sont proposés pour une hospitalisation,
même en l’absence de signes de gravité, de façon à faciliter les investigations (3B) et pour
ralentir la diffusion dans la population et assurer un suivi médical (4B).
Le SAMU-centre 15 représente le centre de coordination auquel devront se référer patients et
professionnels de santé, en cas de suspicion d’un cas possible de grippe pré pandémique.
Après validation d’un cas possible par l’Institut de Veille Sanitaire, le transport du patient
sera assuré vers un établissement de santé prévenu par le SAMU centre-15 (par une équipe
protégée). De telles mesures peuvent paraître excessives en phase 3 dans la mesure où le virus
n’est pas reconnu à transmission interhumaine. De telles mesures, prévues pour quelques rares
cas, ont pour raison d’apaiser toute réaction de panique et de nous préparer à l’éventuel
passage en phase 4-5A : si vis pacem para bellum !
Si les cas sont nombreux sur une zone géographique donnée (5B), le principe de prise en
charge de la phase pandémique (6) s’appliquera par anticipation. Le Ministre chargé de la
santé proposera le déclenchement des situations 5B et 6 au Premier Ministre. Le circuit
d’alerte décrit plus haut ne sera plus de mise. La prise en charge des cas reposera, pour
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l’essentiel sur le maintien des patients à domicile sous réserve que leur état clinique et leur
condition psychosociale le permettent.
Si la menace d’une pandémie grippale peut à ce jour paraître hypothétique voire fictive,
personne ne peut exclure une telle éventualité. La « grippe aviaire » est l’occasion de rappeler
les règles essentielles de prévention des maladies contagieuses.
En ce qui concerne le virus grippal, la transmission interhumaine s’effectue essentiellement
par les gouttelettes respiratoires émises à l’occasion de la toux, des éternuements, de la
parole : une distance de sécurité plausible est estimée à deux mètres. La transmission du virus
grippal peut de façon secondaire s’effectuer par aérosols (auquel cas une transmission est
possible à distance) et par l’intermédiaire des mains souillées lors d’un contact avec le patient
ou son environnement (objet, mobilier, vêtement,…).
Les mesures barrières qu’il convient de prendre en période inter, pré-pandémique et
pandémique constituent la pierre angulaire de toute prévention de la transmission de
personne à personne et doivent être appliquées par tous les professionnels de santé
quelque soit leur lieu d’exercice.
Devant tout patient présentant un syndrome grippal, en l’absence de connaissance de l’agent
infectieux en cause, on insiste sur la pré éminence de 2 règles : hygiène des mains (solution
hydro alcoolique ou lavage avec un savon antiseptique -au moins 30 secondes- après tout
contact avec le patient ou son environnement) et port d’un masque chirurgical (anti-
projections) par le patient. Eventuellement peuvent être recommandés le port de gants à usage
unique et de vêtements de protection, en cas de risque de projection de produits d’origine
humaine. L’apparition d’un nouveau virus à potentiel pandémique impliquerait d’autres
mesures barrières : port de masque de type FFP2, de lunettes de protection ; désinfection du
matériel médical avec les lingettes alcoolisées ; à la fin du soin, s’il est réalisé au domicile du
malade : dans la chambre, retirer la surblouse, les lunettes, les gants, les éliminer dans un sac
spécifique "déchet d’activité de soin à risque infectieux" (DASRI) et faire une friction hydro
alcoolique des mains ; hors de la chambre retirer le masque, l’éliminer dans un sac spécifique
DASRI et refaire une friction hydro alcoolique des mains.
En situation pré-pandémique, le médecin peut être amené à réaliser des prélèvements (nasal à
défaut pharyngé) devant un cas possible, à domicile. A cet effet, un kit de prélèvement sera
mis à sa disposition (masque FFP2, lunettes, gants non stériles, sur blouse, dispositif de
prélèvement, triple emballage, sacs DASRI, masques chirurgicaux, fiche d’information). Les
prélèvements à visée diagnostique ne seront plus nécessaires en phases 5B-6.
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Des mesures barrières seront également nécessaires au niveau des patients. Une campagne
médiatique est prévue à l’automne 2006 pour rappeler à chacun les règles d’hygiène visant à
prévenir la transmission d’infections comme la grippe.
La vaccination anti-grippale va devenir une obligation pour toute personne qui dans un
établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des
personnes âgées, exerce une activité professionnelle (JO 20 décembre 2005). Le vaccin
trivalent saisonnier ne confère aucune protection vis-à-vis d’un nouveau virus pandémique.
Un vaccin contre la grippe aviaire A/H5N1 est en cours de développement : ce vaccin, utilisé
chez l’animal, n’est pas adapté pour l’homme. N’ayant pas connaissance d’un virus nouveau
qui serait à l’origine d’une pandémie, il faudra compter entre 6 à 12 mois pour développer un
vaccin une fois la souche isolée.
Le traitement antiviral fait appel à des inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir,
zanamivir). A titre curatif, ces médicaments doivent être administrés dans les 48 heures
suivant la date des premiers symptômes. A titre prophylactique, ils peuvent être proposés dans
les 48 heures suivant un contage (mais un sujet porteur de virus est contagieux dans les 24
heures précédant l’apparition des signes cliniques), la durée de cette prophylaxie est de une
semaine (quand on dispose d’un vaccin permettant l’acquisition d’un immunité en 7 à 10
jours), jusqu’à 6 semaines (en l’absence de vaccination). Seul l’oseltamivir (Tamiflu®) dispose
d’une AMM en prophylaxie chez les enfants âgés de 13 ans et plus (extension d’AMM en
cours pour les enfants âgés d’un an et plus).
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