PHOTOS : D. DU SABLON Anne Dionne, B. Pharm., M.Sc., BCOP Professeure agrégée Directrice de programmeBaccalauréat en pharmacie Faculté de pharmacie, Université Laval et Hôpital du Saint-Sacrement du CHA PRÉVENTION ET TRAITEMENT DES NAUSÉES ET DES VOMISSEMENTS LIÉS À LA CHIMIOTHÉRAPIE ET AUX OPIOÏDES epuis la mise en application de la Loi sur l’assurance médicament en 1997, les patients nécessitant des médicaments pour la prévention ou la maîtrise des effets indésirables de la chimiothérapie ou des opioïdes, dont les nausées et les vomissements, doivent se présenter à leur pharmacie de quartier pour obtenir ces médicaments. De plus, à la suite des modifications apportées à l’article 17 de la Loi sur la pharmacie en juin 2002, les pharmaciens autant en milieu communautaire qu’en milieu hospitalier peuvent initier ou ajuster, selon une ordonnance, la thérapie médicamenteuse. Les principaux effets indésirables liés à la chimiothérapie et aux opioïdes sont très bien connus et souvent prévisibles. Par contre, leur fréquence et leur intensité varient, entre autres, selon les agents utilisés et la tolérance des patients. Cet article fournira des outils aux pharmaciens, car il traite des nausées et des vomissements que subissent les patients en chimiothérapie ou prenant des opioïdes ainsi que des mesures préventives ou des traitements qui peuvent être proposés par les pharmaciens ou suggérés au médecin traitant. D La révision scientifique de cet article a été faite par Chantal Morissette, pharmacienne, pharmacies Guy Lemire, et professeure de clinique, Faculté de pharmacie, Université Laval. Objectifs pédagogiques ■ Reconnaître les nausées et vomissements liés à la chimiothérapie et aux opioïdes nécessitant une prévention ou une intervention pharmacologique. ■ Comparer les différentes options utilisées en prévention ou en traitement des nausées et des vomissements, causés par différents agents utilisés en oncologie. ■ Commencer un traitement approprié si la réponse au traitement antiémétique est non optimale. ■ Savoir quand adresser le patient au médecin traitant ou à l’urgence. Note au lecteur : le texte ombragé met en évidence le travail du pharmacien en interdisciplinarité L’ACTUALITÉ PHARMACEUTIQUE / MAI 2006 1 Madame Giguère, âgée de 43 ans, se présente à la clinique externe d’oncologie pour son premier cycle de chimiothérapie pour un cancer du sein, diagnostiqué il y a un mois. Elle reçoit une chimiothérapie de type FEC-100 (5-Fluorouracile- Épirubicine-Cyclophosphamide) et une thérapie antiémétique en préchimiothérapie (lorazépam-dexaméthasoneondansétron). À l’histoire médicamenteuse, elle vous dit prendre comme médicament de l’acétaminophène (Tylenol) à l’occasion pour des céphalées de tension et de l’Empracet-15 chaque jour pour maîtriser la douleur au moment de ses exercices postmastectomie. Elle vous dit avoir eu des nausées lors de ses deux grossesses et être très anxieuse quant à son traitement de chimiothérapie. Elle vous demande si elle doit absolument prendre les médicaments Publié grâce à antiémétiques en postchimiothérapie une subvention (dexaméthasone-prochlorpérazine), car sans restrictions de elle est « anti-médicament ». Facteurs de risque Encore en 2005, on estime qu’environ 10 % à 40 % des patients présenteront des nausées ou des vomissements à la suite d’un traitement de chimiothérapie et ce, malgré la prise d’antiémétiques 13 . L’incidence, la gravité et la durée de l’émèse varient selon différents facteurs liés à la chimiothérapie administrée, comme le type d’antinéoplasique, la dose, le mode d’administration, l’expérience antérieure avec la chimiothérapie, le potentiel émétique et l’association ou non d’agents antinéoplasiques 1-3. Les agents antinéoplasiques sont classés en cinq groupes selon leur potentiel émétique, allant de hautement à faiblement émétisant. Par exemple, lors de l’administration d’agents ayant un potentiel émétique élevé, comme le cisplatine, le carboplatine ou l’association de la cyclophosphamide avec une anthracycline (épirubicine, doxorubicine), on estime que 60 % à 90 % des patients peuvent expérimenter de l’émèse en l’absence d’une prophylaxie antiémétique efficace 1-5. Différents facteurs liés au patient, tels que l’âge inférieur à 50 ans, le fait d’être une femme, les antécédents de nausées ou vomissements lors de la grossesse, le mal des transports, l’anxiété et les troubles d’adaptation, augmenteraient le risque de présenter des nausées et des vomissements après une chimiothérapie 1,2. De plus, la localisation de la tumeur, la présence de certains types de métastases, l’association de la radiothérapie et de la chimiothérapie, un débalancement électrolytique (hypercalcémie, hyperglycémie, hyponatrémie) et la prise de médicaments concomitants (comme les opioïdes) peuvent également expliquer la survenance ou l’augmentation de l’intensité des nausées et des vomissements postchimiothérapie 2. On rapporte que les nausées et les vomissements apparaissent chez environ un tiers à deux tiers des personnes recevant un opioïde 6. Un soulagement non optimal est susceptible d’entraîner des complications telles que l’anorexie, la déshydratation, la malnutrition, les débalancements électrolytiques et la fatigue. Ces complications peuvent engendrer des délais dans l’administration de la chimiothérapie et même, dans certains cas, un refus du patient à poursuivre des traitements ayant une visée curative 1,2. 2 Madame Giguère présente plusieurs facteurs de risque d’avoir des nausées et des vomissements liés à la chimiothérapie : elle reçoit un protocole de chimiothérapie à potentiel émétique élevé (association cyclophosphamideépirubicine), elle a des antécédents de nausées lors de ses deux grossesses et elle est anxieuse. Physiologie de l’émèse La physiologie de l’émèse est un mécanisme complexe qui n’est pas complètement élucidé. La zone chimioréceptrice réflexogène (chemoreceptor trigger zone ou CTZ), située au niveau de l’area prostema, reçoit et transmet les influx aux structures voisinant le centre du vomissement 1,2,4. Elle joue un rôle clé dans l’émèse induite par la chimiothérapie. On a identifié plusieurs récepteurs dans cette zone et des recherches ont été dirigées pour comprendre le rôle de différents neurotransmetteurs dont la sérotonine, la dopamine et les neurokinines. On propose deux hypothèses pour expliquer l’émèse liée à la chimiothérapie. La première serait l’activation des neurotransmetteurs résultant d’une lésion ou d’une irritation au tractus gastro-intestinal; la deuxième consiste en l’activation directe via le sang et le liquide céphalorachidien des neurotransmetteurs situés au CTZ. La paroi du tube digestif est responsable de plus de 80 % de la production de sérotonine. À la suite de l’administration d’antinéoplasiques, les cellules entérochromaffines de l’intestin libèrent la sérotonine qui stimule les récepteurs du CTZ par l’intermédiaire du nerf vague et des nerfs sympathiques. La sérotonine serait le principal neurotransmetteur impliqué dans l’émèse aiguë et semblerait l’être moins dans l’émèse différée 1,2,4. De récentes recherches suggèrent que la substance P, qui agit sur les récepteurs de la neurokinine 1, induit des vomissements lorsqu’elle est administrée par voie intraveineuse. Elle serait donc impliquée dans la réponse émétique et, plus particulièrement, dans l’émèse différée. On retrouve la substance P au niveau du CTZ ainsi que dans les fibres afférentes du nerf vague du tractus gastrointestinal 7,8. La dopamine serait associée à l’émèse différée. Les nausées associées à la chimiothérapie sont aussi exacerbées par différents stimuli comme les odeurs et le goût altéré 1,2. Trois mécanismes expliquent l’émèse liée aux opioïdes. La stimulation directe du CTZ est principalement impliquée. Les autres mécanismes sont un ralentissement du transit digestif et une intensification de la sensibilité vestibulaire. Une tolérance aux nausées se développe habituellement rapidement. Un traitement antinauséeux est donné selon les besoins 6. Types d’émèse Les personnes ayant reçu de la chimiothérapie risquent de présenter trois types d’émèse : à début soudain, différée ou d’anticipation 1-3. L’émèse à début soudain survient dans les premières 24 heures suivant l’administration de la chimiothérapie et touche environ 13 % des patients pour les vomissements aigus et plus de 35 % d’entre eux pour les nausées aiguës. L’émèse différée apparaît plus de 24 heures après l’administration de la chimiothérapie et peut se prolonger pendant deux à cinq jours. L’émèse différée est la plus difficile à maîtriser. C’est pourquoi la prévention de ce symptôme est primordiale 2. On constate aussi que sa maîtrise est en étroite relation avec celle de l’émèse aiguë 1,3. L’émèse différée est plus fréquente à la suite de l’administration de cisplatine, de carboplatine, de cyclophosphamide et d’anthracyclines 4. L’émèse d’anticipation, quant à elle, se manifeste avant l’administration de la chimiothérapie et est souvent liée à un mauvais soulagement de l’émèse lors des cycles antérieurs. Les médicaments anxiolytiques comme le lorazépam (Ativan) et les mesures non pharmacologiques telles que la désensibilisation, la rétroaction et la relaxation ont montré une certaine efficacité 1-3. Prévention de l’émèse à début soudain et différée à la suite de l’administration de chimiothérapie La figure 1 résume les différentes recommandations concernant les antiémétiques à utiliser dès le premier cycle de chimiothérapie selon le type d’émèse et le potentiel émétique des agents antinéoplasiques 1-3,5,9-11. Le tableau I présente les différents antiémétiques utilisés en oncologie et en soins palliatifs 1-12. Le respect de certains principes d’utilisation des antiémétiques est essentiel afin de maîtriser l’émèse de façon optimale lors de chimiothérapie 1,2 : ➤ Le choix de la thérapie antiémétique est basé sur le potentiel émétique des antinéoplasiques; L’ACTUALITÉ PHARMACEUTIQUE / MAI 2006 ➤ Les antiémétiques sont utilisés à la plus petite dose efficace; ➤ La voie orale et la voie intraveineuse sont d’efficacité équivalente; ➤ La thérapie antiémétique est administrée de façon régulière pendant la période où le patient est à risque d’avoir des nausées ou des vomissements (48 à 72 heures); ➤ La thérapie antiémétique est individualisée selon les facteurs de risque présents chez le patient, les effets indésirables liés aux antiémétiques et la réponse antiémétique. Les antagonistes sérotoninergiques comme l’ondansétron (Zofran), le granisétron (Kytril) et le dolasétron (Anzemet) sont les agents les plus efficaces pour prévenir et soulager les nausées et les vomissements à début soudain lorsqu’on les associe avec la dexaméthasone en présence d’une chimiothérapie modérément à hautement émétisante. Cette association prévient l’émèse chez 65 % à 80 % des patients 1-3,5,9-11. Par contre, le rôle des antisérotoninergiques en monothérapie dans la prévention de l’émèse différée secondaire à une chimiothérapie modérément à hautement émétisante semble plus modeste. Une récente méta-analyse conclut qu’il n’y a pas d’avantage à utiliser d’emblée un antisérotoninergique seul ou associé à la dexaméthasone pour la maîtrise de l’émèse différée. Selon les résultats de cette étude, il faudrait administrer en moyenne 74 doses d’antisérotoninergique en monothérapie à 12 patients pour éviter qu’un seul patient présente de l’émèse différée 13. Des études ont évalué l’efficacité de l’association antisérotoninergique-dexaméthasone lors de chimiothérapies hautement émétisantes : leurs résultats ont montré que l’ajout d’un antisérotoninergique n’améliore pas de façon significative la maîtrise de l’émèse différée par rapport à la dexaméthasone en monothérapie 13. Une autre étude comparait l’efficacité de l’ondansétron à celle de la dexaméthasone et de la prochlorpérazine. Les résultats obtenus ont montré que l’agent le moins efficace est l’ondansétron pour prévenir les nausées et les vomissements différés 14. Les antisérotoninergiques sont donc habituellement réservés aux cas réfractaires, c’est-à-dire lorsque la dexaméthasone n’a pas eu les effets escomptés. Ils sont utilisés chez les patients pour qui l’utilisation de dexaméthasone est contre-indiquée (par ex. : diabète) ou chez les patients qui ont L’ACTUALITÉ PHARMACEUTIQUE / MAI 2006 FIGURE 1 Algorithme de prévention et de traitement de l’émèse à début soudain et différée (1-2) Choisir la thérapie antiémétique selon potentiel émétique de la chimiothérapie Minime < 10 % Faible 10-30 % Modéré 30-90 % Pré chimio : Aucune prophylaxie de routine Post chimio : Antiémétique PRN Pré chimio : Antisérotoninergique Ou Dexaméthasone Ou Métoclopramide Post chimio : Antiémétique PRN Pré chimio : Antisérotoninergique + Dexaméthasone +/- Lorazépam (Aprépitant à considérer selon patient) Post chimio : Dexaméthasone jrs 2-4 Antidopaminergique PRN (Aprépitant jrs 2,3 si utilisé jr 1) Élevé < 90 % Pré chimio : Antisérotoninergique + Dexaméthasone +/- Lorazépam +/- Aprépitant Post chimio : Dexaméthasone jrs 2-4 (Aprépitant jrs 2,3 si utilisé jr1) Antidopaminergique PRN Évaluation de la réponse suite à la prise de la thérapie antiémétique Réponse adéquate (Absence de nausées ou nausées légères) Continuer mêmes antiémétiques aux cycles subséquents Réponse inadéquate (Nausées graves ou épisodes de vomissements) Maintenant : • Évaluer si autres causes possibles. Si présente(s), traiter • Utiliser prochlorpérazine par voie rectale aux 4 à 6hres • Et / ou poursuivre la prise de dexaméthasone pendant quelques jours Référer le patient à l’urgence si thérapie non efficace. présenté des réactions extrapyramidales à la suite de la prise de métoclopramide, d’halopéridol ou de prochlorpérazine. Lorsqu’ils sont administrés à doses équivalentes, les antisérotoninergiques ont une efficacité et une innocuité comparables. On les considère donc interchangeables 1,2,9-11. Qu’ils soient reçus par voie orale ou intraveineuse, ils procurent un soulagement de l’émèse à début soudain comparable. L’utilisation de doses élevées n’améliore pas leur efficacité. Le tableau I propose les doses minimales efficaces 10. Le palonosétron, un antisérotoninergique de deuxième génération, est offert aux États-Unis depuis 2003. Il est approuvé pour la prévention de l’émèse aiguë lors des chimiothérapies modérément ou hautement émétisantes et pour la maîtrise de l’émèse différée lors de chimiothérapies modérément émétisantes 1-2. Par rapport aux autres antisérotoninergiques, il aurait une plus grande affinité avec les récepteurs sérotoniner- Cycles subséquents : • Utiliser protocole antiémétique du niveau suivant de potentiel émétique. • Envisager une ou plusieurs des options suivantes : - Ajout benzodiazépine en pré et en post - Augmenter les doses de dexaméthasone et / ou antisérotoninergique en pré chimio - Ajouter un antagoniste dopaminergique (métoclopramide, halopéridol, prochorpérazine) en pré ou post - Changer pour un autre antisérotoninergique en pré - Ajouter Aprépitant en pré et en post - Ajouter olanzapine en pré et en post giques, une plus grande puissance, une demi-vie plus longue et un excellent profil d’innocuité. Son efficacité serait semblable à celle des autres antisérotoninergiques dans l’émèse aiguë. Mais contrairement aux autres agents de sa classe, le palonosétron présente une bonne efficacité dans les cas d’émèse différée 1,2. La dexaméthasone (Decadron) est le corticostéroïde le plus utilisé en oncologie. Son mécanisme d’action antiémétique n’est pas élucidé, mais on croit qu’il agirait sur les prostaglandines cérébrales. En préchimiothérapie, lorsqu’associée à un antisérotoninergique, elle augmente l’efficacité de ce dernier de 10 % à 20 % dans l’émèse à début soudain. Quant à l’émèse différée, la dexaméthasone offre une efficacité significative en présence de chimiothérapies à potentiel émétique modéré à élevé. Une étude a montré qu’il y avait un avantage à utiliser la dexaméthasone pendant deux à quatre jours après l’administration de la chimiothérapie par 3 TABLEAU I ANTIÉMÉTIQUES UTILISÉS EN ONCOLOGIE 1-12 ANTIÉMÉTIQUES Antisérotoninergiques : Ondansétron (Zofran) Granisétron (Kytril) Dolasétron (Anzemet) Palonosétron Corticostéroïdes : Dexaméthasone (Decadron) SOINS PALLIATIFS Posologie orale CHIMIOTHÉRAPIE Posologie orale postchimio Posologie préchimio 8 mg po / IV à 16 mg po 1 mg po / IV à 2 mg po 100 mg po / IV 0,25 mg IV 4-8 mg po / IV (risque faible) 8 mg po / IV (risque modéré) 20 mg IV (risque élevé) * réduire la dose de 50 % si combinée à l’aprépitant 8 mg aux 12 h X 1-2 jours 1-2 mg aux 24 h X 1-2 jours 100 mg aux 24 h Aucune dose en post 8 mg id X 2-3 jours OU 4 mg bid X 2-3 jours (risque modéré) 8 mg bid X 3-4 jours (risque élevé) * réduire la dose de 50 % si associée à l’aprépitant Dans les cas réfractaires 4 à 8 mg id à tid 1 à 2 mg / jour en 1 à 2 prises 4 à 8 mg id à qid Antidopaminergiques : Métoclopramide (Maxeran) avec diphenhydramine 0,5-2 mg / kg IV 25-50 mg IV 10-20 mg AC et hs 25-50 mg po prn 5-20 mg tid-qid (15-30 min. avant repas) Dompéridone (Motilium) Non disponible 10-20 mg AC et hs 5-20 mg tid-qid (15-30 min. avant repas) Phénothiazines : Prochlorpérazine (Stemetil) 10 mg IV 10-20 mg aux 4 à 6 heures 1er choix 5-20 mg aux 4 à 6 heures Butyrophénones : Halopéridol (Haldol) Rarement utilisé 1-2 mg aux 4 à 6 heures 0,5-2 mg id à bid Antagoniste des récepteurs NK1 Aprépitant (Emend) 125 mg PO 80 mg po jours 2 et 3 Non indiqué Antihistaminique : Dimenhydrinate (Gravol) Non indiqué Lors de potentiel émétique faible : 50 à 100 mg aux 6 heures 25 à 100 mg aux 4 à 6 heures Antidopaminergique : Scopolamine (Transderm V) Non indiqué Non indiqué 1 à 3 timbres aux 3 jours 1 à 2 mg la veille et 1 à 3 heures pré 5 mg / m 2 1 à 2 mg bid (max : 6mg / j) 5 mg / m2 aux 2 à 4 heures (max : 4 à 6 doses / jour) 1 à 2 mg bid (max : 6 mg / j) Cannabinoïdes : Nabilone (Cesamet) Dronabinol (Marinol) 2,5 à 5mg bid (max : 20 mg / jour) MNP : mesures non pharmacologiques rapport à la prise d’un placebo 1-3,5,9-11. Un des bénéfices secondaires possibles de la dexaméthasone est l’amélioration de l’humeur des patients en produisant subjectivement une sensation de bien-être. Par contre, certains se plaignent d’insomnie, d’irritation gastro-intestinale ou de gain de poids lors de sa prise 1,2,9. Si tel est le cas, on peut envisager une réduction de la dose de dexaméthasone en autant qu’un soulagement optimal de l’émèse différée ait été obtenu lors du cycle précédent. Cette médication devrait être utilisée avec prudence chez les personnes diabétiques, puisqu’elle peut entraîner 4 des augmentations de glycémie, et chez les patients psychotiques, qui risquent de décompenser 9. Le métoclopramide (Maxeran), un antidopaminergique des récepteurs D2 centraux et périphériques, est un agent efficace pour la maîtrise de l’émèse à début soudain lors de chimiothérapies à potentiel émétique faible et de l’émèse différée. À haute dose (1-2 mg / kg), le métoclopramide aurait un effet antisérotoninergique. Son association avec la dexaméthasone serait supérieure au placebo lors de chimiothérapies hautement émétisantes. Cependant, le métoclopra- mide est associé à de l’akathisie et à des effets extrapyramidaux dystoniques qui sont plus fréquents chez les patients de moins de 30 ans, lesquels peuvent être prévenus ou traités par la diphenhydramine (Benadryl) ou la benztropine (Cogentin). Cet effet indésirable limite son utilisation. On rapporte également de la sédation et de la diarrhée 1,2,9. La dompéridone (Motilium) est un antidopaminergique ayant uniquement un effet périphérique. Elle a l’avantage de ne pas provoquer de réactions extrapyramidales et d’être bien tolérée. Cet agent est fréquemment utilisé dans les cas réfractaires L’ACTUALITÉ PHARMACEUTIQUE / MAI 2006 en oncologie. Cependant, peu de données scientifiques appuient cette façon de faire, puisque la dompéridone n’est pas commercialisée aux États-Unis et que la documentation concernant la dompéridone est limitée 8. De plus, la dompéridone et le métoclopramide sont utiles lorsque les nausées sont accompagnées de symptômes de reflux gastro-œsophagien ou de plénitude gastrique. Les phénothiazines, comme le prochlorpérazine (Stémétil), agissent en antagonisant les récepteurs D2 de la dopamine situés au CTZ, les récepteurs M1 muscariniques et les récepteurs H1 de l’histamine. Le prochlorpérazine est l’agent le plus utilisé en oncologie. À faibles doses, il est généralement efficace lors de chimiothérapies à potentiel émétique faible à modéré pour maîtriser l’émèse différée. Un des avantages de la prochlorpérazine est sa disponibilité sous différentes formes pharmaceutiques, dont les suppositoires. La voie rectale est fréquemment utilisée lorsque les patients sont incapables de prendre leur médicament par la bouche. Les effets indésirables rapportés sont la sédation, la photosensibilité, la constipation et les réactions extrapyramidales, lesquelles peuvent être prévenues ou traitées par la diphenhydramine (Benadryl) ou la benztropine (Cogentin) 1,2,9. L’halopéridol (Haldol) offre un bon taux d’efficacité dans l’émèse liée à la chimiothérapie, mais il est peu utilisé. Son profil d’effets indésirables et celui du prochlorpérazine sont similaires. Par contre, sa longue demi-vie lui permet une administration uni- ou biquotidienne 1,9. L’aprépitant (Emend), premier agent des antagonistes des récepteurs des neurokinines 1, devrait être commercialisé au Canada en 2006. Les données d’efficacité en font une option intéressante lorsqu’associé à la thérapie standard (antisérotoninergique et dexaméthasone) dans la prévention des nausées et des vomissements survenant dans la phase aiguë et, plus particulièrement, dans la phase différée après l’administration d’une chimiothérapie à base de cisplatine 1-3,5,7-11. Les résultats préliminaires d’études randomisées proposent qu’il soit efficace dans la maîtrise des nausées et des vomissements liés à des chimiothérapies modérément à hautement émétisantes, comme l’association cyclophosphamide-anthracycline. Il s’administre par voie orale et ses effets indésirables (fatigue, perte d’appétit, hoquet) sont considérés comme accep- tables par les patients. Il est un substrat, un inducteur modéré et un inhibiteur du cytochrome P450 3A4. On doit considérer son potentiel d’interactions médicamenteuses lors de la rédaction de l’ordonnance 1-3,5,7-11. La dose de dexaméthasone doit être réduite de 50 % si elle est associée à l’aprépitant, puisque celui-ci augmente les concentrations sériques du stéroïde 1-3,5,7-11. Les personnes prenant de la warfarine et de l’aprépitant doivent avoir une surveillance de leur RNI pendant deux semaines à la suite de la prise d’aprépitant 1.2,9. Les cannabinoïdes, dont la nabilone (Cesamet) et le dronabinol (Marinol), ont une efficacité modeste dans les nausées associées à la chimiothérapie. Leurs effets indésirables (dysphorie, hallucinations et hypotension) en limitent l’utilisation chez les personnes âgées 1,2,9. Ils sont sélectionnés dans les cas de nausées réfractaires ou pour des patients ayant déjà consommé de la marijuana 1,9. Les anticholinergiques comme le dimenhydrinate (Gravol) ou la scopolamine (Transderm V) agissent au niveau du centre vestibulaire, lequel n’est pas impliqué dans l’émèse liée à la chimiothérapie. Ils sont donc peu efficaces dans cette situation. Cependant, le dimenhydrinate peut être utile lors de chimiothérapies à potentiel émétique faible ou lorsque l’administration d’antidopaminergiques est contre-indiqué, par exemple lors d’antécédents de réactions extrapyramidales. L’olanzapine (Zyprexa) est un antipsychotique qui agit sur différents récepteurs, soit les récepteurs dopaminergiques cérébraux, sérotoninergiques, alphaadrénergiques, histaminiques et muscariniques. Les résultats d’études ont montré que l’olanzapine en association avec la dexaméthasone et un antisérotoninergique serait efficace pour maîtriser l’émèse aiguë et différée lors de chimiothérapies modérément et hautement émétisantes. Ses principaux effets indésirables sont le gain de poids, la somnolence et le diabète de type 1 1,2,17. Émèse réfractaire lors de l’administration de chimiothérapie malgré une thérapie initiale dite « optimale » Mme Belhumeur, âgée de 48 ans, se présente à la pharmacie communautaire où vous travaillez. Il y a cinq jours, elle a reçu son premier cycle de chimiothé- L’ACTUALITÉ PHARMACEUTIQUE / FÉVRIER2006 MAI 2006 rapie pour un cancer du poumon (cisplatine-gemcitabine). Mme Belhumeur dit avoir eu des nausées très incommodantes les trois jours suivant la chimiothérapie et quatre épisodes de vomissements, soit deux le soir du traitement et le lendemain, malgré la prise orale plus ou moins régulière d’antiémétiques à la maison (Decadron et Stémétil) en raison des nausées. Durant cette période, elle affirme avoir eu de la difficulté à accomplir ses tâches quotidiennes. La pharmacienne note à son dossier que Mme Belhumeur a le mal des transports. Elle dit présenter encore des nausées, mais celles-ci ne nuisent pas à son alimentation (nausées légères). Elle demande si le Gravol Gingembre serait utile dans son cas puisqu’elle n’aime pas beaucoup l’effet du prochlorpérazine (somnolence). Elle vous dit avoir reçu en préchimiothérapie du lorazépam, du granisétron et de la dexaméthasone. L’émèse réfractaire représente un défi de taille pour les professionnels de la santé. Les nausées et les vomissements sont généralement plus faciles à prévenir qu’à traiter 1,2,15,16. Lors d’un soulagement inadéquat de l’émèse, on peut envisager différentes options dès maintenant et lors des cycles subséquents de chimiothérapie (voir la figure 1). D’abord, en présence de nausées ou de vomissements, la voie rectale ou la voie intraveineuse doivent être privilégiées. L’utilisation de la prochlorpérazine par voie rectale ou de la dexaméthasone orale pendant quelques jours supplémentaires pourrait être envisagée 1,2,15,16. Comme la patiente présente des nausées légères, nous lui suggérons dès maintenant de poursuivre l’utilisation de prochlorpérazine régulièrement. Nous assurerons un suivi dans 24 heures. Si les nausées avaient nui à son alimentation, nous aurions contacté l’oncologue afin d’obtenir une ordonnance de dexaméthasone pour quelques jours supplémentaires. Lors des cycles subséquents, on devra rassurer le patient et vérifier s’il n’y a pas d’autres causes possibles de nausées et de vomissements (métastases cérébrales, débalancements électrolytiques, reflux gastro-œsophagiens, étourdissements ou autres). On doit réévaluer la thérapie antiémétique autant en préchimiothérapie qu’en postchimiothérapie. Les antiémétiques doivent toujours présenter des mécanismes d’action différents 1,2. Il est important d’encourager une prise régulière de ces agents. Bien que la docu- 5 mentation scientifique ne détaille pas toutes ces situations, on recommande en clinique d’envisager une ou plusieurs des options suivantes 2 : ➤ En préchimiothérapie : • Ajouter un antiémétique antidopaminergique (prochlorpérazine, métoclopramide, halopéridol); • Augmenter la dose de l’antisérotoninergique ou changer d’antisérotoninergique (résultats anecdotiques); • Majorer la dose de dexaméthasone; • Ajouter l’aprépitant (aucune donnée scientifique disponible); • Ajouter un anxiolytique (lorazépam ou alprazolam). ➤ En postchimiothérapie : • Ajouter un antisérotoninergique; • Ajouter un antiémétique antidopaminergique (prochlorpérazine, métoclopramide, halopéridol, dompéridone); • Ajouter l’aprépitant (aucune donnée scientifique disponible); • Ajouter un anxiolytique (lorazépam ou alprazolam). Lors de son prochain cycle de chimiothérapie, on rencontre Mme Belhumeur afin de lui expliquer les modifications à sa thérapie antiémétique visant un soulagement optimal. L’ajout d’un antisérotoninergique à la dexaméthasone en postchimiothérapie pourrait être considéré. De plus, il faut lui rappeler l’importance de prendre régulièrement ses antiémétiques. Aucun antiémétique en vente libre ne peut lui être suggéré, puisqu’ils ne sont pas efficaces dans cette situation. Enfin, on lui proposera de consulter une nutritionniste qui pourra la conseiller au sujet de son alimentation et la guider vers des aliments qui n’augmenteront pas les nausées. Il est important de lui rappeler qu’elle doit consulter un médecin ou se présenter à l’urgence si elle présente plus de six épisodes de vomissements ou si elle a des nausées graves l’empêchant de s’alimenter. Traitement de l’émèse liée à la prise d’opioïdes L’antiémétique sera choisi selon le type d’émèse que le patient est susceptible d’avoir après la prise d’opioïdes. La dompéridone (Motilium) et le métoclopramide (Maxeran) sont habituellement recommandés en première ligne lorsque les nausées sont accompagnées de symptômes de reflux gastro-œsophagien, de plénitude 6 gastrique ou de ralentissement de la motilité gastro-intestinale 6. L’halopéridol (Haldol) est efficace pour traiter les nausées secondaires aux opioïdes et il est préféré au prochlorpérazine (Stemetil) en raison de sa longue durée d’action 6,12. Le dimenhydrinate (Gravol) et la scopolamine (Transderm-V, Hyoscine) sont utilisés en soins palliatifs lorsque les nausées et les vomissements sont liés à une stimulation vestibulaire, c’est-à-dire lors des changements de position après la prise d’opioïdes 6,12. Le rôle des antisérotoninergiques lors des nausées liées aux opioïdes est plus ou moins clair. Ils sont habituellement utilisés dans les cas réfractaires à l’utilisation d’antiémétiques antidopaminergiques 6,12. D’autres stratégies, comme la rotation d’opioïdes ou la réduction de doses une fois la douleur bien maîtrisée, peuvent être suggérées lors de nausées chroniques causées par la prise d’opioïdes 6. Une maîtrise optimale des nausées et vomissements associés à la chimiothérapie ou aux opioïdes améliore non seulement la qualité de vie des patients, mais aussi leur fidélité à leur traitement. Le pharmacien doit jouer un rôle actif en conseillant entre autres l’équipe médicale quant au choix, aux doses et aux voies d’administration des antiémétiques. Le traitement doit être optimisé dès le début de la chimiothérapie. En effectuant un suivi auprès des patients, on peut vérifier l’efficacité des antiémétiques utilisés et la présence d’effets indésirables. Le pharmacien peut proposer un journal de bord dans lequel les patients recueillent des données sur l’efficacité de la thérapie antiémétique. On recommande que ce journal compile les cinq journées suivant l’administration des antinéoplasiques afin de cerner les nausées soudaines et les nausées différées. Il est primordial que le pharmacien puisse reconnaître les situations où il peut intervenir, mais aussi quand il doit adresser son patient au médecin traitant ou à l’urgence. ❱ Réponses aux questions du numéro de mars 2006 PRÉVENTION ET TRAITEMENT DES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES LIÉS À LA CHIMIOTHÉRAPIE : STOMATITES ET SYNDROME D'ÉRYTHÈME PALMO-PLANTAIRE (PARTIE 1) 3: b 4: b 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Conclusion 1: c 2: d Références bibliographiques 5: c 6: c 7: c 8: b 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. National Cancer Institute. Nausea and Vomiting (PDQ) Health Professional Version. Adresse: www.nci.nih.gov/cancerinfo/pdq/sup portivecare/nausea/healthprofessional/ (Pages consultées le 17 février 2005). National Comprehensive Cancer Network. Antiemesis: Clinical Practice Guidelines in Oncology. Version 1.2005. 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