Un sentiment d’injustice pour les
patients comme pour le personnel
soignant
Malgré l’avènement des biothérapies ciblées
et de l’immunothérapie, le pronostic des
mélanomes métastasés reste sombre : en
effet, la survie à 5 ans ne concerne qu’1
patient sur 4. C’est pourquoi le dépistage
précoce est primordial. « Notre service
travaille en coopération avec le CHU de
Marseille pour proposer aux malades le
traitement le plus moderne parfois dans
le cadre de protocoles multicentriques »
explique le Pr Morand. « Par ailleurs, nous
sommes en mesure aujourd’hui de proposer
de nouveaux protocoles thérapeutiques aux
patients » précise Safia Abed, qui réalise
sa thèse sur le mélanome dans les deux
services. Cette maladie s’accompagne de
modifications corporelles importantes, difficiles
à accepter pour le patient, sa famille et les
soignants. « C’est perturbant car cette maladie
touche les patients à tous les âges et on se
sent impuissant lorsque le stade est avancé »
précise Mme Donnard. Les nouveaux
traitements représentent un nouvel espoir et
donnent aux jeunes patients un sursis de temps
pour pouvoir préparer la fin de vie et l’après
avec leurs proches. Lorsque le patient est en
dehors des ressources thérapeutiques, la prise
en charge de la douleur et l’organisation des
soins palliatifs deviennent la priorité du service.
« Nous prenons en compte les besoins des
patients et leurs attentes pour favoriser leur
qualité de vie. Le dialogue et l’information sont
essentiels pour gagner du temps et les aider à
préparer au mieux la fin de vie, en lien avec
les réseaux de soutien (RIVAGE, RENATUS) »
explique le Dr Georgantelis.
D’autres cancers cutanés fréquents
sont parfois plus faciles à traiter
Les carcinomes concernent une population
globalement plus âgée avec une gestion
souvent plus facile. « Dans les formes
inopérables de carcinomes basocellulaires,
nous disposons de nouvelles armes efficaces
avec les thérapies ciblées » précise le
Pr Morand. Si les autres cancers (lymphome et
sarcome) sont plus rares, les tumeurs bénignes
sont légions et la concertation entre les
anatomopathologistes et les cliniciens reste
essentielle pour leur prise en charge et leur suivi.
Le mélanome : une priorité de santé publique
en Dermatologie - Mai 2014
®
En France, l’incidence du mélanome a considérablement augmenté en 20 ans. Dépisté tôt,
la très grande majorité des patients guérissent alors que pour les formes métastatiques le
pronostic est plus sombre. Le vécu de l’équipe face à un malade atteint d’un mélanome, en
fin de vie, est toujours difficile car il s’agit souvent de sujets plutôt jeunes, surpris qu’une
petite lésion cutanée puisse avoir de telles conséquences…
Dr Pierre Louge, Médecin en chef Spécialiste
de médecine de plongée et hyperbare
Dr Thierry Boyé, Médecin en chef
Dermatologue
Aurélie Negrier, Infirmière
Safia Abed, Interne militaire en
Dermatologie
Pr Jean-Jacques Morand, Chef de
service de Dermatologie
Catherine Donnard, Cadre de Santé
Dr Cynthia Georgantelis, Médecin
de l’équipe mobile de soins palliatifs
L’oxygénothérapie hyperbare : de la plongée à l’angiodermatologie
Les troubles trophiques sont gérés en ambulatoire dans le service de dermatologie. Pour
certaines plaies chroniques comme les ulcères de jambes, le service propose l’utilisation de
la médecine hyperbare initialement développée pour la plongée. Le centre hyperbare de
l’HIA Ste Anne est d’ailleurs le premier centre d’Europe pour les accidents de plongées
(120 accidents/an).
Si la dermatologie est
réputée comme une
spécialité non urgente,
il existe des diagnostics
à ne pas rater pour des
pathologies nécessitant une
prise en charge néanmoins
urgente. C’est pourquoi le
service de dermatologie
entretient des liens étroits
avec celui des urgences.
Comment prenez-vous en charge
les plaies chroniques dans le service ?
T. Boyé : La prise en charge des plaies
chroniques nécessite un travail pluridisciplinaire
cohérent pour atteindre de bons résultats.
A l’hôpital, nous soignons des plaies
complexes avec retard de cicatrisation ayant
échoué dans une prise en charge classique
(environ 500 consultations/an). Nous
orientons les patients vers le traitement le plus
adapté : la chirurgie vasculaire (pour une
revascularisation), la chirurgie conservatrice
en cas d’ostéite chez le pied diabétique, et
dans certains cas le caisson hyperbare pour
favoriser la cicatrisation ou préparer une
greffe de peau dans les meilleures conditions.
En quoi consiste la médecine
hyperbare ?
P. Louge : A l’origine le caisson hyperbare
est utilisé pour déterminer l’aptitude des
plongeurs, traiter les accidents de plongée,
et soigner les intoxications au monoxyde
de carbone. En dermatologie, le caisson
hyperbare est indiqué pour les plaies
chroniques avec trouble de la vascularisation :
pied diabétique, ulcères artériels, ulcères
variqueux anciens (en préparation à la
greffe), plaies surinfectées. Cette modalité
thérapeutique, qui consiste à délivrer de
l’oxygène à des pressions élevées aux
patients, a des effets bénéfiques reconnus sur
la vitesse et la qualité de la cicatrisation ainsi
qu’une action anti-infectieuse. La mesure de la
pression transcutanée en O2 est un indicateur
du bénéfice de cette technique. Ainsi, une
bonne réponse du patient à la pression
hyperbare est généralement obtenue en cas
d’ischémie chronique (effet de suppléance).
L’effet anti-infectieux est obtenu par deux voies :
bactériostatique sur les germes aérobies
(pression antibactérienne sur la plaie limitant
la multiplication des germes) et bactéricide sur
les germes anaérobies (gangrènes, fasciites
nécrosantes). Enfin, l’oxygénothérapie
hyperbare a une action synergique avec
certains antibiotiques.
Vous participez également au
groupe d’angiodermatologie (GAD)
de la SFD(1) ?
T. Boyé : En effet, je fais partie de ce
groupe ce qui nous permet de participer
à leurs études cliniques sur les plaies et les
pansements. L’une des réunions annuelles du
GAD s’est d’ailleurs déroulée à Toulon.
A. Negrier : Deux infirmières sont
formées à la cicatrisation des plaies afin
de pouvoir gérer les patients de façon
autonome après validation médicale. De
ce fait, nous intervenons également lors
des études réalisées avec le GAD sur les
plaies et les pansements : mesures des
plaies, photographies, respect du protocole,
actualisation du dossier médical.
(1) SFD : Société Française de Dermatologie
« Des urgences
pas si rares dans
notre spécialité »
Un recours fréquent au
dermatologue
Les pathologies dermatologiques urgentes
nécessitent une prise en charge sous 48 heures.
« Il faut distinguer les urgences vitales
nécessitant une prise en charge immédiate
telles que les maladies bulleuses et infectieuses,
ou les toxidermies, des urgences relatives
comme les dermatoses invalidantes évoluant
depuis moins de 5 jours, ou des urgences
de terrain (le nouveau-né, le patient
immunodéprimé, ou la femme enceinte)
ou encore des urgences d’environnement
(contagion, retentissement sur le métier…) »
explique le Dr Delphine Kerebel.
Les consultations dermatologiques aux urgences
ne sont pas toutes justifiées. « Cela s’explique
par le manque de dermatologues dans la
région mais aussi par le fait qu’un problème
cutané a tendance à inquiéter rapidement
les patients » précise le Dr Béatrice Fournier.
Les diagnostics dermatologiques les plus
fréquents aux urgences sont liés aux infections,
aux pathologies vasculaires et aux réactions
d’hypersensibilité locale (piqures d’insectes).
En présence d’une urgence dermatologique,
le dermatologue est sollicité dans environ
1 cas sur 3. « En effet, certains diagnostics
nous posent plus de problème (une dermo-
hypodermite bactérienne versus une arthrite,
un eczéma aigu, une fasciite nécrosante, un
zona, une toxidermie,une gale, ou un prurigo
par piqure d’insectes) et nous encouragent à
demander l’avis du dermatologue » ajoute le
Dr Kerebel. Ainsi, les urgences représentent
6,5 % de l’activité de consultation du service
de dermatologie. « En présence d’une urgence
dermatologique, il est important d’observer et
de poser les bonnes questions… encore faut-il
y penser ! » conclut le Dr Fournier.
Dr Béatrice Fournier
Médecin en chef Dermatologue
Dr Delphine Kerebel
Médecin adjoint aux Urgences
Les urgences dermatologiques à
l’HIA Ste Anne : résultats d’une
étude réalisée sur 6 mois en 2009
• 662 consultations pour motif
dermatologique
• Modalité de la consultation : 70 %
spontanée, 30 % adressée par un médecin
(dont 3,6 % par un dermatologue libéral)
• Avis du dermatologue sollicité pour 222 cas :
- Concordance diagnostique dans 59 %
des cas
- 43 % des patients ont nécessité une
hospitalisation
Le caisson hyperbare en chiffres :
• 10 caissons en France dont 3 militaires
• 1 séance = 1h30 d’oxygénation à
l’équivalent de 15 m de profondeur
(soit 2,5 atmosphères d’O2)
• A Toulon :
- 1 caisson pouvant accueillir 9 patients en
position assise et 3 en position allongée
- 3 000 séances/an
- 200 patients/an (à raison de 3 à
5 séances/semaine)
Ulcère malléolaire mixte (artériel et veineux) pris en charge de
manière multidisciplinaire (dermato + caisson) avec une guérison
complète en 13 semaines (40 séances d’OHB + 17 suivi de
pansement au caisson)
Avant Après