La Lettre du Rhumatologue - n° 245 - octobre 1998
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M
ALADIE DE STILL
(refus de l’appui, grimace et pleurs à la mobilisation), avec, de
façon plus inconstante, un gonflement articulaire et une aug-
mentation de température locale. L’existence d’une polyarthrite
dans les six premiers mois d’évolution, constatée chez moins du
tiers des patients, est associée à un pronostic fonctionnel très péjo-
ratif, tout au moins avec les traitements conventionnels.
Signes biologiques et histologiques
Le syndrome inflammatoire biologique est constant et non spé-
cifique. On observe essentiellement une hyperleucocytose à poly-
nucléaires neutrophiles (jusqu’à 50 voire 100 000/mm3), une
thrombocytose (parfois supérieure à 1 000 000/mm3) et une élé-
vation franche de la vitesse de sédimentation (souvent au-delà de
100 à la première heure). Après quelques semaines se constitue
une anémie microcytaire de composante probablement mixte,
inflammatoire et ferriprive. L’inefficacité, le plus souvent, d’une
substitution martiale per os et la possibilité de corriger partielle-
ment l’anémie par apport parentéral de fer (7) témoignent pro-
bablement d’un certain degré de malabsorption intestinale du fer.
On observe également une élévation polyclonale des immuno-
globulines sériques et une élévation du taux de complément
hémolytique total. Les recherches de facteur rhumatoïde,
d’anticorps antinucléaires et d’autres stigmates d’auto-immunité
sont négatives.
La ponction d’un épanchement articulaire ou d’un épanchement
de séreuse montre un exsudat puriforme aseptique contenant des
polynucléaires non altérés. L’étude histologique d’une biopsie
synoviale montre une hypertrophie des villosités synoviales avec
prolifération des couches superficielles des synoviocytes, ainsi
qu’une hypervascularisation avec infiltrats lymphoplasmocytaires
et dépôts de substance fibrinoïde.
Après deux ans d’activité de la maladie, il faut contrôler la pro-
téinurie des 24 heures à intervalles réguliers, du fait du risque
d’apparition d’une amylose secondaire (de type AA).
Signes radiologiques
Au niveau des articulations, l’évolution de l’atteinte radiologique
est celle des arthrites inflammatoires destructives, avec initiale-
ment infiltration des parties molles, déminéralisation osseuse
ostéoporotique et présence fréquente d’appositions périostées,
puis pincements articulaires, érosions et fusions articulaires (en
particulier au niveau des os du carpe et des articulations inter-
apophysaires postérieures du rachis cervical). La corticothérapie
générale, indispensable dans les formes sévères de la maladie,
peut encore aggraver l’atteinte ostéoporotique (notamment axiale)
et être responsable de lésions d’ostéonécrose (en particulier de la
tête fémorale).
La surveillance radiologique, guidée par l’évolution clinique, doit
être particulièrement rigoureuse au niveau des articulations dont
l’atteinte engage de manière importante le pronostic fonctionnel
(rachis cervical, articulations temporomandibulaires, hanches,
genoux, mains et poignets, pieds et chevilles).
En complément des radiographies standards, d’autres techniques
d’imagerie peuvent être utiles. Ainsi, l’imagerie par résonance
magnétique (IRM) permet de mieux apprécier l’importance de
l’inflammation tissulaire, après injection de gadolinium, au niveau
d’articulations comme la hanche ou le genou, et de visualiser les
éventuels prolongements intraosseux de lésions de synovite.
L’IRM du rachis permet notamment de dépister une compression
débutante de la moelle épinière.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Le diagnostic différentiel d’une maladie de Still débutante est
celui d’une fièvre prolongée, plus ou moins associée à une atteinte
articulaire. En plus des étiologies infectieuses, arthrites réac-
tionnelles incluses, pouvant parfois survenir sur un terrain parti-
culier (drépanocytose, déficit immunitaire congénital
méconnu...), il faut envisager la possibilité d’une hémopathie (à
ne pas “décapiter” par une corticothérapie hâtive), d’une néo-
plasie comme le neuroblastome métastatique chez le jeune enfant,
d’une vascularite (syndrome de Kawasaki...), d’une maladie auto-
immune (lupus, connectivite...) et d’affections systémiques avec
ou sans participation articulaire (maladie périodique, syndrome
hyper-IgD, Behçet, colopathie inflammatoire...).
MODALITÉS ÉVOLUTIVES ET FACTEURS PRONOSTIQUES
Trois principaux modes évolutifs peuvent être schématiquement
distingués. Chez environ la moitié des patients, la maladie semble
“s’éteindre” après quelques mois ou années d’évolution, et une
rémission clinique et biologique durable (supérieure à deux ans)
est obtenue. Dans ce groupe de patients, avec un suivi moyen de
dix ans, on n’observe des séquelles articulaires sévères (atteinte
de hanche en particulier) que dans 20 % des cas. Des rechutes
sont cependant possibles, même après plusieurs années de rémis-
sion complète. Chez un quart des patients présentant une forme
systémique d’ACJ, des poussées systémiques répétées avec ou
sans destruction articulaire majeure persistent après dix années
d’évolution. Enfin, 25 % des patients ne présentent plus de pous-
sées systémiques mais ont un syndrome inflammatoire biologique
persistant et une atteinte polyarticulaire évoluant pour son propre
compte.
Les poussées inflammatoires de la maladie sont associées à la
survenue d’enraidissements et de déformations articulaires, d’un
ralentissement de la croissance staturale, d’atteintes de la statique
rachidienne et d’un ralentissement majeur, souvent asymétrique,
de la croissance des membres et de la branche montante du maxil-
laire inférieur (avec microrétrognathie). L’altération de l’état
général est aggravée par une anémie chronique, parfois profonde,
de mécanisme probablement plurifactoriel, comme évoqué plus
avant. L’évolution peut être émaillée de complications inflam-
matoires à type de kystes synoviaux, parfois volumineux et com-
pressifs, ou de lymphœdème. Un syndrome d’activation macro-
phagique, généralement révélé par une fièvre élevée, des
adénopathies, une hépatosplénomégalie, une fibrinopénie, une
cytopénie plus ou moins marquée et une hypertriglycéridémie,
peut compliquer la maladie elle-même et être favorisé par la prise
d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). La survenue d’une
amylose secondaire doit être redoutée devant l’apparition d’un
syndrome néphrotique annoncé par une protéinurie (à rechercher
systématiquement après deux ans d’évolution) ou des œdèmes,
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