COUP D’ŒIL Médecine & enfance EXAMEN AMINE Le petit Amine âgé de deux ans est amené en consultation par sa maman pour une lésion de la matrice de l’ongle évoluant depuis cinq jours. Initialement, il n’y avait que quelques vésicules, mais les lésions se sont aggravées après désinfection par un soluté alcoolique (photos). L’enfant ne présente pas de fièvre et son examen général est normal. Quel est votre diagnostic ? EXAMEN MARIE Marie, trois ans, sans antécédent notable, est hospitalisée pour une pneumopathie bilatérale hypoxémiante à mycoplasme. Depuis deux jours, l’enfant présente une toux fébrile à 39,5° et, cliniquement, une poly- pnée à 44/mn et une saturation à 91 % en air ambiant, sans signes de lutte. A l’auscultation, on entend des râles bronchiques diffus sans frein expiratoire. Au cours de l’examen ORL, alors que les tympans sont normaux et la gorge propre, on note que le bord latéral gauche de la langue est dépaillé et entouré d’une bordure blanchâtre (photo 1). Cette lésion est indolore et n’avait jamais été notée par les parents auparavant. Après quinze jours de traitement par macrolides, l’état pulmonaire redevient normal, mais il persiste une langue pathologique (photo 2). Quel est votre diagnostic ? C. Imbert, service de pédiatrie, centre hospitalier Sud francilien, Evry Rubrique dirigée par A. Mosca, alexis.mosca@ ch-sud-francilien.fr Voir les diagnostics page suivante ➝ décembre 2008 page 479 Médecine & enfance DIAGNOSTIC AMINE Il s’agit d’un herpès digital ou panaris herpétique. L’herpès digital représente l’expression clinique d’une primo-infection ou d’une récurrence isolée, le plus souvent due au virus HSV1 (dans 75 % des cas). La transmission se fait par un contact direct cutanéomuqueux avec un sujet qui excrète le virus. Il s’agit classiquement d’une auto-inoculation par succion à partir d’une récurrence labiale, mais la transmission peut se faire à travers toute personne de l’entourage qui présente une primo-infection ou une récurrence herpétique, quelle soit symptomatique ou non. Chez l’adulte, l’herpès digital est classé dans les maladies professionnelles que l’on rencontre essentiellement chez les dentistes et les anesthésistes. Le plus souvent, les lésions sont localisées à la pulpe des doigts, mais la paume ou le poignet peuvent être atteints. Initialement apparaît une tuméfaction inflammatoire, chaude et douloureuse, surmontée de vésicules à contenu trouble. Puis, les vésicules se regroupent sous forme de bulles, réalisant le « bouquet » herpétique, qui peut être confondu avec un panaris bactérien. L’enfant est tout au plus subfébrile. L’extension des lésions peut durer une dizaine de jours, puis l’évolution est spontanément favorable avec érosion des vésicules, qui prennent un aspect croûteux et disparaissent en quinze jours. La principale complication est la surinfection bactérienne locale, essentiellement staphylococcique. Il faut y penser devant une fièvre persistante et une mauvaise évolution locale (absence de croûte). Par ailleurs, les récidives sont fréquentes, surtout avec HSV2. Le diagnostic est clinique. En cas de doute, la méthode diagnostique de réfé- Pour en savoir plus sur l’herpès digital : ANAES : Prise en charge de l’herpès cutanéomuqueux chez le sujet immunocompétent, Conférence de consensus 2001. langue géographique. Cette affection inflammatoire bénigne de la muqueuse linguale peut se voir à tout âge mais est plus fréquente chez l’enfant, puisqu’elle touche de 4 à 14 % d’entre eux. Cliniquement, les lésions sont grossièrement annulaires, entre 0,5 et 5 cm de diamètre, avec une bordure surélevée blanc-jaune et un centre inflammatoire lisse correspondant à la disparition des papilles filiformes de la langue. Leur disposition est irrégulière, prédominant sur la face latérodorsale de la langue et réalisant l’aspect classique en « carte de géographie ». Généralement, aucun signe fonctionnel n’est associé à ces lésions, mais l’enfant peut parfois se plaindre d’un goût métallique dans la bouche ou de brûlures au contact d’aliments chauds ou épicés. Cette affection évolue par poussées successives de façon chronique et imprévisible. Les poussées peuvent être déclenchées par une infection intercurrente, un stress ou une maladie autoimmune, mais souvent aucun facteur déclenchant n’est retrouvé. Pendant les poussées, les lésions migrent au cours de la journée et régressent en quelques jours à quelques semaines. Une rémission complète peut s’observer pendant plusieurs mois à plusieurs années. La cause de cette glossite est inconnue. Un facteur génétique est évoqué du fait de la fréquence des formes familiales. D’autre part, plusieurs associations ont été décrites : avec le psoriasis, avec la dermatite atopique, ainsi qu’avec la langue fissurée, qui, pour certains, représente le stade évolué de cette glossite. Dans la forme typique, le diagnostic est clinique, et aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Si les lésions migrent peu, la possibilité d’une leucoplasie chevelue impose la réalisation d’une sérologie VIH et d’un examen anatomopathologique. Les autres diagnostics différentiels incluent la candidose linguale atrophique (lésions plus érythémateuses), le lichen plan, le lupus érythémateux, les lésions de syphilis secondaire ou d’autres causes de glossite plus rares (glossite à plasmocytes, glossite losangique médiane). Dans ces cas, un examen anatomopathologique est nécessaire. La prise en charge consiste principalement à rassurer le patient sur la bénignité de cette affection et le traitement est uniquement symptomatique. L’application locale de Xylocaïne® peut être utile en cas de douleurs invalidantes, mais il faut se méfier des risques de fausse route ou de morsure de langue. Dans un but esthétique, on peut proposer l’application d’une solution de trétinoïde (Locoïd®) pour diminuer les bordures blanchâtres. LEBLANC A., GAUTHIER M., DENIS C : «L’herpès digital», Le Concours Médical, 1990; 112: 1893-4. AMIR J., HAREL L., SMETANA Z., VARSANO I. : «Treatment of herpes simplex gingivostomatitis with aciclovir in children: a randomised double blind placebo controlled study», BMJ,.1997; 314: 1800-3. «Herpès labial récurrent» (rubrique Au coin du web), Méd. .Enf., 2006; 26 : 308-9. sur la glossite migratoire bénigne : ABENSOUR M., GROSSHANS E. : «Langue géographique ou glossite migratoire bénigne», Ann. Dermatol. Vénéréol.,1999; 126: 849-52. rence est la culture virale après écouvillonnage local. Aucun traitement local n’est nécessaire, et aucune crème ou désinfectant local ne doit être utilisé (sauf en cas de surinfection). Il faut également éviter que l’enfant y touche ou se gratte. L’aciclovir n’est pas efficace en application locale et n’est pas indiqué par voie générale. Seul le traitement de la douleur est indispensable. Si les lésions récidivent (au moins six récurrences par an), un traitement par aciclovir per os peut être discuté. La posologie est de 80 mg/kg/j en trois prises sans dépasser 1 000 mg/j avec réévaluation au bout d’un an de traitement. Par ailleurs, comme devant toute infection herpétique, il ne faut pas oublier de prévenir l’entourage eczémateux du risque de syndrome de Kaposi-Juliusberg. DIAGNOSTIC MARIE Il s’agit d’une glossite migratoire bénigne, mieux connue sous le nom de décembre 2008 page 480