C A H I E R D É TA C H A B L E LA FMC ZAPPING La bibliothèque du MG page VIII GÉRIATRIE GARO/PHANIE Vendredi 10 novembre 2006 N°2388 N°2 ??? DOSSIER Les soins palliatifs d’un patient en fin de vie représentent un exercice médical complexe où la qualité de chaque instant de vie devient prioritaire. Il faut connaître les particularités dans le maniement des médicaments, qui ne sont qu’une partie de la prise en charge globale de ces malades. LA FIN DE VIE À DOMICILE PAR LE DR Marc KREUTER ([email protected]), d’après un entretien avec le DR Gilbert DESFOSSES, médecin-chef de service de l’unité de Soins palliatifs du Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, 18, rue du Sergent Bauchat, 75012 Paris. Courriel : [email protected]. L es soins palliatifs consistent à aider à vivre le mieux possible avec une maladie qui a dépassé les ressources thérapeutiques et avec la menace qu’elle représente. Cela représente un travail avec le patient au niveau de la conscience (comment vivre quand on sait que le temps est compté ?), du psychisme (comment vivre dans l’angoisse, la tristesse et la dépression ?) et du physique (comment vivre quand on a un handicap, une certaine dépendance, des douleurs ?). Les besoins du malade en soins palliatifs en fin de vie débordent ce cadre, s’étendant au champ social, familial ou spirituel. Seul, un travail en équipe – infirmières, assistantes sociales, psychologues, médecins – permet d’apporter des réponses d’approche globale (2). « Ces patients sont particulièrement vulnérables, fragiles et ressentent un sentiment d’insécurité, constate le Dr Desfosses. On essaie donc de reconstruire COMITÉ SCIENTIFIQUE Pr Lucien ABENHAIM (Paris), Dr François BAUMANN (Paris), Pr Marc-André BIGARD, (Vandœuvre-lès-Nancy), Dr Philippe BONET (Montbert), Pr Pierre BONFILS (Paris), Pr Jean-François BRETAGNE (Rennes), Pr Éric BRUCKERT (Paris), Pr Pierre DELLAMONICA (Nice), Pr Philippe FROGUEL (Lille), Pr René FRYDMAN (Clamart), Pr Bernard GAY (Rions), Pr Serge GILBERG (Paris), Pr Xavier GIRERD (Paris), Dr Daniel JANNIERE (Paris), Pr Claude JEANDEL (Montpellier), Dr Olivier KANDEL (Poitiers), Dr Jean LAVAUD (Paris), Pr Frédéric LIOTÉ (Paris), Dr William LOWENSTEIN (Boulogne-Billancourt), Dr Sylvie MEAUME (Ivry-sur-Seine), Dr Nadine MEMRAN (Nice), Pr Christian PERRONNE (Garches), Pr Pascal RISCHMANN (Toulouse), Pr Frédéric ROUILLON (Paris), Pr Philippe STEG (Paris), Dr Alain SERRIE (Paris), Pr Paul VALENSI (Bondy), Pr Daniel VERVLOET (Marseille), Dr France WOIMANT (Paris). BURGER/PHANIE LA FMC Le patient doit sentir que l’on peut toujours lui apporter rapidement un soulagement efficace. GÉRIATRIE LA FIN DE VIE À DOMICILE un sentiment de sécurité. Ce mot peut sembler curieux dans ce contexte de fin de vie, mais il importe pour le malade de savoir qu’on ne le laissera pas souffrir, qu’on sera présent et immédiatement efficace en cas de problème. Heureusement, la façon de travailler des généralistes me semble être en train de changer et d’aller dans le sens d’une collaboration en réseau, avec des équipes multidisciplinaires – infirmières, aides soignantes, kinésithérapeute, pharmacien…– avec des temps de coordination où l’on se rencontre, où l’on se concerte, où l’on se conforte, ce qui permet de mieux organiser une continuité de soins 24 h/24. » (3) L’efficacité technique, qui fait l’objet de ce dossier, ne représente qu’un des éléments de l’approche globale pour répondre aux multiples besoins du patient. Encore moins que dans d’autres domaines de la médecine, il n’y a aucun traitement médicamenteux systématique en soins palliatifs. On doit écouter la demande du patient et y répondre de son mieux. On essaie d’administrer les médicaments en respectant au mieux les indications, contre-indications et posologies, du moins tant qu’ils donnent satisfaction dans ces limites. En revanche, on ne devrait faire aucune économie sur les innombrables soins physiques corporels. TRAITEMENT ANTALGIQUE En résumé : le paracétamol reste un excellent antalgique central. Les AINS et les corticoïdes sont très efficaces dans des indications précises. Les morphiniques sans métabolites sont mieux tolérés que la morphine. Le traitement des effets secondaires des morphiniques doit être optimal. GARO/PHANIE La voie veineuse est le plus souvent utilisée chez le patient qui a une chambre implantable. La douleur n’est pas systématiquement présente. On estime qu’environ 40 % des malades en fin de vie atteints d’un cancer ne se plaignent pas de douleurs. Néanmoins, 60 % doivent être soulagés au mieux. Antalgiques de palier 1 Le paracétamol est un excellent antalgique central. Il est très efficace seul et peut suffire. On l’utilise également en complément des morphiniques. Encore faut-il que la voie orale ou intraveineuse soit possible. La voie veineuse est plus volontiers utilisée chez les patients qui ont une chambre implantable. « Je me sers peu des paliers 2. La codéine, précise le Pr Desfosses, est transformée en morphine et l’on préfère utiliser la morphine elle-même. Nous utilisons peu le tramadol. Nous choisissons des petites doses de morphiniques, plus faciles à manier et à titrer. Le néfopam est surtout utilisé par les chirurgiens, par voie IV. Nous ne l’utilisons pas. En revanche, les co-antalgiques ont notre faveur. » Co-antalgiques Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont très intéressants dans certaines indications spécifi- II Vendredi 10 novembre 2006 | numéro 2388 ques, en particulier les métastases osseuses. On les prescrit (volontiers kétoprofène ou diclofénac) par voie orale ou par voie injectable à la dose efficace, en veillant à hydrater le patient et à surveiller sa diurèse. Les corticoïdes ont une moindre toxicité, mais ils sont moins efficaces sur les douleurs osseuses. En revanche, ils sont très efficaces sur les douleurs liées aux lymphangites carcinomateuses, aux tumeurs cérébrales, aux métastases cérébrales, sur les dyspnées par envahissement métastatique, les occlusions intestinales. Par voie orale, lorsqu’elle est possible, sinon par voie injectable, on les prescrit à la dose de 40 à 80 mg/j. Dans les métastases cérébrales et les atteintes neurologiques, on monte facilement à des doses de 120, 240, voire 500 mg/j. Morphine et morphiniques « La morphine sans relation, ça ne marche pas, souligne le Dr Desfosses. Les problèmes spécifiques des personnes âgées concernant la tolérance aux médicaments, en particulier aux morphiniques, sont liés à l’insuffisance rénale physiologique et aux troubles cognitifs, qui sont aggravés par les médicaments. » Les métabolites de la morphine sont actifs, pour certains neurotoxiques, et d’élimination rénale. En revanche, certains morphiniques comme le fentanyl n’ont pas de métabolites d’élimination rénale et exposent donc moins que la morphine aux risques de troubles cognitifs et de surdosage. On peut donc prescrire le Fentanyl®, même en cas d’insuffisance rénale. Il entraîne moins de troubles cognitifs et moins de myoclonies. Les patches de Fentanyl® sont légèrement trop dosés. Actuellement, on dispose de patches à 12 mg, que l’on peut couper si besoin. Notons que le Fentanyl® sous-cutané utilisé à l’hôpital n’est pas agréé en ville. On peut également utiliser l’hydromorphone, également dépourvue de métabolite actif ainsi que l’oxycodone. On commence les antalgiques à des doses très faibles, par exemple pour la morphine de l’ordre de 3 mg. Les présentations en solution buvable permettent d’administrer par gouttes et de titrer ainsi mg par mg. On dispose également des présentations en gélules, à libération prolongée ou à libération immédiate. Les voies d’administration privilégiées sont la voie orale, tant qu’elle est possible, et la voie transdermique. Mais, lorsque la voie orale n’est pas possible ou que la peau âgée (sèche ou cartonnée) risque de mal absorber la voie percutanée, on utilise la voie sous-cutanée reliée à un système PCA (pompe d’autocontrôle de l’analgésie). On injecte ainsi des morphiniques ou de la morphine à petites doses continues de 10 à 15 mg/24 heures, ou/et par bolus à la demande, avant la toilette ou les soins ou au moment des douleurs. Ils peuvent être administrés par le patient ou par son aidant familial ou professionnel. BURGER/PHANIE LES DIVERSES INDICATIONS DES PSYCHOTROPES En résumé : l’anxiété, l’angoisse et la dépression, fréquentes mais non systématiques, nécessitent l’usage des psychotropes, de même que les hallucinations et les agitations. Les effets secondaires des neuroleptiques sont recherchés pour contrôler les nausées et les hoquets rebelles. de fond, et il faut prévoir, comme pour la douleur, des comprimés à prendre en cas de crise ou de bouffées d’angoisse. On peut utiliser, par exemple, du bromazépam ou de l’alprazolam. Si un somnifère est nécessaire, on prescrit du zolpidem ou du zopiclone. 30 à 40 % des patients cancéreux en fin de vie sont déprimés. Mais la dépression est difficile à reconnaître dans ce contexte du fait de la similitude de certains symptômes de la dépression et de la maladie cancéreuse (asthénie, insomnie, amaigrissement, vision négative de la vie…). Il est difficile de distinguer la dépression « normale », mouvement psychique PRINCIPAUX MORPHINIQUES DISPONIBLES À L’HÔPITAL ET EN VILLE ET DURÉE MAXIMALE DE PRESCRIPTION SPÉCIALITÉS CONCERNÉES FORMES Morphine injectable 0,5-1-10-20-50-100-200-400500 mg (Laboratoires Aguettant, Lavoisier, Cooper, Renaudin). Ampoules injectables administrées sans système actif pour perfusion. - Morphine solution buvable en ampoules à 10 et 20 mg/ml. - Morphine solution buvable en flacons préparés en officine (concentration adaptable). - Morphine sirop 5 mg/ml . - Morphine soluté, récipient unidose: ORAMORPH® 10-30-100 mg/5 ml ; ORAMORPH® solution compte-gouttes 20 mg/ml (4 gouttes = 5 mg). Ampoules et soluté buvables en flacons ou récipients unidoses. DURÉE MAXIMALE DE PRESCRIPTION 7 jours. SÉVRÉDOL® cp sécable 10-20 mg (sulfate de morphine). Formes orales à libération ACTISKENAN® gél. 5-10-20-30 mg (sulfate de morphine). immédiate. MOSCONTIN® LP cp 10-30-60-100-200 mg (sulfate de morphine). SKENAN® LP gél. 10-30-60-100-200 mg (sulfate de morphine). ® FENTANYL Les anxiolytiques et les hypnotiques Le traitement de l’angoisse participe à la prise en charge de la douleur. L’anxiété, la peur de la douleur, la mauvaise qualité du sommeil aggravent la douleur. « L’anxiété, c’est le potentiomètre de la douleur », dit volontiers le Dr Desfosses. Certains patients ont besoin de petites doses d’anxiolytiques en traitement On fait des lavages de vessie en cas de dépôts ou de sang dans les urines. Les antidépresseurs MORPHINE constipation est systématique. On la surveille rigoureusement et on la traite par tous les laxatifs osmotiques nécessaires (par exemple, lactulose, polyéthylène glycol). Si cela ne suffit pas et que l’on est sûr de l’absence d’obstacle sur l’intestin, on utilise des laxatifs stimulants, augmentant le péristaltisme intestinal (par exemple, néostigmine, cascara, etc.), qui peuvent provoquer des coliques et des douleurs. En cas d’encombrement rectal ou de fécalome, on utilise des laxatifs par voie rectale (Microlax®, Eductyl®, Normacol lavement®, etc.). Si le blocage se situe plus haut, on fait des lavements d’eau tiède avec de l’huile de paraffine. En cas de constipation opiniâtre et en l’absence d’occlusion organique, on a recours aux présentations fortement dosées en polyéthylène glycol utilisées habituellement pour la préparation à la coloscopie. Rappelons qu’un fécalome peut être responsable d’un épisode confusionnel, souvent attribué à un surdosage en morphine. Les globes urinaires sont favorisés par les morphiniques, d’autant plus qu’il existe des troubles de la conscience. Inversement, ils peuvent être à l’origine d’un état confusionnel. Il faut penser à les rechercher et poser si besoin une sonde urinaire, si l’on ne peut contrôler régulièrement les mictions. A ce stade, une sonde à demeure permet également de garder le malade au sec et de prévenir d’une certaine façon les escarres. Habituellement, on change une sonde toutes les trois semaines. Entre-temps, on fait des lavages de vessie, surtout si des dépôts – liés à l’hypercatabolisme – apparaissent dans les urines et risquent de boucher la sonde. En présence de sang, ce qui arrive très souvent dans les tumeurs de vessie, on pose une sonde à double courant pour diminuer le risque de caillot pouvant boucher la sonde. Les nausées et les vomissements, inconstants, peuvent être soulagés par du métoclopramide ou de l’halopéridol. HYDROMORPHONE La OXYCODONE Prévoir et anticiper les effets secondaires Formes à libération prolongée /12 h. 28 jours. KAPANOL LP gél. 20-50-100 mg (sulfate de morphine). Gélules à libération prolongée /24 h. SOPHIDONE® LP gél. 4-8-16-24 mg (chlorhydrate d’hydromorphone). Gélules à libération prolongée /12 h. OXYCONTIN® LP cp 10-20-40-80 mg (chlorhydrate d’oxycodone). Comprimés à libération prolongée/12 h. OXYNORM® gél. 5-10-20 mg (chlorhydrate d’oxycodone). Forme orale à libération immédiate. Oxycodone injectable. Pas encore disponible. DUROGESIC® patch 12-25-50-75-100 µg/h (fentanyl). Dispositif transdermique. 28 jours. Délivrance fractionnée 14 jours. ACTIQ® cp avec dispositif pour application buccale 400-600-800-1200-1600 µg (citrate de fentanyl). Dispositif transmuqueux. 28 jours. Délivrance fractionnée 7 jours. Source : d’après « Recueil de pratique professionnelle en soins palliatifs ». (1) Vendredi 10 novembre 2006 | numéro 2388 III LA FMC GÉRIATRIE LA FIN DE VIE À DOMICILE COEFFICIENT DE CONVERSION APPROXIMATIF DES PRINCIPAUX OPIOÏDES PAR VOIE ORALE OU TRANSDERMIQUE Morphine* Oxycodone Hydromorphone Fentanyl patch** 1 2/1 7,5/1 100/1 5 mg d’oxycodone 8 mg d’hydromorphone 1 patch 25 µg/h tous les 3 jours = = = 10 mg de morphine. 60 mg de morphine. 60 mg de morphine orale /24h. * 1 morphine orale = 1/2 morphine sous-cutanée = 1/3 morphine intra-veineuse (exemple: 30 mg oral = 15 mg SC = 10 mg IV). ** Egalement disponible sous forme de comprimés avec applicateur buccal pour une administration transmuqueuse (ACTIQ®) réservés aux douleurs paroxystiques chez les patients déjà soulagés par un traitement de fond par un morphinique fort. Source : d’après « Recueil de pratique professionnelle en soins palliatifs ». (1) de prise de conscience de la réalité, qu’il faut parfois respecter, de la dépression-maladie, avec une souffrance morale excessive ou inutile, qui mérite un traitement spécifique. La dépression semble plus fréquente dans les cancers du pancréas. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) semblent bien adaptés et assez bien tolérés, avec peu d’effets anticholinergiques (constipation). Mais il n’existe pas d’ISRS injectable au cas où la voie orale ne serait pas pratiquable. L’amitriptyline, tricyclique, a plus d’effets secondaires et est plus sédatif qu’antidépresseur. IV SITUATIONS CRITIQUES DE LA PÉRIODE AGONIQUE En résumé : la fin de vie et l’agonie traversent des phases critiques – pauses respiratoires, asphyxie, occlusions, hémorragies, ascite – dont le traitement ne s’improvise pas. L’agonie ne réalise pas une lente, régulière et irréversible dégradation. Au contraire, elle est fluctuante. Il peut arriver que le malade fasse des pauses respiratoires, qu’il prenne un aspect marbré faisant augurer d’une mort imminente, puis qu’il se recolore progressivement et reprenne une respiration quasi normale. Cette amélioration peut durer quelques jours avant une rechute, et ces passages d’un état à l’autre se succèdent parfois pendant plusieurs jours. Il semble, de plus, que pendant ces périodes, le malade puisse rester très sensible à tout ce qui se passe autour de lui et Les neuroleptiques communique d’une quelconque Ils sont très utiles dans quelfaçon. ques situations précises. On doit donc rester attentif – Les nausées induites par les jusqu’au bout et traiter le patient morphiniques. Ce sont les meilL’oxygène n’est administré que si cela suivant son état en s’efforçant de leurs anti-émétiques : haloapporte au patient plus de soulagement que de gêne. donner les médicaments nécespéridol : per os (dix gouttes saires à des doses non toxiques, d’Haldol Fort® matin et soir) ou injectable (1 mg, une à deux injections par jour), ou à condition qu’elles soient efficaces. Mais il n’en reste pas moins que d’un point de vue éthique, si les chlorpromazine, beaucoup plus sédative. – Les troubles cognitifs induits par les morphiniques. doses non toxiques d’antalgiques ne soulagent pas un Certains patients ont des hallucinations ou une cer- malade en fin de vie qui souffre, on passera outre taine confusion liées aux morphiniques. On recherche la toxicité potentielle pour calmer les douleurs de ce alors un surdosage en morphinique. Le meilleur malade, quitte à obtenir une sédation. traitement de ces états est l’halopéridol à des doses un peu supérieures à 5 mg/j, qui possède un effet anti- Les encombrements bronchiques délirant et qui diminue les troubles cognitifs induits par spasmes par les morphiniques. Ils peuvent être améliorés par des dérivés atropini– Les délires et les terreurs, avec parfois agitation ques : scopolamine ou, plus volontiers butylbromure psychomotrice. Dans ces grandes bouffées d’angoisse de scopolamine (Scoburen®), qui donne moins d’efmassive, qui peuvent être liées à la conscience de la fets secondaires neuropsychiques, administré par voie fin de vie, les benzodiazépines sont peu efficaces. On injectable 20 mg par voie IM, IV ou sous-cutanée administre un neuroleptique sédatif (chlorpromazine éventuellement mélangé à la morphine - à raison de 25 à 75 mg en IV, ou si besoin lévomépromazine, trois ampoules par vingt-quatre heures. Il faut se méle plus sédatif des neuroleptiques). Dans les cas mo- fier de la survenue d’un globe urinaire. dérés, on peut utiliser la loxapine en gouttes le soir (dix à quinze gouttes en début de nuit) ou par voie Les râles de l’agonie injectable si ce n’est pas suffisant. Les grandes respirations de la fin de vie entrecoupées – Il existe enfin des tableaux de confusion et d’agita- de très longues pauses ne peuvent être supprimées tion qui sont sensibles aux neuroleptiques. En toute ou atténuées par aucun traitement. Il faut le dire à la fin de vie, on compte 30 % de malades confus, dans famille. Il n’y a aucune règle thérapeutique dans ces tous les pays. derniers instants, si ce n’est de rester très attentif avec GARO/PHANIE ALIX IGR On administre la morphine par voie sous-cutanée lorsque les voies orale et percutanée sont impossibles. – Les hoquets importants résistants aux traitements classiques comme le métoclopramide peuvent être calmés par les neuroleptiques sédatifs (chloropromazine quinze gouttes à renouveler, si besoin, ou injectable). Vendredi 10 novembre 2006 | numéro 2388 L’insuffisance respiratoire et l’asphyxie Elles peuvent nécessiter l’administration d’oxygène. Mais en fin de vie, là aussi, on suit plus les demandes du patient, qui peut se sentir mieux avec de l’oxygène ou au contraire refuser le masque. Au moment des râles de l’agonie, l’administration d’oxygène est, sans doute, inutile et risque de choquer les proches qui entourent le mourant. Les occlusions digestives des carcinoses péritonéales Elles peuvent nécessiter des anti-émétiques injectables (éventuellement des neuroleptiques dans cette indication), du butylbromure de scopolamine, qui diminue la contractilité intestinale et un peu les sécrétions digestives, des antisécrétoires (octréotide), des antispasmodiques (tiémonium, phloroglucinol), des corticoïdes et des morphiniques en cas de douleurs. Les occlusions très hautes peuvent être en partie soulagées par une sonde d’aspiration. Dans les subocclusions par carcinose, on peut parfois se passer de sonde gastrique. Il faut se laisser guider par le malade, qui peut préférer une sonde malgré sa gêne ou la refuser formellement en acceptant les vomissements. Les grandes hémorragies massives, extériorisées ou internes Elles peuvent compliquer les tumeurs cancéreuses évoluées. Ces saignements sont très angoissants pour le patient et pour la famille et il importe d’administrer un traitement sédatif. Le midazolam est réservé à l’usage hospitalier. A domicile, on utilise du diazépam en injection intraveineuse très lente, mg par mg, jusqu’à sédation de la conscience. L’ascite associée à une occlusion Elle ne justifie pas nécessairement une ponction. Pour le Dr Desfosses, mieux vaut d’ailleurs ne pas trop en faire. Parallèlement, il faut veiller à ne pas trop hydrater les malades en occlusion avec ascite. L’hydratation, de même que l’alimentation parentérale, risque d’augmenter les œdèmes et d’entraîner une ascite. D’ailleurs, dans des phases avancées de fin de vie, des études montrent que l’alimentation parentérale par voie veineuse n’a d’intérêt que si l’espérance de vie est supérieure à trois mois. Mais la famille peut demander cette renutrition, redoutant de laisser le malade mourir de faim. Tout un travail d’explication est à effectuer vis-à-vis de la famille pour faire comprendre qu’une perfusion nutritive risque plus de majorer les troubles que de soulager le patient. L’HYDRATATION En résumé : le spectre de mourir de soif imprègne les représentations de la famille et souvent du médecin généraliste et conduisent à des excès d’hydratation, alors qu’il faut répondre aux besoins exprimés du malade. Pas de perfusion systématique, voire intempestive, qui pourrait aggraver des œdèmes ou une ascite. Boire selon sa soif Le problème de l’hydratation est très débattu et dépend largement du stade de la maladie et de l’état du malade. Globalement, tant que le malade peut boire, il faut le laisser libre de boire selon sa soif. Parfois, deux yaourts et une demi-boîte de Renutryl®, par exemple, suffisent à son confort hydrique. Si l’hydratation orale n’est plus possible, il n’est peut-être pas toujours utile de perfuser le malade. La voie de l’hydratation C’est également un objet de débat. La qualité de la résorption sous-cutanée, l’état veineux, la présence ou non d’œdèmes ou d’encombrement pulmonaire pèsent dans la décision d’hydrater. Si la perfusion est efficace et bien tolérée, elle est licite, mais il faut rester modéré dans la quantité pendant les derniers jours de vie en se maintennant au-dessous d’un demi-litre par jour. Dans certains cas où le malade a des œdèmes, de l’ascite et n’a pas soif, il n’a pas besoin de perfusion et son confort n’en serait pas amélioré. Chaque cas est particulier ; il faut d’avance dire à la famille qu’il y aura ou non une perfusion et expliquer pourquoi. De son côté, la famille peut avoir ses propres représentations par rapport à l’image de soif d’une part et de perfusion d’autre part (salvatrice ou synonyme d’acharnement thérapeutique), avec lesquelles il faut composer. La voie veineuse permet d’être efficace pour passer une médication avec un effet plus rapide que par une autre voie. Par exemple, la morphine IV est efficace en cinq à dix minutes, par voie orale ou sous-cutanée environ quarante-cinq minutes. Mais cela justifie rarement de maintenir une voie intraveineuse en permanence, qui peut être source de désagréments. En revanche, lorsqu’une chambre implantable reste fonctionnelle, il est parfois pratique de pouvoir user de cette voie pour se sortir d’une situation complexe avec plus d’efficacité. Mais en définitive, la voie souscutanée est confortable, efficace, présente moins de risque infectieux et nécessite moins de surveillance. Cependant, elle ne permet pas l’administration de tous les médicaments, en particulier la chlorpromazine, les AINS, etc. En revanche, le clonazépam, l’ha- ALIX/PHANIE le patient. Si le patient semble souffrir, on administre un antalgique, s’il paraît anxieux, on administre un anxiolytique. Cette période de grandes respirations interrompues par des apnées plus ou moins prolongées peut durer de quelques minutes à cinq ou six heures, voire plus. Le malade boit selon sa soif. La perfusion hydrique n’est pas systématique. Vendredi 10 novembre 2006 | numéro 2388 V GÉRIATRIE LA FIN DE VIE À DOMICILE lopéridol et les corticoïdes sont bien absorbés par voie sous-cutanée. Très souvent, le malade se plaint plus de sensations désagréables de la bouche que de véritable soif. Là, les soins de bouche prennent toute leur importance. LES SOINS D’HYGIÈNE En résumé : on n’a jamais assez de temps et de personnel pour exécuter les centaines de gestes d’hygiène 24 h/24 indispensables à un relatif confort en fin de vie. La peau et tous les orifices naturels demandent un travail incessant. Les soins de bouche Ils sont extrêmement importants, mais doivent être répétés six à huit fois par jour ou plus, avec de l’eau bicarbonatée, volontiers additionnée d’un antifongique (amphotéricine B, fluconazole, etc.). On s’aide de petits bâtonnets que l’on passe le long des gencives en haut, en bas, à l’intérieur, dans le sillon gingivodentaire. On enlève les squames, on décolle les croûtes, on graisse les gencives avec de l’huile vaselinée. On traite les mucites, les érosions, les plaies liées à un appareil dentaire inadapté du fait de l’amaigrissement, etc. Les toilettes Ces malades transpirent, se salissent et ont besoin d’une hygiène corporelle et de massages. Le mieux est de les réaliser deux fois par jour, en sachant qu’il faut être deux pour les malades dépendants. La prévention des escarres Elle est sans doute plus facile à réaliser en service hospitalier où l’on peut masser les malades deux fois par jour et les changer rapidement lorsqu’ils se sont souillés. LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES En résumé : rien de systématique. Davantage encore que dans d’autres secteurs de la médecine, les examens complémentaires ne sont demandés que si leurs résultats engagent une action précise. On peut être amené à demander des examens complémentaires chez un malade dont l’état général reste relativement bon et si cela peut être utile. Par exemple, en cas de troubles de la conscience, on recherche une hypercalcémie, qui serait facile à traiter. De même, une confusion représente une urgence, car il faut en éviter l’installation. Dans ce cas, on recherche une hyponatrémie ou une hypercalcémie que l’on peut traiter, permettant au malade de recommuniquer avec sa famille. Jusqu’au bout un malade est capable de s’améliorer quelque temps de façon surprenante. Mais si l’état général se dégrade, les examens complémentaires deviennent inutiles. Une NFS ne peut avoir ALIX/PHANIE LA FMC d’intérêt que si l’on est décidé à transfuser ce malade en cas d’anémie. Cer tains examens d’imagerie peuvent être parfois demandés comme un échoDoppler en cas de suspicion de phlébite, à condition d’avoir décidé que l’on traiterait cette phlébite, ce qui ne serait peut-être pas le cas chez un malade grabataire en phase terminale proche. Chaque cas est particulier et il ne faut certainement pas demander un examen complémentaire dont on ne fera rien. Il vaut mieux être deux pour les soins du patient dépendant. QUAND PASSER LA MAIN ? En résumé : quand les possibilités de soins corrects à domicile sont dépassées, ou pour faire le point et laisser « souffler » la famille, un séjour définitif ou temporaire en unité spécialisée peut être proposé. Les services de soins palliatifs sont complémentaires au travail du médecin généraliste de ville. Ils peuvent servir à faire le point sur un malade, à stabiliser ses symptômes avant son retour à domicile. Les soins à domicile ont, en effet, leurs limites. Parfois surviennent des situations de crise lorsque la famille est épuisée après avoir accompagné pendant des semaines et des mois un malade lourd. L’angoisse peut être trop forte pour l’environnement, surtout si certains symptômes (agitation, douleur, angoisse, etc.) ne sont pas contrôlés à domicile. « On peut sans doute faire beaucoup de choses à domicile, mais actuellement on manque de moyens, regrette le Dr Desfosses, notamment en infirmières, pour être totalement efficace. Il existe, malgré tout, des limites et il est important que les structures de soins fonctionnent en complémentarité. » BIBLIOGRAPHIE 1- Bolla M., Laval G., Villard M.-L. Recueil de pratique professionnelle en soins palliatifs. Réseau de cancérologie de l’Arc Alpin. Téléchargeable sur le site : www.arcalpin-onco.org 2- HAS. L’accompagnement des personnes âgées en fin de vie et de leurs proches. Conférence de consensus. Janvier 2004. 3- HAS. Modalité de prise en charge de l’adulte nécessitant des soins palliatifs. Service des recommandations et références professionnelles. Décembre 2002. POUR EN SAVOIR PLUS Anaes. Évaluation et prise en charge thérapeutique de la douleur chez les personnes âgées ayant des troubles de la communication verbale. Octobre 2000. Laval G., Sang B., Villard M.-L. Soins palliatifs. Les principales thérapeutiques chez l’adulte et la personne âgée. Sauramps médical. Vendredi 10 novembre 2006 | numéro 2388 VII TEST DE LECTURE Pour réaliser ce test et trouver les réponses commentées, connectez-vous au site http://www.legeneraliste.fr à la rubrique FMC N° 2388 LA FIN DE VIE À DOMICILE 1. Les douleurs du malade âgé en fin de vie sont présentes dans : A. 30 % des cas. B. 60 %. C. 90 %. 2. Les antalgiques de quel palier sont-ils de peu d’utilité dans ce cadre ? A. Palier 1. B. Palier 2. C. Palier 3. 3. Quelles sont les indications des neuroleptiques chez le patient âgé en fin de vie ? A. Hypnotique. B. Anti-émétique. C. Antidélirant. D. Calmant dans les situations d’agitation. 4. L’hydratation du patient en fin de vie : A. Représente un des gestes systématiques de sa prise en charge. B. Ne peut être suffisante et efficace que par voie parentérale. C. Est toujours très difficile par voie orale. D. Aucune de ces réponses. LA FMC ZAPPING BIBLIOTHÈQUE DU MG Médecin, agresseurs et victimes, policiers et juges D ès qu’il s’agit de traumatismes physiques ou psychologiques provoqués par un agresseur, le médecin travaille sous le regard de la justice. Les textes de loi sont précis, et, du signalement de sévices à enfant au certificat de décès, de la visite en garde à vue à l’évaluation du dommage corporel, le médecin doit éviter les erreurs à ne pas commettre. Aide précieuse, cet abrégé Masson de médecine légale a sa place dans la trousse d’urgence. Le titre Médecine de la violence peut prêter à confusion. Cet ouvrage n’est pas un traité de victimologie développant des notions sociologiques et psychologiques sur la violence. C’est essentiellement un remarquable livre de médecine légale. Pour ceux qui sont rebutés par la médecine légale, cet ouvrage limpide rend cette matière parfaitement digeste et l’auteur ajoute, pour les récalcitrants, de judicieux résumés allant à l’essentiel ainsi que les pièges à éviter. Il répond de façon complète et pratique à toutes les questions qui se posent au généraliste, à l’urgentiste et aussi au pédiatre, au gynécologue et au radiologue confrontés à des victimes de violences avérées ou suspectées. En termes clairs, l’auteur, professeur de médecine légale, nous rappelle comment se déroule la déclaration des faits de violence par la victime ou par une autre personne et les suites qui seront données. Les notions de partie civile et les diverses mesures de réparation et d’indemnisation prennent tout leur sens. La rédaction des certificats médicaux, certificats de décès, description de sévices sexuels, certificats d’incapacité totale de travail comporte de multiples écueils. Savezvous, par exemple, que la durée de l’ITT (incapacité totale de travail) – déterminante pour définir le délit – ne correspond pas du tout pour le législateur à une durée d’arrêt de travail ? Elle ne concerne, en effet, pas seulement les actifs et peut se définir comme la période durant laquelle le sujet ne peut accomplir seul au moins un des actes essentiels de la vie quotidienne. Ainsi, un mannequin professionnel victime d’une fracture non déplacée du nez, présentant un volumineux hématome de la face verra son ITT établie à vingt-quatre heures et son arrêt de travail à trois semaines. Les principes de réparation du dommage corporel bien résumés sont l’occasion pour l’auteur de rappeler l’importance de la précision des certificats initiaux des blessures et des lésions. Un long chapitre développe les conditions et le rôle du médecin AGENDA RELATION MÉDECIN-MALADE L’Areffs-FMG (Association de recherche et de formation à la fonction soignante-formation des médecins généralistes) organise deux séminaires OGC rémunérés sur la relation pour médecins généralistes ou remplaçants. Les 1er et 2 décembre à Strasbourg sur « Le soutien psychothérapeutique du patient anxieux et/ou dépressif ». Les 8 et 9 décembre à Compiègne sur « Le soutien psychothérapeutique du patient anxieux et/ou dépressif ». Les techniques de travail de ces deux journées 46 Vendredi 10 novembre 2006 | numéro 2388 réquisitionné pour effectuer l’examen d’un gardé à vue. Tout médecin peut un jour ou l’autre être amené à remplir cet office. En effet, depuis 2001, cet examen médical est proposé systématiquement à toute personne dès le début de sa garde à vue. Et là, les pièges abondent. Ainsi, nombre de sujets examinés dans ces circonstances sont usagers de drogues et surtout de psychotropes et font des demandes pressantes et pas toujours justifiées de médicaments. Enfin, les médecins qui, dans l’exercice de leur profession, se seraient rendus responsables de dommages corporels sur leurs patients trouveront d’excellents conseils pour éviter à tout prix les poursuites pénales, encore rares en France fort heureusement. Outre son utilité dans des circonstances précises, et parfois urgentes, ce petit livre, pour ainsi dire parfait, couvre des notions de culture civique indispensables à tout citoyen pour suivre les faits divers quotidiens. Dr Marc Kreuter « Médecine de la violence. Prise en charge des victimes et des agresseurs », par Eric Baccino. Editions Masson - Collection Abrégés de Médecine. 358 p., 39 euros. s’appuieront sur « les méthodes des cas » et le travail de groupe s’organisera autour de ces cas, soutenu par deux animateurs de formation analytique. Renseignements : Dr Lehmann.Tél. : 01.45.35.93.20. Courriel : [email protected] HOSPITALISATION À DOMICILE Le 5 décembre se tiendra à la Maison de la Mutualité à Paris la Xe Journée nationale de l’hospitalisation à domicile. Renseignements au 01.55.43.69.95.