Biologie moléculaire et tissue engineering: applications dans la

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L’actualité en médecine dentaire
Les progrès de la biologie moléculaire
ont largement profité au domaine du tis-
sue engineering. Celui-ci constitue une
science relativement récente qui offre la
possibilité de faire pousser ou de régéné-
rer des tissus. Le tissue engineering né-
cessite l’application des trois domaines
techniques suivants: les méthodes con-
ductive et inductive ainsi que la trans-
plantation cellulaire. La méthode con-
ductive exploite différents matériaux bio-
logiques qui permettent de soutenir de
manière passive, la croissance de tissus
déjà existants. L’utilisation de mem-
branes de soutien lors de la régénération
guidée de tissus («guided tissue regene-
ration») en est un exemple. Dans la mé-
thode inductive, des cellules spéciales
sont stimulées pour produire des molé-
cules biologiques spécifiques. Cette mé-
thode est utilisée dans la stimulation de
la production de tissu osseux par une
molécule appelée «bone morphogenetic
Protein» (BMP). Ceci a par exemple per-
mis d’obtenir un nouvel os vascularisé de
forme déterminée à partir d’une portion
de muscle soumise au BMP, lors d’une
expérimentation animale (ALAM et al.
2001). Dans la transplantation cellulaire,
des cellules préalablement cultivées en
laboratoire sont implantées à l’endroit
désiré. Ce procédé trouve entre autres
son application dans la régénération de
la peau (NAUGHTON & MANSBRIDGE 1999,
Naughton 1999), des muqueuses (HATA
& UEDA 1996, MIZUNO et al. 1999) et des
cartilages (BRITTBERG et al. 1994, Puela-
cher et al. 1994, PERKA et al. 2000). Pour la
médecine dentaire, l’utilité de cette tech-
nique semble essentiellement résider
dans la régénération de l’émail, de la
dentine, du cément dentaire et de la pul-
pe, ou peut-être même de dents entières
(MOONEY et al. 1996, BOHL et al. 1998),
ainsi que dans la réorganisation fonc-
tionnelle des glandes salivaires par l’in-
troduction d’adénovirus porteurs de gè-
nes fonctionnels déterminés. Les diffé-
rents domaines d’application potentiels
de cette méthode sont: 1) La régénéra-
tion de cellules endommagées dans les
glandes salivaires suite à une radiothéra-
pie ou à un syndrome de Sjörgen, 2) la
sécrétion de nouvelles substances pour la
prévention et/ou le traitement de mala-
dies de la partie supérieure du tractus
gastro-intestinal, ou 3) La production
biologique d’hormones pour le traite-
ment de troubles endocrinologiques
comme le diabète mellitus par exemple
(BAUM 1998, O’CONNEL 1998).
La biologie moléculaire va également in-
fluencer le développement de la thérapie
de la douleur. Les traitements actuels de
la douleur ont essentiellement recours à
des méthodes de la pharmacologie tradi-
tionnelle. Les médicaments actuels sont
très efficaces pour soulager les douleurs
aiguës. Par contre, les douleurs chroni-
ques constituent un problème complexe,
et les traitements sont souvent voués à
l’échec. La biologie moléculaire nous a
déjà permis d’approfondir notre compré-
hension des processus neurobiologiques
de l’apparition et du traitement de la
douleur. De nouvelles observations des
mécanismes qui déterminent des phéno-
mènes tels que la neuroplasticité,la régu-
lation des récepteurs et la régulation de la
transcription des gènes vont sans aucun
doute nous permettre de comprendre
encore mieux la douleur chronique. Ces
études sont cependant encore à leurs dé-
buts,mais elles pourraient stimuler le dé-
veloppement de thérapies géniques effi-
caces pour le traitement de la douleur
chronique (détails dans FRASER & WAH-
LESTEDT [1997] et IADAROLA et al. [1977]).
Tous ces développements auront de
grandes conséquences sur la médecine
dentaire: dans les vingt ou vingt-cinq
prochaines années, la médecine dentaire
va subir de profondes mutations comme
cela a d’ailleurs déjà été le cas durant les
deux ou trois dernières décennies. A la
différence près que les changements qui
vont intervenir dans un proche avenir se-
ront beaucoup plus substantiels que ceux
survenus ces dernières années. Malheu-
reusement, pour une grande partie de la
communauté des médecins-dentistes, la
médecine dentaire reste encore et tou-
jours un «art de restauration»,alors que le
nombre de caries a diminué de manière
drastique dans notre pays, comme dans
tous les pays industrialisés. Mais, dans les
années qui viennent, les nouveaux déve-
loppements de la régénération des tissus
et le succès de son application, de même
que l’enrichissement des connaissances
au sujet des maladies buccales, des dou-
leurs faciales et de la biologie du dévelop-
pement crânio-facial provoqueront un
réel bouleversement dans la branche.
D’une part, la médecine dentaire devien-
dra toujours plus une véritable science
médicale, et d’autre part, il est fort vrai-
semblable qu’à l’avenir, le médecin-den-
tiste passera plus de temps à régénérer
des tissus qu’à les remplacer.En raison de
cette évolution irrémédiable, il est d’une
importance capitale que les centres de
formation de médecine dentaire intègrent
aussi rapidement que possible les con-
cepts de la recherche fondamentale et de
la biologie moléculaire, et que les profes-
sionnels de la médecine dentaire relèvent
le défi d’intégrer les connaissances scien-
tifiques de base dans leur pratique quoti-
dienne. Sinon, la profession de médecin-
dentiste pourrait disparaître au profit
d’autres branches médicales qui pour-
raient occuper le terrain laissé libre.
Le problème qui se pose quand il s’agit
de décider à quel moment il faudrait in-
troduire ces modifications dans la forma-
tion réside dans l’impossibilité de déter-
miner le moment exact où auront lieu ces
bouleversements. Cela dépend évidem-
ment du temps que mettront les cher-
cheurs avant de parvenir à appliquer les
nouvelles connaissances de la recherche
fondamentale à la pratique quotidienne.
En tout cas, les étudiants et les profes-
sionnels doivent prendre conscience du
fait que ces changements peuvent inter-
venir très rapidement,ce qui constitue un
Biologie moléculaire et tissue engineering:
applications dans la médecine dentaire
S. Palla
Notre époque se caractérise par un énorme accroissement des informations ainsi que des
connaissances scientifiques et techniques.Dans le domaine de la médecine,cette croissance est
avant tout imputable aux succès de la biologie moléculaire: jamais les connaissances ne se
sont accumulées aussi rapidement que dans le domaine des gènes,des protéines,des récepteurs
et des neurotransmetteurs et les informations disponibles augmentent de manière exponen-
tielle. Les gènes humains, ainsi que le génome de plus de 800 organismes ont été décryptés. Il
ne se passe quasiment plus un mois sans que ne soit découvert un nouveau récepteur mem-
branaire ou un nouveau neurotransmetteur. De plus, grâce à Internet, ces informations sont
mises à la disposition d’une large part de la communauté médicale, et ceci de manière quasi
instantanée. La description traditionnelle de divers troubles et de différentes maladies a été
bouleversée par la connaissance du génome: alors qu’ils étaient habituellement décrits uni-
quement sur des bases histopathologiques et anatomiques, ils sont maintenant également ca-
ractérisés par les mutations génétiques qui y sont associées, ainsi par exemple pour les poly-
morphismes.
L’actualité en médecine dentaire
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 299
fait auquel beaucoup ne sont pas prépa-
rés, peut-être parce que quantité de mé-
decins-dentistes pensent que la méde-
cine dentaire continuera, comme par le
passé, à évoluer de manière progressive
et lente. Ils en veulent pour preuve le fait
qu’il a fallu des décennies pour prendre
conscience de l’importance du fluor pour
la santé de la cavité buccale ou pour rem-
placer les amalgames par des matériaux
composites. Cependant, si les manipula-
tions génétiques permettent d’obtenir un
biofilm peu ou pas virulent, la médecine
dentaire en sera révolutionnée du jour au
lendemain. Les nouvelles acquisitions de
la science laissent également présager
que l’évolution de la médecine dentaire
ne se fera plus selon un schéma linéaire
et régulier.A l’avenir, les changements se
feront plutôt par paliers.Comme person-
ne ne peut prévoir le futur, la préoccupa-
tion principale des écoles de médecine
dentaire devrait être de poser les fonde-
ments qui inciteront les professionnels de
la médecine dentaire à parfaire leur forma-
tion tout au long de leur vie,car cela repré-
sente la meilleure garantie de pouvoir
s’adapter rapidement aux changements
brusques qui pourraient intervenir.
De nombreuses écoles de médecine den-
taire,parmi lesquelles figurent également
les quatre écoles suisses, évaluent actuel-
lement un nouveau cursus qui englobe-
rait également les domaines de la géné-
tique, de la biologie cellulaire et molécu-
laire, ainsi que les techniques tissulaires.
Cela nous permet donc d’espérer que ces
thèmes feront bientôt partie de la forma-
tion de base,ainsi que de la formation con-
tinue. Les cursus qui ne proposeront pas
cette approche rendront un très mauvais
service tant aux étudiants qu’à la profes-
sion tout entière. Ceci est également va-
lable pour les congrès qui n’aborderont
pas cette recherche fondamentale.
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Brochures d’information
aux patients à propos
des protège-dents
DrThomas von Arx
Clinique de chirurgie buccale et de
stomatologie, Université de Berne
De nombreux traumatismes dentaires, en particu-
lier chez les sportifs (de loisirs) pourraient être
évités par le port d’un protège-dents adapté aux
besoins individuels. En tant que médecins-den-
tistes, nous avons l’obligation de rendre attentifs
nos patients sur l’existence de tels dispositifs rela-
tivement simples à réaliser, mais dont le port
constitue une mesure de prévention des plus effi-
caces.
Demandez à vos patients s’ils pratiquent des
sports à risque (question spécifique dans l’anam-
nèse) et informez-les en conséquence.
«Les têtes intelligentes se protègent» – ce slogan propagé par le bpa pour les cy-
clistes est toujours d’actualité.Toute proportion gardée, il devrait en aller de même
pour le port d’un protège-dents.
Un protège-dents réalisé professionnellement confère une excellente protection
contre un grand nombre de risques, tels que les:
lésions dentaires;
lésions des tissus mous (gencives, muqueuse, lèvres, langue, joues);
fractures des procès alvéolaires;
fractures mandibulaires;
contusions et luxations des articulations temporo-mandibulaires;
et même contre les commotions cérébrales.
Les présentes brochures d’information en langue allemande, française et italienne
ont pu être réalisées grâce au généreux soutien de la Société Suisse d’Odonto-sto-
matologie. Les brochures sont disponibles auprès du Service de presse et d’infor-
mation de la SSO à Berne ([email protected]).
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300
L’actualité en médecine dentaire
Passé et présent – de la «chevaline»
à la pédodontie actuelle
DrPeter Minnig,Service des soins dentaires
scolaires, Bâle
Titre provocateur pour un tour d’horizon
aussi brillant que sérieux sur le chemin
qu’a parcouru la médecine dentaire
consacrée aux enfants. Les enfants, com-
me le tenait à préciser d’emblée le spé-
cialiste bâlois,sont des patients à part en-
tière et non pas des êtres rebelles, voire
acariâtres. Et de préciser: «Derrière la
dent se cache un enfant, un individu qui
mérite notre empathie!» Retraçant avec
humour et de belles diapositives histo-
riques noir-blanc à l’appui (retrouvées,
sans doute, après des recherches exhaus-
tives dans les archives cachées au fin
fond de quelque cave poussiéreuse du
Service des soins dentaires scolaires de
Bâle...), le conférencier a retracé le passa-
ge des «traitements de cheval» d’antan
qui caractérisaient les débuts des services
dentaires scolaires et qui ont graduelle-
ment (et heureusement) évolué jusqu’à
l’attitude – ô combien différente – de la
pédodontie de nos jours. Que du chemin
parcouru depuis ces regards austères des
assistantes (de véritables dragons en
blouse blanche!) et des bras noueux des
praticiens de l’époque – jusqu’à une pé-
dodontie régie par la patience, l’empa-
thie, l’information adéquate et des soins
sans douleurs dispensés dans un envi-
ronnement répondant aux attentes des
patients devenus aussi des clients. La
«chevaline» a vécu, vive la pédodontie
caractérisée par une prise en charge indi-
viduelle de chaque petit patient!
«Est-ce que ça fait mal?» Réponse: «J’ai
peurVoici le défi quotidien du praticien
dans ses contacts avec les enfants. Or, la
peur fait partie de la psychologie humai-
ne. Au cabinet dentaire il s’agit plutôt
d’appréhension ou d’anxiété, puisque
l’enfant est confronté à un environne-
ment qui ne lui est pas familier et à de
nombreux visages inconnus. Pour abor-
der les petits patients, il faut mieux com-
prendre la psychologie infantile, qui est
dominée par les sentiments de sécurité
versus l’insécurité. La gestion des an-
goisses passe donc obligatoirement par le
discernement des peurs non fondées. La
douleur, qu’elle soit due à une lésion
dentaire ou à un geste thérapeutique, est
génératrice en elle-même d’un état
d’anxiété. La peur de l’inconnu qui va
s’en suivre, et qui est souvent renforcée
par une attitude non appropriée des pa-
rents ou des proches, augmente à son
tour la sensibilité à la douleur. Et voilà, la
boucle est bouclée, le cercle vicieux est
constitué. Or, si le praticien n’arrive pas à
le rompre, toute tentative de traitement
devient impossible. Et le conférencier de
rappeler que plus le nombre de séances
au fauteuil augmente,plus la coopération
de l’enfant diminue.
La peur du médecin-dentiste est un phé-
nomène complexe. Elle dépend tout
d’abord du caractère et de la personnalité
de l’enfant. Outre la réaction face à l’in-
connu, elle est le résultat d’un sentiment
d’impuissance et de soumission.Pour être
en mesure de traiter les enfants «confor-
mément à leur espèce» (clin d’œil),il con-
vient donc de toujours avoir à l’esprit les
relations de pouvoir telles que les ressent
l’enfant: les parents et le praticien sont les
«puissants», l’enfant est soumis et par
conséquent «impuissant». Dans le pire
des cas,les relations sont inversées,les pa-
rents et l’enfant s’allient pour devenir
«puissants», ce qui condamne normale-
ment le praticien à devenir «impuissant»...
Selon différents sondages, pour quelque
85% des médecins-dentistes, la peur est
un problème central dans leurs activités
professionnelles. A fortiori lorsqu’il s’agit
de soins aux enfants. Des enregistre-
ments de différents paramètres physiolo-
giques ont démontré que la fréquence
cardiaque des praticiens durant les traite-
ments d’enfants dépasse de loin celle
mesurée lors de traitements, même com-
plexes, de patients adultes. Dans des ap-
préciations subjectives également, rele-
vées par des questionnaires, les méde-
cins-dentistes ont indiqué que le stress
entraîné par les exigences de la concen-
tration et de l’empathie est significative-
ment plus élevé lors des soins de pédo-
dontie. Et le conférencier de conclure que
tous ces investissements personnels ne
se répercutent même pas par un rende-
ment financier en rapport!
Painless dental care
DrAnna Lena Hallonsten, Child and Youth
Dental Care, City of Copenhagen, Denmark
Dans son exposé remarquable en deux
parties, qui était une véritable pièce maî-
Compte rendu du 19eCongrès annuel de l’Association Suisse de Pédodontie (ASP/SVK), du
24 janvier 2002 à Berne
L’enfant et la douleur
Thomas Vauthier, Bâle
Un nombre record de près de 400 praticiennes et praticiens se sont réunis comme de coutume
fin janvier à l’hôtel Bellevue Palace à Berne pour le 19eCongrès annuel de l’Association Suis-
se de Pédodontie (ASP/SVK). Cette année, le Comité d’organisation avait concocté un pro-
gramme entièrement consacré au thème «L’enfant et la douleur», un aspect sans doute aussi
central que quotidien dans les soins dentaires dispensés aux petits et tout petits. A l’heure où
la qualité de nos traitements est surtout évaluée en fonction de critères techniques, une ré-
flexion sur d’autres critères qui contribuent pour une part tout aussi importante au succès du
traitement et à l’épanouissement dans notre profession,même s’ils sont moins faciles à appré-
hender, était une initiative très méritoire. Force est de reconnaître qu’en pédodontie tout par-
ticulièrement, l’élimination du facteur «douleur», que celle-ci soit due à des lésions dentaires
ou à des gestes thérapeutiques, joue un rôle clé dans le résultat final – au même titre que les
seuls gestes techniques. Les organisateurs, sous la direction de la présidente de l’ASP,Theresa
Leisebach, Winterthur, et du président du comité scientifique et chairman de la journée,
Hubertus van Waes, Zurich, avaient parfaitement réussi à assembler à ce propos un pro-
gramme aussi stimulant que riche en enseignements.Ainsi,cette journée scientifique a permis
de passer en revue une riche palette de sujets autour d’un thème qui, il faut bien l’avouer, est
au centre des préoccupations dans la pratique quotidienne.
CO NGRØS /JOURN ES SCIENTIFIQUES
PERKA C,SITTINGER M, SCHULTZ O, SPITZER
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sue engineered cartilage repair using
cryopreserved and noncryopreserved
chondrocytes. Clin Orthop 378: 245–
254 (2000)
PUELACHER W C, WISSER J, VACANTI C A,
FERRERO N F, JARAMILLO D,VACANTI J P:
Temporomandibular joint disc replace-
ment made by tissue-engineered growth
of cartilage. J Oral Maxillofac Surg 52:
1172–1177 (1994)
L’actualité en médecine dentaire
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002 301
tresse de la journée, cette spécialiste de
renommée internationale a passé en re-
vue les aspects physiopathologiques et
de la perception subjective de la douleur
en pédodontie,de même que les mesures
thérapeutiques qui s’ensuivent pour
l’équipe soignante. Les céphalées, les
douleurs auriculaires, digestives et den-
taires sont les plaintes les plus fréquentes
chez l’enfant. Dans les douleurs den-
taires, il convient de distinguer les dou-
leurs dues aux gestes thérapeutiques
(qui, dans les pays industrialisés, sont le
problème le plus important), par rapport
à celles causées par des lésions dentaires.
La perception de la douleur est toujours
subjective et elle est influencée par des
expériences en très bas âge. A ce propos,
il faut savoir que le fœtus possède un sys-
tème nerveux pleinement développé
pour la perception de la douleur à partir
de la 24esemaine de gestation. Il est éga-
lement intéressant de noter que «l’ap-
prentissage de la douleur» se déroule se-
lon le modèle de l’«inprinting», passant
de la perception de la douleur spontanée
à une diminution du seuil de réaction à
celle-ci, puis à l’augmentation de la dou-
leur suite à des stimulations répétées. De
ce fait, la gestion moderne de la douleur
est fondée sur la prévention de ce phéno-
mène de l’«inprinting», ainsi que sur le
rétablissement des fonctions inhibitrices
physiologiques. Et, comme l’a fait remar-
quer la conférencière, la gestion de la
douleur relève de l’éthique dans le sens
des Droits de l’enfant définis par l’ONU!
Plus les enfants sont petits, plus il est
difficile d’évaluer la douleur qu’ils res-
sentent. Jusqu’à l’âge d’environ 6 ans, ce
sont en premier lieu des appréciations de
signes cliniques ou comportementaux,
tels que l’expression faciale qui sont uti-
les; à partir de 4 à 6 ans, l’enfant peut soit
exprimer ses perceptions verbalement,
soit les représenter sur des échelles ana-
logiques,graduées par exemple de 1 à 10.
Concernant l’équipe soignante, il est in-
téressant de noter que les praticiens plus
expérimentés ont tendance à appréhen-
der davantage les traitements aux en-
fants. Selon différentes hypothèses, cette
observation serait due au fait que les pra-
ticiens chevronnés perçoivent de maniè-
re plus consciente les signes de la dou-
leur chez le jeune patient et investissent
peut-être plus de temps lors des soins
que leurs collègues plus jeunes. Inverse-
ment, la routine risque de rendre certains
médecins-dentistes «aveugles» à la dou-
leur.
Il faut toujours garder à l’esprit que les
enfants ne sont pas des petits adultes; ils
ont leur propre façon de penser et de
vivre la douleur.En pédodontie, une seu-
le expérience de douleur peut entraîner
une multiplication de l’anxiété dentaire
par un facteur dix! La peur des traite-
ments dentaires ne résulte pas unique-
ment de procédures douloureuses, elle
peut également être déclenchée par la
sensation d’une perte d’autonomie, voire
par une attitude ou un comportement
vécu par l’enfant comme étant insultants.
Pour cette raison, une anamnèse méticu-
leuse des préoccupations ou des appré-
hensions, tant de l’enfant que de ses pa-
rents, revêt une importance capitale. Elle
sert à établir une relation de confiance
correspondant aux besoins individuels et
spécifiques pour chaque petit patient.
Lors de tout geste thérapeutique,l’objectif
central est de bloquer la réaction à la dou-
leur. Cette inhibition peut être locale
(anesthésie) ou centrale (sédation médi-
camenteuse et/ou analgésiques préopéra-
toires et postopératoires). Ces derniers, de
même que la diffusion de musique,contri-
buent à relever le seuil de perception de la
douleur et à assurer une meilleure anes-
thésie locale. Avant toute injection, il faut
utiliser un anesthésique topique sous for-
me de spray, de gel ou de timbre (par
exemple patch Emla®qui contient de la li-
docaïne et de la prilocaïne). En pédodon-
tie, il faut éviter les anesthésies troncu-
laires, car elles sont très mal vécues par
l’enfant. Dans la majorité des cas, des in-
jections locales suffisent même pour les
traitements sur les molaires inférieures.La
spécialiste a relevé qu’il n’y a aucune évi-
dence étayant la supposée supériorité de
l’articaïne par rapport aux autres anesthé-
siques locaux. En pédodontie, les échecs
de l’anesthésie locale sont de l’ordre de 3 à
20% dans le maxillaire inférieur et de 5 à
18% dans le maxillaire supérieur. Ils sont
en général dus à des infections ou à des
erreurs techniques.
Revenant aux mesures d’inhibition cen-
trale de la douleur, Anna Lena Hallons-
ten a anticipé des sujets qui allaient en-
core être évoqués par deux conférenciers
de l’après-midi. Elle a ainsi passé en re-
vue les avantages et inconvénients de
l’oxyde nitrique et de la sédation médica-
menteuse par le midazolam (Dormi-
cum®). Pour ce qui est le fameux «gaz hi-
larant»,il faut savoir que plusieurs études
ont démontré que lorsque l’oxyde ni-
trique est utilisé à bon escient et en com-
binaison avec une anesthésie locale, les
résultats comportementaux ont été plus
favorables après une période d’observa-
tion de deux ans. La sédation médica-
menteuse par le midazolam (0,5 mg per
os ou 0,35 à 0,45 mg en application recta-
le par kilogramme de poids corporel) est
très intéressante, puisque non seule-
ment, elle permet de réaliser des anes-
thésies locales dans des conditions par-
faites, mais également du fait que le
midazolam entraîne une amnésie anté-
rograde. Ainsi, l’enfant ne se souvient
plus des circonstances accompagnant le
traitement,ce qui représente un avantage
psychologique non négligeable.
Jetant un regard dans le futur, la spécia-
liste danoise a évoqué l’importance crois-
sante de l’inhibition des douleurs accom-
pagnant certains traitements orthodon-
tiques, le méthode A.R.T (atraumatic
restorative treatment), le concept de
l’anes- thésie électrique EDA (electrical
dental anesthesia) ou encore le système
d’injection assistée par un microchip
(The Wand®, appellation astucieuse s’il
en est, puisque «wand» signifie en an-
glais le «bâton magique»...), lequel per-
met de minimiser la douleur dans le site
de l’injection grâce à une diffusion extrê-
mement lente du produit d’anesthésie.
Font également l’objet de recherches
actives les lasers ou des méthodes chi-
miques (Carisolv®) en tant qu’alternati-
ves aux instruments rotatifs.
Le diagnostic des caries occlusales
en denture de lait
DrP. Francescut, lauréate du prix Rudolf
Hotz 2001
Le diagnostic précoce des caries est une
exigence fondamentale pour éviter des
traitements complexes. Le diagnostic de
la carie occlusale non apparente est tou-
tefois une tâche complexe qui peut être
hautement subjective, et les incertitudes
inhérentes qui y sont associées peuvent
donner lieu à des décisions très diffé-
rentes en matière de traitement. Ceci est
d’autant plus important que la fluoration
systématique augmente la dureté des
couches superficielles des tissus den-
taires durs, mais pas de celles plus en
profondeur.
Les méthodes de diagnostic convention-
nelles (inspection visuelle, sonde, loupe)
comportent des limites notamment
quant à leur capacité de déceler les caries
débutantes. Les radiographies bite-wing
ne sont valables que pour le diagnostic
des lésions ayant atteint la dentine.
Les mesures de la fluorescence quantita-
tive induite par laser représentent à ce
propos une amélioration appréciable par
rapport aux méthodes de diagnostic clas-
siques, surtout sur le plan de la sensibili-
té et de la reproductibilité. Le système de
fluorescence laser DIAGNOdent®, mesu-
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 3/2002
302
L’actualité en médecine dentaire
re la fluorescence qui se crée lorsque la
lumière laser (d’une longueur d’onde de
655 nm) frappe des zones de déminérali-
sation. En outre, il s’agit d’un appareil
non invasif, simple à utiliser, qui fournit
des données quantitatives.
La lauréate du prix Rudolf Hotz 2001 a
discuté les résultats de ses recherches
in vitro qui semblent indiquer une bon-
ne sensibilité et une excellente repro-
ductibilité de cette méthode. L’appareil
DIAGNOdent®doit toutefois faire l’objet
d’un examen scientifique encore plus ex-
haustif car, même s’il permet de déceler
un taux élevé de lésions, il offre peu de
possibilités pour ce qui est de déterminer
l’étendue de la carie. Le jugement cli-
nique – basé sur les antécédents du pa-
tient, les signes visuels, l’examen des ra-
diographies et l’évaluation de la probabi-
lité de lésions – demeure pour l’instant le
critère le plus important dans le diagnos-
tic de la carie occlusale.
L’anesthésie générale en pédodontie
– techniques, risques, standards
Prof.Franz Frei, médecin-chef anesthésie,
Clinique de pédiatrie, Hôpital universitaire
de Bâle
Bien entendu, a fait remarquer le spécia-
liste en guise d’introduction à son exposé
très intéressant,l’anesthésiologie moder-
ne est loin des temps du Dieu Hypnos à
qui l’on attribuait dans l’Antiquité la ca-
pacité d’instiller quelques gouttes de son
collyre magique dans les yeux des hu-
mains et de les mettre ainsi dans un som-
meil profond. L’anesthésie générale mo-
derne poursuit trois objectifs, à savoir
d’obtenir une relaxation musculaire, une
analgésie complète et un état d’incons-
cience (hypnose). Alors que l’anesthésie
générale superficielle laisse des traces de
mémoire, même inconscientes, la narco-
se profonde élimine tout souvenir des
circonstances de l’intervention.
Le protocole standard de l’anesthésie gé-
nérale commence par une visite la veille
de l’opération. Elle comprend l’anamnè-
se et l’examen (par le médecin assistant
et l’anesthésiste), ainsi que l’information
du patient et l’obtention de son consen-
tement éclairé. Le jour de l’intervention,
l’anesthésie est introduite par du mida-
zolam (Dormicum®) per os ou par voie
rectale,avant la narcose par inhalation au
masque (sevofluran).Après la pose d’une
voie intraveineuse, l’anesthésie propre-
ment dite est réalisée par du propofol (un
anesthésique général intraveineux à brè-
ve durée d’action avec un début d’action
rapide) et du rémifentanyl (un narco-
analgésique à courte durée d’action de la
classe des opiacés). En outre, l’adminis-
tration d’un analgésique en suppositoire
est destinée à réduire les douleurs post-
opératoires. Suite à l’intubation, la venti-
lation assistée se poursuit durant toute
l’intervention, jusqu’à la phase de réveil.
Cette dernière est relativement courte
(5 à 10 minutes) pour les anesthésies gé-
nérales par propofol et rémifentanyl.
Les avantages de l’anesthésie générale
en pédodontie sont la sécurité et le
contrôle lors de tous les gestes thérapeu-
tiques, notamment grâce à un champ de
travail parfaitement calme, ainsi que la
protection des voies aériennes supé-
rieures. Parmi les inconvénients, il faut
relever qu’il s’agit d’une méthode inten-
sive en personnel et en équipement, qui
est par conséquent très chère.Les risques
sont dus à l’inhibition des réflexes phy-
siologiques de protection des voies aérien-
nes, pouvant donner lieu à des obstruc-
tions ou à des aspirations, ainsi qu’à la
dépression des centres de la respiration,
pouvant aboutir à un arrêt respiratoire et
une hypoxie. Pour ces raisons, il convient
de respecter les standards établis par les
associations spécialisées. L’anesthésie gé-
nérale doit être conduite par un médecin
spécialiste en anesthésiologie, disposant
de l’ensemble des équipements et des ap-
pareils de surveillance nécessaires, de mê-
me que de personnel auxiliaire qualifié.La
Société suisse d’anesthésiologie et de ré-
animation (www.sgar-ssar.ch) est actuel-
lement en train de redéfinir les standards
applicables pour les anesthésies géné-
rales dans le cadre du cabinet dentaire
privé («Office Based Anesthesia»). Vus
les risques inhérents à de telles procé-
dures, il s’agit notamment de préciser les
lignes directrices et de formation pour les
médecins non anesthésistes et le person-
nel auxiliaire, les équipements exigés et
les protocoles opératoires pouvant être
réalisés dans un tel cadre.
Concepts actuels des traitements
analgésiques médicamenteux
DrAndreas Gerber, médecin-chef anesthésie,
Hôpital des enfants, Zurich
Dans son exposé complétant la conféren-
ce précédente par des aspects plus pro-
ches de la pratique quotidienne au cabi-
net, cet autre spécialiste en anesthésiolo-
gie a mis l’accent sur les mesures permet-
tant d’évaluer de manière la plus objecti-
ve possible le phénomène de la douleur.
Dans ce domaine, certains concepts qui
avaient encore cours il y a quelques an-
nées doivent aujourd’hui être considérés
comme insuffisants, voire obsolètes. Pour
les enfants de moins de 6 ans, des éva-
luations non verbales ont fait leur preuve
pour objectiver la douleur, en premier
lieu le NIPS (Neonatal Infant Pain Score) et
le CHEOPS (Childens Hospital of Eastern
Ohio Pain Scale). Pour les enfants de plus
de 6 ans,donc capables de s’exprimer ver-
balement, différentes méthodes d’évalua-
tion sont utilisées, la plus connue étant
l’échelle VAS (Visual Analogy Scale), qui
est graduée en 10 paliers.Pour être effica-
ce et raisonné, tout traitement antalgique
doit se fonder sur une appréciation perti-
nente de l’intensité de la douleur à com-
battre.
Passant ensuite aux diverses possibilités
de traitement analgésique par des médi-
caments,le spécialiste a tout d’abord atti-
ré l’attention sur le fait que les enfants
nés prématurément et les nouveau-nés
sont particulièrement sensibles aux opia-
cés,en raison de l’immaturité de leur sys-
tème enzymatique et de la régulation de
la respiration.En outre,la clairance de ces
Société Suisse pour la Chirurgie orale et la Stomatologie
Spécialiste SSO en chirurgie orale
Les consœurs et confrères remplissant les conditions nécessaires à l’obtention du
titre de Spécialiste SSO en chirurgie orale (p.ex. formation post-graduée à temps
complet d’une durée de 3 ans en chirurgie orale, thèse de doctorat, deux publica-
tions, documentation casuistique à propos de 10 cas, etc.) et souhaitant l’obtenir,
sont invités à transmettre ces documents jusqu’au 30 avril 2002 au secrétariat de la
SSOS. Le règlement concernant cette spécialisation et toutes les informations im-
portantes peuvent également y être obtenus.
Prof. DrD. Buser Secrétariat SSOS
Secrétaire SSOS Mme Veronika Thalmann
Case postale 64
Freiburgstrasse 7
3010 Berne
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