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à  l’autre,  entre  autres,  parce  que  les  critères 
d’inclusion et  la qualité du système de report de ces 
événements  varient.  Ce  sont  les  études  américaines 
qui rapportent les taux les plus bas, soit de l’ordre de  
5 %  et  moins  (Brennan,  Leape, Laird,  Hebert,  et al., 
1991;  Thomas,  Studdert,  Newhouse,  Zbar,  et  al.,  
1999),  alors  que  les  australiens  rapportent  le  taux  le 
plus haut, de trois fois supérieur aux taux américains 
(17 % :  Wilson,  Runciman,  Gilberd,  Harrison,  et  al., 
1995).  Le  Canada  (8 % :  Baker,  Norton,  Flintoft, 
Blais,  et  al.,  2004)  et  le  Danemark  (9 % :  Schoier 
Lipczaak,  Pedersen,  Mogensen,  et  al.,  2002)  se 
retrouvent  au  milieu.  En  France,  les  pourcentages 
rapportés  de  patients  qui  subissent  un  événement 
iatrogène  se  situent  entre  10  et  15 %  (Michel, 
Quenon, de Sarasqueta, & Scemama, 2003). 
Quant à la gravité, les études estiment qu’entre 5 % 
(Australie)  et  17 %  (Danemark)  de  ces  événements 
iatrogéniques  mènent  à  un  décès.  Évidemment,  les 
taux dépendent  aussi  des critères  d’inclusion  retenus 
pour  les  événements  iatrogéniques.  Dépendant  des 
études, de 40 % (Michel et al., 2003) à 60 % (Thomas 
et al., 
1999)
 de ces derniers sont considérés évitables.  
Parmi les facteurs invoqués – et reconnus – comme 
augmentant  les  risques  d’occurrence  et  qui 
interpellent  l’ergonomie,  on  retrouve :  les  pressions 
dues  à  la  surcharge,  la  mauvaise  appréhension  des 
risques,  les  problèmes  d’étiquetage,  des  formations 
insuffisantes.  
Spécificité en pédiatrie 
Le  concept  fondateur  de  la  pédiatrie  repose  sur 
l’idée que la physiologie de l’enfant est différente de 
l’adulte et que certaines maladies lui sont spécifiques. 
L’une  de  ces  différences  fondamentales  tient  au  fait 
que  l’enfant  est  en  croissance  et  que  son  organisme 
subit  un  grand  nombre  de  transformations  tant 
physiques,  psychiques  que  psychosociales.  Dans  la 
littérature  anglo-saxonne,  ces  caractéristiques 
physiques  et  physiologiques  des  enfants  sont 
considérées  comme  des  « facteurs  humains ».    En 
ergonomie,  les  facteurs  humains  ou  human  factors 
regroupent plus que cela. Cette référence aux facteurs 
humains est donc ici spécifique.  
Il  est  présentement  difficile  de  tracer  un  portrait 
global de la iatrogénie en pédiatrie, car les chercheurs 
se  sont  penchés  surtout  soit  sur  des  secteurs 
particuliers  comme  les  soins  intensifs    (ex.  Krug, 
2010), soit sur des problématiques spécifiques (ex. les 
infections  nosocomiales :  Muhlemann,  Aebi,
  & 
Troillet,  1999
).
  Sur  une  cinquantaine  d’études 
retracées,  seulement  cinq,  dont  quatre  étaient 
américaines,  parlaient  d’iatrogénie  en  général. 
D’après ces études, la prévalence serait de l’ordre de 5 
à  8 % ;  elle  serait  inférieure  à  celles  observées  pour 
les  adultes  (Sambouly,  McLaughlin,  Mandel,  & 
Boxer,  1996 ;   Frey, Kehrer,  Losa,  Braun,  et  al., 
2000 ; Barach, Jonson, Ahmad, Galvan, et al., 2008). 
Cependant,  comme  on  l’a  noté  précédemment,    les 
études  américaines  rapportent  des  taux  notablement 
plus faibles qu’ailleurs. Il est donc difficile de statuer 
sur la réelle importance du problème.  
Toutefois, il ressort clairement que la problématique 
des  médicaments  constitue  un  enjeu  de  sécurité 
considéré  comme  étant  important  et  sur  lequel  bon 
nombre  d’études  se  sont  d’ailleurs  penchées.    Par 
exemple,  une  étude  menée  par  Internet  où  il  était 
demandé  aux  participants  durant  une  période  de  17 
mois de rapporter des erreurs en texte libre, 43 % ont 
rapporté une erreur médicamenteuse. Par la suite, on a 
demandé aux participants durant une seconde période 
de  dix  mois  de  remplir  un  formulaire :  57 %  des 
erreurs concernaient un médicament (Suresh, Horbar, 
Plsek, Gray, et al., 2004). 
La sécurité médicamenteuse en pédiatrie 
et l’ergonomie : les enjeux potentiels  
Un premier enjeu est la prescription elle-même - en 
fait  la  conception  des  médicaments  -  puisque  les 
enfants  prennent  régulièrement  des  médicaments 
prévus  pour  les  adultes.  En  effet,  la  majorité  des 
médicaments  sont  conçus  et  mis  sur  le  marché  sans 
développement spécifique à la pédiatrie (Autret-Leca, 
Bensouda-Grimaldi,  Le  Guellec,  &  Jonville-Béra, 
2006 ;  Kauffman,  1995).  D’après  l’U.S.  Food  and 
Drug  Administration,  seulement  25 %  des 
médicaments  peuvent  être  annoncés  comme 
appropriés pour être  administrés  à  des enfants. Cette 
problématique  d’adaptation  est  classique  en 
ergonomie. Mais ici, l’enjeu est avant tout financier : 
le marché n’est pas assez attrayant. 
Parmi  les  diverses  conséquences,  nous  en  relevons 
six qui interpellent l’ergonomie :  
a) Le professionnel  de la santé doit pouvoir  choisir 
/adapter  le  médicament.  Cela  nécessite  de  disposer 
des informations adéquates et de pouvoir les traduire 
pour déterminer la posologie. Il y a là une activité de 
travail  sur  la  prise  d’information  sur  laquelle 
l’ergonomie peut se pencher.  
b)  Le  calcul  de  la  posologie  est  nettement  plus 
complexe, car il faut tenir compte du poids, de l’âge 
ou de la surface corporelle de l’enfant pour établir la 
dose.  Le  professionnel  dispose  de  tableaux  de 
compilation  qui  croisent  les  données.  Ils  peuvent 
cependant être difficiles à utiliser d’autant plus que la 
définition  des  classes  peut  varier  d’un  tableau  à 
l’autre.   
c)  Les  opérations  d’adaptation  concernent  aussi  le 
format qui n’est pas toujours adapté au contexte. Par 
exemple,  les  enfants  de  six  mois  et  moins  ont  de  la 
difficulté  à  avaler  les  formes  orales  solides  (Fontan, 
Mille, & Brion, 2004). Il faut donc les manipuler, les 
couper,  les  broyer,  les  mettre  en  solution  et/ou  en 
suspension dans un liquide, les reconstituer ou diluer 
les solutions pour les médicaments injectables.  
d)  Les  nombreuses  opérations  de  manipulation  des 
médicaments  pour  les  mettre  en  forme  sont  des 
sources potentielles d’EI, sans compter que cela peut 
en diminuer l’efficacité.   Plus la contrainte de temps 
est forte – c’est le cas aux urgences –  plus le risque 
d’EI augmente. C’est d’ailleurs dans les départements