¶ 23-490-A-07 Orthodontie et parodontie L. Massif, L. Frapier La complémentarité entre l’orthodontie et la parodontie n’est plus à prouver. Les limites du déplacement dentaire provoqué sont repoussées et ne cessent d’évoluer grâce aux progrès de la parodontie et de l’implantologie. L’orthodontie, par les remaniements tissulaires qu’elle génère, devient une alternative non chirurgicale à l’aménagement tissulaire des sites implantaires. Fontenelle, en 1982, eut cette réflexion qui fait désormais office de référence : « La dent ne se déplace pas au travers de son os de soutien, tout se passe comme si elle entraînait avec elle son os de soutien. » Pour cela, les conditions anatomiques, non inflammatoires et biomécaniques doivent être réunies. Dans cet article, nous aborderons dans un premier temps les maladies parodontales, leurs facteurs aggravants et leur classification. Nous développerons ensuite les particularités histologiques du déplacement dentaire spontané et provoqué puis l’interaction entre l’orthodontie et la parodontie. Nous finirons par les moyens de maintien des résultats obtenus. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Parodontopathie ; Traitement orthodontique ; Déplacement dentaire provoqué ; Contention Plan ¶ Introduction 1 ¶ Maladies parodontales Définition Principaux facteurs étiologiques des parodontopathies Facteurs aggravants Facteurs favorisants Classification des maladies parodontales 1 1 2 2 3 3 ¶ Histophysiologie du déplacement dentaire Acteurs du déplacement dentaire Déplacement dentaire physiologique Déplacement dentaire provoqué Particularités histophysiologiques du parodonte adulte 4 4 5 5 5 ¶ Interaction orthodontie. Parodontie Conditions générales Thérapeutique initiale ou comment la parodontie aide à la réalisation de l’orthodontie Effets directs du déplacement dentaire provoqué sur le parodonte 6 6 6 7 ¶ Maintien des résultats orthoparodontaux Contentions Maintenance parodontale 13 13 13 ¶ Conclusion 15 ■ Introduction Si l’orthodontie et la parodontie restent aujourd’hui deux spécialités à part entière, les relations qui les unissent, pourtant étudiées depuis longtemps, n’apparaissent véritablement essentielles que depuis quelques dizaines d’années. Ces deux disciplines ont comme point commun le parodonte. La première spécialité permet de déplacer les dents avec leur tissu de soutien sous certaines conditions, la seconde contribue à assainir et à traiter l’environnement. Odontologie/Orthopédie dentofaciale La thérapeutique parodontale a pour but de contrôler l’inflammation et de prévenir la réinfection. C’est à ce niveau qu’intervient la thérapeutique orthodontique. L’orthodontie, par le biais des déplacements dentaires provoqués, permet de rétablir un cadre anatomique et occlusofonctionnel favorable à une bonne maintenance parodontale. Nous aborderons, dans un premier temps, les maladies parodontales, leurs facteurs aggravants et leur classification. Nous développerons ensuite les particularités du déplacement dentaire provoqué puis l’interaction entre l’orthodontie et la parodontie. Nous finirons par les moyens de maintien des résultats obtenus. ■ Maladies parodontales Définition Selon Glickmann [1] : « La parodontite résulte de la propagation de l’inflammation gingivale dans les tissus de soutien parodontaux. » Classiquement, les parodontites sont définies comme des maladies infectieuses à forte composante inflammatoire, entraînant la destruction progressive des tissus de soutien de la dent (perte d’attache et alvéolyse) avec pour conséquence la formation de poches parodontales et/ou l’apparition de récessions parodontales [2]. En général, la parodontite se développe à partir d’une gingivite préexistante. Cependant, toute gingivite ne se transforme pas forcément en parodontite. La quantité et la virulence des micro-organismes pathogènes de la plaque, ainsi que la résistance de l’hôte détermineront l’activité inflammatoire et la destruction progressive du parodonte. La parodontite peut, le plus souvent, être prévenue par une bonne hygiène buccale [3]. 1 23-490-A-07 ¶ Orthodontie et parodontie L’orthodontie intervient dans l’amélioration de l’architecture dentoparodontale. Celle-ci est liée à trois facteurs : • la morphologie coronaire exprimée par l’indice de Le Huche (rapport des diamètres mésiodistaux cervical et coronaire) ; • la position de la dent par rapport à la crête alvéolaire ; • l’orientation axiale mésiodistale et vestibulolinguale. Principaux facteurs étiologiques des parodontopathies En 1998, Bouchard [4] a mis en évidence l’aspect multifactoriel des maladies parodontales. L’unique présence de l’agent microbien étiologique ne suffit pas à déclencher le processus pathologique : il faut considérer l’impact des facteurs de risque sur l’état de santé permettant alors d’appréhender les patients à risque [5]. Facteurs généraux Facteur héréditaire Il existe une susceptibilité héréditaire à la plupart des formes précoces et sévères des parodontites [6]. En revanche, pour les formes les plus banales comme la parodontite chronique, il n’existerait aucune susceptibilité héréditaire. Les bactéries virulentes peuvent exprimer leur potentiel pathogène à proximité ou au niveau de la jonction dentogingivale. Ces bactéries sont des Gram négatif anaérobies ou capnophiles ; il s’agit surtout : d’Actinobacillus actinomycetemcomitans, d’Actinomyces, de Porphyromonas gingivalis, de Fusobacterium, de Prevotella intermedia; de Bacteroides forsythus, de certains spirochètes et parasites. Lors des maladies parodontales, la proportion de bacilles à Gram négatif est donc plus forte, ils agissent sur les cellules immunocompétentes, et peuvent dégrader les immunoglobulines destinées à les détruire. Ces bactéries virulentes sont absentes de la surface des dents lorsque le parodonte est sain [11]. La théorie « spécifique » de la plaque dentaire, d’après Charon, Joachim et Sandele, expose le fait que « les bactéries qui la composent sont différentes selon que le parodonte est sain ou malade, et probablement d’une maladie parodontale à l’autre », à la différence de la théorie non spécifique où il n’existerait que des différences quantitatives entre la plaque de dents malades et celle de dents saines [11]. Les maladies parodontales sont caractérisées par un déséquilibre de la flore en faveur des souches anaérobies à Gram négatif, sachant que la prévalence de certains germes peut varier en fonction des caractères cliniques de la maladie [12]. Âge Facteurs aggravants La relation entre l’âge et la maladie parodontale a été démontrée par de nombreuses études épidémiologiques. L’altération des tissus parodontaux débute vers 30 ans et est maximale autour de 50 ans [7]. Cependant, il est difficile de distinguer signes de vieillissement et signes de maladie parodontale. Tabagisme Facteur hormonal Le parodonte est un organe cible des hormones stéroïdiennes [8]. On admet en général que les modifications hormonales chez la femme lors de la puberté, de la menstruation, de la grossesse, de la prise de contraceptifs ou encore de la ménopause sont associées à une prédisposition aux maladies parodontales [9]. Maladies générales En 1999, le World Workshop et Armitage [10] ont mis en corrélation maladie parodontale et pathologie systémique. De nombreuses maladies perturbent le métabolisme tissulaire et les défenses immunitaires. Ces modifications rendent les sujets plus vulnérables aux agressions bactériennes parodontales. Parmi celles-ci, nous trouvons : • les maladies endocriniennes (hyperthyroïdie, hypothyroïdie...) ; • le diabète déséquilibré et non compensé ; • les leucémies ; • la mononucléose infectieuse ; • le syndrome d’immunodéficience humaine acquise (SIDA) (manifestations gingivales et parodontales) ; • le syndrome de Down (prédispositions aux maladies parodontales sévères). Médicaments Les principaux médicaments qui engendrent des perturbations au niveau du parodonte sont : • les antiépileptiques du type phénytoïne qui entraînent une hypertrophie gingivale dans 20 % des cas ; • la ciclosporine (inhibiteur des réactions immunitaires à médiation humorale et de la production d’interleukine 2 [IL2]). Facteur local : la plaque bactérienne La plaque bactérienne est une structure adhérente à la dent constituée de cellules bactériennes, de cellules mortes, de polymères d’origine salivaire (mucus et protéines) et de polymères bactériens. 2 Le tabac est actuellement considéré comme le premier facteur de risque dans le développement des maladies parodontales. Les études cliniques et épidémiologiques de ces dernières années ont montré une nette association entre la consommation de tabac et la prévalence et la sévérité des parodontites et cela, même avec une bonne hygiène. Les fumeurs présentent un risque accru, proportionnel à la consommation de tabac, d’être infectés par Actinobacillus actinomycetemcomitens, Porphyromonas gingivalis, et de développer une flore pathogène plus abondante que les non-fumeurs [13]. Facteurs iatrogènes Les débordements d’obturations dentaires contribuent à aggraver un processus initié par une agression bactérienne. Les obturations entraînent, à leur niveau, une perte osseuse plus importante avec des poches parodontales plus profondes comparées aux dents non restaurées ou comportant des restaurations non débordantes [14]. Les obturations dentaires débordantes modifient les conditions physicochimiques du milieu, notamment les pressions en oxygène, favorisant l’anaérobiose. En compliquant le contrôle de la plaque bactérienne, elles entraînent des modifications au niveau de la flore sous-gingivale car elles la font dériver (dérive anaérobie) d’une flore compatible avec la santé parodontale vers une flore caractéristique avec augmentation des bactéries à pigments noirs associée à la parodontite de l’adulte. Traumatisme occlusal Selon Benauwt [15], parmi les étiologies des parodontites, le traumatisme occlusal doit retenir notre attention, car il était considéré, il y a quelques années, comme l’un des facteurs majeurs favorisant les parodontopathies. Les considérations actuelles ne font pas du trauma occlusal un facteur déclenchant, cependant, sa participation dans l’aggravation de la maladie parodontale n’est pas négligeable. Les surcharges occlusales proviennent de malpositions dentaires, de malocclusions du sens vertical (supraclusion incisive), du sens sagittal ou transversal (occlusion inversée) (Fig. 1). Elles peuvent aussi être d’origine iatrogène en rapport avec de mauvaises restaurations conservatrices ou prothétiques, ou en rapport avec un traitement orthodontique inadéquat. Il est important de différencier la mobilité dentaire simplement augmentée, stable et adaptative, de la mobilité évolutive, instable et pathologique [3]. Toutes les études s’accordent à affirmer que le traumatisme occlusal provoque une réaction réversible du parodonte sain Odontologie/Orthopédie dentofaciale Orthodontie et parodontie ¶ 23-490-A-07 survenir, d’autant plus s’il existe un trauma occlusal qui aggrave la lésion parodontale en augmentant sa sévérité et la rapidité de la destruction tissulaire [16, 17]. Facteurs favorisants Anatomie dentaire défavorable On distingue : • la projection de perle d’émail ; • les anomalies radiculaires (taurodontisme, fêlures ou fissures radiculaires). Figure 1. Occlusion inversée traumatogène sur un parodonte jeune et sain. Facteur aggravant mais non déclenchant de maladie parodontale. Malpositions dentaires Rateitschak [3] distingue : • les malpositions primaires, qui apparaissent lors de l’éruption des dents ; • les malpositions secondaires ou migrations qui apparaissent lors d’une avulsion non restaurée, en raison soit d’une parafonction, soit d’une dysfonction. Ces migrations peuvent intervenir sur parodonte sain et favoriser ainsi une accumulation de plaque, mais elles sont le plus souvent la conséquence d’une perte osseuse suite à une phase aiguë de parodontopathie. Les malpositions dentaires rendent difficile l’accès à l’hygiène. La maintenance parodontale est donc plus aléatoire, ce qui favorise l’accumulation de plaque bactérienne. En cela, elles représentent un facteur favorisant de la maladie parodontale. Proximités radiculaires On parle de proximité radiculaire lorsque la largeur des septa osseux entre deux racines est inférieure à 2 mm [18]. Cela est le cas lors de malpositions dentaires, lorsque l’anatomie radiculaire ou coronaire est défavorable. Elles peuvent être d’origine iatrogène après un mauvais contrôle des axes ou un meulage proximal excessif. Les proximités radiculaires ne sont pas à l’origine de maladies parodontales, mais elles les favorisent et rendent difficile l’accès aux instruments de surfaçage radiculaire. Le traitement isolé des proximités radiculaires incisives mandibulaires ayant provoqué une atteinte parodontale peut être l’avulsion (Fig. 3). Figure 2. A. Parodontite agressive généralisée, absence de 36. Migrations dentaires généralisées. B. Radiographie rétroalvéolaire de 35 et 37 avec migrations compensatrices de l’avulsion de 36 dans un contexte de maladie parodontale avec perte osseuse. avec des signes de résorption osseuse, conduisant à une mobilité dentaire accrue, mais sans aucune perte d’attache. En présence de plaque bactérienne, le traumatisme occlusal agit comme cofacteur dans l’étiologie des maladies parodontales et peut provoquer l’approfondissement d’une lésion déjà existante [5]. Une analyse clinique approfondie de l’occlusion permet de déceler les facteurs aggravants les plus importants tels que : • les contacts prématurés en relation centrée perturbant le chemin de fermeture ; • la direction et l’extension des glissements durant l’intercuspidation ; • les interférences du côté balançant et non balançant ; • les parafonctions (bruxisme, onychophagie) ; • les dysfonctions (position basse de la langue au repos et en fonction, associée à une mastication et à une déglutition-succion). Toute dent avulsée non remplacée aboutit à des situations de migration des dents voisines. Lors de la perte de la première molaire (Fig. 2), il se produit une migration mésiale de la deuxième molaire, une migration distale des prémolaires et une égression de la molaire antagoniste. Les dents adjacentes se versent et il y a formation d’une pseudo-poche, rendant difficile l’accès à l’hygiène. Un défaut parodontal peut rapidement Odontologie/Orthopédie dentofaciale Classification des maladies parodontales La classification de 1999 de « l’International Workshop for a Classification of Periodontal Diseases and Conditions » (Tableau 1) est aujourd’hui celle utilisée pour la recherche clinique et épidémiologique. Elle tente d’harmoniser les points de vue des principales sociétés scientifiques mondiales (Académie américaine de parodontologie, Fédération européenne de parodontologie, etc.) au regard des connaissances scientifiques actuelles et des recherches entreprises au cours des dix dernières années. Cette nouvelle classification ne tient plus compte du critère de l’âge, ni de la progression de la maladie. Elle a le mérite d’adopter une terminologie assez vague bien que plus appropriée, mais elle reste aussi purement clinique, ne tenant pas compte des données microbiologiques, immunologiques et génétiques récentes [19]. Les différences individuelles de susceptibilité génétique aux maladies parodontales, les notions récentes sur la nature des maladies parodontales qui semblent progresser par période d’exacerbation et de rémission, ainsi que l’existence de sites actifs et de sites inactifs cohabitant chez un même sujet ont poussé les cliniciens à rechercher d’autres critères de classification et notamment à y joindre des notions supplémentaires : l’activité immédiate des sites, le pronostic à long terme de la maladie et, surtout, le pronostic génétique. Cette dernière classification engendre des modifications importantes dans l’approche des maladies parodontales. Elle a été proposée dans un souci de simplification. Elle est le reflet des données actuelles de la science (Tableau 1) [10]. 3 23-490-A-07 ¶ Orthodontie et parodontie Tableau 1. Classification des maladies parodontales : Armitage [10]. Maladies gingivales Induites par la plaque dentaire Non induites par la plaque dentaire Gingivites associées avec la plaque dentaire uniquement Maladies gingivales d’origine bactérienne spécifique Maladies gingivales associées à des facteurs systémiques Maladies gingivales d’origine virale Maladies gingivales liées à des médicaments Maladies gingivales d’origine fongique Gingivites et malnutrition Lésions gingivales d’origine génétique Gingivites au cours de maladies systémiques Lésions traumatiques (factices, iatrogéniques, accidentelles) Réactions auto-immunes Non spécifiques Parodontites chroniques Parodontites agressives Localisées Généralisées Parodontites en tant que manifestations de maladies systémiques Associées à une hémopathie Associées à des anomalies génétiques Neutropénie acquise Neutropénie cyclique familiale Leucémie Syndrome de Down, trisomie 21 Autres Syndrome de déficience d’adhésion leucocytaire Syndrome de Papillon-Lefèvre Syndrome de Chediack-Higashi Histiocytose, glycogénose, hypophosphatasie Agranulocytose génétique infantile Syndrome de Cohen Syndrome d’Ehlers-Danlos (type IV et VII) Maladies parodontales ulcéronécrotiques Gingivites ulcéronécrotiques (GUN) Parodontites ulcéronécrotiques (PUN) Abcès parodontaux Abcès gingival Abcès parodontal Abcès péricoronaire Parodontites associées à des lésions endodontiques Déformations et affections acquises ou du développement qui se compose de l’organe dentaire, du desmodonte et de l’os alvéolaire. Lors du mouvement orthodontique, c’est l’ensemble de cette unité qui est remanié. Dent Figure 3. A. Panoramique dentaire. Proximités radiculaires avec alvéolyse verticale sur 31. B. Photo endobuccale après avulsion de 31. C. Panoramique dentaire de fin de traitement après alignement incisif mandibulaire. D. Photo endobuccale. L’avulsion de 31 et l’alignement incisif favorisent l’accès à l’hygiène. Le contexte parodontal est amélioré. Sa morphologie radiculaire détermine la vitesse de déplacement. Un élément important est la capacité d’adaptation cémentaire. Le tissu cémentaire participe activement, par ses fibres d’ancrage, à la mise en place et au maintien de l’organe dentaire dans une position fonctionnelle. Desmodonte ■ Histophysiologie du déplacement dentaire Le desmodonte joue un rôle majeur dans le déplacement dentaire, sa position anatomique centrale entre le tissu osseux et le tissu cémentaire et son taux de compressibilité supérieur aux autres composants de l’entité fonctionnelle odontologique permettent de le définir comme l’élément actif et régulateur du déplacement dentaire. Acteurs du déplacement dentaire [20] Os alvéolaire [20], Pour Nefussi les différents intervenants du déplacement dentaire constituent l’entité fonctionnelle odontologique (EFO) 4 C’est le troisième composant de l’entité fonctionnelle odontologique de Nefussi. Odontologie/Orthopédie dentofaciale Orthodontie et parodontie ¶ 23-490-A-07 Les os cortical et spongieux présentent une différence fonctionnelle et structurelle. La différence structurelle repose sur la différence de densité osseuse : 80 à 90 % de l’os cortical est occupé par du tissu osseux contre 20 à 25 % au niveau du tissu spongieux. L’organisation fonctionnelle regroupe : • les enveloppes osseuses ; • les cellules osseuses (ostéoclastes, ostéoblastes et ostéocytes). Déplacement dentaire physiologique Le remodelage osseux est le mécanisme par lequel le tissu osseux est constamment renouvelé. Au niveau de l’os alvéolaire, ce remaniement est responsable de l’ancrage ligamentaire et de son maintien au cours de la migration physiologique ou provoquée des dents [21]. Chez l’homme, la migration physiologique est mésiale. L’ensemble des événements cellulaires du remaniement osseux se déroule au niveau de l’interface entre les tissus calcifiés et les tissus mous. Face en résorption Baron [22], en 1973, a modifié le concept de Frost [23] concernant le cycle activation-résorption-formation (ARF) en ajoutant une phase d’inversion pour former le cycle ARIF. Ce cycle, qui consiste en une séquence d’événements immuables, traduit l’activité de l’unité multicellulaire ou bone multicellular unit (BMU). Le produit final de l’activité de remodelage forme une unité structurale osseuse ou bone squeletal unit (BSU). Les différents foyers de remaniement sont asynchrones ou incohérents dans le temps. Baron définit la notion de « balance » comme l’équilibre quantitatif entre les phénomènes de résorption et de formation au niveau de chaque BMU et la notion de « couplage » comme le rapport qualitatif entre ces deux activités cellulaires [21]. Face en apposition Elle est le siège d’une minéralisation progressive du desmodonte qui se transforme en os fasciculé. Cet os est ensuite remanié par résorption et remplacé par de l’os lamellaire. Une ligne d’inversion sépare ces deux types d’os. Déplacement dentaire provoqué Le déplacement dentaire provoqué est une réaction biologique à l’application d’une force par le biais de systèmes mécaniques sur la dent ou un groupe de dents. Baron [24] insiste sur la propriété essentielle du parodonte (ligament et lame cribriforme) de conserver une largeur constante. Selon lui, toutes les réactions visent à recréer un état d’équilibre tissulaire momentanément perturbé. Effets mécaniques immédiats Ces effets immédiats correspondent aux capacités hydropneumatiques du desmodonte et aux déformations élastiques de l’os alvéolaire et de la dent. Ainsi, dès l’application de la force, un déplacement immédiat peut être observé. Il y a alors compression du desmodonte sur une face, dite face en pression. Sur l’autre face, dite en tension, le desmodonte est étiré. Ces deux phénomènes se produisent de façon concomitante. Si la force s’arrête, il s’ensuit un retour à la normale plus ou moins rapide. Effets biologiques à court terme Face en pression Le mouvement dentaire présente deux phases. Première phase : phase de sidération. Du fait de l’écrasement vasculaire, une zone tissulaire d’extension variable va être partiellement ou totalement privée de l’apport métabolique vasculaire. Les faisceaux de collagène sont comprimés. La substance fondamentale et les cellules situées entre ces faisceaux sont chassées. Cette zone constituée de fibres tassées a un aspect vitreux en microscopie optique, d’ou le nom de zone hyaline décrite par Reitan [25] en 1951. Odontologie/Orthopédie dentofaciale Après le déplacement immédiat lié à la compression desmodontale, le mouvement va s’arrêter et ne pourra reprendre qu’après l’élimination de cette zone hyaline et une colonisation par de nouvelles cellules. La hyalinisation augmente avec l’âge du patient (puisque le renouvellement cellulaire est plus long chez les adultes) et avec l’intensification de la densité osseuse. L’étendue de la zone hyaline est fonction de l’intensité de la force et du type de mouvement développé. Seconde phase : phase de remodelage osseux. La destruction de la zone hyaline est réalisée par des cellules provenant des parties latérales du desmodonte qui n’ont pas été altérées : d’abord par des fibroblastes, puis par des macrophages. La résorption peut être directe ou indirecte. Dans ce dernier cas, les ostéoclastes envahissent les espaces médullaires voisins de la zone hyaline, puis résorbent le mur alvéolaire jusqu’à atteindre cette zone, recréant ainsi l’espace desmodontal. Après le temps de latence pour que la zone hyaline soit résorbée, le déplacement dentaire est possible. Fontenelle [26] souligne qu’il existe deux modalités de déplacement orthodontique sur parodonte sain : • à travers l’os avec destruction d’une lame osseuse à chaque réactivation (résorption indirecte) ; • avec l’os par modelage-remodelage sans aucune perte de tissu tant que la force est légère et constante (résorption directe). Face en tension On observe un élargissement desmodontal quantitativement égal au rétrécissement du côté opposé. Si la force est faible, on observe une apposition ostéoblastique immédiate. Si la force est importante, une hyperréaction ostéoclasique se produit dans un premier temps suivie d’une apposition ostéoblastique. Les ostéoblastes synthétisent un tissu ostéoïde qui se minéralise et permet l’apposition osseuse. Les faisceaux de fibres desmodontales seront inclus dans l’os nouvellement formé. Effets biologiques à long terme Après cette période initiale apparaît une phase d’adaptation cellulaire pendant laquelle le rythme du remaniement osseux est augmenté. Cette accélération est liée à la présence de nombreuses cellules très actives. Frost [23] appelle ce phénomène le regional acceleratory phenomenon (RAP). Notion de force optimale Pour maintenir le déplacement dentaire, il faut maintenir l’ostéoclasie, c’est-à-dire un niveau suffisant de force pour se maintenir au-dessus du seuil cellulaire et utiliser pleinement la réserve de cellules spécialisées déjà produites. Les forces intermittentes restent efficaces si les périodes d’interruption sont inférieures au temps de latence de dédifférenciation cellulaire. L’espace desmodontal, recréé à la fin des réactions initiales, est plus large que dans la situation physiologique. La force peut alors être augmentée sans pour autant atteindre le seuil de compression tissulaire suffisant pour entraîner une nouvelle hyalinisation. Pour Reitan [25], la seule limite serait de ne pas franchir le seuil de résorption radiculaire. Particularités histophysiologiques du parodonte adulte Le déplacement est lent : les corticales sont denses, l’apport cellulaire est moindre, la vitesse d’apposition et de résorption réduite. Le temps de latence (temps de réponse des tissus aux forces exercées) est allongé et peut durer plusieurs semaines. Les résorptions indirectes sont très importantes, ce qui entraîne une mobilité importante. La hyalinisation est longue : le turn-over cellulaire et fibrillaire est lent, il en résulte un retard du déplacement et des risques importants de destruction osseuse. Il faut adopter un système mécanique évitant les hyalinisations répétées. 5 23-490-A-07 ¶ Orthodontie et parodontie La cicatrisation est lente : la stabilisation devra être de longue durée, voire définitive dans certains cas. Pour Stutzmann et Petrovic [27], la persistance, tout au long de la vie, d’un renouvellement de l’os alvéolaire significatif et la possibilité de l’augmenter orthodontiquement rend réalisable le déplacement thérapeutique des dents à n’importe quel âge. Toutefois, le déplacement sera moins rapide à partir de l’âge de 16-17 ans. Le turn-over de l’os alvéolaire et ses variations provoquées orthodontiquement ne semblent pas rendre le déplacement dentaire plus difficile chez l’adulte âgé de 50-60 ans que chez celui âgé de 20-25 ans, sauf si le parodonte est déficient. Selon Fontenelle [28], si l’on se réfère aux effets histophysiologiques induits, une seule orthodontie est valable, c’est celle qui produit un modelage-remodelage : les dents sont déplacées avec leur support parodontal sans perte tissulaire, si ce n’est celle induite par la hyalinisation initiale probablement inévitable et tant que la force est laissée constante grâce à la mise en jeu de phénomènes de résorption directe. Le mouvement de la dent doit se faire avec l’os et non pas à travers l’os. Pour Melsen [29, 30], avec l’âge, la tendance générale est à la réduction de l’épaisseur moyenne de la corticale et du volume d’os trabéculaire. Cela implique qu’une moindre quantité d’os doive être résorbée pour qu’un certain déplacement dentaire se produise. Cependant, la perte d’os marginal influence la position du centre de résistance et a donc un impact sur le système de forces mises en œuvre. ■ Interaction orthodontie. Parodontie L’orthodontie est utilisée comme thérapeutique complémentaire dans le traitement parodontal, elle permet de créer ou de recréer des conditions plus favorables à l’élimination de la plaque dentaire, et de rétablir l’occlusion, l’esthétique. Pour Glickmann [1], la seule contre-indication au traitement orthodontique chez des patients atteints de maladie parodontale est la persistance d’une inflammation gingivale. L’âge ne constitue pas une contre-indication, bien qu’il soit généralement établi que les processus de remodelage osseux se produisent plus lentement chez des patients âgés. Conditions générales En étudiant les déplacements dentaires orthodontiques, Fontenelle, en 1982 [28] , conclut par une réflexion qui fait désormais office de référence : « La dent ne se déplace pas au travers de son os de soutien, tout se passe comme si elle entraînait avec elle son os de soutien. » Pour cela, certaines conditions doivent être respectées. Conditions anatomiques La dent ne se déplacera avec ses tissus de soutien que si ceux-ci appartiennent à un parodonte complet et sain. Celui-ci sera donc assaini pour ne pas risquer de créer des lésions gingivales et osseuses en déplaçant orthodontiquement les dents [31]. Conditions liées au contrôle de l’inflammation Lindhe [32] a montré que si des forces seules étaient incapables de générer des poches parodontales, la combinaison force et inflammation bactérienne aggrave les destructions tissulaires, entraînant des pertes d’attaches et une lyse osseuses irréversibles. La thérapeutique initiale apparaît dès lors indispensable : en supprimant l’inflammation (détartrage, surfaçage, traitement chirurgical des poches), elle autorise le déplacement orthodontique. Ainsi, l’orthodontie est possible chez des patients présentant un parodonte réduit, à condition toutefois de respecter certains principes mécaniques et d’établir une maintenance parodontale perorthodontique rigoureuse. 6 Conditions mécaniques L’utilisation de forces légères selon Fontenelle [28] réduit la formation de zones hyalines, favorise la résorption directe de la lame cribriforme et oriente les cellules progénitrices vers des cellules ostéoblastiques. “ Point important Le déplacement dentaire orthodontique doit regrouper les conditions suivantes : • conditions anatomiques : le parodonte doit être complet et sain ; • conditions non inflammatoires : détartrage, surfaçage, chirurgie des poches ; • conditions mécaniques : utilisation de forces légères et continues. Thérapeutique initiale ou comment la parodontie aide à la réalisation de l’orthodontie La phase initiale doit permettre l’élimination des facteurs étiologiques et aboutir à la stabilisation des processus évolutifs de la maladie. La suppression préorthodontique de l’inflammation parodontale est essentielle. En effet, le déplacement des dents dont le parodonte présente un foyer congestif risque d’entraîner une perte osseuse ou d’aggraver une récession gingivale. La plaque sus-gingivale peut devenir sous-gingivale au cours d’un déplacement dentaire. Le traitement parodontal doit donc précéder et accompagner le traitement orthodontique. Étapes de la thérapeutique initiale Motivation du patient et conseils d’hygiène Le facteur étiologique primordial de la maladie parodontale étant la plaque bactérienne, les patients en traitement orthodontique devront en connaître le rôle néfaste et savoir l’éliminer. Thérapeutique parodontale Elle vise à réduire les facteurs favorisant la maladie parodontale, en particulier le facteur bactérien et les facteurs iatrogènes. La chirurgie parodontale peut, à tout moment, s’insérer dans le plan de traitement orthodontique pour l’optimiser, en permettant de prévenir, d’aider ou de corriger, et enfin d’assurer la pérennité des résultats obtenus. Détartrage et surfaçage radiculaire Selon Vanarsdall [33] , l’élément le plus important de la thérapeutique parodontale est le détartrage-surfaçage qui peut éliminer totalement les bactéries sous-gingivales et de maintenir à long terme la santé parodontale. Son but est de diminuer l’inflammation gingivale et la poche parodontale en éliminant le tartre sus- et sous-gingival, facteur de rétention de la plaque et source d’inflammation. Les antiseptiques, anti-inflammatoires et antibactériens sont destinés à augmenter l’efficacité des traitements parodontaux non chirurgicaux et chirurgicaux en éradiquant les agents pathogènes. Poser les éventuelles indications de chirurgie Chirurgie d’assainissement. En présence de poches parodontales résiduelles supérieures à 5 mm et d’une alvéolyse supérieure à 50 % de la hauteur radiculaire, des interventions de chirurgie parodontale, type lambeau mucopériosté d’assainissement, lambeau esthétique d’accès dans les secteurs antérieurs seront réalisées avant le traitement orthodontique, Odontologie/Orthopédie dentofaciale Orthodontie et parodontie ¶ 23-490-A-07 Figure 4. A. Radiographie panoramique de début de traitement. Absence de 13, 23, 35, 45. B. Téléradiographie de profil avant traitement. Décalage squelettique de classe III. C. Radiographie panoramique de fin de traitement. Redressement axial des prémolaires maxillaires et des molaires mandibulaires versées. D. Téléradiographie de profil en fin de traitement après ostéotomie bimaxillaire. de manière à favoriser la réparation des tissus parodontaux et à ne pas engendrer de destruction plus importante. Chirurgie mucogingivale. L’amélioration des conditions mucogingivales, un problème fréquemment révélé au cours de l’examen initial de l’orthodontie, tient à la brièveté de la gencive attachée, par sa finesse ou son inexistence. Les techniques d’approfondissement du vestibule, de greffes gingivales rendront le traitement orthodontique plus sûr. Autres moyens d’élimination des facteurs étiologiques La thérapeutique initiale comprend également [34] : • l’élimination des prothèses mal ajustées et des obturations débordantes ; • la réalisation des soins de dentisterie restauratrice et la reprise des traitements endodontiques défectueux ; • la réalisation de prothèses transitoires. Maintenance parodontale À ce stade et avant de poursuivre le traitement, il est important de s’assurer, par une réévaluation, que les conditions d’une bonne maintenance parodontale sont remplies. Le traitement orthodontique peut alors commencer sous surveillance parodontale stricte. Les soins parodontaux de soutien se font tous les 2 mois : ils comprennent une évaluation de la qualité du contrôle de plaque, un sondage systématique des poches et furcations, un contrôle des indices de saignement qui permettront de dépister tout début de perte d’attache, un contrôle radiographique des sites atteints de poches parodontales et une prophylaxie professionnelle [35]. Quel que soit l’état de santé parodontale initiale et quelle que soit l’indication du traitement, l’inflammation des tissus doit être rigoureusement contrôlée pendant toute la durée du déplacement, car, chez les patients adultes ayant présenté une maladie parodontale, la réaction inflammatoire se manifeste d’emblée par une récidive et une aggravation de l’atteinte osseuse [36]. Effets directs du déplacement dentaire provoqué sur le parodonte Mouvement de version Description du mouvement Version non contrôlée. Ce mouvement est caractérisé par un déplacement de la couronne dans une direction et de l’apex Odontologie/Orthopédie dentofaciale dans la direction opposée [37], il est obtenu par l’application d’une force sur une dent au niveau coronaire ; la version peut être mésiodistale ou vestibulolinguale. Cette force simple à distance du centre de résistance crée un moment propice aux déplacements en sens inverse de la couronne et de l’apex. Redressement contrôlé. Ce mouvement est une version caractérisée par un déplacement contrôlé de l’apex et du bord libre. D’autres possibilités existent comme le déplacement de l’apex sans que la couronne ne bouge. C’est un mouvement assez voisin de la version, mais la couronne est stabilisée et l’apex seul fait une version, nécessaire pour redresser l’axe d’une dent versée ; il s’applique au cours du mouvement de torque. La version thérapeutique sur parodonte réduit doit être conduite avec prudence [38]. En effet, en présence d’une diminution de la hauteur alvéolaire qui déplace le centre de résistance en direction apicale, on observe, pour une force donnée, un moment beaucoup plus important. Indications et intérêts [39-41] Redressement d’axes molaires. L’avulsion de la première molaire inférieure est le cas le plus fréquent. Il s’ensuit une version de la deuxième molaire avec deux caractéristiques du côté mésial : aspect en rouleau de la gencive et présence d’une poche parodontale. Le traitement orthodontique associé au traitement parodontal (préparation initiale) va permettre de supprimer la version des dents concernées en redressant leurs axes en fonction du cas clinique et du plan de traitement prévu, notamment au niveau prothétique. Pour les molaires, deux possibilités s’offrent à nous : • redressement de l’axe molaire avec réouverture d’espace pour une réhabilitation prothétique ; • redressement et mésialisation molaire avec fermeture de l’espace (Fig. 4). Le redressement de l’axe de la dent mésioversée permet : • un meilleur accès à la thérapeutique parodontale ; • une amélioration de la fonction occlusale ; • une diminution de la profondeur de poche ; • un meilleur contexte prothétique. Limites Le mouvement de version doit respecter les limites anatomiques sous peine de risquer des fenestrations. Cela s’applique particulièrement à la région des incisives mandibulaires. 7 23-490-A-07 ¶ Orthodontie et parodontie Mouvement d’égression Description du mouvement Ce mouvement déplace la dent dans le sens de son éruption, le long du grand axe de la dent. Le potentiel d’extrusion d’une dent peut aller jusqu’à l’avulsion orthodontique. L’attache épithéliale se déplaçant avec la dent en direction occlusale, on assiste à une augmentation de hauteur de gencive attachée, puisque la jonction mucogingivale reste constante [5], et à une diminution de l’épaisseur des septa alvéolaires. Indications et intérêts L’égression lente d’une dent, en présence d’un parodonte assaini, est la méthode de choix préconisée en cas de défaut osseux vertical. Entraînant l’os et les tissus mous, elle corrige les poches en comblant les défauts osseux et en faisant migrer gingivalement le système d’attache. En contrepartie, un meulage occlusal de la dent égressée est souvent nécessaire [42]. En effet, l’égression thérapeutique permet de « sortir » la dent hors de la lésion en entraînant le fond de la lésion vers le niveau crestal correspondant aux dents voisines. La lésion est ainsi « supprimée », mais le support de la dent est réduit [31]. L’égression orthodontique convient également au traitement des lésions angulaires en mésial des molaires versées et à celui de certaines lésions infraosseuses liées à la parodontite [38]. L’égression orthodontique peut ainsi venir en aide à la parodontie dans différents cas de figure (Fig. 5) : • cas de dents incluses, en infraclusion ou encore présentant une perte de substance dentaire sous-gingivale, pouvant nuire à l’intégrité parodontale : caries, fractures, érosions, perforations endodontiques (Fig. 4) ; • traitement des défauts parodontaux infraosseux ; • amélioration de défauts esthétiques liés au parodonte : C défauts d’harmonie et de contour gingival des dents antérieures ; C prévention d’un effondrement inesthétique après extraction ; C création de papilles. Par rapport à la chirurgie parodontale seule, l’égression, associée à une chirurgie parodontale mineure d’aménagement tissulaire, permet, dans tous les cas, le respect d’une architecture gingivo-osseuse normale tout en exposant la lésion dentaire sous-gingivale interférant avec la santé parodontale. Cela offre deux avantages favorisant à long terme la pérennité des restaurations : • une thérapeutique prothétique classique faisant appel à des techniques de préparations simples ; • une prophylaxie aisée pour le patient, avec des techniques simples. L’aménagement des sites extractionnels par égression orthodontique à visée préimplantaire est une indication de choix souvent négligée. Quand le plan traitement prévoit la pose d’un implant à la place d’une dent parodontalement compromise, on peut s’attendre à des défauts locaux de complexité variable. Le mouvement orthodontique d’égression permet de conserver ou de régénérer le volume osseux crestal facilitant l’implantologie postextractionnelle. La crête ainsi conservée permet l’implantation dans l’épaisseur de l’os selon un axe privilégié ou permet d’optimiser une technique de régénération osseuse guidée [43]. Les critères de traitement de ces sites sont discutés en fonction de la sévérité du défaut résiduel de l’environnement. Salama et Salama [44] proposent une classification qui tient compte des impératifs de l’implantologie en fonction : • de la morphologie du défaut résiduel ; • du potentiel de régénération du site de l’extraction ; • de la qualité d’os cortical restant, en particulier dans les régions antérieures, déterminante pour l’esthétique. 8 Figure 5. A. Radiographie panoramique avec 17 pseudo-ankylosée après avulsion de 16 dans un contexte parodontal sain. B. Égression orthodontique après désinclusion chirurgicale de 17. Traction élastique entre 17 et l’arcade mandibulaire renforcée par une minivis. C. Radiographie panoramique avec égression et redressement de 17 et 18. Limites et contre-indications Les contre-indications les plus fréquentes sont : • une anatomie radiculaire défavorable : racines courtes, divergences importantes, furcation haute, diamètre mésiodistal de la racine très inférieur à celui de la couronne, amenant à des difficultés esthétiques de restauration ; • les fractures verticales ; • les lésions endodontiques ; • l’ankylose dentaire ; • l’alvéolyse horizontale. Le mouvement d’égression ne pose, en général, pas de problème, lorsque l’épaisseur d’os est suffisante. Ce mouvement est plus dangereux au niveau des lames osseuses minces [18]. Melsen [38] limite l’indication de l’égression aux irrégularités des crêtes marginales et aux lésions à trois parois. Les risques encourus par ce mouvement sont l’aggravation de la mobilité et la perte du support osseux de la dent égressée [2]. L’égression thérapeutique devra donc être utilisée avec grande prudence dans le respect des conditions anatomiques. Odontologie/Orthopédie dentofaciale Orthodontie et parodontie ¶ 23-490-A-07 Figure 6. A. Photo endobuccale avant traitement. Supraclusion incisive. B. Photo endobuccale en cours de traitement. Minivis d’ancrage localisée entre les racines de 11 et 21. Traction élastique entre la minivis et l’arc maxillaire entre 11 et 21. C. Téléradiographie de profil avant traitement. D. Téléradiographie de profil après génioplastie de transposition antérieure et ingression incisive maxillaire. Mouvement d’ingression Description du mouvement Le mouvement d’ingression est le déplacement de la dent dans le sens inverse de l’éruption, selon le grand axe. C’est un mouvement non physiologique donc difficile à réaliser qui nécessite un appareillage multibagues et un ancrage important [18]. C’est le déplacement qui nécessite les forces les plus faibles (Fig. 6). D’un point de vue biologique, la question qui se pose est de savoir si, au cours de l’ingression, le long épithélium de jonction migre en direction apicale d’une part, et s’il y a une résorption de l’os alvéolaire au regard du front d’ingression d’autre part ou si, au contraire, il y a une véritable régénération parodontale le long de la paroi radiculaire ingressée. Pour répondre à cette question, les différentes études, réalisées par Melsen à la fin des années 1980, apparaissent aujourd’hui encore comme une référence scientifique [42, 45]. Les analyses biologiques montrent, qu’après réalisation d’un lambeau chirurgical d’assainissement suivi de l’ingression orthodontique, on obtient un gain d’attache significatif et une néoformation cémentaire à condition que l’hygiène soit maintenue de manière stricte. En 1992, Melsen [46] montre que le résultat est lié à l’augmentation de l’activité des cellules ligamentaires induite par le mouvement d’intrusion. Ces résultats ont été confirmés en 2001 par Isaka [47]. Indications et intérêts Les changements obtenus par ce mouvement obéissent aux mêmes lois que ceux obtenus par l’égression. Ainsi, l’attache épithéliale suit la dent en ingression, la ligne mucogingivale reste constante, donc la hauteur de gencive attachée diminue. Odontologie/Orthopédie dentofaciale Cliniquement, il semblerait que l’on obtienne, au moins provisoirement, un épaississement de la gencive attachée [28]. L’ingression permet d’obtenir de bons résultats sur les alvéolyses horizontales et les poches supraosseuses sur une dent isolée ou lorsque tout un groupe de dents est concerné, que ce soit pour des incisives ou des molaires. Cela grâce notamment aux nouveaux ancrages intraosseux (minivis, miniplaques). Limites et contre-indications L’ingression pure est de mise en œuvre difficile. Ce mouvement a fait l’objet de nombreuses discussions portant sur la possibilité de la réaliser mais également sur la possibilité de l’obtenir sans résorption radiculaire ni destruction parodontale iatrogène [46]. Cependant, pour Melsen [42], l’ingression est souvent nécessaire (en particulier au niveau des incisives supérieures) et peut être réalisée sans danger si les conditions suivantes sont remplies : • suppression de l’inflammation (élimination des poches, surfaçage), forces légères et relativement constantes ; • ingression pure passant par le centre de résistance, absence de lésion angulaire ; • contrôle strict de l’hygiène. Mouvement de gression ou translation Description du mouvement Ce mouvement est caractérisé par le déplacement de l’apex et de la couronne dans la même direction et de la même distance, soit un mouvement de la dent parallèle à son grand axe. Il se réalise en appliquant une force sur une dent, ou un groupe de dents, dont la ligne d’action passe par le centre de 9 23-490-A-07 ¶ Orthodontie et parodontie résistance de la dent, ou d’un groupe de dents. Il est très difficile de réaliser des systèmes orthodontiques produisant de telles forces [18]. En pratique, ce mouvement est difficile à accomplir en une seule manœuvre, il est souvent exécuté à l’aide d’une série de rectifications de trajectoire. Ce mouvement est possible grâce à l’utilisation d’un système de forces associant forces simples et couples [37]. Ces mouvements ne peuvent être réalisés de manière efficace et contrôlée que par des appareillages multibagues. Indications et intérêts Fermeture des espaces d’avulsions. Le déplacement orthodontique mésiodistal va rétablir une continuité d’arcade et assurer le parallélisme des racines. Aménagement des crêtes alvéolaires par gression latérale dans les cas d’édentements et de crêtes atrophiées suite à des avulsions anciennes. La distalisation d’une prémolaire dans un secteur parodontalement déficient permet de recréer une architecture implantaire favorable. Ce mouvement difficilement réalisable peut être aidé par des ancrages temporaires (minivis, miniplaques) ou un implant définitif placé préalablement de manière stratégique. Un secteur édenté postérieur pourra être aménagé en : • un secteur encastré ; • un secteur édenté postérieur plus petit susceptible d’améliorer le pronostic implantaire. Cas particulier de réouvertures d’espaces d’agénésies pour réhabilitations implantaires. L’aménagement tissulaire préimplantaire est assuré grâce aux particularités du mouvement de gression orthodontique, à savoir l’apposition osseuse compensatrice du côté en tension des dents déplacées de part et d’autre des secteurs d’agénésies (Fig. 7). Limites et contre-indications Tous les auteurs s’accordent à dire que le déplacement dentaire en translation peut remodeler le parodonte. En effet, il se produit un modelage périosté de compensation du remodelage intéressant la face alvéolaire en pression [31]. Cela explique l’augmentation de gencive attachée pendant un déplacement dentaire contrôlé sur le plan mécanique et sur le plan de l’inflammation. Là encore, la dent ne s’est pas déplacée à travers ses tissus de soutien mais avec et en conservant une lame osseuse d’épaisseur constante. Dans les cas de corticales externes très fines, il est probable que le mouvement de gression, en direction vestibulaire, puisse avoir des conséquences défavorables. En effet, l’os cortical étant peu labile, les risques de destruction sans apposition de compensation sont importants et ces risques augmentent avec l’âge. Les conséquences sont une réduction de la crête alvéolaire et l’apparition de déhiscence associée à une récession gingivale. Au niveau gingival, la fermeture d’espace trop rapide dans un site d’extraction peut provoquer la formation de pli ou fissure parodontale. Mouvement de rotation Description du mouvement Ce mouvement est caractérisé par un déplacement de la dent sur elle-même autour d’un axe qui passe soit par son grand axe (c’est la rotation axiale), soit par un axe qui lui est parallèle (c’est la rotation marginale). La rotation est provoquée par un couple : double gression vestibulolinguale [37]. C’est un mouvement apparemment facile à obtenir, mais il est, en réalité, très délicat et sujet à la récidive. Trois éléments semblent essentiels pour la mécanique : • la forme de la racine en section ; • le nombre de racines de la dent ; • la localisation de l’axe de rotation autour duquel se fait le mouvement de la dent. Indications et intérêts [28, 31] La rotation d’une dent peut être à l’origine de désordres esthétiques parodontaux ou occlusaux, elle doit donc être 10 Figure 7. Réouverture d’espaces et implants dans une situation d’agénésie des incisives latérales maxillaires. A. Photo endobuccale d’une patiente adulte avec agénésie de 12 et 22. B. Panoramique dentaire qui confirme les agénésies avec persistance de 63. C. Photo endobuccale après réouverture d’espaces et implants 12 et 22. D. Panoramique dentaire. Déplacement en translation de 13 et 23 et mise en place d’implants 12 et 22. corrigée. Sur le plan parodontal, elle provoque des désordres dans l’agencement de la gencive marginale. Le mouvement de rotation induit un remaniement osseux et mucogingival comparable à la gression. Indirectement, le mouvement de rotation permettant le rétablissement des points de contacts favorise la déflection alimentaire et protège les papilles interdentaires. Limites et contre-indications La correction des rotations est très récidivante. Il faut donc les corriger dès le début du traitement orthodontique afin de permettre la réorganisation tissulaire. L’hypercorrection ou la fibrotomie supracrestale peut s’avérer nécessaire. Par ailleurs, c’est un mouvement dangereux sur parodonte réduit. Le centre de résistance étant plus apical, il y a un risque de produire une version non contrôlée néfaste. Odontologie/Orthopédie dentofaciale Orthodontie et parodontie ¶ 23-490-A-07 Figure 8. Traitement ortho-paro-prothétique sur parodonte sain. A. Panoramique dentaire. Agénésie de la 12, lésion périapicale sur la 36. B. Téléradiographie de profil avant traitement. C. Photo endobuccale droite. Agénésie de la 12. D. Photo endobuccale de face. Occlusion inversée antérieure. Non-concordance des milieux interincisifs. E. Photo endobuccale gauche après avulsion de la 36. Occlusion inversée traumatogène. F. Panoramique dentaire en fin de traitement. Implants 12 et 36 sous couronnes provisoires. G. Téléradiographie de profil en fin de traitement. H. Photo endobuccale droite. Implant 12 sous couronne provisoire. I. Photo endobuccale de face. Correction de l’occlusion inversée antérieure. Correction des milieux interincisifs en cours de finitions. J. Photo endobuccale gauche. Correction de l’occlusion inversée. Implant 36 sous couronne provisoire. Situations cliniques pluridisciplinaires illustrant les mouvements orthodontiques Cas n° 1 (Fig. 8) Traitement pluridisciplinaire chez un jeune adulte au parodonte sain. L’objectif thérapeutique est de restaurer la continuité d’arcade et de rétablir un équilibre occlusal fonctionnel. Odontologie/Orthopédie dentofaciale Le plan de traitement est le suivant : • stratégie parodontale : C avulsion de la 36 pour motif infectieux endoparodontal ; C détartrage ; C réévaluation et maintenance ; • stratégie orthodontique : C alignement-nivellement des arcades ; C correction de l’occlusion inversée ; 11 23-490-A-07 ¶ Orthodontie et parodontie Figure 9. Traitement ortho-paro-prothétique sur parodonte réduit. A. Photo endobuccale droite. Parodontite agressive stabilisée. B. Photo endobuccale de face. Migration verticale de la 21. Encombrement incisif mandibulaire. C. Photo endobuccale gauche. Migration mésiale de la 22. Absence de la 36 avec égression de la 26, mésioversion de la 37, distoversion de la 35. D. Panoramique dentaire avant traitement. Alvéolyse horizontale généralisée et alvéolyse verticale localisée. Proximités radiculaires incisives mandibulaires. E, F, G. Photos endobuccales après traitement (36 sous couronne provisoire). H. Panoramique dentaire après traitement. C concordance des milieux incisifs ; C intercuspidation ; C contention ; • stratégie prothétique : prothèse implantoportée en place de 12 et de 36. Cas n° 2 (Fig. 9) Traitement pluridisciplinaire chez un jeune adulte au parodonte très affaibli suite à une parodontite agressive généralisée. 12 L’objectif thérapeutique est de rétablir une occlusion fonctionnelle et de favoriser la maintenance parodontale. Le plan de traitement est le suivant : • stratégie parodontale : C détartrage ; C antibiothérapie (amoxicilline + métronidazole 7 jours) ; C surfaçage radiculaire ; C prophylaxie : chlorhexidine 0,2 % ; C motivation à l’hygiène ; Odontologie/Orthopédie dentofaciale Orthodontie et parodontie ¶ 23-490-A-07 C techniques de brossage ; C réévaluation et maintenance ; • stratégie orthodontique : C avulsion 32 ; C alignement des arcades ; C ingression 26 ; C nivellement 37, 38 ; C intercuspidation ; C contention définitive mandibulaire et maxillaire ; • stratégie prothétique : prothèse implantoportée en place de 36. non précieux), associé à l’emploi d’une résine adhésive possédant des propriétés viscoélastiques favorisant l’absorption des contraintes. Pour Philippe [50], le choix du type de contention doit être guidé par quelques principes ; une bonne contention doit être immédiate, intelligente, prolongée et, chaque fois que possible, fixée. Dans le cadre de la prise en charge de patients au parodonte sain mais affaibli, l’orientation vers des techniques fixées et durables semble inévitable. ■ Maintien des résultats orthoparodontaux Techniques de contention par méthode directe Le maintien des résultats, étape décisive dans la prise en charge orthoparodontale des patients adultes, est assuré au cours de deux phases que sont la réalisation d’une contention orthoparodontale et la maintenance parodontale. Si la première peut être considérée comme étant une étape dont la réalisation est ponctuelle, la seconde verra la succession, à des intervalles réguliers, d’étapes assurant le maintien d’une flore compatible avec la santé parodontale. Contentions Indications La contention fait partie intégrante de la thérapeutique orthodontique, elle peut être provisoire ou définitive. La pérennité des résultats orthoparodontaux suppose de maintenir les dents ayant un support parodontal affaibli après avoir rétabli une occlusion fonctionnelle. La contention concilie les objectifs parodontaux et orthodontiques en favorisant la réorganisation tissulaire et en assurant la répartition des forces occlusales [48]. La différence de réactions tissulaires entre adultes et enfants explique la nécessité d’une période de contention longue, voire permanente chez l’adulte [49]. Objectifs de la contention Les objectifs sont les suivants : • solidariser entre elles les dents afin de prévenir les récidives de migration et de maintenir le résultat orthodontique obtenu ; • respecter les espaces interdentaires et les embrasures. La contention ne doit pas entraver le contrôle de plaque ; • assurer au patient un confort fonctionnel et masticatoire. Principes de la contention L’attelle assure une répartition des forces et diminue les contraintes transversales nuisibles sur chacune des racines [2]. Contexte occlusal Les contacts occlusaux interarcades influencent le type de contention puisqu’il est nécessaire d’avoir un espace minimum pour l’épaisseur du matériau. Cela est vrai pour la contention du bloc incisivocanin maxillaire. Lorsque les rapports occ1usaux interfèrent avec l’attelle, il faut préparer l’émail afin de recevoir la contention. Valeur des dents contenues La valeur intrinsèque des dents contenues dépend de leur morphologie coronaire. La conception de l’attelle devra tenir compte de la morphologie de la couronne, et de sa translucidité (une contention métallique peut donner un aspect grisâtre). La valeur extrinsèque correspond à la mobilité de chaque dent. L’adhésif, fortement sollicité, n’est pas toujours suffisant. La stabilisation doit être augmentée en exploitant une plus grande surface de collage ou en incorporant des moyens de rétention supplémentaires. Pour Danan et al. [2], le compromis est d’utiliser un matériau possédant un module d’élasticité élevé, afin qu’il soit suffisamment résistant à la contrainte sous de faibles épaisseurs (alliages Odontologie/Orthopédie dentofaciale Dispositifs de contention La contention par méthode directe présente l’avantage d’être réalisée en une séance. Elle est la solution aux problèmes mineurs de stabilisation. Cette méthode regroupe les attelles de contention à l’aide d’une grille métallique collée (la grille d’Ellman est la plus répandue), de composite fibré (fibres de polyéthylène), de fibre de Kevlar ou de fils métalliques rigides préformés. Techniques de contention par méthode indirecte Elles nécessitent souvent une préparation amélaire. Leur utilisation se justifie par la plus grande précision des dispositifs. Attelle coulée collée. C’est une structure métallique qui englobe les faces linguales et proximales des dents supports et qui peut remplacer une ou plusieurs dents. L’utilisation d’une technique collée permet de réduire la mutilation dentaire puisque les préparations sont limitées à l’émail. Elle permet une contention de longue durée, mais sa réalisation est délicate. Le collage reste une étape primordiale pour la réussite de la thérapeutique. Attelle en composite fibré. La réalisation indirecte de cette attelle permet de gérer une meilleure imprégnation de la fibre avec le composite, ce qui augmente la résistance de l’ensemble. Plus récemment, les attelles en zirconium offrent de meilleures propriétés biomécaniques. Bridge de contention. Lorsque le délabrement des dents à contenir est très important, la contention doit s’inscrire dans une réhabilitation prothétique globale. La réalisation d’un bridge de contention présente l’avantage de remplacer les dents absentes et de contenir les dents au support affaibli. Intérêt de la contention longue durée (Fig. 10) Illustration par un cas clinique de l’intérêt d’une contention de longue durée. Chez ce patient âgé de 61 ans, les épisodes successifs de parodontopathie chronique ont abouti à une perte osseuse généralisée. L’égression pathogène des 38, 48, associée à l’alvéolyse généralisée, est à l’origine de l’effondrement postérieur et de l’ouverture de diastèmes antérieurs. La conduite à tenir passe en premier lieu par un assainissement parodontal et par la suppression des facteurs aggravants. Dans ce cas précis, la persistance des 38, 48 égressées sans antagoniste, est responsable de contacts prématurés accentuant la migration incisive. Le plan de traitement est le suivant : • assainissement parodontal (détartrage, surfaçage, contrôle des soins endodontiques, prothétiques et conservateurs) ; • avulsion de 38, 48 ; • réévaluation parodontale ; • traitement orthodontique multibagues. Alignement, nivellement des arcades, intercuspidation ; • contention incisivocanine maxillaire définitive en zirconium ; • maintenance parodontale de longue durée. Maintenance parodontale La maintenance parodontale consiste au contrôle de la plaque dentaire bactérienne par le patient et à la mise en œuvre de soins parodontaux par le praticien. Il est maintenant largement admis que le contrôle de la plaque supragingivale assuré par le patient, associé à l’élimination de la plaque sousgingivale et du tartre par le praticien sont les deux conditions 13 23-490-A-07 ¶ Orthodontie et parodontie Figure 10. A. Photo endobuccale droite. Classe I molaire et canine. Migration sagittale des incisives avec ouverture de diastèmes. B. Photo endobuccale de face. Migration verticale des incisives avec augmentation du recouvrement. C. Photo endobuccale gauche. Migration sagittale des incisives avec ouverture de diastèmes. D. Radio panoramique. Alvéolyse horizontale généralisée. Absence de 15, 18, 26, 28. Égression de 38, 48. E. Photo endobuccale droite après traitement orthodontique. Bonne intercuspidation et fermeture des diastèmes incisifs. F. Photo endobuccale de face. G. Photo endobuccale gauche. H. Radio panoramique de fin de traitement, attelle de contention en place. I. Photo endobuccale occlusale avec contention en zirconium incisivocanine maxillaire. 14 Odontologie/Orthopédie dentofaciale Orthodontie et parodontie ¶ 23-490-A-07 pour la stabilité des résultats parodontaux. Durant la phase de maintenance, le praticien devra éviter les récidives ou les ralentir ; il aura donc à assurer une partie diagnostique visant à rechercher des éventuels sites en activité et une partie thérapeutique en maintenant au niveau sous-gingival une flore compatible avec la santé parodontale. La dépose des appareillages orthodontiques et la mise en place de systèmes de contention créent une nouvelle situation pour le patient dans son hygiène buccodentaire quotidienne. Une modification des techniques de brossage associée le plus souvent à une modification du matériel s’avère alors nécessaire. La dépose des appareillages signifie fréquemment pour le patient la fin de son traitement, entraînant un certain relâchement dans la motivation et donc dans le contrôle de plaque. Le rôle du praticien devient alors primordial puisqu’il va consister à renforcer cette motivation sans laquelle la pérennité des résultats, tant parodontaux qu’orthodontiques, serait compromise. ■ Conclusion L’orthodontie joue donc un rôle important dans le traitement des maladies parodontales. Cette approche pluridisciplinaire nécessite, comme nous l’avons vu : • une parfaite coopération et une grande motivation du patient ; • une étroite collaboration dans la conduite du plan de traitement entre orthodontiste et parodontiste, ne serait-ce que pour obtenir et maintenir un parodonte assaini, exempt d’inflammation, condition préalable indispensable au traitement orthodontique chez le patient adulte et ce, jusqu’à la fin de celui-ci ; • une adaptation du traitement orthodontique en fonction des modifications parodontales liées à la maladie et à l’âge : utilisation de forces légères, contrôle de plaque et contention souvent définitive. La connaissance et la compréhension des règles de la physiologie et de la biomécanique permettent de réaliser les différents déplacements dentaires avec un maximum d’efficacité. Leur utilisation est plus difficile dans les situations de parodontes réduits et assainis qu’avec des parodontes sains mais, bien maniées, ces règles peuvent avoir la même efficacité dans les deux cas. L’application de celles-ci, en cas de parodonte réduit, demeure délicate, c’est au praticien de s’adapter à chaque cas avec toute sa compétence, sa prudence et sa modestie. Enfin, dans le cadre du remodelage et de l’aménagement parodontal orthodontique, il est important, pour les praticiens comme pour les patients, que les progrès, tant au niveau de la parodontologie que de l’orthodontie, soient connus et mis en pratique, dans le but d’optimiser et d’affiner les protocoles orthoparodontaux dans les années futures, mais aussi de servir la prothèse et l’implantologie. . 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