Chirurgie partielle des tumeurs du testicule : pour qui ? Comment ?

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Chirurgie partielle des tumeurs du testicule :
pour qui ? Comment ?
S. DROUPY, V. IZARD, S. FERLICOT, L. ROCHER, G. BENOÎT
Introduction
La prise en charge thérapeutique multidisciplinaire des cancers du testicule
telle qu’elle est réalisée aujourd’hui permet à la très grande majorité des patients
d’obtenir une rémission complète de longue durée ou la guérison. Les objectifs du traitement ont donc progressivement évolué vers la nécessité de restaurer une qualité de vie acceptable et de limiter les morbidités chroniques
induites par le traitement (1). C’est ainsi que la place de la lymphadénectomie et de la radiothérapie, les protocoles de chimiothérapie et récemment
le traitement chirurgical de certains cancers du testicule ont été modifiés.
La chirurgie conservatrice du cancer du testicule est aujourd’hui proposée
à certains hommes motivés, informés et encadrés par un suivi multidisciplinaire. Le dénominateur commun des indications de préservation d’un testicule porteur d’une tumeur est un souci d’épargne de pulpe testiculaire. Il peut
s’agir de petites lésions sur des testicules hypotrophiques chez des patients
consultant initialement en couple pour infécondité, de lésions dont l’aspect
échographique et le profil biologique permettent d’évoquer la nature bénigne
(leydigome) ou de tumeurs sur un testicule unique, quelle que soit la cause
de l’absence de testicule controlatéral.
L’imagerie écho-Doppler du contenu scrotal est donc un élément essentiel
de l’évolution de la prise en charge des tumeurs testiculaires, d’une part, par
le savoir-faire de spécialistes de l’imagerie sensibilisés au bilan multidisciplinaire de la fertilité des hommes et, d’autre part, grâce aux évolutions techniques de l’imagerie ultrasonore qui met à jour de petites lésions dans le cadre
des bilans de fertilité ou au cours de la surveillance du testicule restant après
orchidectomie pour cancer.
Les incidentalomes testiculaires
La pratique de l’échographie testiculaire, en particulier dans une population
d’hommes consultant pour bilan d’infertilité, mais également dans le cadre de
la surveillance du testicule restant après orchidectomie pour cancer, voire pour
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Cancer du testicule
douleurs scrotales persistantes inexpliquées, permet de découvrir actuellement
grâce à l’utilisation de sondes échographiques de haute fréquence de nombreuses
lésions testiculaires de petite taille (< 20 mm), parfois non palpables. Ces petites
lésions pour lesquelles le caractère tumoral malin est incertain, apparaissent de
plus en plus souvent proposées à la chirurgie partielle et à l’examen anatomopathologique extemporané. Une petite lésion hypo-échogène peu vascularisée
au Doppler évoquera plus volontiers une lésion interstitielle, leydigienne.
L’image du kyste épidermique en pelure d’oignon, très caractéristique en échographie, pourra conduire à proposer une chirurgie conservatrice de principe (2, 8). La plupart sont hypo-échogènes et l’attitude thérapeutique face à
ces « incidentalomes » testiculaires n’est pas aujourd’hui clairement établie. La
fréquence de ces « incidentalomes » a été évaluée à 2 % au cours d’échographies réalisées pour douleurs scrotales, traumatisme, varicocèle ou infertilité.
Parmi ces lésions, 60 % sont en fait palpables et 80 % sont histologiquement
bénignes (2). Les lésions bénignes les plus souvent observées sont :
– les lésions non tumorales (hématomes, infarctus, foyers inflammatoires,
nodules fibreux) : l’examen extemporané pourra infirmer la présence d’une
tumeur ;
– les kystes épidermiques : le diagnostic peut déjà être évoqué sur l’examen
macroscopique caractéristique de la lésion puis confirmé à l’examen extemporané ;
– les tumeurs des cordons sexuels (tumeurs à cellules de Leydig, tumeurs
à cellules de Sertoli, tumeurs mixtes de Sertoli-Leydig). Le diagnostic de
tumeurs à cellules de Leydig peut être suspecté sur la base d’une augmentation du taux d’œstradiol circulant et de l’aspect caractéristique jaune-orangé
de la tumeur. À l’inverse, le diagnostic de tumeur à cellules de Sertoli peut
être beaucoup plus difficile en examen extemporané ;
– les tumeurs adénomatoïdes : l’un des éléments clés dans la démarche diagnostique est la localisation plutôt paratesticulaire de ces lésions.
Les tumeurs bilatérales ou sur testicule unique
La chirurgie conservatrice a pour but d’assurer une préservation de la pulpe testiculaire afin de maintenir une fonction endocrine ou éventuellement exocrine.
Les tumeurs bilatérales du testicule, qu’elles soient synchrones ou consécutives, surviennent dans 2 à 5 % des cas. L’orchidectomie bilatérale reste la
seule option thérapeutique validée avec pour conséquence une infertilité, la
nécessité d’une androgénothérapie substitutive définitive et des troubles psychologiques induits par la castration chez un homme jeune. Il est aujourd’hui
possible de proposer à un homme porteur d’une tumeur testiculaire bilatérale synchrone ou métachrone la préservation partielle du parenchyme testiculaire non tumoral. Cette évolution permet de limiter les conséquences psychologiques et hormonales du traitement, puisque 85 % des hommes ne
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nécessitent pas d’hormonothérapie substitutive (1). Cette chirurgie conservatrice sera proposée à certaines conditions :
– proposition par un Comité Consultatif multidisciplinaire de Cancérologie
Urologique devant un cancer du testicule bilatéral ou sur testicule unique pour
une tumeur limitée de moins de 2 cm de diamètre ;
– tumorectomie sous ischémie froide :
• biopsie du lit tumoral et des marges de résection ;
• biopsies du parenchyme testiculaire à distance de la tumeur ;
• irradiation du testicule restant en présence d’une néoplasie germinale intratubulaire ;
• surveillance clinique, échographique et biologique régulière dans un centre
référent.
L’irradiation a pour objectif d’éviter la récidive qui surviendrait dans le
parenchyme restant. En effet, dans plus de 80 % des cas, les biopsies en parenchyme apparemment sain révèlent la présence de lésions de néoplasie germinale intra-épithélial. L’irradiation peut être différée de quelques mois afin de
permettre à la moitié des couples d’obtenir une grossesse naturelle (1).
Tumeur testiculaire et infertilité
L’attitude conservatrice pourrait dans certains cas permettre de préserver la
fertilité.
L’évolution de la prise en charge de l’infertilité masculine par la réalisation
d’échographies systématiques et d’un examen anatomopathologique des biopsies testiculaires est sans doute en cause dans l’augmentation de la fréquence
des tumeurs testiculaires découvertes dans les centres prenant en charge ces
patients (7 % dont 5,5 % de tumeurs malignes) (3). Le motif de prise en
charge initial de ces patients, la petite taille des tumeurs découvertes au cours
des bilans d’infertilité, la fréquence des tumeurs bénignes (45 %), la fréquence
des formes bilatérales (28 %) et les possibilités de procréation médicalement
assistée utilisant les spermatozoïdes épididymaires et testiculaires conduisent
à proposer une chirurgie conservatrice chez certains patients (3).
La tumeur peut être découverte à l’occasion du bilan d’infécondité lors de
la palpation par le spécialiste d’une lésion suspecte parfois déjà connue du
patient, ou lors de l’examen échographique actuellement classiquement recommandé lors du bilan de cette infertilité.
Cette tumeur peut également être découverte par l’examen échographique
dans le bilan du couple après la consultation avec le praticien andrologue, qui
n’a rien décelé par la palpation et a adressé le patient à un expert en imagerie
de la stérilité (4).
En présence d’une atteinte bilatérale, le pronostic dépend de la nature histologique de la lésion pouvant s’avérer différente au sein de chaque glande.
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Cancer du testicule
Il paraît logique de commencer par la lésion la plus grosse, la plus vascularisée et d’attendre le résultat histologique, quitte à différer de quelques jours
l’exploration inguinale controlatérale, surtout en cas d’infécondité.
Il faut toujours enlever les petites tumeurs, a priori germinales, mais également celles du tissu interstitiel. Ces dernières peuvent perturber localement
la spermatogenèse et grever les chances de trouver des spermatozoïdes dans
l’éjaculat ou dans la pulpe elle-même. Malgré sa bénignité, l’exérèse par voie
inguinale d’une lésion interstitielle doit être réalisée dans les mêmes conditions que celles préconisées pour la chirurgie conservatrice des tumeurs
malignes. Le chirurgien peut s’aider d’un repérage échographique peropératoire pour inciser l’albuginée en regard de ces petites lésions difficilement repérables au doigt. La présence d’une tumeur germinale peut s’accompagner d’une
altération persistante de la spermatogenèse en postopératoire, d’autant plus
qu’il existe des lésions de néoplasie germinale intratubulaire associées. Un bilan
comprenant un nouveau spermogramme doit être réalisé six mois après.
Les tumeurs du testicule chez l’enfant
Si l’orchidectomie a longtemps été la règle, justifiée en cas de tumeur vitelline, la chirurgie conservatrice occupe actuellement une place plus large. Les
résultats d’études multicentriques récentes confirment que les tumeurs du testicule de l’enfant sont bénignes dans plus de 50 % des cas (5). Ainsi, la tumorectomie est recommandée en première intention pour toutes les tumeurs survenant avant la puberté, sauf en cas d’élévation anormale pour l’âge de
l’alpha-fœto-protéine évoquant une tumeur vitelline (6, 7).
Indications et limites de l’examen extemporané
lors de la chirurgie partielle
Cet examen ne concerne que des lésions supérieures à 5 mm, à marqueurs
non augmentés et sans aspect clinicoradiologique tumoral malin évident (9).
La localisation tumorale (lésion intra- ou paratesticulaire) et le taux des marqueurs sériques sont des éléments nécessaires pour le pathologiste au moment
de l’examen extemporané.
Les limites de l’examen extemporané sont les suivantes :
– il ne permet pas un échantillonnage complet de la tumeur ;
– dans un petit pourcentage de cas (environ 10 %), le diagnostic morphologique est incertain ;
– la présence d’une cicatrice fibreuse ne permet pas d’éliminer une tumeur
ayant totalement régressée (« burned-out »).
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Les indications de l’examen extemporané dans les petites lésions testiculaires vont croître en rapport avec l’augmentation de la découverte fortuite de
ces petites lésions. D’après la littérature, l’examen extemporané permet un diagnostic dans 90 % des cas.
Il ne peut en aucun cas valoir une analyse définitive, le patient sera prévenu
de la possibilité d’un complément d’orchidectomie en cas de doute. Si la quantité de matériel est suffisante pour l’examen standard après fixation et inclusion en paraffine, le fragment utilisé pour l’extemporané sera cryopréservé (9).
Technique chirurgicale
L’abord inguinal classique doit être la règle. La protection des berges de l’incision est un élément essentiel afin de prévenir la dissémination de cellules
tumorale lors de l’ouverture de l’albuginée.
L’ouverture de l’aponévrose du muscle oblique externe permet la dissection
du cordon spermatique jusqu’au niveau de l’orifice profond du canal inguinal.
Le dogme du clampage pédiculaire doit être discuté ici, sachant que les
cellules tumorales doivent posséder des caractéristiques particulières (diminution de l’expression des molécules d’adhésion cellulaire, surexpression de
protéases ou de facteurs de croissance) pour être responsable d’une dissémination métastatique. Il paraît donc possible d’éviter le clampage du pédicule
lors d’une tumorectomie testiculaire afin d’éviter que l’ischémie prolongée
n’augmente le risque d’hypotrophie testiculaire. Si le clampage vasculaire
s’avère nécessaire, il est alors indispensable, si le patient souhaite préserver ses
chances d’obtenir une grossesse naturellement, de ne pas clamper le déférent.
Le testicule doit alors être refroidi afin de limiter les conséquences de l’ischémie chaude qui peut altérer définitivement les cellules de Leydig et de
Sertoli, au-delà de 30 minutes.
L’échographie associée au Doppler pulsé peut être utilisée en peropératoire
pour repérer la tumeur si elle n’est pas palpable. La tumorectomie est réalisée
en effectuant une marge de 1 à 2 mm autour de la tumeur. On réalise des
biopsies de pulpe présumée saine, prélevée à distance de la tumeur et immédiatement fixée dans l’AFA (alcool éthanol formol acétique) et non dans le
Bouin aqueux, fixateur désormais jugé trop agressif pour des études génétiques
ultérieures sur les prélèvements. C’est sur la pulpe testiculaire adjacente à la
tumeur que l’on recherchera de la dysplasie germinale intratesticulaire, qui,
si elle est présente, existe de façon uniforme dans le parenchyme présumé
sain (10). L’examen extemporané est volontiers abandonné au profit de
l’examen définitif pour les petites tumeurs isolées (moins de 5 mm) survenant sur le testicule le plus trophique. L’albuginée est refermée après contrôle
des marges de résection. Le patient sera prévenu de la possibilité d’une nouvelle
intervention et du risque de récidive. Il ne paraît pas souhaitable de biopsier
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Cancer du testicule
le testicule controlatéral, sauf dans certains particuliers où le risque de néoplasie germinale intratubulaire est non négligeable.
Examens associés dans le cadre d’une infertilité
L’examen de la pulpe à visée pronostique pour la spermatogenèse peut être
souhaitable : examen extemporané de pulpe microdisséquée et examinée à l’état
frais entre lame et lamelle au microscope (× 200), congélation de lame d’étalement pour étude FISH différée, prélèvement de pulpe pour examen et autoconservation en vue d’assistance médicale à la procréation (AMP), congélation de pulpe dans l’azote pour étude biochimique génétique des étapes de
la spermatogenèse (télomérases…).
Grâce à la pulpe prélevée, on peut tenter la conservation des spermatozoïdes
testiculaires dans l’azote pour utilisation différée en vue de micro-injection
dans l’ovocyte (intra cytoplasmic sperm injection ou ICSI).
Ce geste est particulièrement recommandé lorsque le caractère obstructif
de la tumeur, située dans la zone d’émergence du rete testis vers les cônes
efférents, participe aux causes de l’azoospermie, et ne permet pas de préserver
des spermatozoïdes à partir des éjaculats préopératoires.
La question du risque conceptionnel utilisant des spermatozoïdes prélevés
dans une gonade siège de tumeur n’est pas résolue.
La surveillance
La surveillance après chirurgie conservatrice nécessite une prise en charge
multidisciplinaire comprenant notamment la réalisation d’une échographie.
Le suivi hormonal et de la fertilité de ces patients représente également un
élément important. Il convient d’effectuer une échographie postopératoire
pour définir l’aspect cicatriciel initial, le testicule resté en place représentant
un site privilégié de rechutes à plus ou moins long terme, en particulier lorsque
la biopsie de la pulpe saine aura mis en évidence une néoplasie germinale.
Ceci d’autant plus que l’intéressé souhaite pouvoir conserver sa spermatogenèse
et ne pas réaliser une irradiation prophylactique du parenchyme restant (11).
Conclusion
Les progrès réalisés dans la prise en charge des tumeurs testiculaires et la
meilleure connaissance de l’histoire naturelle de ces tumeurs conduisent à proposer actuellement dans ces circonstances bien précises une chirurgie conservatrice, le plus souvent chez des patients monorchides, dans certains cas de
par la simple présence d’une tumeur de petite taille de découverte fortuite.
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Cette attitude nécessite néanmoins une prise en charge spécialisée assurant
un suivi à long terme de ces patients.
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