VALVE
AORTIQUE:
UNE PORTE
AU CŒUR
DE LA VIE
HIRSLANDEN LAUSANNE
CLINIQUE BOIS-CERF
CLINIQUE CECIL
LE 19 FÉVRIER 2014, À L’HÔTEL ALPHA-PALMIERS, DEUX
CARDIOLOGUES ET UN CHIRURGIEN CARDIAQUE DE LA
CLINIQUE CECIL, LES DRS FRANCINE TINGUELY,
PATRICK RUCHAT ET ALEXANDRE BERGER, ONT
DÉCRIT LES TROUBLES POUVANT AFFECTER
LA VALVE AORTIQUE ET LES DIFFÉRENTES
INTERVENTIONS THÉRAPEUTIQUES ET
CHIRURGICALES DISPONIBLES.
UN CLAPET AU RÔLE CRUCIAL
Située à la sortie du ventricule gauche du cœur, la
valve aortique est une sorte de petit clapet formé
de trois feuillets. Elle joue un rôle crucial dans le
fonctionnement de notre cœur, comme la
expliqué la Dr Francine Tinguely, spécialiste FMH
en cardiologie. Elle permet en effet au sang
«propre», qui sest chargé doxygène dans les
poumons, daller dans laorte puis d’irriguer tous
les organes et tissus périphériques.
On peut comparer ce clapet à une porte qui
souvre et se ferme pour laisser passer le sang.
Quand ce portail ne souvre pas suffisamment, on
souffre de sténose aortique et lorsquau contraire
il ne se ferme pas correctement, d’insuffisance
aortique. Il arrive aussi que la valve elle-même soit
affectée par des infections ou que des maladies
congénitales lempêchent de bien fonctionner.
En cas de suspicion d’un dysfonctionnement de la
valve aortique, le premier moyen d’investigation
est lauscultation cardiaque. Auparavant, les
médecins plaquaient leur oreille contre le thorax
de leur patient pour écouter son cœur.
Aujourd’hui, ils utilisent un stéthoscope qui leur
permet dentendre un «souffle», cest-à-dire un
bruit qui se superpose à ceux que fait
normalement la valve quand elle souvre et se
ferme. Lexamen se poursuit par un
électrocardiogramme qui enregistre les signaux
électriques du cœur par l’intermédiaire
délectrodes placées sur le thorax du patient.
LA VALVE AORTIQUE, SORTE DE CLAPET QUI ENVOIE DU SANG OXYGÉNÉ VERS L’ENSEMBLE DU
CORPS, S’OUVRE ET SE FERME ENVIRON 3 MILLIARDS DE FOIS AU COURS DE NOTRE VIE. RIEN
D’ÉTONNANT À CE QU’ELLE PUISSE S’USER AU COURS DU TEMPS. DIVERSES TECHNIQUES
CHIRURGICALES PERMETTENT ALORS DE LA REMPLACER PAR UNE PROTHÈSE.
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Pour compléter les investigations, on peut avoir
recours à léchocardiographie (qui permet de voir
la valve aortique et dévaluer son
fonctionnement), ainsi quà l’IRM (imagerie par
résonnance magnétique). On peut aussi faire
appel à un examen plus invasif, le cathétérisme. Il
consiste à introduire une petite aiguille dans une
artère radiale (du bras) ou fémorale (de la jambe)
et à lamener jusquau cœur afin de mesurer les
pressions à l’intérieur de lorgane et de préciser
certaines particularités de la valve. Ce mode
d’investigation est employé chez des patients qui
devront être opérés.
LE POINT PAR
DES SPÉCIALISTES
SUR LES TRAITEMENTS
ACTUELS DES MALADIES
DE LA VALVE AORTIQUE
Valve aortique Valve tricuspide Valve mitrale
Selon son degré et le niveau de sédentarité du patient, la sténose aortique peut saccompagner de
différents symptômes. Lorsquelle est significative, elle peut entraîner une syncope, une dyspnée – cest-
à-dire une difficulté à respirer, pendant leffort et même parfois au repos – ou des douleurs dans la
poitrine (angine de poitrine). Il sensuit une insuffisance cardiaque qui, si elle nest pas traitée, peut
conduire à un œdème pulmonaire, voire, chez les personnes souffrant d’une sténose aortique serrée, à
une mort subite.
Il existe en effet plusieurs grades de sténose aortique. Si celle-ci est «discrète», la valve ne souvre pas
complètement, mais suffisamment toutefois pour laisser passer le sang. Dans ce cas, il nest pas
forcément nécessaire dopérer et il suffit souvent de suivre cliniquement le patient afin dobserver le
développement de sa maladie. En revanche, quand la sténose est «serrée» et symptomatique, il est
cessaire d’intervenir chirurgicalement, car il nexiste aucun médicament pour traiter cette pathologie.
Quand faut-il opérer? La décision est prise
lorsque le risque dévolution de la maladie est
supérieur au risque de l’intervention. Ce dernier
samenuisant au fil des ans, on a tendance à
intervenir de plus en plus tôt, ce qui nest pas sans
soulever de questions. D’un autre côté, grâce aux
progrès réalisés en chirurgie, on peut désormais
opérer des personnes de plus de 90 ans.
L’une des options possibles est la chirurgie
cardiaque conventionnelle qua présentée Patrick
Ruchat, spécialiste FMH en chirurgie
cardiovasculaire. Lopération se fait à cœur ouvert,
à laide d’une machine assurant une circulation
extracorporelle qui se substitue au cœur et aux
poumons pendant la durée de l’intervention. Elle
vise soit à réparer la valve défaillante, soit à la
remplacer par une prothèse.
Dans la mesure du possible, on tente en effet de
préserver la valve du patient en la remodelant
dans une prothèse vasculaire aortique,
notamment à laide de lenveloppe entourant le
cœur (péricarde). Cette chirurgie réparatrice est
plus intéressante quand le malade est jeune, car
ses tissus pourront se régénérer.
Toutefois, dans 90% des cas, on est amené pour
des raisons anatomiques à implanter une
prothèse. Celle-ci doit répondre à plusieurs
critères: elle doit avoir une grande longévité, bien
laisser passer le sang, être facile à implanter et ne
pas entraîner la formation de caillots sanguins.
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Cest dire que la valve idéale est celle que nous
avons naturellement. Mais lorsque ce clapet est
faillant, il est préférable de la remplacer plutôt
que de ne rien faire.
La première prothèse valvulaire, en forme de
boule, est appelée Starr-Edward, car elle a été
inventée en 1960 par deux Américains, le
chirurgien cardiaque Albert Starr et l’ingénieur
Lowell Edwards. Depuis, de nombreux modèles
sont apparus sur le marché, les derniers étant
constitués de deux feuillets qui souvrent et se
ferment comme les valves naturelles.
Ces prothèses valvulaires mécaniques ont
toutefois des inconvénients. Ce sont des corps
étrangers et, quand ils sont en contact avec le
sang, ils provoquent la formation de caillots
sanguins. Les patients implantés doivent donc
prendre durant toute leur vie des anticoagulants
oraux pour fluidifier leur sang. Tel nest pas le cas
des prothèses biologiques (valves porcines ou
dautres fabriquées avec du péricarde bovin) qui,
en outre, permettent un écoulement plus régulier
du sang que les dispositifs mécaniques. En
revanche, elles supportent moins bien queux les
contraintes qu’imposent les nombreuses
ouvertures et fermetures et elles ont tendance à
se rigidifier. Leur durée de vie est donc plus
limitée.
Cest pour cette raison que le choix de la valve
dépend de lâge du patient. Chez les personnes
CHIRURGIE CONVENTIONNELLE À CŒUR OUVERT...
jeunes qui ne présentent pas de contre-indications pour les anticoagulants, on privilégie les valves
mécaniques qui sont quasi inusables. Alors que chez les plus âgées, on peut implanter des valves
biologiques dont la durée de vie est de 20 à 25 ans. On utilise aussi ce type de valve pour traiter des
jeunes femmes car, en cas de grossesse, elles ne pourront pas prendre danticoagulants. Plus tard, il n’y
aura pas de risque à les opérer à nouveau pour leur mettre une valve mécanique.
Lorsqu’un patient souffre dendocardite (inflammation de la valve cardiaque souvent due à une
infection), il nest pas possible de lui implanter des prothèses mécaniques ou biologiques qui sont des
structures inertes. On a alors recours à des greffes de valves humaines prélevées chez des personnes
cédées. Ces «homogreffes» nentraînent pratiquement pas de problème de rejet. Les valves sont en
effet constituées de collagène, une substance spécifique à lespèce humaine, dont la surface a été
débarrassée des cellules susceptibles de provoquer des rejets.
La chirurgie conventionnelle nécessite des opérations lourdes. Toutefois, la plupart des patients
supportent bien ces interventions qui, une fois achevée la période de convalescence, améliorent
nettement leur situation.
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Pour les patients qui ne peuvent pas bénéficier
d’une opération à cœur ouvert de ce type, il existe
désormais une alternative: lapproche percutanée
ou TAVI, qui a été présentée par le Dr Alexandre
Berger, spécialiste FMH en médecine interne et
cardiologie.
Cette technique est récente, puisquelle a été
initiée par le professeur français Alain Cribier, qui
la testée pour la première fois en 2002. Elle
consiste à implanter la nouvelle valve à laide d’un
cathéter que lon introduit dans lartère fémorale
de la jambe droite pour lamener à sa place
définitive où elle se substituera à la valve
faillante.
Il existe actuellement deux types de valves
implantables par la technique TAVI. Celle dite
Edwards-SAPIENTM qui a été utilisée par Alain
Cribier, est fabriquée en péricarde de bœuf. Quant
à la Medtronic CoreValve©, mise sur le marché en
2004, elle est constituée de trois feuillets de
péricarde de porc suturés sur un alliage de nickel,
de titane et dacier trempé. Toutes deux existent
en quatre tailles différentes, afin de convenir à
lanatomie des différents patients.
L’intervention passe par un travail déquipe. Elle
cessite la présence de six ou sept médecins –
… OU PAR VOIE PERCUTANÉE
des anesthésistes, cardiologues non invasifs,
cardiologues interventionnels, chirurgiens
cardiovasculaires – et d’une dizaine
d’infirmier(ière)s.
Certains de ces infirmier(ière)s ont été
spécialement formés pour remplir une tâche très
délicate: la préparation de la valve. Celle-ci
mesure en effet environ 2,5 cm de diamètre et elle
devra pénétrer dans un petit trou qui ne fait que 6
mm de diamètre. Il est donc nécessaire de la sertir
sur un cathéter de largage en la faisant
progressivement passer par une série
dentonnoirs, puis de lemprisonner à laide d’un
capuchon. Le travail seffectue dans leau froide,
car à basse température il est aisé de déformer la
valve qui reprend ensuite sa forme originelle à
l’intérieur du corps humain.
En parallèle, les médecins préparent le patient
pour l’intervention. Ils introduisent dabord un
premier cathéter dans lartère fémorale gauche.
Ce mince tuyau servira à acheminer dans laorte
un deuxième cathéter - nommé «de pig» car son
extrémité ressemble à la queue d’un cochon. Ce
dernier a plusieurs fonctions : il servira de repère
lors de l’implantation de la valve, il mesurera la
pression artérielle durant l’intervention et il servira
enfin à injecter le produit de contraste destiné à
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confirmer que la prothèse est bien en place. Les
cardiologues insèrent ensuite un troisième
cathéter dans la veine fémorale, toujours sur la
jambe gauche, afin dacheminer un pacemaker qui
pourra prendre le relais du cœur si, au cours de
lopération, il détecte des problèmes de
conductivité électrique dans lorgane.
L’implantation de la prothèse peut alors
commencer, par la voie fémorale gauche. La
première étape consiste à introduire jusquau
ventricule du cœur une petit fil rigide qui servira
de guide pour acheminer le reste du matériel. Il
faut ensuite dilater, à laide d’un ballonnet, la valve
naturelle dont les feuillets sont calcifiés. Puis vient
l’implantation proprement dite. La nouvelle valve
est positionnée au bon endroit où, une fois le
capuchon du cathéter de largage retiré, elle
sétend en partie et s’implante dans laorte. Il
sagit d’une opération très délicate, car une fois
en place, la valve ne pourra plus être déplacée. La
tâche est dautant plus difficile que le cœur
continue de battre. En outre, le moment est
critique: à ce stade, la valve aortique naturelle est
inopérante, car elle est écrasée par la nouvelle
qui, elle, ne fonctionne pas encore car elle nest
pas encore entièrement déployée. Ce nest
quensuite quon la libère complètement.
Cette phase finale – le positionnement et le
déploiement de la valve – ne dure que quelques
minutes, sur les deux heures et demie que
demande lensemble de l’intervention. Il ne reste
plus quà ôter le cathéter de largage et à
introduire un produit de contraste dans laorte
pour sassurer que le dispositif implanté
fonctionne bien.
Globalement, on parvient à implanter des valves
par voie percutanée à 98% des patients éligibles
pour ce type d’intervention. Avec de bons
résultats puisque 88% des personnes qui en ont
bénéficié sont encore en vie au bout d’un an, une
performance analogue à celle de la chirurgie
conventionnelle. Ces deux techniques
chirurgicales ont dailleurs, quantitativement, les
mêmes pourcentages de risques, mais ceux-ci ne
sont pas de la même nature.
Lapproche percutanée est une technique encore
jeune qui va évoluer au cours des prochaines
années. Les avancées passeront par de nouveaux
types de valves dont plusieurs devraient être mis
sur le marché en 2014 ou 2015. De nouveaux
systèmes de largage, qui permettront de
reprendre la valve et de la remettre en place si
elle est mal positionnée, devraient aussi être
disponibles cette année. Quant aux techniques
opératoires, elles devraient elles aussi connaître
des améliorations. Lapproche percutanée, pour
laquelle on manque de recul et qui nest
actuellement qu’une alternative à la chirurgie à
cœur ouvert, devrait ainsi pouvoir dans le futur
bénéficier à un plus grand nombre de patients.
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