d’écrivains, d’historiens et de socio-
logues québécois. Loin d’exalter une
culture enracinée dans une tra-
dition, ces intellectuels célèbrent
l’américanité du Québec, sacrée
caractère fondamental de son iden-
tité. Thériault met en relief les
impasses de ce discours par une
ample méditation sur la modernité
démocratique qui embrasse les so-
ciétés américaines et européennes.
L’américanité trahit le malaise de ces
intellectuels vis-à-vis de la moder-
nité, dont ils épousent la version
radicale en faisant litière de ses
dimensions subjectives.
En premier lieu, Thériault mon-
tre que l’américanité repose sur une
conception déterministe de la cul-
ture qui la fait dériver d’une forme
primaire d’appartenance. L’auteur
analyse quatre chemins de l’amé-
ricanité prétendant révéler l’être
véritable des Québécois : comme
être américain, l’Américain étant
pris comme idéal type de l’individu
affranchi de tout ; ensuite, comme
adaptation matérielle, l’Amérique
étant vue comme une pure exté-
riorité qui plie le monde vécu
aux systèmes fonctionnels ; comme
opposition à l’européanité, en ce
qu’elle vise à abolir toute distance
entre une culture première et une
culture seconde, se délestant de
toute référence à l’Europe ; enfin,
comme parcours des sociétés
neuves, thèse avancée par Gérard
Bouchard qui a voulu établir la
normalité « américaine » de la
société québécoise, bien que seule
nation d’Amérique qui ne soit pas
indépendante. Dans tous ces cas,
l’américanité est liée à la seule
dimension négative de la modernité
−ce qui détache l’individu de toute
appartenance −, sans voir sa dimen-
sion réflexive, qui le voit refaire
sans cesse des liens et du sens. Pour-
tant, les défenseurs de l’américanité
continuent d’appuyer la différence
québécoise.
Dans un deuxième temps, Thé-
riault s’interroge sur l’américanité
comme expression de la modernité
radicale. Celle-ci ne parvient pas à
concilier la rationalité instrumen-
tale avec la subjectivité et évacue
l’expérience politique en niant la
pertinence de l’homme comme
sujet. Or la démocratie moderne
s’active par la réunion de la rationa-
lité et du sujet, ce que les chantres
de l’américanité n’ont su voir. Cela
est vrai dans la manière dont des
historiens québécois ont écrit une
histoire du Québec qui honnit la
tradition et oublie la mémoire,
ainsi que dans la fausse querelle des
anciens et des modernes qui a
marqué la sociologie québécoise. La
montée de la modernité radicale au
Québec s’explique par l’emprise
croissante qu’y a exercée la techno-
cratie, la situation périphérique du
Québec qui exacerbe à retardement
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Recensions